Les enfants de la guerre

Chapitre 10 : Chapitre dixième

6377 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/09/2023 14:59


Chapitre dixième :

Ambiance musicale : ♪♫♪ Ulthuan – Two Steps From Hell

« Le sourire des absents est le souvenir le plus difficile à porter pour traverser l’avenir. » - Stéphane Owona.


« Dorothy ?

Vêtue d’un tailleur beige et d’un chignon serré, la femme en question passa la porte du Grand Bureau.

- Oui Monsieur le Premier Ministre ?

- Je dois m’absenter, veuillez décaler mes rendez-vous de la journée de deux heures s’il vous plait. Au-delà de 22h, reportez-les à la première heure demain matin.

- Bien, Monsieur le Premier Ministre.

- Merci. »

La secrétaire sortit aussitôt du Grand Bureau et rédigea à la hâte missives et notes de service annonçant les nouveaux horaires.


XXXXX


Kingsley Shacklebolt quitta le ministère en fin de matinée et se dirigea vers la boutique ‘’Charmes et Envoutements’’, rouverte depuis peu.

Il était devenu l’un des sorciers les plus connus d’Angleterre, tant pour ses actes que son poste. Au fil des mois et des réformes, il avait obtenu le surnom grandiloquent de ‘’Révolutionnaire’’. Aussi, il appréciait quelquefois quitter son poste en journée et flâner côté moldu pour boire un café en terrasse, profitant d’un anonymat reposant. Depuis la fin de la guerre, il n’y avait eu que des journées difficiles. Mais celle d’aujourd’hui, à peine commencée, l’avait été plus que les autres. Après avoir supervisé l’arrestation d’une grande majorité de Mangemorts, tous détenus à Azkaban en attendant leur procès, il s’attaquait à un combat que bon nombre rechignerait à mener : la bureaucratie. Malgré sa nomination, il ne parvenait pas à faire passer une loi en particulier auprès du Magenmagot. Plus d’une fois, il les avait qualifiés de ‘’vieux scrouts à pétards pédants’’, leurs idées n’allant pas au-delà de leur baguette. Mais, si son qualificatif le faisait souvent grincer des dents, il suggérait également son inflexible ténacité.

C’est ainsi qu’il poussa la porte de la boutique d’Hackney Road. Ce n’était pas la première fois que la patronne le voyait, mais à chaque fois elle sursautait.

« Monsieur, comme les fois précédentes ?

- Tout à fait.

- Je vous prépare la numéro 2.

La femme d’une cinquantaine d’année s’éclipsa derrière le tableau de la jeune femme peignant ses cheveux, suivi de près par Kinglsey. A part eux, le sous-sol était désert.

- Au fait, Suzanne, je n’ai pas eu l’occasion de vous demander : ce n’est pas trop difficile de reprendre la boutique après ce qui s’est passé ?

- Absolument pas Monsieur le Premier Ministre. Ma mère a toujours voulu que ce soit ainsi. Mon père était moldu vous savez. C’était son rêve d’ouvrir un magasin comme celui-là, pour créer un pont, en quelque sorte, entre le monde magique et le monde moldu. Je réalise son souhait aujourd’hui ! Mon frère n’a jamais pu digérer que notre père ait quitté ma mère ; je crois que c’est à partir de là qu’il s’est égaré et a perverti cet endroit.

Elle prépara un élégant costume en lin qu’elle déposa sur cintre et l’accrocha dans la cabine numéro deux.

- Elle serait ravie de voir son magasin comme ça, je crois.

- Je suis certain qu’elle le serait, en effet. Vous avez fait un travail remarquable ! Gérer d’un côté la location de vêtements moldus et de l’autre de la… Comment appelez-vous ça déjà ?

- La bonne aventure, Monsieur. Les moldus en raffolent et j’ai toujours excellé en cours de divination.

- C’est ça ! La bonne aventure…

Il rit, songeur, avant de poursuivre.

- Et bien, je vous souhaite le meilleur. »

Le regard brillant d’émotion et de fierté, Suzanne se retourna et remonta dans le magasin.


XXXXX


Installé à la terrasse de sa brasserie préférée, il sirotait tranquillement son café en feuilletant The Daily Telegraph, souriant quelques fois en lisant certains articles.

« Et je trouve le Magenmagot remplit de vieillards séniles ? Ce n’est pas franchement mieux côté moldu visiblement. »

Il reposa son journal sur la table et, en relevant la tête, regarda les passants se promener. L’été n’était pas encore là, mais la météo et les températures clémentes faisaient déjà sortir les gens de chez eux. Au milieu des promeneurs, Kingsley en reconnut deux que jamais il n’aurait cru voir ensemble.

De longs cheveux bruns bouclés et une chevelure blonde presque blanche passaient devant lui en toute tranquillité. Il surprit une bribe de leur conversation :

« … aucun doute. Mais si tu crois que tu me fais peur !

- Laisse-moi rire, la demi-portion. Des comme toi, j’en mange 4 chaque matin !

Drago et Hermione pouffaient tous les deux, d’un de ces rires franc, sincère et pur. Ils poursuivaient leur route devant le regard stupéfait de Kingsley.

- Voilà une chose à laquelle je ne m’attendais pas. »

Il termina son café à la hâte et, laissant quelques livres sur la table, retourna au ministère avec une idée nouvelle.


XXXXX


 2 Mai 1999, 17h.


« Tout ceci est ridicule ! Je ne veux pas aller à cette soirée. Commémoration ou pas.

Drago, boutonnant les manches de sa chemise, regarda Hermione.

- Alors, on reste ici. Au diable cette soirée !

Elle réfléchit un moment avant d’abdiquer la mine basse.

- Tu sais aussi bien que moi que j’ai pas le choix. Pour la famille Weasley… Pour Ginny… Harry…

Voilà des mois qu’elle n’avait plus prononcé leurs prénoms à haute voix. Elle réfréna un sanglot et, se secouant, enfila ses bottines. Il vint s’asseoir à ses côtés pour lacer ses derbies en cuir.

- Dès qu’on peut, on s’éclipse et on rentre. D’accord ?

Elle acquiesça tristement.


XXXXX


11 Avril 1999.


« Hermione ? On a reçu une lettre.

Sortant de la douche, elle le rejoignit dans le salon en pyjama, les cheveux noués dans une serviette.

- Muireann a appris quelque chose de nouveau ?

- Ça ne vient pas de Muireann. Ce n’est même pas une chouette.

D’un signe de tête, Drago lui indiqua la table de la cuisine. Hermione y vit un oiseau de taille moyenne au plumage noir et blanc. Certaines de ses plumes miroitaient de reflets bleu sombre.

- Une pie !

- Tu connais cet oiseau ?

- Oui, c’est un oiseau qui adore chaparder tout ce qui brille et manger les cerises à peine mûres directement dans les arbres. On avait un cerisier chez mes parents, et chaque année mon père râlait après les pies.

Elle se tut en repensant à ses parents, exilés de force en Australie, avant de se reprendre.

- De qui vient la lettre ?

- Du ministère… Enfin, plus particulièrement, du Premier Ministre en personne.

Elle écarquilla les yeux et grogna.

- Mais il est impossible cet homme ! Si c’est encore pour son histoire de gallions, je vais lui faire avaler sa baguette à ce maudit sorcier !

- Quels gallions ?

- Oh tu vas adorer ! Chaque mois, notre bon Premier Ministre me verse 600 gallions dans un coffre à Gringotts pour, je cite, « en faire usage comme il vous plaira ».

- Mais du coup, pourquoi tu travailles ? Pourquoi tu vis ici dans ce trou à rat ? Avec autant d’argent tu pourrais louer une maison avec quatre chambres, deux salles de bains et une bibliothèque de la taille de cet appartement.

- Alors déjà, son argent j’en veux pas. C’est comme si on me payait pour avoir été torturée. Ensuite, je fais comment pour entrer à Gringotts avec la rune ? Il ferait bien de se concentrer sur de vrais problèmes ! »


XXXXX


2 Mai 1999, 18h30.


Hermione, l’oiseau noir et blanc sagement perché sur son épaule, referma la porte de la cabine téléphonique et glissa quelques pièces dans le téléphone. Au fur et à mesure qu’elle descendait, elle voyait Drago disparaître au-dessus d’elle.

Arrivée dans le hall d’entrée du ministère, elle prit une grande inspiration et sortit de la cabine qui remonta aussitôt. Tous les regards se tournèrent vers elle. Elle croisa celui de Ron et se dirigea vers lui d’un pas mal assuré.

Elle se jeta dans les bras de son ami.

« Ron… Je ne savais pas si tu viendrais.

- Maman m’a demandé d’être là.

- J’aurais aimé qu’on se revoie avant ce soir… Il s’est passé tellement de choses…

Le visage tendu d’Hermione l’inquiéta.

- Malefoy te traite bien j’espère ? Tu sais que tu peux tout me dire. Si ce petit con prétentieux te fai…

- Ron ! Tu n’y es pas du tout. Si tu savais tout ce qu’il a fait pour moi… Il a vraiment changé.

- Alors raconte-moi.

Hermione se lança dans le récit de tout ce qui s’était passé depuis sa visite : les recherches, les Orcades, le kelpie et enfin le triton. Ron n’eut pas le temps de réagir qu’un silence de plomb se fit. Drago Malefoy venait d’entrer dans le ministère par l’une des cheminées et tous les regards se tournèrent vers lui. Hermione affichait une mine désolée pour son ami mais ne bougea pas. Il l’avait quasiment suppliée de ne surtout pas s’approcher de lui pendant la soirée, voulant, une fois encore, la protéger.


XXXXX


11 Avril 1999.


« Attends. Tu peux relire la dernière partie s’il te plait.

Hermione, plantée devant le canapé, fronçait les sourcils en écoutant Drago.

« L’oiseau qui vous apporte la lettre est une piclier1. C’est une créature quasiment disparue qui absorbe la magie autour d’elle. Celle-ci ne répond à aucun nom que nous avons essayé lors de son dressage, mais si vous l’appelez en sifflant, elle se perchera sur votre épaule et vous protègera. Avec elle, la rune ne se déclen…

- Piclier… J’ai déjà vu ce nom quelque part. Je crois que j’ai lu quelque chose à son sujet.

Drago la suivit jusque dans la bibliothèque de leur appartement. Il la regarda passer son doigt le long des ouvrages en marmonnant à demi voix. Elle s’arrêta brusquement en tirant d’une étagère une sorte de grosse encyclopédie en cuir.

- J’ai !

Il parvint tout juste à lire le titre au dos du livre, ‘’ Créatures perdues : légendes et réalités ’’, avant qu’elle ne s’asseye au bureau. Il se pencha par-dessus son épaule, l’observant ainsi chercher. Elle parcourait les pages usées à une vitesse folle, prenant à peine le temps de déchiffrer chaque chapitre. Les deux tiers du livre y étaient passés, quand enfin elle s’exclama.

- Là ! Je le savais !

Ensemble, ils prirent connaissance des nombreuses informations sur la piclier :

« … un oiseau au bec jaune vif et au plumage blanc et noir, rappelant trait pour trait son homologue non magique, la pie à bec jaune. Contrairement à la pie à bec jaune, la piclier voit les plumes de sa longue queue et du bout de ses ailes changer de couleurs en fonction de la quantité de magie qu’elle absorbe…

… Elle créée autour d’elle un vide magique, rendant n’importe quel sort ou maléfice inefficace…

… Son nom est un mot-valise composé du mot ‘’pie’’ et du mot ‘’bouclier’’…

… ne se nourrit pas de magie mais de veracrasse qu’elle déchiquète à l’aide de son bec…

… Le fléreur est son prédateur naturel. Il est capable de tuer jusqu’à trente individus par an…

…Plumage noir quand la piclier ne ressent aucune magie, il devient d’abord bleu nuit en présence de magie. Quand son plumage est devenu totalement rouge bordeaux, la piclier ne peut plus absorber de magie… »

L’un comme l’autre n’en revenaient pas qu’une telle créature existe. Hermione était absorbée par sa lecture et tapota la page.

- Regarde la suite : « Une légende française datant du Moyen-Age raconte que si une piclier se perche sur le berceau d’un nouveau-né sorcier, elle absorberait la totalité de sa magie, faisant alors de lui un cracmol. Beaucoup de familles attendant un bébé, ont adopté un fléreur pour protéger leur enfant à naître. » Cette créature est fantastique ! Tu te rends compte ?

- Donc, pour résumer, tant que cette piclier est sur ton épaule, aucune magie ne peut t’atteindre ? Elle l’absorbe à la place de la rune tant qu’elle peut. C’est écrit combien de temps en moyenne une piclier peut absorber de la magie ?

- Non. C’est juste écrit qu’en fonction de l’âge de l’individu, son rayon d’absorption varie de 1 à 3 mètres… Et qu’elle a presque été exterminée, comme sa cousine moldue… Si ça se trouve, c’est l’une des dernières de son espèce. On a une chance inouïe d’en voir une en vrai ! »


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2 Mai 1999, 19h.


« Drago, c’est bien toi ?

- Zabini ? Parkinson ? Qu’est-ce que…

- Contente de voir que tu n’es pas mort, maugréa Pansy Parkinson derrière ses dents.

- De toute évidence. Qu’est-ce que vous faites là tous les deux ?

- Tous les trois tu veux dire.

Théodore Nott se joignit au reste du groupe avant de poursuivre.

- On a tous été invité par Shacklebolt. Comme toi, apparemment.

- Mmm… Je pensais qu’il m’avait invité juste parce qu’Her… Enfin juste pour garder un œil sur moi. »

Ses anciens camarades froncèrent les sourcils mais ne relevèrent pas. Quelques semaines après la fin de la grande bataille, il leur avait expressément ordonné de ne plus le contacter d’aucune manière que ce soit. Connaissant leur ami, ils avaient obéi sans demander d’explications. Et plus les mois étaient passés, plus ils avaient pensé qu’il lui était arrivé quelque chose, ils n’avaient plus vu ou reçu le moindre signe de vie. Un silence lourd plana entre eux, avant que Pansy ne reprenne la parole.

- Par Salazar, tu veux bien nous dire où tu étais pendant un an ?!

- Je ne te dois rien Parkinson. Ni à aucun de vous d’ailleurs.

Blaise et Théodore le regardèrent, tristes mais pas surpris.

- Je sais Drago… Mais on s’est vraiment inquiété. Je ne te demande pas les détails. On veut juste savoir que tu vas bien.

Il se massa les tempes, déjà fatigué par cette soirée qui venait à peine de commencer. Il regrettait de ne pas avoir insisté d’avantage pour rester avec Hermione à l’appartement. Depuis leur retour des Orcades, il la laissait la moins seule possible par peur de ce qu’elle pourrait se faire ou de la voir disparaitre à tout jamais.

- Je vais bien. J’ai un toit au-dessus de la tête, un travail répétitif mais qui paye le loyer. Vous voilà rassurés. »


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16 Avril 1999.


« Oui, tout à fait, nous avons plusieurs tenues de soirée à vous proposer. Suivez-moi.

Hermione et Drago suivirent la vendeuse en talons aiguilles à travers les rayons de vêtements. Arrivés devant les penderies, ils observèrent une multitude de robes de toutes les couleurs et de toutes les matières. Hermione grimaça.

- Vous n’auriez pas autre chose que des robes ?

- Mademoiselle, c’est ce qui convient pour ce genre de soirée. Et je suis persuadée que votre amoureux sera enchanté de vous voir dans l’une de ces robes.

Ils réagirent en même temps.

- Ce n’est pas mon…

- Je ne suis pas son…

Ils échangèrent un sourire entre la gêne et l’amusement. Elle ne s’était pas souvenue de leur baiser et il n’avait pas voulu la perturber davantage. La révélation du triton pesait suffisamment sur leur quotidien pour qu’il ne souhaite pas en rajouter.

- De toute façon, reprit Hermione. Je ne veux pas qu’on voit mes jambes et mes bras. Donc, soit vous me proposez une tenue en adéquation avec ce que je demande, soit je change de magasin et je vous assure que je ne remettrai plus jamais les pieds ici. Suis-je bien claire ?

- Tout à fait, mademoiselle.

La vendeuse s’éclipsa dans les rayons aussi vite que ses talons à aiguilles le lui permettaient.

- Tu te sens mieux ?

- Non… »


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2 Mai 1999, 19h15.


Kingsley Shacklebot venait d’apparaître dans le hall du Ministère où aurait lieu la commémoration. Les photographes s’empressèrent de le mitrailler et les journalistes de le noyer de questions. D’un geste de la main, il leur intima le silence.

« Cette soirée n’est pas une soirée mondaine, aussi je vous prierai de calmer vos ardeurs journalistiques si vous ne voulez pas être conviés à partir.

Il se dirigea d’un pas lent et assuré vers chaque petit groupe de personnes présentes, saluant tour à tour chaque invité. Il ne fit aucune différence entre ancien ennemi et ancien allié. Il avait voulu, en les intégrant tous, créer l’unité. Cette idée lui avait été inspirée en voyant quelques semaines auparavant deux anciens ennemis flâner ensemble côté moldu comme deux amis. Arrivant à la hauteur des anciens serpentards, il cacha mal sa déception en ne voyant pas Hermione aux côtés de Drago. Il avait espéré pouvoir compter sur leur complicité, tel des figures de proue, pour aider le monde sorcier à accepter l’harmonie pour laquelle il se battait.

- Miss Parkinson… Messieurs Nott… Zabini… Malefoy. Je ne pensais pas vous voir aussi nombreux. Je suis heureux que vous ayez accepté cette invitation.

Il leur serra la main à chacun et poursuivit.

- J’ai ouï dire que vous poursuiviez vos études Miss. C’est fabuleux et je vous souhaite de réussir. Messieurs, dit-il à l’attention de Blaise et Théodore, votre entreprise ouvre-t-elle bientôt ?

Théodore bafouilla en regardant d’un air suppliant son ami. Blaise se para de son plus beau sourire et répondit à sa place.

- Plus que quelques semaines de travail, et nous ferons l’inauguration de T&B. Nous espérons pouvoir compter sur votre présence car sans votre aide Monsieur, nous n’y serions jamais arrivés !

- Vous m’en voyez ravi ! C’est pour ça que j’ai créé ce programme après tout. Faites-moi savoir la date, je passerai boire un verre.

Il leur fit un clin d’œil et se tourna vers Drago qui ne comprenait pas ce qui se passait.

- Monsieur Malefoy… Après tout ce temps, enfin, nous nous voyons. Puis-je vous parler un moment en privé ?

Il acquiesça silencieusement et ils s’éloignèrent de quelques mètres sous le regard interloqué de ses anciens camarades.

- Détendez-vous. Je ne vous veux aucun mal. J’ai plusieurs informations à vous donner. Premièrement, le département de la justice magique m’a fait part du fait que vous n’aviez pas fait appel à la décision concernant votre changement de nom de famille. Est-ce volontaire ou un oubli ?

Drago déglutit difficilement, comment était-il au courant ? Kingsley vit son trouble.

- Comme vos amis, vous et tous les jeunes gens ici présents faites partie du programme des enfants de la guerre. Le nom n’est pas glorieux, je sais. Mais dans l’urgence vous comprendrez que nous avons fait au plus simple. C’est un programme ministériel unique en son genre. Unique parce qu’il agit au cas par cas ; il est quasiment hors législation. Une de mes idées les plus brillantes, si vous voulez mon avis. Rassurez-vous, ce n’est pas non plus de la surveillance, sauf s’il y en a besoin. Vous avez tous des besoins différents, ce programme est là pour y répondre. Miss Parkinson, par exemple, bénéficie d’une bourse lui permettant de poursuivre ses études après avoir quitté le domicile familial. Messieurs Zabini et Nott ont eu accès à nos experts majuridiques pour monter leur entreprise d’export… Jusqu’à présent, vous ne souhaitiez pas être contacté, nous ne sommes donc pas intervenus. A bien des égards, vous ressemblez beaucoup à Miss Granger.

Drago se renfrogna, se sentant soudain en danger. Il s’apprêtait à rétorquer mais Kinglsey le tranquillisa d’un geste doux de la main.

- Je suis au courant pour votre colocation. Je n’ai aucun problème avec ça. Plus après vous avoir croisé côté moldu. Votre complicité est, reconnaissez-le, d’un hasard magnifique. Le programme ne vous est d’aucune utilité particulière, mais sachez que si vous en ressentez le besoin ou l’envie, mon bureau est directement accessible par transplanage pour toutes les personnes du programme, peu importe leur camp pendant la guerre.

- Est-ce qu’Hermione est au courant ? fut la seule réponse acceptable que Drago parvint à formuler.

- Pas encore… Voyez-vous j’ai volontairement commencé par ce côté du hall. Miss Granger est une force de la nature. J’espère en réchapper vivant.

Ils échangèrent un rire, contenu mais entendu. Kingsley redevint sérieux et tapota l’épaule du jeune homme.

- Le deuxième point que je voulais aborder avec vous : le département de la justice magique m’a également fait part de la date du procès de votre père. Vous et votre mère recevrez dans quelques semaines une citation à comparaître par hibou, mais je tenais à vous la communiquer en personne.

Drago resta impassible à la nouvelle.

- Il aura lieu quand ?

- Le 19 Juillet. »


XXXXX


23 Avril 1999.


« Je ne veux pas aller à cette soirée. Je ne veux pas de leur regard sur moi, de leur pitié… Je ne pourrais pas le supporter.

- Tu n’as aucun souci à te faire, je serai là pour détourner l’attention. Tu arriveras la première, tu n’auras que quelques minutes à supporter. J’arriverai juste après et plus personne ne fera attention à toi. Ils seront trop occupés à me dévisager ou à essayer de me tuer, moi ‘’l’infâme Mangemort qui ose venir gâcher la commémoration’’.

Hermione le regarda tristement, elle espérait sincèrement qu’un jour, le monde sorcier verrait Drago comme elle le voyait.


XXXXX


2 Mai 1999, 19h45.


Kingsley passait d’invités en invités, saluant chaque personne, s’attardant parfois un peu plus longtemps en fonction de la conversation. Il arriva à la hauteur de Ron et Hermione, tous deux en pleine discussion houleuse. Le Premier Ministre se racla discrètement la gorge pour signaler sa présence.

 « Miss Granger, Monsieur Weasley. Je vous prie d’excuser cette interruption. Je sais à quel point il doit être difficile pour vous d’être là ce soir. Votre présence me touche d’autant plus.

Il marqua une pause, prenant le temps d’observer la piclier perchée sur l’épaule de la jeune femme.

- Je vois que vous avez une nouvelle amie fidèle. Elle semble vous avoir adopté.

Il approcha délicatement sa main pour caresser l’oiseau mais ce dernier, se sentant menacé, donna un coup de bec si vif qu’une petite coupure apparut sur la main du Premier Ministre. Hermione ne réagit pas, se faisant la remarque cynique que cet oiseau lui apparaissait de plus en plus étonnant. Kingsley grimaça mais poursuivit comme si de rien n’était.

- Avant de finir de saluer les derniers invités, je tenais à vous informer qu’une distinction pour service rendu au monde magique vous sera décernée. Pas ce soir, ce n’est ni le lieu, ni le moment. A vous Miss Granger pour votre indéfectible courage et loyauté. A vous Monsieur Weasley, pour avoir achevé le Seigneur des Ténèbres et provoqué la chute de son empire. Mais également à Miss Weasley, Monsieur Weasley et Monsieur Potter, à titre posthume…

Hermione sentit des larmes envahir ses yeux et Ron se raidir. Ils échangèrent un regard silencieux et se tinrent la main, se soutenant l’un l’autre. Kingsley se tourna vers la jeune femme :

- Pourrais-je vous dire un mot Miss ?

Ils s’éloignèrent de quelques mètres. Shacklebolt, dos à la jeune femme, hésitait sur le choix de ses mots.

- … Miss, je m’efforce d’être exemplaire au quotidien. Mais j’ai conscience de mes failles, de mes défauts. Je reste humain après tout. Et je ne suis pas le seul. Chaque jour, je suis confronté à l’humanité. C’est beau et aussi… Déroutant.

Hermione fronça les sourcils ; elle sentait que quelque chose se tramait derrière toute cette pseudo philosophie.

- Où voulez-vous en venir exactement ?

- Comme toujours, Miss, vous comprenez avant tout le monde… Bien, alors je n’irai pas par quatre chemins. Les procès des Mangemorts et de tous les partisans vont bientôt commencer. Il a été décidé par le département de la justice magique que ces procès auraient lieu sous veritasérum. Si pour certains, une peine de prison de quelques années suffira, avec, au bout, une période de réinsertion, pour d’autres cela est beaucoup plus difficile. Un grand nombre de sorciers, dont je fais partie, envisage d’exécuter les Mangemorts dont les atrocités ne sont plus à prouver. Mais là où ça se complique encore, c’est que je ne veux pas priver des enfants, dont fait partie votre ami Monsieur Malefoy, d’un parent, au risque de créer une génération désireuse de se venger. Nous ne recourions donc à cette mesure qu’en cas de crime contre l’humanité avérée, d’où le veritasérum, et si la personne condamnée n’a aucune descendance directe. En parallèle, nous avons déjà mis en place le programme des enfants de la guerre. Votre ami pourra vous en dire plus à ce sujet, j’en suis certain.

Shacklebolt laissa passer un moment. Il voyait les méninges de la jeune sorcière s’activer devant ses yeux. Quand son regard s’assombrit, elle releva la tête vers lui :

- Donc…

- J’ai bien conscience de l’extrémité de cette mesure si je parviens à faire passer cette loi. Mais à crime extrême, mesure extrême.

- Vous voulez dire que le père de Drago passerait sa vie en prison mais que…

Elle inspira profondément, elle avait mis des années à pouvoir dire le nom de Voldemort, elle refusait d’avoir peur du nom de son ancien bourreau.

- Que Bellatrix Lestrange serait condamnée à mort ?

Sachant l’effort que cela lui demandait de repenser aux atrocités subies, Kinglsey se montra direct :

- Oui. Je ferai retarder son procès jusqu’à faire passer la loi. Nous ne pouvons risquer la prison à vie avec quelqu’un comme elle. Pas après ce qu’elle a fait. Vous comme moi savons que, contrairement à la croyance de mes prédécesseurs, Azkaban n’est pas hermétique à 100%. Des évasions ont eu lieu et auront encore lieu. Je ne prendrai pas le risque de la laisser devenir la nouvelle mage noire.

Ron, resté en retrait, n’avait pas quitté des yeux son amie, prêt à intervenir au moindre signe. Désemparé par le visage blême d’Hermione et les tremblements de son corps, il ne put, à son retour, que serrer sa main dans la sienne, espérant lui apporter soutien et réconfort.

Kingsley leur fit un bref signe de tête et s’éloigna rapidement, les laissant tous les deux.

La piclier s’agitait sur l’épaule de la jeune femme, ressentant son état. Retournée par sa conversation avec le Premier Ministre, la sorcière renifla bruyamment en tentant de retenir ses larmes. Ron lui tendit un mouchoir mais ne posa aucune question, elle parlerait si elle le souhaitait.

- Merci.

- Tu sais… Tu es toujours la bienvenue au Terrier si tu as besoin. Tu fais partie de la famille. Maman me demande souvent de tes nouvelles.

- Je sais… Mais avec tout ce qui s’est passé… C’est trop... Je peux pas… Je pense à eux, à toi, tous les jours, crois-moi…

Elle sourit tristement ; il acquiesça en silence.

- Raconte-moi, comment ça se passe avec Fergus ? Et quand est-ce que je le rencontre ?

Ron rougit en pensant à son petit ami.

- Il est parfait. Mes parents l’adorent. Il est attentionné et calme. Il a une passion comme papa pour les objets moldus. Il m’aide tellement. Avec lui, j’ai l’impression que c’est un peu moins dur de surmonter tout ça.

- …

- On envisage d’habiter ensemble dans quelques temps !

- C’est vrai ? C’est super ça !

- Oui… J’espère que toi aussi tu trouveras quelqu’un comme ça un jour.

Il serra Hermione dans ses bras, faisant sursauter la piclier au passage. La jeune femme croisa le regard de Drago à l’autre bout du ministère et sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine.


XXXXX


2 Mai 1999, 18h25.


Arrivant devant la cabine téléphonique, ils se regardèrent un moment. Drago lança un lumos, vérifiant une dernière fois que la piclier protégeait bien Hermione. Il s’approcha d’elle, et la lumière au bout de sa baguette vacilla doucement avant de s’éteindre. Les plumes de la piclier se teintèrent d’un bleu nuit profond et sombre.

Soulagé, il ouvrit la porte de la cabine.

- On se retrouve dans quelques minutes.

Il la regarda fermer la porte derrière elle et glisser quelques pièces dans le téléphone. Il attendit de la voir disparaître complètement avant de rebrousser chemin.


XXXXX


2 Mai 1999, 21h.


A l’emplacement de l’ancienne fontaine, il y avait un grand bassin vide en pierre séparé en quatre grands pétales se rejoignant au centre en un carré. Au-dessus flottait un globe de marbre blanc parfaitement immobile. Un peu sur le côté, une estrade avec un pupitre avait été montée pour la soirée. Kingsley, qui venait de finir de saluer chaque invité, s’y dirigea d’un pas lent mais déterminé. Il s’était préparé à cette soirée, à son discours, pour autant cela ne rendait pas sa tâche moins ardue. Il grimpa les quelques marches et, arrivé derrière le pupitre, déroula un long parchemin. Il pointa sa baguette vers sa gorge pour se faire entendre de tous.

♪♫♪

« Jeunes gens…

Tous arrêtèrent de parler et se regroupèrent devant le Premier Ministre.

Il y a un an vous êtes devenus les héritiers d’une guerre qui ne cherchait que la division, la domination et l’annihilation du monde sorcier tel que nous le connaissions. Vous vous êtes opposés à l’un des plus grands mages noirs de notre temps. Sans votre détermination, votre courage et votre force, le monde serait écrasé sous la dictature chaotique de Tom Elvis Jedusor et de ses fanatiques. Vos choix, vox actions, vos sacrifices nous ont mené à la victoire, à la liberté. Mais à quel prix ? Le monde sorcier a envers vous tous, une dette qu’il ne saura jamais effacer.

Que notre pays ait été la cible d’un seul homme aux convictions inébranlables, il n’en pouvait être autrement. Ce ministère et ses représentants ont failli plus d’une fois à leurs devoirs, à leurs engagements. Notre désastreuse politique vous a mené dans une bataille que vous, jeunes gens, avez honorée d’une droiture sans faille. Que ce soit par votre héroïsme, votre soutien, votre mépris pour les règlements ou, comme il m’a été donné de savoir, par votre discrétion, chacune de vos actions ont fait pencher la balance du bon côté. Vous êtes les enfants de cette guerre. Mais, j’ose m’avancer, plus encore, vous êtes les enfants de cette liberté ! »

Kingsley prit un moment pour observer les visages face à lui avant de poursuivre.

« Je ne vous promets pas l’oubli, car jamais nous n’oublierons. Je ne vous promets pas l’ataraxie, le deuil nécessaire vous fera emprunter des chemins hasardeux et parfois tortueux. Mais je vous promets qu’en tant que Premier Ministre, je m’acharnerai chaque jour de ma vie pour que plus jamais nous ne laissions un jeune homme faire tous les mauvais choix du monde. Que plus jamais votre ministère ne sera la source de la souffrance de toute une nation. Que plus jamais nous n’ayons peur d’un nom. Et que plus jamais nous choisirons la division au lieu de l’unité.

En voyant vos visages aujourd’hui, je ne peux que déplorer tristement et honteusement l’absence de beaucoup trop d’entre vous. Aujourd’hui, nous commémorons la première année d’une paix lourdement payé. Chaque pays de la Confédération Internationale des Sorciers se joint à nous en cette journée de deuil national. »

Le long de chaque mur de l’atrium se déroulèrent des drapeaux blancs où, un à un, apparurent les visages des représentants de tous les pays. Le Premier Ministre leva sa main vers le bassin :

« Nous rendons hommages aux enfants tombés au combat. Que cette fontaine honore à jamais leur mémoire et leurs actes de bravoure. »

Au bout de ses doigts, il fit apparaître une boule d’or, crépitante d’étincelles de lumière chaude.

« A vous, les enfants de la guerre ; les enfants de la liberté. »

Il lança la boule en direction de la fontaine. Elle voleta un moment avant de se déposer au sommet du globe. Une lueur d’abord faible emplit le ministère de sa chaleur. Devenue lumière, chacun dut plisser les yeux pour ne pas finir aveuglé. La boule explosa en une multitude de rayons blancs, baignant le ministère d’une clarté soudaine. Quand la boule disparut, à sa place se tenait une jeune licorne, des arabesques et des spirales ondulant sur son pelage doré. Elle s’inclina noblement en direction des invités, puis de sa corne, toucha délicatement le globe de marbre. De l’eau ruissela sous ses sabots et elle se redressa fièrement, symbole de paix et d’innocence sur la cime du monde. En lettres d’or, un nom se dessina dans le marbre et resta gravé quelques secondes avant de disparaître pour laisser la place à un nouveau nom.

Chacun s’approcha silencieusement et entoura la fontaine pour y lire le nom d’un ami, d’un frère, d’une sœur…

Hermione recula de quelques pas en voyant le nom d’Harry s’écrire. Elle ne put retenir ses larmes en croisant le regard de Ron. Il était aussi dévasté qu’elle. Au même moment, le nom de leur ami disparut, et celui de Ginny s’esquissa. Ron ne pouvait plus quitter le globe du regard, paralysé, meurtri… Anéanti.

Hermione s’effondra à genoux, faisant sursauter la piclier qui sauta au sol à côté d’elle. Tous les regards se tournèrent vers elle, lui faisant perdre le peu de contrôle qu’il lui restait. Une main sur la poitrine, elle s’écroula au sol, rongée par la souffrance et l’angoisse, hurlant de désespoir entre ses sanglots.

Comme pétrifiés, ils assistaient impuissants à cette scène bouleversante, rappelant à chacun sa propre agonie. Seule une chevelure blonde, perdue dans la masse, fendit la foule, se frayant un chemin, jouant des coudes. N’écoutant que son cœur, il se précipita vers elle et la serra contre lui. Il ne vit même pas les regards stupéfaits autour d’eux. Instinctivement, elle se jeta dans ses bras, pleurant et s’étouffant dans ses cris déchirants.

Il n’avait que faire des autres autour d’eux ; il passa son bras sous les genoux de la jeune femme, la soulevant, légère comme un sac de plumes. Sans perdre une seconde, il siffla et la piclier, d’un coup d’ailes, se hissa sur son épaule. En voyant les plumes rouge lie de vin, il comprit qu’il ne restait que peu de temps avant que la protection de la piclier ne cesse. Il se hâta de prendre la direction de la sortie sans un regard vers l’effarement général, sans entendre le cliquetis de l’appareil photo retentir.

Il la porta, loin du ministère, chez eux, en sécurité.


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