Les enfants de la guerre
Chapitre onzième :
Ambiance musicale : No Honor In Blood - Two Steps From Hell
« Il faut parfois se rendre au bord du précipice pour comprendre à quel point on n’a plus envie de sauter. » - Nathalie Petrowski
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L’héroïne de guerre et l’ancien mangemort
Un an après la guerre, notre Premier Ministre organisait une soirée commémorative où les anciens élèves de Poudlard uniquement étaient conviés. Quelle ne fut pas la surprise de notre journaliste sur place de découvrir une relation cachée de tous ! Profit, chantage ? Découvrez toutes les réponses à vos questions dans l’article complet en page 7.
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Narcissa Malefoy tournait frénétiquement les pages de la gazette du sorcier. Sur la photo, illustrant l’article en question, elle reconnut immédiatement son fils parmi la foule. Malgré le visage caché par ses boucles brunes, l’identité de la jeune femme dans les bras de son fils ne faisait aucun doute : Hermione Granger. Si elle lut à toute vitesse l’article, sautant parfois des passages entiers pour se concentrer sur l’essentiel, elle resta un long moment à l’observer en détail : les traits tendus, le regard froid, il lui apparaissait soucieux.
Pourquoi la tenait-il dans ses bras ? Pourquoi, malgré son indifférence apparente, elle savait, rien qu’en le regardant, que cette jeune femme ne le laissait ni insensible, ni impassible ?
Elle connaissait son fils et même si elle n’avait pas toutes les réponses à ses questions, d’une certaine manière, elle était soulagée de le voir s’inquiéter pour quelqu’un d’autre. Pendant longtemps, elle avait eu peur qu’il ne soit plus jamais capable d’éprouver autre chose que de la haine envers lui-même. Elle pouvait donc garder espoir de le voir enfin délaisser le passé et envisager avec un peu plus de douceur le futur.
Elle replia le journal, attrapa un foulard en soie et un chapeau de feutre gris pour ne pas être trop reconnue et sortit de chez elle. Le manoir ayant été saisi par le ministère pour enquête, Narcissa occupait le dernier étage d’un hôtel particulier à Norwich. Le personnel et la direction faisaient preuve d’une grande discrétion à son encontre. Ce qui n’était pas toujours le cas de la clientèle. Certains la toisaient avec dédain, d’autre avec dégoût. Elle les ignorait simplement, n’écoutant pas le pincement dans son cœur, et poursuivait son chemin la tête haute. Elle emprunta le réseau de cheminées pour se rendre directement au chemin de Traverse et rejoindre, à pied, Leinster Garden. En traversant la partie moldue de Londres, elle ôta son chapeau et son foulard qui lui tenaient beaucoup trop chaud en ce magnifique mois de Mai.
Lorsqu’elle arriva aux abords du numéro 19, elle vit son fils sortir de l’immeuble et sourit tendrement, contente à l’idée de passer un moment avec lui. Elle se hâta pour le rejoindre mais se stoppa net en apercevant la jeune femme aux boucles brunes sortir à son tour. En grande conversation, ils ne la voyaient pas et marchaient côte à côte dans la direction opposée. Elle les suivit furtivement, sans réellement savoir pourquoi, sans doute la surprise de les voir ensemble ailleurs que sur une photo dans un article de presse douteuse.
XXXXX
Hackney Road était divisée en deux parties. D’un côté la rue moldue, où beaucoup de boutiques avaient mis la clef sous la porte ; les clubs de striptease aux devantures peu avenantes et l’ancien hôpital pour enfants désaffecté participaient à donner une ambiance de zone industrielle vieillotte à l’ensemble. Mais c’était aussi des chantiers de construction et de nouvelles vitrines apportant un véritable coup de jeune à la rue. On sentait l’influence des banlieues branchées à proximité ; les nouveaux immeubles étaient plus moderne, les magasins eux même se diversifiaient, proposant toujours plus de choix à une clientèle rajeunissante et plus dynamique.
La partie sorcière était plus petite, ressemblant au centre d’un bourg anglais du XVIIème siècle. On pouvait y accéder par cheminée ou transplanage mais aussi par la boutique ‘’Charmes et Envoutements’’. Comme de ce côté de Londres, beaucoup de sorciers étaient mariés à des moldus ou commerçaient avec eux, cette boutique créait une passerelle entre les deux mondes en proposant la location de vêtements moldus. Si vous n’étiez pas un sorcier, la boutique offrait ses services en voyance et divination, ainsi que de la vente d’herbes aux vertus aussi variées qu’exotiques. Mais si vous étiez munis de votre baguette, vous pouviez vous glisser derrière le tableau de la jeune fille se brossant les cheveux et emprunter pour quelques noises une tenue vous faisant passer inaperçu aux yeux de tous, vous donnant l’occasion de flâner dans les boutiques moldues incognito.
Ainsi, Hermione et Drago voulurent profiter de la météo clémente pour se promener, faire quelques emplettes et, surtout, éviter les sujets fâcheux et les rues bondées du Chemin de Traverse. Ils avaient donc opté pour Hackney Road ; moins grande et moins tape à l’œil. Sans se soucier des regards interloqués par la piclier perchée sur l’épaule de la jeune femme, ils traversèrent la route et s’arrêtèrent un instant devant l’échoppe de divination. Narcissa, qui les suivait toujours, ne fit pas attention et, en voulant traverser à son tour, manqua de se faire renverser par une voiture. Un homme la rattrapa in extremis. Et, le temps qu’elle retrouve ses esprits, elle avait perdu de vue son fils et Hermione. Elle pesta contre ces satanés moldus qui ne faisaient attention à rien avec leurs fichues diligences à moteur.
« Vous n’avez rien de cassé ?
- Je vous demande pardon ?
- Madame, je vous demande si vous allez bien.
Elle dévisagea l’homme face à elle. Grand, des cheveux poivre et sel regroupés négligemment en un chignon lâche, il la fixait avec une expression douce. Sa main, encore dans son dos pour l’empêcher de tomber, lui semblait démesurée par rapport à elle. Elle remarqua aussitôt les cicatrices et les coupures récentes sur la main qu’il lui tendait, se disant que ce moldu devait très certainement faire un travail manuel. S’il y a quelques années encore, elle se serait offusquée d’avoir été ainsi bousculée et rattrapée par un inconnu, aujourd’hui cela lui importait peu. Elle se redressa et épousseta sa robe d’un geste rageur.
- Saletés de mold…
Elle se tut en se souvenant qu’elle se tenait justement face à l’un de ces ‘’saletés de moldus’’.
- Les jeunes de nos jours, ils ne font plus attention à rien ! Toujours pressés ! Venez-vous asseoir un moment, Madame, je m’en voudrais de vous voir faire un malaise juste devant ma boutique.
Narcissa tourna les yeux vers la vitrine et murmura pour elle-même le nom brodé sur la toile tendue :
- Les fleurs d’Anton…
- Tout à fait, Madame. Cette boutique appartenait à mon grand-père. Nous sommes fleuristes depuis 3 générations déjà !
Ne lui prêtant déjà plus aucune attention, elle chercha son fils du regard.
- Êtes-vous sûre que vous allez bien ? Je peux vous appeler un taxi si vous voulez. »
Elle se détourna sans un mot de l’enseigne et du fleuriste et refit la route dans le sens inverse. Bien décidée à parler avec son fils, elle s’assit sur un banc face à l’immeuble de Leinster Garden.
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Hermione sentit une boule d’angoisse tomber dans son ventre en entrant dans la boutique. Même si elle avait peu de souvenirs du moment où Bellatrix et ses complices l’avaient amenée ici, elle craignait que des images ressurgissent. Mais elle fut la première surprise par la chaleur du lieu et se détendit considérablement en voyant le visage tranquille et avenant de la gérante. Ils se glissèrent derrière l’épaisse tenture en velours rouge permettant d’accéder à la porte donnant sur le bourg sorcier. Ils firent un tour dans la vieille librairie, où elle dénicha un exemplaire des ‘’poésies sorcières’’ de Rudolf Rimenssak. Puis, ils burent un jus de citrouille chez Lady Boistôt avant de repartir.
Sur le retour, Hermione laissa la piclier s’envoler. Après la commémoration, elle avait tenté de la rendre au ministère, mais l’oiseau avait manifesté son refus, donnant à qui voulait les séparer de grands coups de bec réprobateurs. La créature semblait réellement s’être attachée à la jeune femme en à peine quelques jours. Sa conversation avec le Premier Ministre choisit ce moment pour refaire surface, et son sourire s’effaça tristement. Elle ne se souvenait toujours pas être rentrée à leur appartement après la soirée. Trop secouée sur le moment, elle était restée blottie dans les bras de Drago pendant de longues minutes à pleurer sans même se rendre compte qu’ils étaient chez eux. Parfois, un sanglot plus fort lui avait fait resserrer son étreinte autour d’elle. Il ne l’avait pas lâchée, attendant qu’elle se calme. A bout de force, elle avait fini par se lever péniblement et se traîner jusqu’à sa chambre où elle s’y était enfermée. Les mots de Kinglsey avaient alors tourné en boucle dans sa tête et elle avait sorti, d’une malle sous son lit, les plans, cartes et itinéraires qu’elle préparait depuis des mois pour atteindre Bellatrix. Les yeux rougis et gonflés, elle avait senti sa volonté, jusqu’alors sans faille, fondre comme neige au soleil. Subitement, toute cette histoire d’emporter Lestrange avec elle dans la mort lui avait semblé profondément ridicule, surtout maintenant que le Ministère s’en mêlait. Et puis, il y avait Drago… Comment ne pas penser à lui ? De petit con prétentieux et arrogant, il était devenu un ami précieux sur lequel se reposer. Un léger sourire aux lèvres, elle avait frissonné en repensant à ses yeux, à la chaleur de ses bras l’entourant, à sa respiration calme et sereine en toute circonstance… Il était plus qu’un ami ; il était un pilier dans sa vie et il l’empêchait de sombrer dans le désespoir le plus total. Alors, non, elle ne pouvait plus mettre son plan à exécution, plus maintenant. Elle regarda, presque jalousement, la piclier s’élever avec grâce dans les airs ne devenant plus qu’un petit point noir et blanc dans un ciel parfaitement bleu.
A quelque dizaines de mètres de chez eux, elle vit Drago se figer d’un coup et fixer quelque chose, ou plutôt quelqu’un, devant leur immeuble. Hermione suivit son regard et manqua de s’étouffer avec sa salive.
Tous les trois se jaugèrent du regard : inquiétude et questions se mêlant dans une conversation silencieuse. Drago fut le premier à rompre le silence. Il se dirigea vers sa mère et la prit dans ses bras :
« Maman, qu’est-ce que tu fais là ? Est-ce que tout va bien ?
« Maman ?... »
Surprise, le mot était faible ! Hermione ne savait pas si elle devait rire ou prendre ses jambes à son cou. Narcissa Malefoy posa ses yeux sur elle et, devinant son malaise, s’avança doucement en lui tendant la main.
- Bonjour Miss Granger.
La jeune femme hésitait mais refusait d’être impolie. Alors, timidement, elle serra la main de Narcissa.
- Miss Malefoy… Je..
Elle aurait juré voir une grimace sur le visage de Narcissa, la même que Drago quand on l’appelait par son nom de famille. Comprenant qu’elles étaient aussi peu à l’aise l’une que l’autre, Hermione s’arma de son sourire le plus engageant et reprit :
- Je suis heureuse pour Drago qu’il puisse passer un moment avec sa mère. Que diriez-vous d’une tasse de thé ?
Touchée par son invitation, la sorcière acquiesça silencieusement. Hermione passa la première, ouvrant la marche jusqu’à leur appartement. Drago la regardait, abasourdi, guider sa mère dans les étages comme si la situation était tout ce qu’il y avait de plus banal. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres : n’en finirait-elle donc jamais de l’étonner ?
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Une fois installée autour de la table, Hermione servit deux tasses de thé.
- Je vais vous laissez discuter, s’excusa-t-elle en se dirigeant vers le couloir.
Narcissa la retint.
- Je pense que nous devrions discuter ensemble. Certaines choses vous concernent également.
A contrecœur, Hermione s’assit avec les Malefoy et se servit une tasse, les mains tremblantes. Que pouvait bien lui vouloir Miss Malefoy en personne ?
Les minutes s’égrenèrent, seul le choc des cuillères sur la porcelaine venait troubler le silence de plomb.
Narcissa se racla la gorge.
- Je dois dire, Miss, que je ne m’attendais pas à vous voir vivre ici. Mais je comprends enfin pourquoi mon fils ne voulait pas que je lui rende visite.
- Tu ne lui avais rien dit ?
- Visiblement, reprit Narcissa, il ne vous a rien dit non plus à mon sujet.
Hermione fronça les sourcils. Narcissa regarda le fond de sa tasse qui semblait détenir en cet instant les vérités sur l’univers.
- Je… Je vous prie de croire, Miss, que je suis on ne peut plus sincère quand je vous dis que je suis désolée. Ce que ma sœur vous a fait… Quelle horreur ! Peu importe la naissance, je hais ceux qui s’en prennent aux enfants. Vous n’étiez tous que des enfants et cette guerre stupide…
Narcissa ne put continuer sa phrase et réprima un sanglot. Drago voulut sortir un mouchoir mais Hermione fut plus rapide. Elle le lui tendit doucement en souriant tristement. Elle aurait voulu lui dire combien ses mots la touchaient. De savoir qu’une femme comme elle, avec la réputation qu’elle avait, était désolée de ce qu’elle avait subi, la rendait fébrile au point d’en perdre la parole. Les deux femmes échangèrent un regard lourd de sens. Un éclair gris passa dans les yeux de Narcissa et elle se redressa presque aussitôt.
- C’était pour elle ?
Drago, qui n’avait pas bougé d’un millimètre tant la scène lui paraissait surréaliste, s’écrasa un peu plus sur sa chaise, voulant se faire aussi petit que possible.
- Tout ce que tu m’as demandé sur notre famille aux Orcades. Vous êtes allés voir Muireann, n’est-ce pas ?
Hermione se tourna vers son colocataire, un mélange de colère et d’indignation assombrissant son regard.
- Ça non plus tu ne lui en as pas parlé ? Mais Drago, c’est ta mère quand même ! Tu n’imagines pas ce que je donnerais pour ne serait-ce que voir mes par…
Elle se tut, se frappant mentalement d’en avoir trop dit. Peu de gens savaient qu’elle avait exilé ses parents pour leur propre sécurité en Australie en leur créant de faux souvenirs, s’effaçant au passage de leur mémoire. Des larmes envahirent ses yeux et Drago s’en voulut instantanément de la faire pleurer.
- Je suis désolé… Je ne voulais pas. C’est juste que… Je ne savais pas comment aborder le sujet. Franchement, tu aurais réagi comment si je t’avais dit : Au fait, c’est ma mère qui a révélé l’adresse de l’endroit où tu étais retenue à Kingsley. C’est grâce à elle qu’ils ont pu venir te sauver. Du coup, je l’invite dimanche pour un brunch et on pourra se faire une partie de bavboules ! Ah, et maman, pendant que j’y pense, tu devineras jamais qui est ma nouvelle colocataire. Elle a débarqué un jour dans ma cuisine, et après des jours à s’échanger des petits mots, on est tombé l’un sur l’autre. Et le plus drôle c’est que je suis am…
Il réalisa ce qu’il était en train de dire et se stoppa net dans sa tirade, rouge jusqu’à la pointe de ses cheveux. Il tenta de reprendre contenance avant de finir sa phrase.
- … ami… Je suis ami avec elle.
Hermione et Narcissa se regardèrent et un sourire amusé se dessina sur leur visage.
- Vous voyez ce que je vis au quotidien ?
- Je vous assure, Miss, que les 18 dernières années n’ont pas été de tout repos non plus...
- Je ne vous envie pas du tout. Mais je vous en prie appelez-moi Hermione. Du thé ?
- Volontiers.
Elles continuèrent de discuter ensemble comme si Drago n’était pas là. Médusé, il alternait entre sa mère et Hermione ne sachant pas s’il devait rire ou pleurer de la situation. Si ses ancêtres pouvaient voir ça, il devait déjà être maudit sur plusieurs générations. Mais en cet instant, malgré tout, il ne voulait pas être ailleurs qu’avec les deux femmes qu’il aimait et respectait le plus sur cette terre.
Après plusieurs plaisanteries sur le comportement de Drago enfant, ce dernier remarqua la gazette du sorcier plié soigneusement sous le chapeau et le foulard de sa mère. Elle savait pertinemment qu’il ne lisait plus ce journal. Il les interrompit au beau milieu d’une phrase en montrant le papier du doigt :
- Pourquoi tu l’as amené ?
Narcissa se renfrogna, elle passait un surprenant mais agréable moment et ne voulait pas tout gâcher avec ce torchon. Les lèvres pincées, elle déplia le papier et le tendit à Hermione et Drago.
- Un article sur vous à la commémoration a été publié. Et il y a une photo.
Drago arracha le journal des mains de sa mère.
- Quelle bande de rapaces !
Hermione perdit son sourire aussitôt, le poids de ses souvenirs pesant à nouveau sur elle.
- ‘’A-t-elle subi un sortilège ? Aux dernières nouvelles, notre héroïne de guerre préférée avait quitté le monde des sorciers pour vivre avec les moldus. Comment s’est-elle retrouvée à fréquenter un ancien mangemort dont le nom…’’
Drago se tut, trop enragé par cette immondice qu’il tenait entre les mains. Hermione s’en saisit et parcourut l’article rapidement. A la fin de l’article, plusieurs personnes avaient donné leur avis, dont le Premier Ministre en personne. Sa bouche s’arqua dans un rictus entre cynisme et sarcasme. Elle lut à voix haute :
- ‘’Une bonne fois pour toute, et vous pouvez noter ce que je vais vous dire, Miss Granger et Monsieur Malefoy n’ont de compte à rendre à personne. Personne, vous m’entendez ? Si c’est là leur façon de faire la paix avec le passé, alors je leur souhaite de tout cœur que leur amitié leur apporte le réconfort dont ils ont besoin. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai un pays à remettre sur pied.’’ La déclaration de notre Premier Ministre ne laisse que peu de place aux doutes. Mais n’ayez crainte, chers lecteurs, nos investigations continueront… Blablabla. Ils n’ont vraiment honte de rien ces pseudos journaleux !
Pour faire bonne mesure, Hermione fit une grosse boule du journal et la jeta dans la cheminée avant d’y mettre le feu pour finir le travail. Elle retourna s’asseoir, la satisfaction se lisant sur son visage.
- Voilà où est sa place à ce torchon. Je suis amie avec qui je veux. Que ça leur plaise ou non.
Drago et Narcissa l’avaient regardée faire et échangèrent un regard. Si Hermione ne voyait rien, ce n’était pas le cas de Narcissa. Elle savait qu’il aimait cette jeune femme, elle voyait la façon dont il la regardait, s’inquiétait pour elle, faisait attention à ses mots, ses gestes. Elle lui sourit tendrement, lui faisant comprendre qu’elle ne lui souhaitait que le bonheur d’être aimé en retour. Drago tourna son regard vers Hermione qui lui offrait son plus beau sourire :
- Problème réglé.
- C’est sûr que vu comme ça, tout semble facile à résoudre.
- Et bien justement, nos vies sont déjà bien assez compliquées comme ça. Je ne me laisserai pas miner le moral par ces vautours qui osent appeler leurs articles du journalisme. Ils sont la honte de cette profession et ne mérite rien de plus que notre ignorance. De toute façon, je ne serai bientôt plus de ce monde pour subir leur véhémence.
Drago grimaça en entendant ses paroles. Ils n’avaient que peu reparlé de la révélation du triton : dans le train, à leur retour des Orcades, et une fois chez eux, dans le calme de leur salon. Hermione avait perdu tout espoir de guérison ce jour-là. La maigre consolation de savoir que Bellatrix n’en réchapperait pas vivante non plus ne suffisait pas à lui donner la force de continuer. Drago s’efforçait de lui apporter un peu de lumière au quotidien, tentant maladroitement de la raccrocher à la vie. Il regrettait d’avoir rendu visite à Muireann. S’il avait su, jamais il ne l’aurait emmenée là-bas. Et, depuis qu’il connaissait la date du procès de son père, sa propre culpabilité était revenue au galop. La petite bulle qu’ils avaient réussi à se créer ne tenait plus qu’à coup de faux semblant et à grand renfort de pieux mensonges où l’un comme l’autre se complaisaient, au lieu d’affronter la cruelle réalité.
La mine éteinte, Drago raconta à sa mère leur voyage aux Orcades et ce qu’ils y avaient appris. Narcissa attrapa la main d’Hermione comme si elle était sa propre fille dans un geste qu’elle voulut maternant et rassurant. Quelques larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme et Drago la prit dans ses bras.
- Nous chercherons des solutions ailleurs. J’y passerai ma vie s’il le faut, mais je trouverai comment te sauver, je te le promets.
En cet instant, Narcissa aurait dû être fière de voir son fils se battre à ce point pour celle qu’il aimait. Mais seule la tristesse envahit son cœur. Voir en personne tout le mal et toute la souffrance que causait encore cette idéologie du sang la rendait malade. Et si, ça avait été son fils à la place d’Hermione ? S’il était né moldu comme elle ? Elle n’osait à peine imaginer un monde dans lequel son enfant n’existerait plus, et se promit de veiller sur elle, autant que sur Drago, aussi longtemps qu’il le faudrait.
Elle rassembla ses affaires et se leva pour partir. Elle prit son fils dans ses bras et lui chuchota au creux de l’oreille :
- Mon fils si tu ne parviens pas à la sauver alors aime-la jusqu’à la fin. Qu’elle puisse partir le cœur gonflé d’amour et non de souffrances.
Elle lui caressa tendrement la joue avant de se tourner vers Hermione. Celle-ci lui tendit la main mais Narcissa la serra dans ses bras, la laissant stupéfaite par cette étreinte. Elle pourrait le raconter à la gazette du sorcier elle-même que personne ne la croirait pour autant. Narcissa posa ses mains sur les épaules de la jeune femme.
- Malgré les circonstances, je suis ravie de vous avoir rencontré aujourd’hui. J’espère vous revoir bientôt. Prenez soin l’un de l’autre. »
Et elle s’éclipsa en leur souriant. Hermione et Drago restèrent dans le salon, avachis dans le canapé. Epuisée par cette journée plus qu’elle ne l’aurait cru, Hermione plongea dans le sommeil en un rien de temps, laissant Drago perdu dans le flot de ses pensées.
XXXXX
L’été approchait à grand pas, les fleurs laissaient doucement la place aux feuillages verdoyant ou à des fruits de toutes sortes se baignant dans le soleil pour murir tranquillement. C’était l’un de ces matins calme et serein, où rien ne venait perturber la quiétude du foyer. Les deux amis savouraient une salade de fruits préparée la veille quand un hibou grand-duc toqua à la fenêtre. Hermione lâcha sa cuillère alors que Drago manqua d’avaler de travers.
- Kingsley… Encore et toujours Kingsley !
Hermione se leva et, après avoir ouvert la fenêtre, arracha du bec de la pauvre bête une lettre cachetée.
- C’est pour toi, ajouta-t-elle en lui tendant l’enveloppe.
Drago n’avait même pas besoin de l’ouvrir, il savait que c’était la convocation au procès de son père. Hermione dut suivre le même raisonnement, parce qu’elle s’approcha de lui et posa sa main sur son bras :
- Tu veux que je vienne ? Pour vous soutenir toi et ta mère.
- On en a déjà parlé. Je ne peux pas te demander ça. Ne t’en fais pas pour moi, ça ira.
- …
- Et puis je ne serai pas seul, ma mère sera là. On se soutiendra l’un l’autre, comme on l’a toujours fait.
Il tenta de cacher son stress grandissant derrière un sourire. Mais Hermione n’était pas dupe à ce point, et elle le serra contre elle pour lui donner du courage et lui rappeler qu’il n’était pas seul. Ils restèrent dans les bras l’un de l’autre pendant de longues minutes, profitant de ces moments comme si c’était les derniers qu’ils allaient vivre. Drago, le ventre noué, ne termina pas son déjeuner et s’enferma dans le bureau. La lettre du Premier Ministre mentionnait l’héritage anticipé et l’heure à laquelle il devait être présent. Sa mère avait, elle aussi, dû recevoir la même missive et il s’empressa de lui écrire.
XXXXX
19 Juillet 1999.
Malgré l’insistance d’Hermione, Drago avait tenu bon et avait rejoint sa mère dans l’atrium du ministère, seul. Ensemble, et sous les regards haineux d’un grand nombre de sorciers, ils rejoignirent le bureau de Shacklebolt. La secrétaire les toisa un instant et frappa doucement à la porte du premier Ministre.
- Ils sont là.
En se retournant, elle les gratifia d’un autre regard suspicieux mais les invita à entrer.
- Entrez, entrez. Je vous en prie, installez-vous. Dorothy, soyez aimable, faites nous parvenir des rafraîchissements je vous prie.
- Tout de suite, Monsieur le Premier Ministre.
La secrétaire, en clapotant des talons, s’éloigna et ferma la porte derrière elle. Kingsley sortit plusieurs dossiers d’un tiroir de son bureau et commença.
- Bien, dans quelques instants se tiendra le procès de Lucius Malefoy. Je ne vous mentirai pas, il sera condamné à la prison à perpétuité sans possibilité de diminution de peine.
Drago prit la main de sa mère dans la sienne et, le regard froid, lâcha derrière ses dents :
- Parfait.
Kingsley l’observa un moment avant de poursuivre.
- Comme la loi l’autorise, nous allons procéder à l’héritage anticipé. J’ai ici les dernières volontés testamentaires de Lucius Abraxas Malefoy. Sans surprise, poursuivit-il en relevant les yeux vers Drago, il vous lègue tous ses biens et toutes ses possessions. Le manoir et les différentes propriétés ont d’ores et déjà été mis à votre nom.
Narcissa sentit la colère de son fils monter et serra un peu plus sa main.
- Rien… Après tout ce que tu as enduré, ce salaud ne te laisse rien ! Comment peut-il se montrer encore si arrogant en étant enfermé à Azkaban ?!
- Mon fils… Ne t’en fais pas. Tant que je t’ai à mes côtés, je n’ai besoin de rien.
- Maman… Tu vis dans un hôtel ! Tu n’as même pas une maison à toi. Tu es épiée en permanence. Ne dis pas le contraire !
Kingsley était à la fois fasciné par ce type d’échange qu’il ne pensait pas entendre un jour mais également mal à l’aise, il ne pensait vraiment pas assister à ce genre de conversation.
- Si je puis me permettre… Monsieur Malefoy, il est tout à fait envisageable de refuser une partie de l’héritage. Celui-ci, de ce fait, irait automatiquement à votre mère, votre père ne pouvant plus y prétendre.
- Nous en parlerons ensemble… Plus tard. Mon fils, nous avons, je pense, assez abusé du temps de Monsieur le Premier Ministre, dit-elle en se levant. Je vous remercie pour votre considération.
Et elle sortit du bureau comme si de rien n’était. Tous deux savaient qu’ils n’avaient pas vraiment abusé du temps du Premier Ministre ; ils voulaient, l’un comme l’autre, en finir au plus vite du procès. Drago s’apprêtait à la suivre, quand Kingsley le rattrapa.
- Comme se porte Miss Granger ? Je n’ai pas eu l’occasion de prendre de vos nouvelles depuis la commémoration. Je voulais faire interdire la presse, mais mes conseillers ont jugé que c’était bon pour l’image du ministère qu’elle soit présente… Une perte de temps et d’énergie si vous voulez mon avis.
- Elle fait de son mieux.
Il sourit au Premier Ministre avant de froncer les sourcils et de poursuivre, d’une voix cassante.
- Elle irait encore mieux si le monde sorcier pouvait l’oublier. Vous n’avez aucune idée de ce qu’elle traverse. Voici un conseil que vos ‘’précieux’’ conseillers ne pourront pas vous donner : laissez-la tranquille !
Et il quitta à son tour le bureau d’un pas vif en direction des ascenseurs. Narcissa l’attendait impassiblement et ils descendirent ensemble au département de la justice magique.
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Hermione, restée à Leinster Garden, cherchait par tous les moyens à s’occuper l’esprit, persuadée que le procès traînerait en longueur. Elle s’inquiétait du verdict, bien sûr, mais plus encore pour Drago qui n’avait pas revu son père depuis plus d’un an maintenant. Elle espérait que Lucius soit condamné pour ses crimes mais ne pouvait s’empêcher de trouver ça égoïste et cruel de souhaiter l’enfermement du père de l’homme qu’elle…
- Drago ?
Elle n’eut pas le temps de terminer sa pensée qu’il franchit la porte d’entrée accompagné de sa mère. Elle bondit du canapé et se jeta sur lui pour le serrer dans ses bras sans même s’en rendre compte. Deux secondes pour tout le monde, une éternité pour eux, ils se séparèrent, les joues rouges de gêne. Narcissa, dont l’éducation était irréprochable en tout point, fit mine de n’avoir rien vu et s’éloigna vers la cuisine.
- Je pense que tout le monde sera d’accord pour un verre de thé glacé.
Les deux jeunes sorciers hochèrent la tête silencieusement. Mais une fois devant le plan de travail, Narcissa se figea en prenant conscience qu’elle était incapable de préparer quoique ce soit sans magie.
- Alors ? osa Hermione timidement.
- Condamné à perpétuité. Tu n’as plus rien à craindre de lui.
D’une certaine manière, elle était soulagée, mais elle ne pouvait pas le montrer. Il restait son père et le mari de Narcissa. Cette dernière, d’ailleurs, essayait de faire avancer cette histoire de thé glacé en sortant des verres et une carafe. Elle espérait se faire discrète pour ne pas les déranger ou, pire, passer pour une incompétente.
- Tu te sens comment ? poursuivit Hermione, sans que, ni l’un, ni l’autre, ne prête aucune attention à Narcissa. Ce qui l’arrangeait bien. Plus ils discutaient, plus elle avait de temps pour préparer ce maudit thé froid. Elle avait la baguette qui la démangeait, mais ne la sortit pas de sa poche ; après tout ça ne devait pas être plus compliqué qu’une potion ! Elle versa de l’eau dans la carafe, puis chercha les boîtes de thé.
- Honnêtement ? Vidé… Je ne pensais pas que ce serait si éprouvant. Et toi ? Tu te sens mieux ?
Narcissa découvrit le thé moldu et dû être honnête avec elle-même en reconnaissant l’aspect pratique de ces petits sachets. Peu sûre d’elle, elle en mit trois dans la carafe qui flottèrent paresseusement à la surface de l’eau avant de s’enfoncer doucement, diffusant une encre ambrée et parfumée. Elle trouva des citrons dans la panière de fruits à côté de l’évier et en découpa deux en rondelles avant de les ajouter au thé.
- Je ne me sens pas pire.
Hermione esquissa un sourire qu’elle voulut rassurant. Mais Drago n’était pas dupe. Si ses cauchemars s’étaient calmés au début de leur colocation, ils étaient revenus en force après la commémoration et à l’approche du procès de Lucius. Plusieurs fois par semaine, il la réveillait pour la sortir de son tourment et finissait systématiquement la nuit allongé à ses côtés, lui tenant la main pour qu’elle se rendorme. Au début, il parvenait à quitter sa chambre pour retourner dans la sienne, mais la fatigue avait fini par prendre le dessus au bout de quelques semaines et il se réveillait le matin encore couché près d’Hermione, sa main toujours dans la sienne. Ça ne lui aurait pas déplu, si les circonstances avaient été différentes. Plus les mois passaient, plus il ressentait l’envie, le besoin même, de lui avouer ses sentiments, quitte à risquer de la perdre. Il ne voulait pas lui cacher et encore moins se montrer malhonnête. Se réveiller à ses côtés presque chaque jour alors qu’elle le considérait simplement comme un ami était, à son sens, comme s’il profitait d’elle. On pouvait lui reprocher beaucoup de choses, mais certainement pas ça.
Elle pouvait le voir ruminer d’où elle se tenait. Elle posa une main sur son bras doucement, le sortant de sa réflexion.
Narcissa fouillait les placards à la recherche de glaçons, avec cette chaleur, un peu de fraicheur ne pouvait que leur faire du bien. Elle tomba par hasard sur un pot de miel et en déposa quelques cuillères dans la carafe, apportant un peu de douceur à la préparation. En continuant son inspection, elle finit par ouvrir le frigo et fut étonné de constater qu’il dégageait du froid. En fouinant un peu plus, elle trouva le bac à glaçon dans le freezer et, après s’être presque retourné un ongle en se battant avec le moule, ajouta plusieurs glaçons à son thé. En remuant le tout, elle écrasa quelques rondelles au passage pour en extraire un peu plus de jus de citron. Elle aimait l’acidité des agrumes mêlée au goût amer du thé.
- Tu sais, tu as le droit d’être triste ou en colère. Peu importe ce qu’il a fait, ça reste ton père.
- Non c’est pas ça… C’est que… Hermione, je dois te di…
- C’est prêt, les interrompit Narcissa en sortant les sachets de la carafe.
Elle se félicita intérieurement d’avoir arrêté cette conversation à temps. Elle savait ce qu’il allait dire et, bien qu’elle ne fut pas contre eux, au contraire, elle savait aussi qu’il était encore trop tôt pour ce genre de révélation. Comme la mère qu’elle était, elle voulait protéger son enfant coûte que coûte, y compris d’une ‘’simple’’ peine de cœur.
Drago, qui avait été complètement absorbé par ses pensées, manqua de sursauter en voyant sa mère se tourner vers la table avec une carafe de thé glacé dans les mains. Il se demandait à quel moment elle avait appris à cuisiner sans magie ou sans elfes de maison.
Tous les trois s’assirent autour de la table dans un silence tendu. Hermione ne voulait pas parler de Lucius. Narcissa ne pouvait pas parler des sentiments de son fils. Et Drago se sentait déchiré entre ce qu’il voudrait dire et ne pouvait plus taire. Narcissa avala plusieurs longues gorgées de thé glacé avant de rompre le silence :
- J’aimerais aller au Manoir récupérer des affaires et des photos si tu n’y vois pas d’inconvénients.
- Maman, c’est chez toi. Si tu veux y vivre, je suis qui pour te le refuser ? Cette histoire d’héritage est stupide !
- Quel héritage ? s’enquit Hermione ne pouvant retenir sa langue. Pardon… Ça ne me regarde pas.
Drago et sa mère échangèrent un regard. Encore une fois, Hermione assistait, avec une pointe d’émerveillement, à leur capacité à communiquer sans parole. Ses parents lui manquaient, elle ne pouvait le nier. Mais elle ne pouvait plus rien y faire. Elle n’existait plus pour eux et sans sa magie, elle était condamnée à rester orpheline.
- … Comment a-t-il osé ?
Hermione sortit enfin de ses pensées en sentant une main sur son bras. En relevant la tête, elle vit Drago et Narcissa l’observer en silence. Elle comprit qu’elle n’avait pas du tout écouté la conversation et se renfrogna face à son manque de politesse.
- Je suis désolée, je t’ai pas écouté. J’étais perdue dans des souvenirs.
Il l’interrogea du regard et elle constata, non sans une pointe d’émotion, qu’eux aussi, ils parvenaient à se comprendre sans parler. Son cœur se réchauffa et se mit à battre un peu plus fort dans sa poitrine.
- Je t’expliquais que mon ‘’père’’ n’avait rien laissé à ma mère, pas même le manoir.
- Ah… Mais du coup où est-ce que vous vivez ? Vous voulez venir vivre ici, je peux vous laisser la chambre et trouver un autre endroit. Je veux dire, c’est ce que je vais faire. Vous ne pouvez pas dormir dehors quand même.
- Hermi…
- C’est très gentil, mais je vis dans un hôtel particulier et je suis installée confortablement, bien plus que je ne le mérite, je suppose.
Hermione fronça des sourcils.
- Oui enfin, ce n’est pas vraiment une maison à soi. Vous seriez sans doute mieux dans un endroit bien à vous.
Drago regarda sa mère avec son sourire en coin et retint un soupir sarcastique.
- C’est exactement ce que je lui ai dit ! Tu vois maman que c’est ridicule. Je vais refuser l’héritage. De toute façon, je ne veux plus rien qui vienne de lui. Je travaillerai pour mériter chacun des gallions en ma possession.
- Non, mon fils. Je te l’interdis.
Miss Malefoy se leva les yeux emplit d’un orage qu’Hermione connaissait bien. Drago avait la même expression sur son visage quand il était en colère ou excessivement déterminé. Les deux jeunes gens n’osèrent plus ni bouger ni respirer.
- Il ne faut pas que nos possessions tombent entre de mauvaises mains. Tu sais aussi bien que moi qu’il y a certaines collections que des Mangemorts seraient ravis d’acquérir. Si tu ne veux pas de cet héritage, je peux le comprendre. Mais ne laisse pas qui que ce soit mettre la main sur les horreurs que nous avons. Pas avant de les avoir détruites.
Epuisés par la conversation, ils laissèrent le silence s’éterniser. Le procès, l’héritage avaient laissé des marques qu’ils espéraient à peine voir disparaître un jour. Drago reprit la parole, moins sûr de lui qu’il ne le laissait croire.
- Dis-moi quand tu veux aller au manoir, je t’accompagnerai.
Narcissa ne chercha même pas à discuter ce dernier point, elle savait que son fils refuserait qu’elle y aille seule.
Hermione, profita de cette nouvelle pause pour s’armer de son légendaire courage et se tourna vers son ami :
- Dans ce cas, je vous accompagne aussi. »
XXXXX
« Tu ne veux toujours pas faire demi-tour j’imagine...
- Drago… Ne recommence pas. Ma décision est prise.
Et il se tut. Essayer de négocier avec Hermione Granger se révélait aussi efficace et facile que de demander au feu de ne plus brûler ou au vent d’arrêter de souffler. Il s’était donc résigné, non sans avoir argumenté et crié, à voir Hermione franchir de nouveau la grille du manoir plus d’un an après sa captivité.
Ils traversèrent tous les trois l’allée, puis la cour laissée à l’abandon. La nature avait repris ses droits, et les jardins à l’anglaise, autrefois si bien entretenus, étaient devenus une friche dense et sauvage. Se retrouvant devant l’immense porte sombre, ils s’arrêtèrent un moment avant d’en franchir le seuil, la gorge nouée d’appréhension. Il ne pouvait qu’imaginer ce que ressentait Hermione en cet instant et se dit qu’il aurait dû l’attacher à une chaise au lieu d’accepter qu’elle remette les pieds dans cet endroit maudit.
Une valise à la main, Narcissa entra dans le salon et commença à récupérer des objets, des photos et quelques livres. Le manoir avait été fouillé de fond en comble par le ministère : des tiroirs étaient encore ouverts, des amas de bric et de broc jonchaient le sol et même les coussins du canapé avaient été éventrés à la recherche de la moindre petite trace de preuve incriminante. En avançant dans le salon, Drago entendit craquer sous sa chaussure. En soulevant son pied, il découvrit un cadre au verre brisé. Il l’attrapa et en sortit une photo de lui en deuxième année tenant fièrement son Nimbus 2001. Il était loin le temps où il se pavanait, fier comme un coq, dans les couloirs de Poudlard. Le quidditch lui manquait, mais pas les lieux, les époques et encore moins son attitude. Parfois, il s’imaginait revenir en arrière et faire les choses différemment. Il soupira et tendit la photo à sa mère qui sourit tristement en la voyant avant de la ranger dans la valise aux côtés des autres.
Il se retourna pour parler à Hermione, mais elle avait disparu. Son cœur se serra dans sa poitrine, il savait exactement où elle était. Il traversa le hall à grandes enjambées, se retenant de courir et descendit les quelques marches pour rejoindre le cachot.
Le teint livide, les mains tremblantes, elle était là, les yeux rivés sur une tâche de sang au sol. Son sang. Bruni par le temps, mais toujours visible.
- Qu’est-ce que tu…
- C’était toi ? le coupa-t-elle, sans même le regarder.
Il fronça les sourcils sans comprendre sa question. Elle leva les yeux vers lui. Et soudain, il la vit, dans ses mains, la cape anthracite… Sa cape.
- Il y a tes initiales dessus. Réponds-moi ! L’inconnu, c’était toi ?
Déglutissant avec difficulté, il ne parvenait pas à lui répondre. Alors, à la place, il s’empara de sa baguette, s’éloigna d’elle et tapota sa tête en prononçant distinctement : ‘’Mutatio Corporalis ’’.
Aussitôt, ses cheveux presque blancs se teintèrent de brun. Ils ondulèrent pour se coiffer en belles boucles. Ses yeux gris se recouvrirent de vert et sa mâchoire se redessina pour devenir plus carrée.
Hermione suffoqua et dut prendre appui sur une des colonnes pour ne pas tomber. Drago lâcha sa baguette et accourut pour la retenir. Il accompagna sa chute, lui évitant de se fracasser le crâne au sol.
Immédiatement, elle porta une main à sa poitrine, la respiration hachée et saccadée. D’une main il soutenait sa tête et de l’autre il caressait doucement sa joue. Pour l’aider à se calmer, il respira profondément et régulièrement, comme un métronome. Elle cala son rythme sur le sien, chassant petit à petit la bouffée d’angoisse qui l’envahissait. En accrochant son regard au sien, elle vit le gris reprendre le dessus sur le vert, son visage s’adoucir jusqu’à sa forme d’origine et ses cheveux bruns se lisser et se décolorer vers ce blond qu’elle connaissait si bien.
Il l’aida à se remettre sur pied et la prit contre lui, faisant passer dans cette étreinte tout ce qu’il ne pouvait pas encore lui dire. Leurs pensées se bousculaient, elle avait mille questions mais aucune qui ne parvenait à passer ses lèvres.
Et puis, un raclement de gorge discret mais distinct s’éleva près de la grille. Narcissa ne les regardait pas directement, au moins aussi gênée qu’eux. Ils se séparèrent, rouge des pieds à la tête. La mère de Drago, dont l’éducation n’était plus à prouver, ne fit aucun commentaire et détourna habilement le sujet :
- Mon fils, j’en ai fini de cet endroit. Que comptes-tu en faire ?
Il observa tour à tour les deux femmes face à lui et récupéra sa baguette, plus déterminé que jamais.
- Plus personne ne doit souffrir à cause de cet endroit.
Il posa son regard sur Hermione puis sur la tâche brune au sol. Il serra les dents, et sans un mot supplémentaire, il s’entailla la main d’un coup sec de baguette, répandant plusieurs gouttes de son propre sang sur celui de la jeune femme, sous les yeux choqués des deux sorcières.
- Je t’en fais le serment. Ni toi, ni aucun autre… Maintenant, sortez d’ici. Toutes les deux.
Aucune d’elle ne bougea. Sentant la colère monter en lui, il aboya plus fort :
- Maman, sors-la d’ici, empêche-la d’approcher, protège-la ! MAINTENANT !
Narcissa n’ajouta rien et saisit doucement Hermione par le bras pour l’entrainer à l’extérieur. Hermione aurait bien essayé de se débattre si elle n’avait pas croisé le regard de Narcissa empli de peur et d’affolement. Elle sentit sa main se resserrer sur son bras et la suivit dans un silence de plomb jusqu’à la grille.
Drago, ne pouvant détacher son regard des tâches de sang par terre, sentit sa baguette vibrer au creux de sa main. L’air autour de lui devenait plus électrique, plus intense.
Des souvenirs d’Hermione allongée, quasiment morte, le corps recouvert de lacérations remontèrent à la surface. Une folie dévastatrice s’empara de lui et il explosa chaque colonne du cachot faisant s’effondrer le plafond.
Maintenant qu’il avait commencé, il ne pouvait plus s’arrêter. Il remonta dans le hall et tourna son visage vers le premier étage. Il transplana directement et entra dans son ancienne chambre encore décorée aux couleurs de Serpentard. Dans sa tête, des cris résonnèrent, lui rappelant les heures interminables qu’il avait passé, prostré dans son lit, les mains sur les oreilles pour ne pas entendre les nombreuses victimes se faire torturer. Il ferma les yeux et l’instant d’après, il renversait et détruisait chaque meuble, chaque parcelle de son ancienne chambre, ne supportant pas les images que lui imposait sa mémoire.
La rage prenait possession de tout son être, une épaisse fumée noire émanait de tout son corps par grosses goulées. L’air s’alourdit soudainement, saturé par tant de magie sombre.
Il se retourna et quitta la pièce totalement ravagée. Il laissa glisser sa baguette le long de la rambarde, des flammes courant derrière elle, tandis qu’il marchait vers l’escalier. A mesure qu’il avançait, chaque statue explosait, chaque tableau s’enflammait, sans même qu’il ne les touche.
Il délaissa l’étage en proie aux flammes et rejoignit le salon. Le tableau de son père le toisait au-dessus de la cheminée, son regard éternellement hautain le narguant.
- Plus jamais vous ne pourrez lui faire du mal. Vous m’entendez ? Ni vous, ni aucun autre ne pourrez plus jamais l’atteindre !
L’image d’Hermione au milieu de son ancien salon, sa tante penchée au-dessus d’elle pour la graver du nom infâme de ‘’ sang-de-bourbe ’’, refit surface.
- Je vous hais père ! Vous et tous les autres. Je hais ce que vous avez fait de moi !! Je hais ce que vous m’avez obligé à faire !! Je vous hais, vous m’entendez ?!!
Sur son corps, l’épaisse fumée se muait en un goudron collant qui dégoulinait par terre. Dans sa main, il sentait sa baguette s’agiter comme si elle pouvait ressentir la terrible magie de son propriétaire.
Les yeux rivés sur Lucius, il répétait en boucle la même litanie, de longues gerbes de feu sortant de sa baguette sans qu’il ne se rende compte :
- Je vous hais, je vous hais, je vous hais, je vous hais… Je veux que vous disparaissiez… Disparaissez à tout jamais… Disparaissez, disparaissez, disparaissez…
Il ne sentit pas ses jambes s’embraser, trop hypnotisé par le tableau de son père grignoté par l’incendie. Sans détourner le regard, il fut pris d’un rire fou qu’il ne pouvait arrêter. De grosses gouttes de goudron dégueulaient de son corps pour s’écraser en flaques visqueuses sur le parquet.
- Et maintenant père, êtes-vous fier de votre fils ? Aaah… Il est beau votre héritage de sang pur. Regardez ! Regardez-le finir en cendres. Que le nom… Des Malefoy… BRUUUUUUULE !!!
Il ouvrit les bras en croix et leva les yeux vers le plafond, son rire dément surplombant le vacarme ambiant. Il s’abandonna au brasier, disparaissant totalement dans les flammes.
De Drago Malefoy, il ne resta alors qu’une masse gluante et sombre pulsant de façon erratique. Lentement, cette fange charbonneuse se déplaça vers le hall, l’enfer dans son sillage. Elle se jeta contre un des murs, laissant dans le marbre de l’entrée un cratère béant et fumant. A chaque impulsion, elle gravissait un peu plus les étages, avec, sous elle, l’infernale fournaise qui grondait et bouillonnait. Des murs s’effondrèrent, propageant l’incendie de pièce en pièce. En atteignant les combles, elle transperça la charpente et le toit dans un craquement épouvantable de bois et de tuiles.
Hermione et Narcissa ne disaient pas un seul mot, la tension qu’elles avaient senti en quittant le cachot leur laissant le goût acre du mauvais pressentiment dans la bouche. Chaque seconde, la main de Narcissa serrait un peu plus le bras d’Hermione ; réconfort et angoisse dans un même geste. Elles sursautèrent en même temps quand une partie de la toiture s’effondra et qu’un magma terrifiant et suintant en sortit. Elles échangèrent un regard où la panique se mêla à l’incompréhension.
Et puis, sans crier gare, Hermione se libéra et s’élança, avant que Narcissa ne puisse réagir, et courut en criant :
- Drago !
Elle eut à peine le temps de réaliser ce qui se passait que la rune déjà s’agitait dans sa chair, piquant et brulant sa hanche dans les prémices d’un Endoloris cuisant. Elle ne l’écouta pas et poursuivit sa course vers le manoir, vers Drago.
Sous cette forme, toute sa haine combinée à de la sombre magie oubliée, il était incapable de revenir à la raison, incapable d’entendre autre chose que la folie le consumant petit à petit.
Il plongea et une puissante déflagration fit voler en éclats les fenêtres du manoir. L’onde de choc coucha chaque arbre et chaque buisson sur son passage. L’air s’engouffra si rapidement à l’intérieur que les flammes, attisées et renforcées, vinrent lécher avidement les murs de la bâtisse centenaire.
Des craquements soudains et effroyables s’élevèrent par-dessus le tumulte infernal de l’incendie, signes que l’effondrement était proche.
Il ressortit et se jeta contre les murs fondateurs, occasionnant de nouvelles percées, précipitant la chute du manoir et du nom qui lui était rattaché.
N’écoutant que son cœur et son courage, Hermione ignora la douleur dans sa hanche et continua d’avancer en hurlant :
- Drago !! Reviens !
L’informe se tordit dans tous les sens mais ne stoppa pas son œuvre pour autant.
Hermione sentait la rune s’affoler sur sa peau de plus en plus. Il lui devenait difficile de courir. Un pas après l’autre, elle avança, gardant en tête son objectif.
- Je t’en supplie, Drago, arrête-toi. Tu n’es pas lui.
A ces mots, enfin, il se figea, tournoyant lentement dans les airs au-dessus du manoir.
Elle savait exactement ce qu’elle devait dire.
- Drago, tu ne seras jamais comme ton père.
Elle se concentra pour ne pas se laisser déchirer par la rune. Dans le ciel, l’informe bougeait à peine.
- Tu es un homme bon, Drago. Reviens…
A une vitesse vertigineuse, il fonça droit vers le sol et s’écrasa à moins d’un mètre d’Hermione. Il lui fallait maintenant tout son mental d’acier pour contenir la rune et ses effets. Encore un pas, un tout petit pas et elle pourrait toucher Drago, le faire revenir. Et tant pis si c’était la dernière chose qu’elle ferait.
Elle ferma les yeux et glissa un pied en avant, puis le second. Elle tomba à genoux, ses forces la quittant pour de bon. L’Endoloris se formait dans son corps, et elle ne put qu’articuler dans un murmure à peine audible :
- Ne m’abandonne pas… Je…
Mais ses mots moururent dans sa gorge.
« t’aime… »
Au moment où la douleur aurait dû la terrasser, elle sentit deux bras l’enlacer et la rune se tut instantanément. Elle ouvrit des yeux pleins de larmes pour découvrir Drago face à elle. Du charbon à la perle, le goudron était redevenu fumée et il s’évaporait maintenant en longues volutes de soie blanches se dispersant dans le ciel azur.
Les derniers embruns quittaient son corps quand la voix de Narcissa s’éleva doucement :
- Mon fils…
Hermione voulut se détacher de Drago, mais ce dernier resserra sa prise sur elle. Il ouvrit l’un de ses bras en regardant sa mère. Elle se jeta au cou de son fils, remerciant intérieurement, elle ne savait quoi, de l’avoir ramené.
Il tenta de se relever, mais il chancela et prit appui sur les deux femmes avec maladresse.
- Doucement, marmonna Hermione.
- Je te tiens, mon fils. »
D’un pas lent, ils quittèrent le domaine Malefoy. Le manoir finissait de tomber en ruine quand ils passèrent ensemble la grille sans le moindre regard en arrière.