Les enfants de la guerre

Chapitre 9 : Chapitre neuvième

17781 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/07/2023 15:30

Chapitre neuvième :

Ambiances musicales : 1 ♪♫♪ The Wedding – Bear McCreary

         2 ♪♫♪ Underwater – Johnny Jewel

« Espoir, déception : deux ennemis qui s’entendent très bien ensemble. » - Eugène Vivier.

 

Le froid laissait doucement la place à la fraicheur printanière et la plupart des gens abandonnait anoraks et bonnets. Hermione ne quittait pas son écharpe qu’elle portait tous les jours sous les yeux attendris de Drago. Voilà des semaines qu’ils n’avaient pas eu de véritable échange. Chacun concentré sur son objectif, leurs discussions concernaient principalement le quotidien à Leinster Garden. Elle étudiait des cartes, cherchant le meilleur itinéraire pour accoster et contourner la magie d’Azkaban. C’était un travail tellement colossal, qu’elle gardait les sourcils froncés en permanence par la concentration. Elle restait pendant des heures à réfléchir le regard dans le vide, oubliant presque par moment de respirer. Lui, gardait discrètement un œil sur elle, surveillant qu’elle mange et dorme suffisamment. Il pressentait que quelque chose de sombre et terrible se tramait. Il voyait quelque fois les yeux d’Hermione envahis par la peur, leur étincelle habituelle se recouvrant d’un voile terne. Sans vraiment savoir pourquoi, il se gardait d’intervenir ou de dire quoi que ce soit. Il se tenait prêt à agir, juste en cas de besoin, lui-même étant submergé par ses propres recherches. Soir après soir, il retournait tous les livres de la grande bibliothèque magique de Londres. Plongeant dans chaque ouvrage à sa disposition, il espérait trouver des réponses sur les runes et leurs utilisations déviantes.


Des mois de recherches infructueuses entamaient sérieusement son moral et sa détermination. Il commençait à croire qu’il n’existait aucun moyen d’inverser le maléfice. Il ne voulait certainement pas abandonner ; Bellatrix n’avait pas inventé cette magie sans recherche ni aide. Il était persuadé que, si ce n’était pas ici, il y avait quelque part des informations essentielles. Ce soir encore, il se perdit dans un énième syllabaire attrapé dans les rayonnages. Page après page, heure après heure, il s’usait les yeux à décrypter l’écriture minuscule de l’ouvrage inutile ; aucune nouvelle piste intéressante ne lui sauta aux yeux. Fatigué et passablement énervé, il jeta le livre de toutes ses forces qui, en tombant ouvert au sol, corna au passage plusieurs de ses pages. Il appuya son front contre le bois de la table et laissa tomber ses bras, pendant mollement ainsi de chaque côté du fauteuil dans lequel il était assis.


C’est alors qu’un vieil homme surgit de derrière un chariot débordant de livres. Son visage, encadré de longs cheveux blancs et d’une barbe toute aussi blanche et longue, dégageait une expression douce mais sévère. Il plissa les yeux derrière ses lunettes en demi-lune et se fâcha :


 « Jeune homme, je vous prierais de ne pas jeter les ouvrages. Ils ont une valeur inestimable !


Les yeux clos, Drago murmura, à peine audible.


- Pardon.

- Besoin d’aide mon garçon ? Demanda-t-il simplement en retroussant nonchalamment les manches de sa robe de sorcier.


Drago n’en pouvait plus. Il se leva et commença à faire les cent pas devant la table en vidant son sac, comme si sa propre survie en dépendait.


- Ces fichus runes vont me rendre dingue ! Je vais bientôt avoir retourné tous les syllabaires de cette foutue bibliothèque, mais rien ! Y a rien qui me donne ne serait-ce qu’un indice sur son fonctionnement. C’est à croire que cette rune sort de nulle part ! Après tout ce qu’elle a subi, tout ce que JE lui ai fait subir. Déjà, je trouve le moyen d’en tomber amoureux. Alors que, soyons honnêtes deux minutes, il n’y a pas sur cette planète une personne qui mérite moins que moi de l’aimer. Et pourtant, je l’aime. A en crever, je l’aime ! Plus encore que je ne peux le ressentir, plus encore que je ne pourrai jamais le dire. Je sais bien qu’elle ne pourra jamais m’aimer, mais je me sens mourir de savoir qu’un jour elle tombera amoureuse d’un autre que moi. Et en plus, je fais la promesse intenable de la sauver d’une magie noire que personne ne connaît ni ne comprend ! Pourtant cette magie a bien été créée, elle s’est pas faite toute seule. Ils sont où les livres, les parchemins, les… les préceptes qui me permettront de lui enlever cette maudite rune ?! Hein ? Où ?!!!


Le vieux bibliothécaire l’écoutait attentivement sans dire un mot.


- Et moi je suis là avec mon arrogance à vomir ! Aaaaaah… Elle est belle la promesse de la sauver. Par Merlin, si la prétention pouvait tuer, je serai un homme mort à l’heure qu’il est.


Pour la première fois, il disait à voix haute ce qu’il pensait depuis des mois. Il retint deux larmes de couler de ses yeux, il ne comptait pas se ridiculiser encore plus devant un inconnu. Accablé par son impuissance et son inutilité, il s’affala sur sa chaise et s’effondra, sa tête s’écrasant lourdement sur la table. Le vieil homme se rapprocha et lui tapota doucement l’épaule. Il posa son regard perçant sur Drago en souriant gentiment, ce qui faisait ressortir son air malicieux naturel.


- Aaah… L’amour ! Délicieux quand il est partagé, déchirant lorsqu’il est tut. Cette personne compte énormément pour vous ; elle a beaucoup de chance de vous avoir. Qui sait, un jour prochain elle finira par le voir. Vous me dites qu’elle est victime d’une magie noire inconnue. Une rune, c’est bien cela ?


Drago hocha tristement la tête. Le bibliothécaire passa sa main dans sa longue barbe en réfléchissant.


- La rune est donc altérée. A tout hasard, avez-vous vérifié dans la section des altérations magiques ?


Drago se leva d’un bond comme recevant une décharge électrique et s’écria.


- Non !

- Rez-de-chaussée, aile nord.

- Merci, dit-il en s’éloignant.


Le vieux sorcier sourit derrière ses lunettes.


- Je vous en prie Monsieur Malefoy. Prenez grand soin de Miss Granger.


Drago se stoppa net et se retourna, cherchant des yeux le bibliothécaire, mais il avait disparu, comme par magie. Soudain, la voix du vieil homme lui rappelait quelqu’un : ses mots, sa façon de tourner les phrases. Mais cela ne se pouvait pas, c’était impossible. Il se secoua, reprenant ses esprits et descendit jusqu’à la section convoitée. Arrivé dans l’aile nord, il attrapa le premier livre qui lui tomba sous la main : ‘’ Précepte des altérations magiques et soins ’’.

Ce regain d’espoir lui fit pousser des ailes et il passa la nuit à lire autant d’ouvrages qu’il le pouvait à la recherche du miracle tant souhaité. Au petit matin, il n’avait certes pas de soin mais une idée avait germé. Il s’empressa donc de rentrer à Leinster Garden partager avec Hermione ses découvertes.


XXXXX


 

Assise dans le canapé, les traits tirés et le regard dans le vide, il s’accroupit devant elle, inquiet.


« Hermione ? Tu as encore fait un cauchemar ?


Elle sanglotait visiblement depuis un moment déjà, à en juger par ses yeux rouges et gonflés.


- J’en peux plus de tout ça. Je suis épuisée. Il faut que ça s’arrête !


Il la prit dans ses bras et la berça calmement.


- Je sais…


Elle grelotta ; il resserra son étreinte pour la rassurer et se jeta à l’eau.


- Ecoute… Je voulais te parler de quelque chose justement.


Elle releva la tête vers lui, de nouvelles larmes au bord des yeux.


- J’ai fait des recherches.


Il se redressa avant de poursuivre.


- Je me repasse sans cesse ce que tu m’as dit.


Il allait et venait devant elle. Perdu dans ses pensées, ses lèvres bougeaient sans qu’aucun son n’en sorte.


- Je t’écoute.


Il se figea sur place et respira profondément, tentant de mettre de l’ordre dans ses idées.


- Depuis des mois, je cherche une solution pour te débarrasser de cette rune.

- Drago… J’ai été auscultée pendant des semaines et des semaines. Même à Ste Mangouste ils n’ont rien trouvé. Rien ne peut enlever cette chose de ma peau !

- Ils n’avaient pas ma détermination, grogna-t-il derrière ses dents.

- Pourquoi ? Tu ne me dois rien. »


Il ne pouvait rien dire. Il ne voulait pas lui imposer ça.


« Si tu entendais…


Tu es ma bouffée d’oxygène lorsque je sombre dans les abysses de mon esprit. Ma bouée de sauvetage dans l’océan déchainé de mes souvenirs.


Si tu voyais…


Tu es la douce chaleur qui fait naître le printemps dans mon cœur trop longtemps resté en hiver. La lumière pure dans mon ciel de ténèbres.


Si tu savais… 


Je te cherche dans la foule, voulant accrocher mon regard au tien. Je te désire plus que de raison, brûlant de n’être qu’un seul cœur battant à tout rompre. Tu me trouves dans mes cauchemars me tendant la main pour traverser les pires enfers. On s’aime dans mes rêves les plus fous comme si le monde autour de nous n’existait pas. »


Il plongea ses yeux dans les siens.


« Je t’aime. »


 Et musela son amour.


« Parce que je n’ai pas pu te sauver la première fois.


Elle fondit en larmes.


- Ne fais pas ça… Ne me donne pas d’espoir…

- C’est pas ça. Ce n’est pas de l’espoir que je veux te donner. Je veux te rendre ta vie. Je ne laisserai rien ni personne se mettre en travers de la vie que tu mérites.


Il s’approcha d’elle à nouveau et essuya ses larmes.


- Ecoute, il existe un moyen de savoir exactement comment la rune agit.

- Quoi ? Comment ça ?

- Les tritons.


Interloquée, Hermione fronça les sourcils.


- Ils ont cette capacité spéciale qui leur permet d’analyser n’importe quel être vivant. Mais surtout, ils peuvent détecter les altérations : maladies, blessures magiques…

- Comme un scanner.

- Un quoi ?

- Un scanner. C’est une machine créée par les moldus qui permet de voir dans le corps d’une personne sans avoir besoin de l’ouvrir.

- Je ne savais pas que les moldus avaient ce genre de machine… Tu n’es jamais allé voir ce scanner ?

- C’est difficile d’expliquer un tatouage luisant qui prive quelqu’un de sa magie.

- En effet. Du coup, le triton pourrait vraiment nous aider. Enfin au moins, nous apporter des réponses. Après, on pourra trouver des solutions pour t’en débarrasser.

- Mais ce n’est pas à Londres qu’on va trouver des tritons, dit-elle en se levant faisant à son tour les cent pas devant le canapé. Il y a bien le lac noir, mais comment accéder à Poudlard ? Peut-être que McGonagall accepterait de nous laisser entrer !


Il esquissa un sourire en voyant l’étincelle briller dans son regard. Il la voyait réfléchir à toute vitesse. Elle ne se rendait même plus compte de sa présence.


- Hermione…

- …Oui mais comment faire pour attirer les tritons jusqu’à la surface ?...

- Hermione ?

- …Peut-être en utilisant un appât ? Ça doit pouvoir marcher…

- HERMIONE !

- Quoi ?!

- J’ai déjà réfléchi à une solution…

- Oh… Depuis quand exactement tu fais ces recherches ?


Il hésitait à lui révéler qu’il y avait passé ses journées, ses soirées et parfois même ses nuits.


- Drago ?

- Depuis le nouvel an, rougit-il en regardant ses pieds.

- Le nouvel an ? Pourquoi tu ne m’as rien dit avant ?

- Parce que je n’avais rien de concret… Jusqu’à hier soir !


Il saisit ses mains dans les siennes et l’entraina avec lui dans le canapé avant de poursuivre.


- Voilà ce que j’ai appris. Le triton est une créature beaucoup plus peureuse des humains que la sirène. Justement parce qu’ils ne veulent pas être exploités pour leur capacité. Je me suis demandé comment montrer la rune à un triton s’ils ne viennent pas à nous. Et je me suis dit que c’était peut-être à toi d’aller jusqu’à eux.

- Oui mais…

- Mais. Tu ne peux pas respirer sous l’eau grâce à la magie. Je sais. Il fallait donc trouver un moyen de te faire voyager en toute sécurité, tout en ne faisant pas fuir les tritons.

- On peut oublier le matériel de plongée alors… Pensa-t-elle à voix haute.

- Il existe du matériel pour respirer sous l’eau ?

- Oui, mais ça ferait fuir les tritons à coup sûr. Continue, je t’écoute.

- De plus en plus surprenant ces moldus. Bref, Il existe une créature à la fois terrestre et aquatique : le kelpie. Sur terre, il ressemble à un cheval, superbe au regard envoutant presque magnétique. Et dès qu’il rentre au contact de l’eau, sa crinière s’allonge en prenant l’aspect du varech et son pelage se transforme en écailles. En temps normal, cette créature charme les humains pour les noyer dans les fonds marins. Mais ! En lui mettant une bride, il est apprivoisé et obéit aux ordres, même s’il essaiera de se libérer à tout prix.

- Comment être sûr que la magie du kelpie ne déclenche pas la rune ?

- Je n’ai aucune certitude. Je sais juste que tu peux toucher les fleurs que je fais apparaitre et que tu peux approcher des créatures magiques sans que cela ne t’affecte.

- Vrai.

- Je me souviens de ce que tu m’as raconté. Kingsley et son équipe t’ont sauvé alors que Bellatrix était en train de te lancer ce maléfice. Je ne peux m’empêcher de penser qu’elle a été interrompue par ton sauvetage et que la rune est incomplète, imparfaite. Ce n’est que ma théorie, mais je pense que c’est pour ça qu’elle laisse passer certaines magies, comme celle des créatures.

- C’est un raisonnement assez logique, reconnut Hermione. Tu es sûr de ne pas être un brin Serdaigle sur les bords ? Se moqua-t-elle gentiment.

- Au cas où tu l’aurais oublié, j’étais bon élève à Poudlard. Pas aussi bon que toi, c’est vrai, mais quand même !

- Mmm… Du coup, nous avons deux problèmes : où trouver un kelpie vivant près de tritons ? Et comment passer une bride à ce kelpie ?

- J’ai là aussi des solutions. Attends, je vais chercher quelque chose.

 Il s’éclipsa un court instant dans sa chambre et revint avec une lettre dans les mains.

- J’ai de la famille aux Orcades. C’est de la famille éloignée du côté de ma mère. Ils n’ont pas cette obsession du sang pur et vivent quasiment isolés du reste du monde. Ma mère m’a parlé de la matriarche, elle connaît beaucoup de légendes et utilise la magie d’une autre manière qu’ici, même si je ne sais pas exactement comment. Je sais qu’ils sont très proches de la nature et des créatures. Je lui ai écrit une lettre, dit-il en lui tendant le parchemin. Je voulais t’en parler avant de lui envoyer.

- …

 - Je sais qu’il y a beaucoup d’inconnues et que cela ne nous mènera peut-être à rien. Je reste persuadé que si on en savait plus sur la rune, on pourrait la comprendre et peut-être même trouver un moyen de l’enlever.


Elle relisait la longue lettre, les mains tremblantes. Il lui laissa le temps d’assimiler tout ce qu’il lui avait dit et finit par rompre le silence pesant entre eux.


- Dis quelque chose… Même si c’est pour me hurler dessus.

- Te hurler dessus ? C’est… Ce que tu as fait avec toutes ces recherches… C’est inimaginable. Tu n’as aucune idée de ce que ça représente pour moi. Je pensais mourir ce jour-là… Je voulais mourir, tu comprends ? Plutôt que de survivre. Je suis déchirée en permanence par la culpabilité, la rage, la peur aussi, et la souffrance quasi quotidienne. Ça ne laisse de place à rien d’autre. Et pourtant toi… Alors qu’on se détestait tellement. Je n’arrive même plus à croire que la haine entre nous ait un jour existé. Tu arrives à insuffler entre les ruines que je suis devenue, une lumière, une chaleur. Je trouve pas les mots pas pour décrire cette sensation. Tu parviens miraculeusement à mettre des pansements sur mon âme, à recoller des petits bouts de moi. Alors non, je ne vais certainement pas te hurler dessus. Tu viens de m’offrir quelque chose de bien plus inestimable que de l’espoir : l’envie de me battre pour moi.

Il était incapable de détourner son regard de l’étincelle flamboyante dans ses yeux. Il s’approcha d’elle un peu plus et posa ses mains sur les siennes :

- Tu m’autorises à envoyer la lettre alors ?

- A une condition.

- Laquelle ?

- Si ta famille accepte de m’aider, je veux que tu m’accompagnes.

- Tu croyais réellement que je comptais te quitter d’une semelle ?


Elle sourit, rassurée, et lui redonna la lettre.


Il se dirigea vers la fenêtre de la cuisine et l’ouvrit. Il siffla entre ses doigts et quelques instants après, une magnifique chouette rayée, au plumage gris-brun, entra dans la pièce et se posa sur la table. Ses yeux dorés se posèrent d’abord sur Drago, qui lui caressa la tête, puis sur Hermione. La chouette ne quittait pas la sorcière des yeux.


Hermione avança doucement la main vers elle, hésitante.


- Est-ce que je peux… ? On pourrait vérifier ta théorie.


Il hocha la tête et s’adressa à sa chouette.


- Sapientia (1), sois gentille.


Celle-ci poussa huit petits hululements (2) à peine audible dans sa direction, comme si elle acquiesçait.


Hermione tendit alors délicatement la main et la laissa venir à elle. Elles ne se quittaient pas des yeux. Sapientia posa son bec tout doucement contre sa paume et se laissa caresser.


Elle frôla le beau plumage de la chouette du bout des doigts.


- Merci Sapientia. Elle est vraiment magnifique, ajouta-t-elle pour Drago.


Stupéfait par ce qu’il voyait, il écarquillait les yeux.


- Tu as une aura ! En général, elle déteste les inconnus. Alors, la rune ?


Soulagée, elle soupira tout en continuant de cajoler la chouette venue se lover contre elle.


- Rien.

- J’ai besoin que tu donnes cette lettre à Muireann Caengal (3) sur les Orcades, à Deerness.


La chouette s’éloigna à contrecœur de la sorcière et attrapa délicatement l’enveloppe. Elle déploya ensuite gracieusement ses ailes et s’envola par la fenêtre. Ils la regardèrent voler au-dessus des toits un moment avant qu’elle ne disparaisse à l’horizon.


Soudain songeuse, Hermione se rassit sur le canapé, le visage blême. Elle ne savait plus si elle devait persister à vouloir la mort de Bellatrix ou se jeter corps et âme dans cette nouvelle opportunité. Hier encore, elle était persuadée du bien fondé de ses choix, mais elle n’était pas une meurtrière. Aujourd’hui, elle n’était plus sure de rien, tout se mélangeait dans sa tête, le passé, le présent. Elle remarqua Drago s’approcher et s’asseoir à ses côtés. Même le futur ne lui apparaissait plus aussi sombre. Elle sentit sa main caresser doucement son dos. Elle ferma les yeux, le flot de ses pensées s’apaisa, une chaleur rassurante se répandant dans tout son corps. En rouvrant les yeux, elle parvint à esquisser un sourire.


- Je… J’ai pas les mots. Je n’en reviens toujours pas ! Tout ce que tu as fait…


Il effleura sa joue, elle frissonna.


- Je serai toujours là pour toi.


Il posa ses yeux sur ses lèvres, les battements de son cœur au bord des siennes. Il croisa son regard, elle arrêta de respirer. Il entrouvrit la bouche, elle se leva brusquement.


- Je n’avais pas vu l’heure, je… Je dois aller au travail.


Il se racla la gorge, se fustigeant mentalement de se montrer si enclin à céder aux hurlements de son cœur.


- Oui, bien sûr. J’ai, euh… Des papiers à faire de toute façon. A plus tard. »


Et tous deux se sauvèrent dans des directions opposées.

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1Sapientia du latin ‘’sagesse’’.

2 La chouette rayée est connue pour ses hululements par série de huit petits cris (source Wikipédia).

3 Prénom féminin écossais prononcé [Mweerin]. J’ai créé le nom de famille ‘’Caengal’’ qui vient du gaélique écossais ‘’Ceangal’’ qui veut dire ‘’lien’’ et de la syllabe ‘’cae’’ qui vient du mot latin ‘’magicae’’ signifiant ‘’magie’’.

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XXXXX


Plusieurs jours passèrent et ils trouvaient toujours une excuse pour se côtoyer le moins possible. Drago, parce qu’il sentait vaciller de plus en plus sa capacité à retenir ses sentiments. Hermione, se protégeant inconsciemment des questions que soulevait son apaisante colocation.


Assis à son bureau, il soupira une énième fois. Enfermé en ayant encore prétexté devoir remplir des documents pour le département de la justice magique, il n’avait, en réalité rien d’autre à faire que de compter les heures.


« Drago !


Il sursauta en entendant son prénom.


- Ta chouette !


Il se précipita dans le salon pour trouver Sapientia, blottit contre Hermione, les yeux mi-clos appréciant les caresses de la jeune femme. Une lettre, posée sur la table, attendait.


- Tu ne l’as pas ouverte ?

- Bah non, elle est à ton nom.


Il saisit l’enveloppe et hésita une seconde. Et si sa famille refusait de les aider ? Et si aucune Muireann Caengal n’existait ? Et si sa mère lui avait menti ou s’était trompée ? Non, impossible. Elle reconnut le trouble dans ses yeux, comme si elle avait suivi le court de ses pensées.


- Peu importe, nous trouverons d’autres idées.


Son cœur soupira et il décacheta le courrier. Hermione s’approcha de lui.


- Alors ?

- Tiens.


Elle attrapa le parchemin, beaucoup moins à l’aise qu’elle ne voulait l’admettre, et le relut plusieurs fois pour être sûre d’elle. Une boule d’angoisse explosa dans sa poitrine, déversant dans ses veines ce poison qu’elle connaissait trop bien.


- Bon, ok… Pas de panique. Qu’est-ce que je risque après tout ? De finir noyée au fond de la mer du Nord ? De finir dévorer par un triton mal luné ? Ou mieux encore qu’il ne se passe rien du tout et qu’on rentre bredouille ? Tout… Va… Bien… Se… Passer.


Ses mains tremblaient frénétiquement. Drago la prit par les épaules.


- Hè, hè, hè… Calme. Je ne te laisserai ni te noyer ni te faire dévorer ! Et s’il ne se passe rien, on essaiera encore et encore, jusqu’à avoir une réponse. Ok ?


Elle inspira par le nez et expira profondément par la bouche, les yeux fermés, gardant ainsi le contrôle sur son stress. Elle rouvrit ses yeux, son cerveau se remit à tourner, chassant la peur.


- Ok. Soyons pragmatiques. On doit tout organiser et ne rien laisser au hasard. On va devoir décider d’une date. Et prévenir aussi nos employeurs. Ou alors, on part sur un week-end ?

- Il serait sans doute plus prudent de prendre plusieurs jours. J’ai peur qu’un week-end ne soit pas suffisant.

- Très juste. Une semaine ? Deux ?

- Cette Muireann a l’air… Assez spéciale, mieux vaut prendre deux semaines, juste au cas où. »


Ils évoquèrent ensemble tous les points importants et se mirent d’accord sur les dates, le trajet et même un plan B au cas où les choses tourneraient mal. Hermione se sentait, à peu de choses près, comme pendant la guerre. Elle essayait de ne rien laisser au hasard et de parer à toute éventualité. Vêtements, livres, potions, argent… Tous les sujets, même minimes, furent discutés et planifiés.


Chacun avait une liste à faire, Drago partit annoncer ses deux semaines d’absence, réserver les différents billets de transports. En partant de Londres, il leur fallait treize heures de train pour rallier Thurso, au Nord de l’Ecosse. De là, il fallait compter une heure de ferry jusqu’à Stromness et encore quarante minutes de voiture pour enfin arriver à Deerness. Il répondit à Muireann en lui donnant les détails de leur arrivée. Hermione, quant à elle, et face à l’exaspérante insistance de Drago, sortit acheter des vêtements plus chauds et en profita pour informer son responsable de sa prise de congés pour « raison familiale ».


XXXXX


« Drago, est-ce que tout est bon de ton côté ?

- Oui, billets de train et de ferry achetés. J’ai aussi réservé l’hôtel pour vendredi soir.

- Comment ça ?

- Le train arrive à plus de 22h à Thurso, il n’y a pas de ferry avant le lendemain matin. Personnellement, je n’ai pas envie de dormir à la belle étoile.

- Pas bête… Bon, de mon côté, j’ai croisé Robb. Il m’a dit qu’il s’occupait de me remplacer. Je lui ai dit que j’allais voir de la famille pour quelques jours. Ce qui n’est pas vraiment un mensonge, je n’ai juste pas dit que c’était ta famille et pas la mienne.


Malgré les années, elle n’aimait toujours pas mentir. Elle préférait appeler ça ‘’une omission légère’’ pour éviter que Robb ne se fasse des idées.


- Ah, et j’ai préparé une valise. D’ailleurs, il reste de la place entre les livres, si tu veux mettre tes affaires.


Il se dirigea vers sa chambre prendre sa pile de vêtements et les glissa dedans avant de la refermer. Il la souleva pour la poser par terre.


- Mais elle pèse trois tonnes ! Combien tu as mis de livres là-dedans ?

- Euh… Je ne sais pas quelques-uns, peut-être une quinzaine.

- 15 ?! Hermione, je suis presque sûr que tu ne liras pas tout ça.

- J’ai pris que des essentiels.


Il rouvrit le bagage et sortit les livres un à un.


- Potions… Syllabaire… Créatures magiques… Mais Hermione, il y a 4 livres de potions ! Tu vas me faire croire que tu ne sais plus faire une potion Wiggenweld ?

- …

- Les potions, on peut oublier. Hors de question de t’en faire avaler une. Je refuse que tu finisses à Ste Mangouste pour une potion.


Elle rougit en marmonnant.


- C’est pas pour moi les potions. C’est pour…


Elle se tut en fixant ses pieds.


- Pour ?

- C’est pour toi, au cas où il t’arrive quelque chose.


Il sourit bêtement.


 - Je ne peux peut-être pas les boire, mais je peux les préparer, enfin je peux essayer. On ne sait pas sur quoi on va tomber. Déjà que je t’ai demandé de m’accompagner. C’est pas non plus pour que tu finisses toi aussi à Ste Mangouste. Imagine tu dois transplaner et tu finis désartibulé ou que ce kelpie s’en prenne à toi ou… Ou… Je sais pas moi !


Il éclata franchement de rire.


- Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle ! S’offusqua-t-elle.


Il arrêta de rire et planta son regard dans le sien.


- Ne me dis pas que tu t’inquiètes pour moi ?! Ce n’est pas moi qui dois monter sur un kelpie et m’aventurer dans les tréfonds de la mer du Nord. Donc, on oublie les livres de potions. Le syllabaire, laisse tomber, je les ai tous épluchés pendant mes recherches, ils sont inutiles pour la rune.


Il continua d’enlever les ouvrages de la valise.


- On peut garder celui sur les créatures aquatiques mais les trois autres ne nous serviront pas. Quant aux légendes et contes d’Ecosse, je pense que Muireann sera la plus à même de répondre à nos questions.

Satisfait en pesant le bagage, il le referma.

- Bon. Je pense qu’on est prêt. »


Ils partaient le lendemain matin, aussi voulurent-ils se coucher tôt. Mais ils attendaient tellement de ce séjour qu’ils eurent toutes les difficultés du monde à trouver le sommeil.


XXXXX


Comme prévu, ils arrivèrent sans encombre à Thurso vers 22h et prirent un taxi jusqu’à leur hôtel pour la nuit. Derrière le comptoir en bois verni, une espèce de petit bonhomme trapu au crâne dégarni les accueillit.


« Madame, monsieur, bonsoir. Comment puis-je vous être utile ?

- Bonsoir, nous avons deux réservations. Une au nom de Granger, et l’autre au nom de Malefoy.

 

Drago grimaça en donnant son nom, toujours aussi mal à l’aise. Le réceptionniste n’y prêta aucune attention, consultant son registre.


- Tout à fait. Par contre, je n’ai pas pu vous mettre de chambres côte à côte, nous avons beaucoup de monde pour la saison. J’espère que cela ne pose pas de problème.

- Aucun non.


Il tendit d’abord une clef à Hermione.


- Madame, voilà pour vous. Et Monsieur, voici la vôtre. Chambres 204 et 216, au deuxième étage. Avez-vous besoin d’aide pour monter vos bagages ?

- Ça ira, je vous remercie. »


Après avoir emprunté les escaliers, ils s’arrêtèrent devant la chambre d’Hermione, qui sortit ses affaires de la valise pour les ranger. Ils se mirent d’accord pour se retrouver un peu plus tard prendre un thé et Drago se dirigea vers sa propre chambre.


XXXXX


Hermione arriva la première et s’installa dans un fauteuil en attendant Drago. Elle prit le temps de regarder autour d’elle. L’hôtel était décoré avec goût, des fauteuils en cuir étaient disposés dans le petit salon de sorte à créer plusieurs espaces chaleureux. Les appliques lumineuses à la visière de toile verte et aux franges de fil doré lui étirèrent les coins de la bouche en un sourire presque amusé : odieux clin d’œil aux années passées à Poudlard. Perdue dans des souvenirs lointains, elle ne vit pas l’homme qui s’avançait vers elle. Elle sursauta en l’entendant parler, réalisant subitement qu’elle n’était plus seule.


« J’te regarde depuis tout à l’heure, et j’dois dire que j’n’avais pas vu de créature aussi sexy depuis une paire d’années dans ce boui-boui.


Surprise, elle regarda autour d’elle, cherchant des yeux la personne à qui il s’adressait.


- Pardon, c’est à moi que vous parlez ?

- A qui d’autre ma belle ? Quand j’t’ai vu sortir de ta chambre, j’me suis dit : ‘’mon salaud, cette femme mérite d’être adulée matin, midi et soir.’’


Hermione ne se laissa pas désarçonner et s’arma, une fois n’était pas coutume, de son légendaire courage. Elle le dévisagea d’un air dédaigneux.


- C’est censé être un compliment ?

- Des compliments bébé, j’t’en ferai autant que tu veux quand j’s’rai entre tes cuisses. »


Drago apparut dans l’encadrement en arche du petit salon. Hermione lui tournait le dos, assise dans un fauteuil. Elle riait aux éclats face à un homme au sourire carnassier qui s’approchait de plus en plus d’elle. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre la nature de la discussion. Sentant son sang bouillir, il tourna les talons et s’enferma dans sa chambre.


XXXXX


Drago était toujours en train de fulminer dans sa chambre quand quelqu’un frappa à la porte.


« Hermione ? Qu’est-ce que tu fais là ? Dit-il plus sèchement qu’il ne le voulait.


Elle jetait de rapides coups d’œil affolés vers les escaliers.


- Est-ce que je peux entrer s’il te plait ?


Il s’écarta pour la laisser passer et referma la porte derrière elle.


- Merci ! J’ai cru qu’il ne me lâcherait jamais !


En se rasseyant dans son fauteuil, il la regarda faire des allers et venues entre lui et la porte.


- Non, mais c’est quoi ces gens qui veulent pas vous laisser tranquille ! J’ai une tête à vouloir un plan aussi foireux qu’un coup d’un soir ?


Dans son cerveau, une ampoule s’alluma et, en se repassant la scène, il se frappa mentalement de ne pas avoir compris tout de suite. Elle avait juste essayé de détourner l’attention du dragueur bas de gamme sans succès.


- Tu veux bien t’expliquer.

- Quand je t’attendais pour le thé, un homme… Enfin plutôt une insupportable sangsue a pris ma solitude pour une invitation à me tenir compagnie et surtout à me ramener dans son lit ! J’ai bien essayé de m’en débarrasser mais il s’accrochait à moi comme un hippogriffe à son furet ! Alors j’ai fait semblant de marcher dans son jeu, en riant à ses blagues. Je lui ai donné rendez-vous dans ma chambre dans vingt minutes. Ça me laissait assez de temps pour venir me réfugier ici et ne pas le croiser. Hors de question qu’il pose ne serait-ce qu’un doigt sur moi !


Elle réprima un haut le cœur en s’imaginant la scène. Drago était partagé entre l’envie furieuse de faire avaler ses dents à ce moins que rien et celle d’exploser de rire en voyant la grimace de dégoût tordre le visage d’Hermione. Il se retint malgré tout de laisser sa colère, et sa jalousie mal placée, prendre le dessus.


Il explosa de rire en se tenant les côtes.


- Il y a vraiment… des gens pas nets !


Elle le regarda stupéfaite.


- Comment oses-tu te…

- Quel crétin ! Renchérit-il les larmes aux yeux à force de rire. Draguer Hermione Granger, faut être motivé.

- Ben sympa, merci ! Dis tout de suite que je suis pas assez bien pour qu’on s’intéresse à moi, se renfrogna-t-elle.


Il prit quelques secondes pour se calmer et planta ses yeux dans ceux de sa colocataire.


- Tu n’y es pas du tout. Tu mérites largement qu’on s’intéresse à toi, d’être draguée, courtisée, aimée et tout. Mais là, cet abruti a cru que tu étais une fille facile dénuée d’intelligence. Je suis même surpris qu’il soit encore vivant.


Il repartit dans son fou rire suivit de près par Hermione ; un rire sincère et franc. Quand enfin, ils réussirent à reprendre leur sérieux, elle s’assit dans le deuxième fauteuil à côté de Drago.


- Est-ce que ça te dérange si je dors ici cette nuit ? Je peux pas retourner dans ma chambre. Imagine que l’autre sangsue campe devant ma porte ?!

- Le problème c’est qu’il n’y a qu’un lit. Je t’apprécie beaucoup, mais pas au point de dormir par terre !

- Oh ça va, plaisanta-t-elle. Je te promets de rester sagement de mon côté du lit.


 « Parle pour toi… »


Il se figea sur place, ses pensées déviant sur le lit. Elle enleva ses chaussures et s’inquiéta de voir la mine déconfite de son ami.


- Ça va ?

- Mmh ?... Oui, oui, t’inquiète. Je suis juste fatigué par le trajet.

- Il est presque 23h, c’est pas étonnant. A quelle heure est le ferry demain déjà ?

- Il y en a un toutes les heures à partir de 8h. On peut prendre celui qu’on veut.

- Plus tôt on arrive, mieux c’est. Et j’avoue que je suis crevée aussi. Surtout après l’autre, là.

- Tu m’étonnes !


Il se dirigea dans la petite salle de bain pour se brosser les dents et enfiler son pyjama. En revenant dans la chambre, il trouva Hermione debout face au lit. Perdue dans une intense réflexion, elle finit par le regarder d’un air dépité.


- J’ai pas de pyjama… Toutes mes affaires sont restées dans ma chambre.


Drago ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, comme une carpe, mais aucun son n’en sortit. Il soupira et enleva son t-shirt, ne gardant que son pantalon de pyjama. Il le lui tendit.


- Il est propre. Je peux dormir sans.


Elle fixa le t-shirt quelques secondes puis s’en saisit avant de prendre la direction de la salle de bain à son tour. Drago se coucha le plus au bord possible de son côté et posa son bras sur ses yeux, espérant ainsi empêcher ses pensées de vagabonder un peu trop du côté de la salle de bain et d’Hermione à moitié nue dans son t-shirt à lui. Il sentit le lit s’affaisser légèrement quand elle se glissa sous la couette. Il resta ainsi un moment, tentant de calmer son imagination.


Il enleva son bras et ouvrit les yeux. Seule la clarté de la pleine lune inondait la chambre. Hermione le sentit bouger et se tourna face à lui.


- Drago ?


Il se retourna vers elle. Son visage, illuminé par la lueur lunaire, lui donnait un air féérique qui le toucha profondément. Son cœur se mit à battre un peu plus fort dans sa poitrine.


- Merci de me prêter ton t-shirt et de me laisser dormir ici.

- Je n’allais pas te laisser aux griffes d’un pervers quand même !

Elle sourit.


- Comment est-ce qu’on a pu se détester à ce point à Poudlard ? Alors qu’aujourd’hui tu es un ami si précieux !

- Ah ! Je suis persuadé que le fait d’avoir été un parfait connard n’a pas aidé du tout.


Elle marqua une pause et, de son sourire le plus railleur, ajouta.


- C’est vrai… Tu étais vraiment un petit con prétentieux !

- Et toi, quelle plaie ! Tu étais vraiment une miss Je-sais-tout. Je n’ai jamais réussi à être premier à cause de toi !


Ils rirent de bon cœur. Chaque jour un peu plus, ils s’habituaient à ces moments en toute simplicité et complicité.


Hermione s’était endormie depuis un petit moment, Drago ne la quittait pas des yeux, incapable de détourner son regard de son visage. Après avoir subi un père aux principes surannés, rejoint les Mangemorts dans leurs délires fanatiques, il ne s’était jamais senti autant à sa place qu’en cet instant à ses côtés. Il était prêt à tout pour elle, même à n’être qu’un ami pour le restant de ses jours si tel était ce qu’elle désirait. Il lui avait été tellement facile de tomber amoureux d’elle qu’il se demandait encore pourquoi ce n’était pas arrivé plus tôt. Le cœur battant comme si c’était la première fois, il ne lui semblait rien de plus naturel au monde que de l’aimer elle, envers et contre tout… En vert et contre rouge.


Hermione fronça les sourcils dans son sommeil et marmonna quelque chose d’inintelligible. Sortant de ses pensées, il fixa ses lèvres. Elle donnait l’impression de vouloir articuler quelque chose sans y parvenir. Il se concentra et reconnu distinctement un « Bellatrix » se dessiner sur sa bouche.


« Chhhut… Tout va bien, je suis là Hermione, lui murmura-t-il en lui caressant la joue doucement. Ce n’est qu’un cauchemar, elle ne peut plus rien te faire.


Ses traits se détendirent aussitôt, laissant un léger sourire sur ses lèvres à la place du nom de l’infâme Mangemort. Drago retira sa main de sa joue et Hermione grogna dans son sommeil.

- Qu’est-ce que tu fais ? chuchota-t-il en sentant la main d’Hermione toucher la sienne.


Pour toute réponse, elle entremêla ses doigts aux siens le faisant frissonner.


- Par Salazar ! Tu veux ma peau ? »


Totalement endormie, elle soupira d’aise. Il ferma les yeux, abasourdi et sidéré. Il lui fallut un long moment pour se calmer. Il approcha la main d’Hermione de son visage et finit par sombrer, emportant avec lui la douceur et l’odeur de sa peau.


XXXXX


« Hermione, j’en peux plus. Je dois te dire quelque chose…

- Je sais. Moi aussi…


Il la regarda perplexe.


- Comment ça ?


Elle se retourna dans le lit pour lui faire face et caressa sa joue.


- Je vois comment tu me regardes. Je ne suis pas stupide. Moi aussi… Je t’aime.

- …


Une larme s’échappa. Son cœur enfla dans sa poitrine au point d’en exploser.


- Je t’aime ! Si tu savais comme je t’aime ! Je ne cesserai jamais de te le répéter chaque jour que Merlin fait. Je t’aime, je t’aime, je t’aime…


Elle roula pour se retrouver à califourchon au-dessus de lui et le regarda avec la même émotion dans les yeux.


- Redis-le encore.


Il la fixa un moment et en approchant son visage du sien tout doucement, il murmura à quelques millimètres à peine de ses lèvres.


- Je t’aime.


Elle prit son visage dans ses mains et l’embrassa tendrement. Leurs battements ne faisant enfin plus qu’un.


Il se réveilla en sursaut, seul un timide rayon de soleil parvenait jusqu’à lui.


« Putain, un rêve ! C’était rien qu’un putain de rêve ! »


Un goût amer remonta dans sa gorge nouée par la frustration. Il voudrait pouvoir hurler toute sa rage et sa tristesse. Il n’y avait donc que dans ses rêves qu’il avait du courage ? La réalité était tellement plus gênante, plus ridicule... Il se sentait ridicule. Pourquoi ne pas simplement lui dire tout ce qu’il ressentait pour elle ? Qu’avait-il à perdre ?


« Tu ne la mérites pas, idiot ! »


Il n’avait jamais été courageux, c’était un fait. Mais jamais il n’avait eu peur à ce point de perdre quelqu’un. Préférant cent fois souffrir de n’être que son ami, il n’était pas prêt à la voir partir, à la faire fuir.


« Lâche… »


Un sourire acerbe se sculpta à cette pique intérieure. Il choisit d’aller exprimer sa lâcheté et ses autres ressentis à l’extérieur, ne voulant certainement pas réveiller Hermione en plus du reste. Il décida de se lever mais un poids sur son bras l’en empêcha. En tournant le regard de l’autre côté du lit, son cœur rata un battement, son souffle se coupa instantanément. Le souvenir de la veille refit surface. Il lui avait tenu la main alors qu’elle avait commencé à faire un cauchemar. Mais il n’aurait jamais pensé qu’elle garderait sa main dans la sienne toute la nuit et qu’elle se serait blottit contre lui, sa tête reposant sur son bras. Ses boucles folles le recouvrait et il ne put se retenir d’y enfouir son visage s’imprégnant de son odeur douce mélangée aux légères notes florales de son parfum. Par Merlin… Il serait capable de reconnaître son odeur entre mille. Alors qu’il attrapait une mèche de ses cheveux pour la faire rouler entre ses doigts, Hermione ronchonna dans son sommeil. Elle lâcha sa main, se tourna vers lui, toujours endormie, et posa sa tête sur son torse, soupirant d’aise au passage. Il retint sa respiration, n’osant plus bouger un orteil.


Il se souvint devoir respirer quand une petite voix dans sa tête lui murmura :


« Juste cette fois… »


Il ramena ses bras autour d’elle, la serrant contre lui. Fermant les yeux, il caressa son dos et posa sa joue contre son front. Le cœur battant à tout rompre, il lui chuchota comme une promesse :


- Un jour, Hermione, je ne serai plus lâche et je te les dirai ces mots…


Pour l’heure, il profita simplement de l’avoir contre lui, plus amoureux encore que la veille. Il ne se rendit même pas compte qu’il s’était rendormi. A son réveil, elle était assise dans le lit, un livre en mains. Déçu qu’elle ne soit plus blottie contre lui, il articula malgré tout avec un sourire :


- Salut. Il est quelle heure ?

- A peine 9h.

- Mmm… Tu es réveillée depuis longtemps ?

- Une demi-heure à peu près. Et quand j’ai vu que tu dormais profondément, j’ai pas eu le courage de te réveiller. Bien dormi ?

- On peut dire ça… Si je n’avais pas été dérangé par tes ronflements, se moqua-t-il pour cacher son trouble.

- Quoi ? Comment ça je ronfle ?


En la voyant rougir, il renchérit.


- Pire qu’une locomotive à vapeur, c’est dire !

- Tu te moques de moi ?


Il ne se retint plus et éclata de rire. Il reçut en tout et pour tout un coup d’oreiller, amplement mérité.


- Pffff… J’ai failli te croire, espèce de crétin ! Quand monsieur le plaisantin aura fini de se payer ma tête, peut-être que monsieur voudra aller prendre sa douche.

- Oh mais je laisse à Madame la locomotive le loisir d’y aller la première. Je suis un gentleman.


Elle haussa un sourcil.


- Un quoi ?

- Et oui, Madame, un véritable gentle…


Elle lui écrasa l’oreiller sur la figure l’empêchant de finir sa phrase. Elle se sauva dans la salle de bain en courant, non sans le narguer une dernière fois.


- Un gentleman peut-être, mais pas assez rapide visiblement.


Et elle ferma la porte derrière elle, le laissant seul dans le lit. Il aurait pu la rattraper facilement, mais il n’était pas prêt à lui laisser voir une partie de son anatomie qui, elle, était toujours prête. Il attendit un moment avant de se lever vraiment cette fois et de s’habiller.


Elle sortit de la salle de bain avec ses vêtements de la veille, le t-shirt qu’il lui avait prêté soigneusement plié. Elle le lui tendit.


- J’espère que l’autre crétin ne sera plus là.

- Lui, je m’en occupe… J’ai faim. On va déjeuner ? On récupérera nos affaires après.


Ils sortirent de la chambre ensemble en direction du petit salon. Elle se figea au milieu du couloir reconnaissant le dragueur de la veille. La suivant du regard, il comprit aussitôt et se tourna vers elle.


- Tu as confiance en moi ?


Elle ne comprenait pas, mais hocha la tête. Sans plus attendre, il attrapa sa main et il l’entraina dans le couloir. En passant devant le dragueur, il la regarda et prit sa voix la plus amoureuse :


- Chérie, la prochaine fois demande moi. Je serai ravi de visiter tous les hôtels d’Ecosse. Moi aussi, je veux que notre mariage soit parfait.


D’abord étonnée, elle rentra dans son jeu.


- Je… Je te demande pardon mon amour. Je voulais essayer de trouver l’endroit idéal pour te faire la surprise…


Il s’étrangla mais se reprit de justesse.


- Tu es vraiment une femme parfaite !


Le dragueur la dévisagea quand ils passèrent devant lui mais ne pipa mot. Arrivés en bas des escaliers, ils explosèrent de rire.


- Tu as vu sa tête ?!


Elle se tenait les côtes tellement elle riait.


- Tu m’avais caché ton talent d’acteur.


Il se tordit de rire avant de reprendre un sérieux exagéré.


- Je suis outré que ma future épouse me connaisse si mal.

- Et bien, si mon futur mari a fini d’amuser la galerie, nous pourrions peut-être aller nous restaurer.

- Mais je vous en prie très chère, après vous.


Il s’inclina en indiquant d’un geste gracieux de la main une table et lui tira une chaise. Elle s’y assit d’un seul mouvement élégant, digne d’une noble.


- Merci.

- Je vous en prie. »


Ils déjeunèrent en continuant de se moquer de ce pauvre bougre qui avait eu le malheur de croiser leur chemin. Ils partirent ensuite récupérer leurs affaires dans leurs chambres. Il l’accompagna juste au cas où le dragueur avait besoin d’une nouvelle leçon, mais il avait disparu, au grand soulagement d’Hermione.


Une fois à l’extérieur, ils profitèrent de la magnifique météo pour marcher jusqu’au port et grimpèrent dans le ferry pour Stromness.


XXXXX


1 ♪♫♪

Pendant leur trajet, ils virent d’abord la côte écossaise devenir de plus en plus minuscule, ne devenant qu’un point à l’horizon, jusqu’à s’effacer totalement de leur champ de vision. La mer du Nord à perte de vue tout autour d’eux les faisait se sentir tel une goutte d’eau au milieu de l’océan. C’est là, qu’entre deux rouleaux d’écume, ils discernèrent enfin l’île des Orcades : une crotte de mouche sur une feuille bleu-gris, disparaissant derrière chaque vague un peu plus haute. Mais bientôt, la houle ne suffit plus à la cacher. Des côtes bordées de falaises où s’écrasaient la mer et des plages de sable clair faisaient ressortir le vert tendre des plateaux herbeux. Une ville se découpa parfaitement dans ce paysage aux allures de conte écossais. Des maisons de pierres aux toits typiques se rangeaient parfaitement, chacune à leur place, laissant juste assez d’espace pour quelques routes. Amarrés à quai, ils voyaient nettement des bateaux de toutes sortes, du petit bateau de pêche au vieux voilier fraîchement repeint. Cette ville donnait l’envie de s’y installer pour y couler des jours paisibles tant l’atmosphère y était sereine. Un port plus moderne était aménagé pour permettre aux ferrys d’aborder en tout sécurité. Une petite heure après leur départ, ils accostèrent enfin sur l’île. En descendant, ils aperçurent le long des vieux quais une multitude de paniers à crabes, et se promirent, avant de repartir, d’en venir manger dans un des restaurants de la ville.


Ils s’apprêtèrent à quitter le quai pour entrer dans la ville quand Hermione marqua un temps d’arrêt. Drago la regarda, inquiet. Elle ferma les yeux quelques secondes, ses longs cheveux bouclés ondoyant sous les embruns marins, et respira à pleins poumons cet air pur chargé de sel. En rouvrant les paupières, elle était plus déterminée que jamais. Le regard droit devant elle, Hermione passa devant Drago, s’arrêta à sa hauteur et lui tendit la main :


« Je suis prête. »


Il prit sa main et marchèrent quelques dizaines de mètres jusqu’au grand parking du port. Personne ne faisait attention à eux, sauf un homme démesurément grand, taillé à faire pâlir une armoire normande en costume à carreaux larges trop court pour lui. En les voyant, il se dirigea vers eux d’un pas lourd. Hermione se pencha vers Drago et lui chuchota, gênée :


- Je croyais que Muireann était une femme.

- Je croyais aussi.


L’homme s’arrêta à quelque pas d’eux. Il les fixa quelques secondes avant d’avancer vers elle sans la lâcher des yeux. Drago s’interposa entre elle et l’homme-armoire, et posa sa main sur son buste.


- Hey, doucement le colosse. Je ne sais pas ce que tu crois faire mais ne t’approche pas d’elle.


Le géant le détailla sans sourciller. En ouvrant la bouche, une voix rocailleuse en sortit.


- Blond, malpoli et arrogant. Toi, tu es surement un Malefoy. Muireann m’a prévenu.


Elle comprit leur méprise et passa entre eux, les séparant de son corps. Elle resserra ses doigts autour de la main de Drago qu’elle n’avait pas lâché.


- Vous n’êtes pas Muireann alors ?


Elle frissonna en sentant son interlocuteur poser sur elle ses yeux couleurs charbon.


- Non. Toi, tu es surement la petite dame que le Malefoy veut sauver.


Elle rougit et masqua sa gêne derrière un sourire qu’elle voulait chaleureux.


- En effet. Hermione Granger, monsieur, enchantée. Lui, c’est Drago Malefoy, mon… Et bien euh… Mon ami qui essaye de me sauver.

- Petite dame, vous devriez manger un peu plus. Le Malefoy ne vous nourrit pas ?


Drago allait pour répliquer, mais elle le devança. Elle lâcha subitement sa main, pointa son index vers l’homme et, le regard sombre, se fâcha.


- Ne l’appelez pas comme ça ! Si je suis là et encore en vie, c’est grâce à lui ! Toutes ces heures passées à faire des recherches en continuant de veiller sur moi, me forçant à manger et à dormir pour rester en bonne santé, à me réveiller quand je faisais des cauchemars, à essuyer mes larmes quand je ne pouvais plus le faire moi-même. Vous ne savez rien de lui ! Alors je vous interdis de lui manquer de respect ! Monsieur.


A la fin de sa tirade, les deux hommes en restèrent bouche bée. Lentement, l’homme baissa la tête et regarda ses pieds. Drago, lui, ne la quittait pas des yeux, tant il était impressionné. S’il ne l’aimait pas déjà à en perdre toute forme de raison, il en serait tombé amoureux à cet instant précis.


- Pardon petite dame. Je voulais pas être insultant. C’est juste que la dernière fois qu’on a entendu parler d’un Malefoy, c’était celui qui a fini en prison. Je pensais pas…


Visiblement mal à l’aise par cet aveu, Hermione secourut le géant d’une voix plus douce.


- La prochaine fois, Monsieur, ne jugez pas trop vite.

- Oui, bien sûr. Venez, la voiture est garée plus loin. Muireann vous attend.

- Quel est votre nom ? S’enquit-elle en emboitant le pas du géant.

- Jeremiah Caengal, je suis le frère de Muireann. Mais ici, tout le monde m’appelle Jem.

- Nous sommes ravis de vous connaître.


Un doux sourire apparut sur son visage, qui malgré son imposante mâchoire, donnait à Jem un air jovial. Si elle ne lui tenait pas rigueur pour son jugement hâtif, Drago, lui, en restait contrarié. Une fois encore, son nom lui apportait plus d’ennuis que de gloire. Avec le temps passé à la bibliothèque, il en avait oublié sa demande auprès du département de la justice magique. Et, s’il voulait être parfaitement honnête avec lui-même, il n’était plus certain de vouloir aller au bout de ce combat.


Arrivés au fond du parking, une Mini Austin Mayfair noire de 1986 les attendait. Jem ouvrit la portière arrière côté passager et invita Hermione à s’installer. Il se tourna ensuite vers Drago.

- Je vais prendre votre sac Monsieur Drago, il n’y a pas beaucoup de place derrière.


Il le lui tendit, non sans un regard suspicieux, et s’installa aux côtés d’Hermione. La portière claqua et Jem ouvrit le coffre pour y déposer le sac de leurs invités. Drago en profita pour se pencher vers elle, un sourire au coin des lèvres.


- Tu crois qu’il avale une potion de rapetissement avant de monter dans la voiture ?


Elle pouffa derrière sa main avant de lui donner une petite tape.


- Pfff… Crétin !


Il lui fit un clin d’œil.


- Toujours !


Jem se contorsionna pour entrer à la place du conducteur. Une fois attachés, il démarra l’Austin et sortit du parking pour emprunter la route longeant la côte sud, leur permettant de profiter d’une vue sublime sur les autres îles autour d’eux. Elle ouvrit la fenêtre de son côté en utilisant la manivelle encastrée dans la portière. Le vent s’engouffra aussitôt dans l’habitacle, décoiffant les passagers. Elle passa son bras pour sentir le vent venir lui lécher la main et soupira d’aise.


- Tombez pas malade, petite dame, s’inquiéta le conducteur en la regardant dans le rétroviseur.


Mais elle ne l’écoutait pas. Voilà bien longtemps qu’elle ne s’était pas sentie aussi vivante. Elle jouait avec l’air entre ses doigts comme un pianiste sur son instrument. Elle ôta son écharpe et remonta ses manches, passant la tête par la fenêtre. Ses cheveux fouettaient son visage et elle ferma les yeux, n’écoutant plus que le bruit assourdissant du vent dans ses oreilles. Après plusieurs minutes, elle se rassit sur son siège, les cheveux en bataille et les joues rougies par l’embrun. Drago la regardait, un air indescriptible sur le visage.


- Quoi ?

- Rien.

- Drago…


Un sourire tendre se dessina sur ses lèvres.


- Non, c’est juste que… Ça faisait longtemps que je ne t’avais pas vu comme ça.

- Je me sens bien ici, loin du continent, loin du passé. Je pourrai presque tout oublier et refaire ma vie ici. Personne ne me connaît, je pourrai être n’importe qui ! Libre…


Ils se regardèrent en souriant.


- Toi aussi, tu pourrais être libre ici ! Je veux dire, si on voulait, on pourrait tout recommencer ici. On laisserait la guerre derrière nous, toutes les horreurs et la souffrance. On habiterait une petite maison avec un jardin pour lire dehors les soirs d’été. L’hiver on boirait du cidre au coin du feu. Je t’apprendrai à cuisiner. Et toi, tu pourrais m’apprendre…


Elle interrompit sa phrase, une longue larme s’échappa et roula sur sa joue. Il caressa délicatement son visage d’une main. Ils se regardaient, leur cœur battant à tout rompre. Elle posa son regard sur ses lèvres. D’autres larmes coulèrent mais elle ne leur prêta aucune attention. La bouche légèrement entrouverte, elle approcha son visage du sien d’un mouvement presque imperceptible. Il ne pouvait y croire ! Allait-elle réellement l’embrasser ? Son cœur s’arrêta net quand elle plongea à nouveau son regard dans le sien. Une lueur, à laquelle il n’osait croire, brillait et un feu embrasa tout son être. Ils fermèrent leurs yeux au même moment, leurs lèvres sur le point de se toucher pour la première fois. Un nid de poule sur la route manqua de les envoyer au fossé, les faisant sursauter. Elle s’éloigna, rouge comme une pivoine et il maudit intérieurement le crétin qui avait bâti cette route en se mordant les lèvres. Pour couronner le tout, Jem choisit ce moment pour se manifester. L’occasion était passée, la magie de l’instant, évaporée.


1 ♪♫♪


- La route est mauvaise par endroit. J’espère que vous êtes pas trop secoués là derrière.


Hermione se racla la gorge et articula, un léger tremblement dans la voix.


- Tout va bien, merci.


Elle tourna son visage vers Drago sans pouvoir braver son regard et chuchota juste assez fort pour qu’il l’entende.


- Je suis désolée…


« Tu dérailles complètement ma pauvre fille ! Reprends-toi ! Toute cette histoire de rune commence à te monter à la tête. Embrasser Drago ! Non mais et puis quoi après ? Tomber amoureuse ! Tu as raison tiens : gâches la vie d’une personne de plus… Bon aller, on respire et on souffle un grand coup. On a qu’à faire comme si rien ne s’était passé. De toute façon, il ne s’est rien passé. Donc, on arrête tout de suite le lynchage mental et on se concentre sur le plus important… »


Elle se racla la gorge une nouvelle fois et s’adressa à leur chauffeur.


- On arrive bientôt ?


Le géant réfléchit une seconde en regardant l’heure.


- Environ 10 minutes, petite dame. Il y a un problème ?

- Pensez-vous ! La vue est magnifique, mais j’avoue avoir hâte de me dégourdir les jambes.


« Ne le regardes pas, ne le regardes pas. SURTOUT quoique tu fasses, ne-le-re-gar-des-pas. »


Elle tourna son visage vers lui et croisa son regard.


« Meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerde !! »


Elle essaya de se donner une contenance en bégayant quelques mots.


- Je ne sais pas toi, mais je commence à avoir faim. J’espère qu’il ne fera pas trop froid, j’ai bien envie de profiter du paysage pour aller faire une promenade…

Il l’écoutait à peine. Il ne parvenait ni à détacher son regard ni à calmer les battements fous de son cœur.


Elle entreprit de faire la conversation avec Jem, occupant ainsi son esprit et sa bouche. Si une dizaine de minutes n’étaient rien, dans leur cas, elles s’étiraient à n’en plus finir, allongeant par la même occasion le calvaire d’être si proches après ce qui ne s’était pas passé. La tension entre eux était palpable quand leur conducteur leur montra enfin du doigt une maison perchée sur une falaise à quelques centaines de mètres de là. Une bâtisse rectangulaire toute en pierre, surplombant Deerness de toute sa hauteur, d’où s’échappait par la cheminée une fumée presque blanche. La voiture s’engagea sur une voie entre terre et herbe jusqu’à pénétrer dans le domaine Caengal. Ils ne purent retenir un soupir de soulagement lorsque Jem arrêta la voiture dans la cour gravillonnée. Sur le perron, une femme d’environ quatre-vingt ans les attendait. Des cheveux gris jusqu’aux hanches recouvraient une partie de sa robe blanche brodée d’une multitude de fleurs. Hermione, en s’avançant vers elle, en reconnut certaines d’entre elles : brins de lavande, œillets, grappes de bruyère et autres pâquerettes formaient à elles seules une ode au printemps.


Muireann, les mains dans le dos, les salua d’un léger signe de tête et scruta Hermione des pieds à la tête avant de s’adresser à elle d’une voix presque mystique à l’accent écossais marqué.


- Vous voilà. Je commençais à croire que mon frère s’était perdu. Vous, vous êtes surement la jeune sorcière maudite.

- En effet. Je suis Her…                                                 

- Je sais, la coupa-t-elle.


Elle se tourna vers Drago qui arrivait à leur hauteur.


- Et vous jeune homme, il n’est pas la peine de vous demander votre nom. Entrez donc. La table est dressée et le repas chaud. Nous discuterons plus tard.


Dans le hall d’entrée, le sol pavé de petits carrés de pierre beige était recouvert d’un tapis médaillon aux motifs célestes. Tissé avec soin, le cycle lunaire changeait de teinte selon la lumière et les constellations au fil d’argent scintillaient comme par une douce nuit d’été sans nuages. Ils n’eurent pas le temps de détailler le reste que Jem les poussa à l’intérieur de la première pièce sur leur droite. Une salle à manger, au plafond si bas qu’il suffisait de lever les bras pour le toucher, avec sur le côté un escalier en chêne aux marches irrégulières et, dans le fond, un plan de travail longeant le mur jusqu’à la cuisinière à bois où plusieurs casseroles bouillonnaient sur le feu. Au centre de la pièce, une grande table entourée de plusieurs chaises était dressée pour quatre personnes. Après y avoir été conviés, ils s’assirent en silence l’un en face de l’autre, s’évitant du regard. Hermione gardait la tête baissée vers son assiette vide pour cacher son anxiété. Jem s’en aperçut aussitôt et la rassura :


- Vous inquiétez pas tant, petite dame, nous utilisons moins la magie ici que vous autres sur le continent. Vous ne risquez rien.


Elle lui esquissa un sourire éteint.


- Merci. A tous les deux, de nous recevoir et de nous aider.


Muireann posa un grand plat sur la table plein à ras bord de légumes et de lard.


- Servez-vous. J’ai été surprise en recevant votre lettre. Voilà des décennies que les Black ne nous considèrent plus comme de la famille. Ne parlons même pas des Malefoy ! Votre père, poursuivit-elle à l’attention de Drago, semble éprouver un mépris profond pour les gens comme nous.

- Mon père, si je peux encore l’appeler ainsi, est en prison. Et je n’ai que faire de ce qu’il pense. Je m’efforce de vivre pour moi, loin de son idéologie stupide.


Elle acquiesça.


- Votre mère a élevé un bon garçon. A présent, mangez !


Hermione ne put s’empêcher de lui sourire tendrement. Quelque part, elle était fière de le voir prendre sa vie en mains sans laisser quiconque s’interposer. Au moment où il sentit ses yeux sur lui, elle tourna aussitôt la tête en direction du plat que lui tendait Jem. Elle se servit une assiette peu remplie sous le regard réprobateur des deux hommes.


- Petite dame, faut manger plus avec tout ce qui vous attend.


Sa sœur l’interpella brusquement.


- Jeremiah, laisse.


Il n’ajouta rien et se concentra sur les navets dans son assiette. Le repas se passa en silence, seul les bruits des couverts s’entrechoquant rompaient le calme qui régnait dans la salle à manger. Hermione mangeait doucement, ne voulant pas être resservie de force. Quand elle posa sa fourchette, Muireann l’invita à se lever et s’approcher.


- Votre bras.

- Pardon ?

- Montrez-moi votre bras.


Elle lui tendit naturellement son bras droit.


- L’autre.


Comprenant ce qu’elle voulait voir, elle posa sa main sur son avant-bras comme pour cacher à sa vue perçante sa cicatrice, malgré le chemisier à manches longues qu’elle portait. Elle marmonna quelque chose d’inintelligible pour tous. Muireann soupira, comprenant ce qui la troublait et s’adressa à Drago.


- Vous l’avez déjà vu ?


Il fronça d’abord les sourcils puis une étincelle passa dans ses yeux, assombrissant ses pupilles. Il serra les mâchoires et articula derrière ses dents.


- J’étais là quand…


Sa voix s’étrangla et il ne put terminer sa phrase. Les souvenirs refaisant surface, il se remémora l’horrible « sang-de-bourbe » gravé sur la peau d’Hermione et qui le lui avait infligé.


- Vous voyez, s’adressa-t-elle de nouveau à la jeune femme. Ici, personne ne juge personne sur son sang. Ce ne sont que des mots. Ils n’ont aucun pouvoir, aucune magie, sauf si vous leur en accordez.


A contrecœur, elle releva sa manche et laissa Muireann inspecter sa cicatrice. Elle l’observa d’abord un moment avant de passer deux doigts à sa surface, faisant frissonner Hermione. Puis les yeux fermés, elle longea sans la toucher, paumes ouvertes, tout le corps de la sorcière, sentant la moindre brulure, la moindre blessure sur elle. Les deux hommes observèrent la scène face à eux : fascinés, troublés et, pour Drago, sur le qui-vive. Muireann se redressa enfin.

- Je n’ai jamais senti ça de ma vie. Je ne suis même pas certaine que nos aïeux aient même entendu parler de quelque chose comme ça. Ce qu’a fait cette… On ne peut même plus l’appeler sorcière après ça ! Ce qu’elle vous a fait est au-delà de l’impardonnable. Il y a encore de la magie en vous, je l’ai sentie, mais elle est complètement drainée par cette rune. Je suis même surprise que vous teniez debout, vous êtes en constante carence. Tout doit vous demander un effort surhumain : bouger, marcher, respirer. Sans parler de vos sentiments…


- Mes sentiments ?

- La colère, la joie, la tristesse… Tout vous atteint beaucoup plus que la norme. Cette rune ne vous empêche pas seulement d’utiliser votre magie. Elle vous réduit à l’état de simple coquille écrasée en permanence. Comment faites-vous pour ne pas céder ?


Si la question était sincère et posée avec douceur, Hermione avait plus peur qu’elle ne voulait bien l’admettre de la réponse qui se formulait naturellement dans sa tête. Muireann hocha la tête, lisant dans ses pensées et se retourna vers Drago qui, lui, était à côté de la plaque.


- Et bien jeune homme, vous êtes réellement plus étonnant que votre nom ne le laisse envisager. Avez-vous seulement conscience que sans votre présence elle serait sans doute déjà morte à l’heure qu’il est ? Ne faites pas cette tête voyons ! Posez-vous la question une seconde : où serait-elle aujourd’hui si vous n’aviez pas cherché un nouveau colocataire ? Dans quel état serait-elle si vous ne faisiez pas attention à ce qu’elle mange et dorme ? Pire encore, pensez-vous réellement qu’elle serait en vie si vous la laissiez revivre son cauchemar jusqu’au bout ?


Drago écarquilla les yeux, soudain méfiant.


- Comment savez-vous tout ça ? Je ne l’ai jamais mentionné dans la lettre que je vous ai envoyée.

- Je sens les connexions entre toute chose. C’est là notre façon d’utiliser la magie sur l’île. Et je peux vous dire que votre connexion vous est bénéfique, à tous les deux. Vous n’avez que de pures intentions l’un envers l’autre. Si l’un tombe, l’autre le relève. Et dans votre cas, Miss, ça vous sauve la vie. Son lien de parenté avec celle qui vous a fait ça ne fait que renforcer votre attache. C’est absolument fascinant !


Plusieurs questions brûlaient les lèvres d’Hermione.


- Alors notre amitié est basée uniquement sur ce lien ?

- Non, la magie ou les liens magiques ne peuvent pas créer d’amitié. Votre connexion est renforcée parce que la personne qui vous a apposée la rune a un lien de sang avec lui. Mais, vous savez, beaucoup de choses renforcent les connexions entre les êtres : l’amour d’une mère pour son enfant par exemple ou encore un combat commun. Ce sont des liens forts que rien, à ma connaissance, ne peut détruire.

- Et que se passera-t-il si on arrive à enlever la rune ?

- Malheureusement, je n’en sais rien. Je ne sais même pas s’il est possible de vous l’enlever.

- Mais si…

- Plus tard. Vous avez besoin de repos. Jeremiah va vous montrer vos chambres.


Ce dernier se leva d’un bond et prit la valise des jeunes gens avant de monter à l’étage. Drago et Hermione le suivirent et arrivèrent au milieu d’un couloir en « u ». Plusieurs fenêtres en verre teinté éclairaient le couloir d’une lumière arc-en-ciel. Sur les larges rebords des fenêtres, des coussins dépareillés invitaient au repos ou à la lecture.


- A droite, c’est la chambre de ma sœur. Vous, vous êtes dans les petites chambrées de l’autre côté. Miss, je vous ai préparé la première, c’est la plus grande et la plus confortable.


Drago leva un sourcil.


- Un homme digne de ce nom est prêt à dormir par terre pour laisser le confort à une petite dame comme elle.

- Je n’ai absolument rien dit, se défendit-il.


Jem continua ses explications sans prêter plus attention au jeune homme.


- La salle d’eau se trouve juste après la chambre de ma sœur et en face c’est le toilette. Je vous laisse vous installer. Faites comme chez vous.


Le géant au costume à grands carreaux posa le bagage par terre, fit demi-tour et les laissa seuls dans le couloir. Drago s’apprêtait à parler mais Hermione le devança.


- Pas ici. Rangeons nos affaires. On parlera une fois dehors.


Il récupéra ses affaires et entra dans sa chambre. Un lit d’une seule place recouvert d’une grosse couette en laine occupait la majeure partie de la pièce. Une étagère et une table de chevet complétaient l’endroit sans plus de fioritures. Simple, mais chaleureux. Il ferma la porte derrière lui et attendit Hermione.


De son côté, sa chambre, plus spacieuse, bénéficiait de la lumière du soleil entrant par la grande fenêtre toute ronde. Une commode imposante se tenait à côté de la porte laissant tout juste un passage pour permettre de faire le tour de la pièce. Deux guéridons trônaient de chaque côté du grand lit à baldaquin. Sur l’un d’eux était posée une magnifique lampe Tiffany, des libellules se mêlant habilement aux vitraux composant l’abat-jour. Enfin, dans le dernier coin, Hermione repéra une table ronde, une chaise et tout le nécessaire pour écrire. Elle posa la valise sur le lit et retrouva Drago dans le couloir.


XXXXX


Une fois dehors, ils marchèrent sur la route de terre empruntée un peu plus tôt avec Jem. Ils longèrent la côte en silence, leur regard se perdant sur les falaises et la mer face à eux. Hermione inspira profondément, l’odeur des embruns marins chargés de sel calmant peu à peu son stress. Elle s’arrêta alors net et se tourna vers Drago, resté quelques pas en arrière. Elle hésitait, ne sachant par où commencer. Il pouvait voir d’ici ses pensées tourner en rond et préféra entamer la conversation :


« Dis-moi à quoi tu penses.

- C’est que, moi-même, je ne suis pas sure de ce que je pense.


Il ne fut même pas surpris de sentir un poids tomber dans sa poitrine.


- Je vais faire les choses dans l’ordre chronologique, ce sera plus simple.


Elle détourna le regard, fixant un point invisible au loin, se concentrant sur le choix de ses mots.


- Par rapport à ce qui s’est passé dans la voiture. Enfin, ce qui ne s’est pas passé dans la voiture. Enfin, ce qui a failli se passer dans… Bref ! Ce que j’essaye de dire, très maladroitement, c’est que je te présente mes excuses… Je ne sais pas ce qui m’a pris !

- …

- Tu dois me prendre pour une folle ! Je… J’ai tellement souffert, je me suis tellement sentie coupable ces derniers mois, que me retrouver ici, avec toi… Grâce à toi ! Je ne m’étais pas sentie aussi vivante depuis que… Enfin tu sais. Et je crois que ça m’est monté à la tête. Alors s’il te plait, continua-t-elle en levant enfin son visage vers lui, ne m’en veux pas.


Il déglutit avec difficulté, il n’avait donc pas rêvé, elle avait bien essayé de l’embrasser. S’il s’écoutait, il parcourrait la distance qui les séparait, prendrait son visage entre ses mains et l’embrasserait à en perdre haleine. Mais au lieu de ça, il restait planté là, le souffle court, les pulsations de son cœur en pleine anarchie.


- Je te demande pardon. Je te promets que je ne recommencerai plus jam…

- Non !


Le mot sortit tout seul de sa bouche.


- Je veux dire. Quel genre de personne je serai si je te reprochais de te sentir vivante ? Je ne t’en voudrai jamais pour ça. Tu as le droit de te sentir autant vivante que tu le souhaites avec moi. Ou sans moi d’ailleurs. Tu as le droit d’être triste, en colère, désespérée. Ne te prive pas de tes émotions, pas pour moi. Je…


« Aller dis-le… t’aime. Je t’aime !»


Il bafouilla, cherchant son courage.


- Je…


« t’aime. Ce n’est quand même pas si compliqué ! Pour une fois dans ta vie, sois courageux !»


- Ecoute…


Une demi-seconde, c’est le temps qu’il fallut pour que sa petite voix s’éteigne et se taise. Résigné par sa lâcheté, il parvint juste à lui servir une de ses phrases typiques :


- Tout ce que je veux c’est que tu sois bien. Et tout faire pour t’enlever cette maudite rune qui t’empêche de vivre normalement. Le reste n’a pas d’importance, alors ne te torture plus avec ça ! D’accord ?


Elle lui offrit un large sourire et il s’enfonça les ongles dans les paumes.


- Qu’est-ce que je ferais sans toi ?

- Probablement pas un voyage sur cette île magnifique !


Il marqua une pause, le visage tourné vers la mer, retrouvant une certaine quiétude avant de poursuivre :


- Est-ce que tu leur fais confiance ?

- Je ne sais pas. Je pense que nous n’avons pas le choix. Mais entre l’armoire à glace et la droguée des fleurs, je ne sais plus quoi en penser…


Drago surjoua la stupéfaction en portant une main à sa poitrine et en ouvrant grand la bouche.


- Mais enfin ! Qui êtes-vous et qu’avec vous fait de Miss Granger, la demoiselle bien éduquée qui ne juge jamais personne sur son apparence ?


Elle éclata de rire en l’entendant et se para de son air le plus narquois.


- Je ne suis ni une sainte ni une prude, Monsieur. Vous me prêtez là des intentions que je n’ai pas !


Ensemble, ils continuèrent de marcher et parlèrent des révélations de Muireann. Ni l’un ni l’autre ne leur faisaient pleinement confiance ; toute cette histoire de lien entre eux était étrange, voire carrément tirée par les cheveux. Pour autant, ils décidèrent que leur relation ne serait pas dictée par une quelconque magie. Seuls compteraient leur complicité et les moments passés ensemble. Pendant plus d’une heure, ils se promenèrent ; un silence doux et serein entre eux avait remplacé les conversations.


C’est ainsi que plusieurs jours passèrent entre phrases lunatiques de Muireann et promenades. Ils avaient vite pris l’habitude de marcher jusqu’au pub de Deerness où ils buvaient un café, un thé et parfois une bière ou deux.


XXXXX


Jem était reparti sur le continent pour régler des affaires familiales deux jours auparavant. Hermione et Drago rentraient tout juste de leur promenade quotidienne et s’installèrent dans la salle à manger avec Muireann. La vieille sorcière scrutait l’horizon depuis son fauteuil quand elle sortit en trombe à l’extérieur. Les deux jeunes gens la suivirent, non sans échanger un regard inquiet. Elle était devant la maison, les bras ouverts et les yeux clos, attendant Merlin savait quoi. Ils n’osèrent pas prononcer le moindre mot. Elle rouvrit les yeux qui, s’ils étaient habituellement si clairs, s’étaient à présent habillés de reflets sombres, presque noirs. Elle murmura d’une voix profonde :


« Une orage se prépare.


Hermione et Drago se fixaient en silence.


- C’est ce soir, poursuivit-elle.


Aussitôt, Hermione baissa la tête, se concentrant sur les quelques brins d’herbe folle à ses pieds. Drago se rapprocha d’elle, ressentant l’angoisse la gagner, et prit sa main dans la sienne. Elle souffla profondément, calant inconsciemment le rythme de sa respiration sur celui de son ami. Elle n’avait pas peur du triton ou de sa réponse, ni même du kelpie et de son éventuelle noyade dans la mer glacée du nord. Elle paniquait à l’idée qu’elle ne connaisse déjà l’issue de toute cette histoire. Se l’entendre dire rendrait cela trop réel et elle était terrifiée d’avoir raison. Ils n’eurent pas besoin de parler, il comprit :


- Ne renonce pas ! Pas encore ! On trouvera une solution, ici ou ailleurs. »


XXXXX


Le soir venu, Hermione, cloîtrée dans sa petite chambre, observait par la fenêtre Drago et Muireann, tous deux au bord de la falaise, en grande conversation. En voyant la vieille femme tendre sa main vers Drago, son cœur se serra. Le visage dur et fermé, il relevait la manche de sa chemise, mettant à nu sa marque des Ténèbres. Incapable de détourner le regard, elle observa la vieille sorcière passer ses doigts sur la marque de la même manière qu’elle l’avait fait sur sa propre cicatrice quelques jours plus tôt. Et puis, délicatement, elle posait sa main sur la joue du jeune homme en articulant quelques syllabes. Aussitôt, il leva les yeux vers elle.


Il aurait dû paniquer à l’idée qu’elle la voie. Mais le doux sourire de la jeune femme fit fondre ses doutes comme neige au soleil. Un espoir gonfla dans sa poitrine : aucun jugement, aucune peur, juste de l’acceptation. Il ferma les yeux et respira l’air devenu d’un coup bien plus pur. Quand il les rouvrit, elle n’était plus à sa fenêtre mais marchait dans sa direction. Il redescendit sa manche, il y avait certains sujets qu’il n’était pas encore prêt à aborder.


« Muireann dit que c’est l’heure. »


Il acquiesça et ils montèrent se préparer, revêtant des vêtements chauds et souples. Drago récupéra sa baguette et rejoignit Hermione devant la maison. Muireann apparut dans l’encadrement de la porte munie d’une grande lampe à huile et ils partirent ensemble sur un sentier à l’opposé de Deerness.


XXXXX


2 ♪♫♪

La pâle lumière de la lampe éclairait difficilement trois pas devant eux tant la nuit était sombre. D’épais nuages orageux cachaient la lune ; le vent soufflait de plus en plus, couchant l’herbe et les bruyères en fleurs. Ils marchèrent un long moment, un silence de plomb régnant autour d’eux, quand, soudainement, Muireann s’arrêta, le regard perdu sur une étendue d’herbe où s’étirait, en contrebas, une plage battue par la houle.


 « Nous y sommes. »


Quelques jours plus tôt, ils s’étaient accordés, planifiant ainsi la place et le rôle de chacun. Hermione avancerait seule sur la plage. Resté en retrait avec Muireann, Drago interviendrait pour passer la bride magique au kelpie, le rendant docile, ou en cas de danger imminent.


Immobile dans le sable, Hermione sentait la brise s’engouffrer dans ses cheveux ébouriffés et les vagues s’écraser devant elle à mesure que la tempête approchait.


Gonflant un peu plus à chaque minute, la mer se brisait à ses pieds. De violentes bourrasques fouettèrent son visage, lui hérissant le poil. L’air ambiant se fit plus pesant, plus étouffant. Machinalement, elle passa la main le long de sa hanche, l’atmosphère crépitante enflammant la rune.


Soudain, au loin, elle les vit. Plusieurs silhouettes équines se découpaient à l’horizon, à quelques dizaines de mètres d’elle. La harde, nullement intimidée par la présence de la jeune femme, s’approcha à trot de velours, le bruit de leurs sabots étouffé dans le sable humide.


Fascinée, Hermione s’était figée, observant le troupeau de robes blanches entamer une ronde envoutante autour d’elle. Elle était tout bonnement incapable de quitter des yeux leurs longues crinières soyeuses flottant dans leur sillage. Leurs pas enchanteurs se mirent à résonner dans sa tête d’abord comme un murmure, et puis de plus en plus fort, martelant ses méninges, l’empêchant de réfléchir, de penser… De fuir.


Dans les rafales devenues impitoyables, une nouvelle forme chevaline apparut au loin. Une grande jument au pelage noir d’ébène s’avança vers ses semblables. Elle les traversa sans les toucher, tel un spectre, ne perturbant nullement leur ballet. De sa crinière ondoyante perlaient de longues gouttes cristallines s’écrasant sur la plage. Presque arrivée à la hauteur de la jeune femme, elle plongea ses deux iris couleurs de sang dans les siens. Un dernier pas, et la jument se trouva assez proche pour souffler sur elle une brume écumeuse.


Paralysée par les deux rubis hypnotiques la scrutant, Hermione sourcilla à peine quand de minuscules gouttelettes glissèrent sur son visage. Désarmée et impuissante, elle succomba au lien magnétique se créant entre elles et effleura du bout des doigts son museau fumé.


A ce contact, la sublime créature frappa le sol de son sabot et un éclair illumina la nuit.


Muireann s’approcha alors silencieusement de l’oreille de Drago et lui chuchota :


 « Tenez-vous prêt. »


La jument donna un second coup dans le sol, déchirant le ciel d’un nouvel éclair. Tournoyant toujours autour d’elles, la harde, en réponse, percuta à leur tour la terre. Des étincelles bondirent alors de toute part entre les nuages, inondant la scène d’une lueur irréelle.


Un autre choc, un autre éclair et une pluie ruissela de la voute au plancher. La mer, balayée par la tempête, roulait à présent sous les pattes du troupeau. Prise dans cette transe majestueuse, l’âme d’Hermione fusionnait avec celle de la jument d’ébène. Lentement, elle la contourna et posa ses mains sur son flanc pour se hisser sur son dos. La voix de Muireann retentit dans l’orage :


« Maintenant !


Drago s’élança et se fraya habilement un chemin entre les chevaux. La jument, mécontente, poussa un hennissement aigu et fit tomber Hermione d’une puissante ruade. Elle n’eut pas le temps de se sauver que déjà le jeune homme, d’un coup de baguette magique, lui passa la bride autour du cou, la rendant docile.


La voyant prise au piège, la harde prit la fuite au galop. La mer retrouva son calme et, la pluie, le vent, l’orage s’amenuisaient seconde après seconde.


Hermione se releva péniblement et cligna plusieurs fois des yeux, comme si elle venait de se réveiller d’un sommeil profond. Drago resserra ses doigts sur sa baguette :


- Tu es à moi, kelpie. Maintenant, cesse de lutter ! »


L’accalmie se fit. La jument fulminait, de gros halos nébuleux sortaient de ses nasaux. Mais elle ne se débattait plus, attendant la sentence de sa capture. Après avoir vérifié qu’Hermione allait bien, il s’adressa à la jument. D’une certaine manière, il la comprenait.


- Nous ne te voulons aucun mal. Nous avons besoin de toi.


La jument dirigea toute son attention sur les paroles du jeune humain.


- Conduis-la auprès des tritons. Eux-seuls détiennent la capacité de comprendre le mal qui la ronge.


Une nouvelle fois, la jument laissa s’échapper un petit hennissement aigu, signe de refus, qui résonna tristement sur la plage détrempée par la récente intempérie.


- Tu as ma parole, kelpie. Dès qu’Hermione sera entrée en contact avec un triton, que le triton aura analysé Hermione, que le triton aura donné à Hermione la solution pour la débarrasser de sa rune et que tu auras ramené Hermione en vie et en un seul morceau à cet endroit précis, je te libèrerai immédiatement.


Il avait répété mot pour mot la phrase que Muireann lui avait préparée. Elle leur avait expliqué qu’il fallait être excessivement clair, précis et ne laisser aucune chance au kelpie de n’en faire qu’à sa tête. C’était une créature très intelligente, comprenant parfaitement comment tourner les choses à son avantage.


Le temps, tel la brume matinale, flotta autour d’eux. La jument observa Drago, considérant son offre. Elle tourna vers Hermione des pupilles où se fondaient colère et résignation. Elle se coucha alors lourdement au sol, invitant, malgré elle, la jeune femme à monter sur son dos.


Une fois installée, elle attrapa la bride que Drago lui tendit. Il faisait son possible pour paraître serein et encourageant.


- Je ne bouge pas de là. Je t’attends.


Il jeta un dernier coup d’œil au kelpie.


- Respecte toutes les clauses de notre marché, sinon notre accord ne tient pas. »


La jument se redressa sur ses pattes et manqua de faire basculer Hermione qui s’accrochait de toutes ses forces. Sans plus attendre, elle rejoignit la mer. Au moment où ses sabots touchèrent l’eau, elle soupira, heureuse de retrouver son élément. A mesure qu’elle avançait, ses crins se rejoignaient et se collaient, formant de longues algues plates verdoyantes. Son pelage laissait la place à des écailles glissantes, rendant le maintien en équilibre d’Hermione de plus en plus difficile. La jument entoura les jambes et la taille de la jeune femme de ses algues, créant pour elle plusieurs attaches la maintenant fermement et l’empêchant de tomber.


Malgré des températures assez douces en ce milieu de printemps, la mer du Nord restait glacée et Hermione haleta en sentant la piqure vive du froid mordre son ventre. Elle regarda une dernière fois vers la plage, vers Drago avant de totalement disparaître au fond de l’eau avec le kelpie.


Murieann descendit du talus pour rejoindre Drago.


« Maintenant, il nous faut attendre. »


XXXXX


42 minutes.


Drago se laissait deux heures avant de plonger chercher Hermione. Il alternait entre regarder sa montre et la mer, concentré sur la moindre vague anormale sans prêter attention à celles qui venaient lui lécher les pieds.


« Par pitié, reviens… »


XXXXX


1h27.


Pieds nus, il faisait les cent pas pour s’empêcher de se jeter dans l’eau. Il secouait sa montre dans un tic nerveux, toujours à la recherche d’un signe.


 « Aller… Aller… Je t’en supplie, ramène-la… »


XXXXX


1h55.


Il grattait frénétiquement sa marque des Ténèbres. Ses lèvres bougeaient dans des paroles incompréhensibles où seuls quelques mots se faisaient plus distincts.


« …Idiot… »


« …Seule… »


« …Jamais… »


« …Mourir… »



XXXXX


2h00


Il prit tout juste le temps de retirer son blouson qu’il entra dans la mer. Il avait de l’eau jusqu’aux genoux quand Muireann hurla :


« Là !


Il suivit la direction qu’elle lui indiquait, et vit la crinière aquatique du kelpie émerger, suivie de près par ses yeux de sang. Il courut tant bien que mal à leur rencontre mais sa course fut freinée par la résistance de l’eau. Un vent de panique l’envahit ne voyant plus Hermione sur son dos. Il n’y avait sur le kelpie qu’un amas d’algues vertes et gluantes. Il faillit s’entraver dans une grosse pierre sur son chemin, mais se rattrapa de justesse. C’est là qu’il posa les yeux sur les quelques doigts dépassant des algues, toujours agrippés à la bride. Il fonça vers la jument, bien décidé à sortir Hermione de là. Muireann stoppa son geste in extremis :


- Attendez ! Laissez-la finir ce que vous lui avez ordonné. Sinon l’accord est caduc.


Il hésita un moment, luttant contre lui-même. Il se ravisa et préféra suivre de près la jument. De nouveau, elle s’allongea dans le sable avant de laisser les algues de son dos glisser de part et d’autre de ses flancs. Elles se dénouèrent une à une, redevenant crins de cheval, découvrant un peu plus une Hermione inconsciente au teint livide et à la peau bleuie par le froid des fonds marins.


Une fois complètement dégagée, Drago la souleva en douceur ; elle était inerte, gelée comme la mort et ne respirait plus. Il leva vers la jument des yeux emplis de haine mais avant qu’il puisse dire ou faire quoi que ce soit, un long sifflement retentit dans la nuit. Hermione recracha l’équivalent de trois tasses d’eau avant de parvenir à reprendre son souffle. Comme si elle respirait pour la première fois de sa vie, elle prenait de grandes bouffées d’air. Drago échappa un sanglot de soulagement.


- Par Salazar, merci !


Agenouillé dans le sable, il posa Hermione sur un de ses genoux pour libérer une de ses mains. D’un coup de baguette vif, il fit disparaitre la bride du kelpie, lui rendant sa liberté. La jument d’ébène se redressa rapidement et s’ébroua avant de galoper vers l’horizon sans un regard en arrière.


Drago se pencha vers Hermione pour écouter ses murmures à peine audibles. Il dut presque coller son oreille contre la bouche de la jeune femme pour la comprendre :


- Un ange… Je suis au paradis…


Il recula son visage et la fixa, interloqué. Elle le regardait, le même sourire aux lèvres qu’en début de soirée, la même étincelle dans les yeux que dans la voiture quelques jours plus tôt. D’une main faible, elle lui caressait tendrement le visage. Son cœur s’emballa, il mourait d’envie de l’embrasser. Il ne savait plus quoi faire, céder à son envie mais franchir la ligne, ou briser l’instant et voir gagner sa lâcheté. Il ne pouvait pas la quitter des yeux… Ne voulait pas.

Les yeux d’Hermione dérivaient vers ses lèvres avant de s’ancrer à nouveau dans ses prunelles grises. Malgré l’épreuve qu’elle venait de traverser, elle trouva la force de se redresser un peu, approchant sa bouche de la sienne, à quelques centimètres à peine. Il ne pouvait pas plus y croire cette fois qu’à la précédente. Il ne bougeait pas, persuadé qu’elle reculerait au dernier moment, prenant conscience de l’erreur qu’elle ferait en l’embrassant. Le goût amer de la déception commençait déjà à se faire sentir dans sa gorge quand Hermione passa sa main sur sa tempe, puis dans ses cheveux avant de se presser sur sa nuque pour l’attirer encore un peu plus. Elle ferma les yeux et posa ses lèvres sur les siennes. Le souffle coupé, il lui fallut quelques secondes pour réaliser ce qu’il se passait. Elle n’avait pas reculé, pas fui. De sa main toujours libre, il soutint sa tête pour lui rendre son baiser. Ensemble, ils frissonnaient ; lui de feu, elle de glace. Pour rien au monde, il ne voulait faire cesser cet instant. Il sentit sa main s’échapper doucement de sa nuque et Hermione se détacher de lui. Il n’eut pas le temps de lui dire le moindre mot qu’elle tomba inconsciente dans ses bras.


Restée en retrait jusqu’à présent, Muireann s’approcha d’eux et posa sa main sur l’épaule de Drago :


- Elle est épuisée et trempée. Rentrons. Vous parlerez plus tard. »


XXXXX


Ils franchirent le seuil de la maison et se retrouvèrent dans la salle à manger. La cuisinière à bois était éteinte et la fraicheur des murs de pierres se faisait ressentir dans la pièce. Muireann s’activa autour de lui avant de l’invectiver :

« Ne restez pas planté là ! Allez la poser dans son lit, je m’occupe d’elle. Elle est épuisée, il lui faut des vêtements secs et du repos.


Il monta à l’étage, la tête d’Hermione reposant mollement sur son torse, et la déposa dans son lit. Muireann entra dans la pièce avec des vêtements secs, une grande bassine et des serviettes. Il sortit et se changea rapidement avant de patienter dans le couloir. Il tendait l’oreille à l’affut d’un son, d’un mot, mais rien ne s’échappait de la chambre. Quand enfin la vieille sorcière sortit, il se leva d’un bond, ne pouvant plus attendre.


- Elle est consciente, mais a vécu une sacrée épreuve. Ménagez-la et surtout, laissez-la dormir.


Elle commençait à disparaître dans les escaliers, quand Drago se tourna vers elle et murmura la gorge nouée malgré ses mots rassurants.


- Merci. »


Elle lui sourit avant de s’éclipser définitivement dans les marches.


Il regarda la porte quelques secondes et toqua légèrement. En entrant, il vit Hermione allongée sous sa grosse couverture, pâle mais réveillée. Comme si ce geste entre eux était devenu naturel, elle se poussa pour lui laisser une place. Il s’approcha et s’assit à ses côtés en silence. De sa main encore glacée, elle entremêla ses doigts à ceux de Drago et lui sourit en s’allongeant plus confortablement.


Ni l’un ni l’autre n’ouvrit la bouche, ils se contentèrent de se regarder. Ils en avaient pourtant des choses à se dire, mais pas maintenant, pas tout de suite.


Lentement, elle sombra dans un sommeil profond en emportant, une fois de plus, l’image de deux yeux gris la contemplant.


XXXXX


« Je comprends tout à fait que vous ne souhaitiez pas lui en parler, mais il est loin d’être bête et il s’est montré suffisamment acharné jusque-là pour ne pas vous permettre de jouer les naïves. Il finira par comprendre de lui-même.

- Je sais, mais j’ai juste besoin de temps. »


Hermione et Muireann se turent en entendant Drago descendre l’escalier. Il était resté à son chevet presque toute la nuit, veillant à ce qu’elle ne fasse aucun cauchemar et qu’elle n’ait besoin de rien.


Ils passaient leur dernière journée sur les Orcades, avançant leur retour à Londres pour le lendemain. Jem était revenu le matin même de ses affaires sur le continent et se montra triste de les voir partir. Et même s’ils avaient été très bien accueillis, ils ne voulaient qu’une chose, retrouver le confort et la tranquillité de Leinster Garden.


Leur dernière soirée s’était conclue par un succulent repas préparé par Jem en personne : du poisson fraichement pêché en papillotes avec une julienne de légumes dégotés au marché local. Il avait proposé plusieurs fois à Hermione de se resservir, sous le regard réprobateur de sa sœur. Drago lui-même ne pouvait pas s’empêcher de vérifier qu’elle mangeait assez. Pour accompagner la coupe d’agrumes à la cannelle du dessert, Muireann leur avait servi à chacun un verre de vin de noix et ils avaient trinqué tous ensemble à la famille et aux liens. Repus et épuisés, ils étaient partis se coucher, espérant ainsi se lever tôt et prendre le premier ferry pour Thurso.


XXXXX


Installés dans le train depuis une heure déjà, Hermione releva la tête de son livre.


« Drago ?


Il la regarda en glissant son marque page dans son roman.


- Mmm… ?

- Je… Je crois qu’on doit parler de ce qui s’est passé.


Il déglutit avec difficulté. Il avait appréhendé cette conversation plus que de raison. Allait-elle lui dire que cela avait été une erreur ? Que c’était juste comme ça, sur l’instant ?


- Tu ne m’as pas demandé ce que le triton m’avait dit, commença-t-elle. Pourquoi ?


Il haussa les épaules.


- J’attendais que tu sois prête. Tu veux en parler ?


- Non. Mais tu dois quand même savoir.


Elle inspira profondément.


- Quand le kelpie a plongé sous l’eau, j’ai d’abord cru que j’allais me noyer. C’est vraiment une créature fascinante, tu sais. Avec ses algues, elle m’a créé un abri dans lequel il y avait de l’oxygène ! Je suis presque sure que ce sont ses algues qui fabriquaient l’oxygène. Mais, bref… Plus on descendait, plus il faisait froid et je ne voyais rien. A un moment, on a buté sur quelque chose, peut être une grosse pierre ou le fond de la mer et elle a poussé un cri horrible. Entre le hennissement et le bruit strident d’une craie sur un tableau noir. Je m’attendais à ce quelque chose vienne et m’emmène, mais rien. Pendant des dizaines et des dizaines de minutes, rien, personne.


Elle marqua une courte pause pour reprendre le fil de ses pensées avant de poursuivre.


- Et puis, je sais pas après combien de temps, j’ai eu une drôle de sensation, comme si quelqu’un m’observait. J’ai cru que je devenais folle pour de bon, mais une voix s’est mise à résonner dans l’abri. C’était le triton ! Il m’a demandé ce que je faisais là, alors je lui ai tout expliqué. Il a effleuré mes mains plusieurs fois et c’est comme si je prenais des décharges électriques. Franchement, c’était horrible, j’ai cru que je ne remonterai jamais à la surface. Et puis plus rien. Je me suis dit qu’il n’existait aucune solution. J’aurais préféré… Quand il m’a dit que… Que…


De longues larmes coulèrent. Répéter ce que lui avait dit le triton à haute voix rendrait la réalité encore plus terrible qu’elle ne l’était déjà. Drago passa son bras autour de ses épaules pour la consoler.


- Depuis que j’ai la rune sur moi, je le savais. Enfin, je m’en doutais. Je l’avais senti…

- Dis-moi…


Elle redressa son visage vers lui, prit une lente inspiration et se concentra pour ne pas flancher, ne pas craquer.


- La seule solution pour me libérer de la rune, c’est la mort. »

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