Les enfants de la guerre

Chapitre 7 : Chapitre septième

4753 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/05/2023 13:53

Chapitre septième :


Ambiance musicale : Not strong enough - Apocalyptica (♪♫♪ <- ces petites notes de musique sont présentes dans ce chapitre pour vous indiquer à quel moment démarrer la musique si vous le souhaitez)


« Accepter la réalité, admettre que même ce qui nous dérange existe, c’est la seule base possible pour espérer agir efficacement. On ne peut pas changer un monde dont on n’a pas admis et compris toutes les dimensions, même les plus sombres. » - Christophe André.



 

Ron devait arriver en fin d’après-midi et Hermione appréhendait cette confrontation. Au fil des heures, elle sentait son anxiété l’envahir de plus en plus. Elle s’était préparée à ce moment depuis qu’elle lui avait écrit. Mais rien de tout ce qu’elle pouvait se dire et de tout ce que pouvait lui dire Drago ne parvenait à la rassurer. Dans un tel état de stress, elle essayait, tant bien que mal, de s’occuper : elle avait empilé les tasses correctement, deux fois, tourné toutes les buches de bois dans le même sens, passé le balais, trois fois… Et il n’était que midi.

Vers 15h, Drago se leva et trouva Hermione faisant les cent pas dans la cuisine.

« Ah… Ça fait plaisir de voir un sourire chaleureux au réveil ! » Rigola-t-il, en tentant de  détendre l’atmosphère. Raté, Hermione passa de paniquée à énervée.

« Quoi ?! Tu crois vraiment que c’est le moment de plaisanter ?

- Pardon, je…

- Non, c’est moi, s’excusa-t-elle. J’ai tellement passé la journée à ruminer que je suis au bord de l’implosion !

- J’avais remarqué… Essaye de respirer doucement. Je te serai reconnaissant de nous éviter la douche froide, je viens de m’habiller. »

Hermione échappa un petit rire malgré elle, relâchant un peu la pression. Elle appréciait le talent de son colocataire à toujours tourner les choses en ridicule. Il parvenait systématiquement à lui redonner le sourire et à la réconforter.

Elle s’apprêtait à rétorquer quand on frappa à la porte. Aussitôt, ils perdirent leur sourire, se dirigèrent jusqu’à l’entrée et marquèrent une pause. Profitant de ce moment de flottement, ils se regardèrent, s’encourageant mutuellement. Hermione eut un léger mouvement de recul lorsque Drago lui caressa la joue :

« Tu avais un cil…, bafouilla-t-il gêné. Bon… C’est parti ? »

Elle acquiesça en silence et ouvrit la porte.

« Hermione ! S’écria Ron en la prenant dans ses bras. Je suis tellement soulagé de te voir ! »

Drago, voyant Hermione totalement pétrifiée, se racla bruyamment la gorge pour manifester sa présence. Ron la lâcha et se tourna vers lui. Après ce qui avait semblé être une éternité, il lui tendit la main :

« La fouine, le salua Ron.

- La belette, répliqua Drago. 

- Je t’en prie, Ron… Viens t’assoir. » Ecourta-t-elle en se dirigeant vers la cuisine.

Elle semblait un peu plus confiante après ce premier échange relativement engageant. Ron et elle s’installèrent autour de la table. Drago s’approcha et se pencha vers elle :

« Ça va aller ? lui murmura-t-il.

- Oui, lui sourit-elle. Merci.

Il se redressa.

- Je vous laisse discuter alors. Si tu as besoin de moi, je suis dans le bureau. » Ajouta-t-il en quittant la pièce.

Ron regarda Drago disparaître puis entama la conversation :

- Depuis quand Malefoy se montre aussi… prévenant ?

- Il n’est pas celui que tu crois. Et toi comme moi, on sait parfaitement qu’il n’est pas une mauvaise personne, juste…

- Un petit con prétentieux ? Ne put s’empêcher de terminer Ron.

- Avant, oui. Mais plus maintenant !

Hermione marqua une courte pause avant de reprendre.

« Quand on a découvert qu’on vivait sous le même toit, il a immédiatement proposé de quitter l’appartement pour me le laisser. Juste après, il a lancé les tisonniers par la fenêtre… Il… Soupira-t-elle. En vérité… Il m’apaise en m’écoutant et m’aide quand j’en ai besoin. C’est quelqu’un sur qui je peux compter. »

Ron l’écoutait sans broncher et, même s’il avait totalement confiance en son jugement, il craignait pour elle. Il savait à quel point elle avait souffert pendant son enlèvement et son hospitalisation. Lui et sa famille avait harcelé Ste Mangouste chaque jour pour avoir de ses nouvelles, jusqu’à sa fuite.

« Hermione… Tu comptes vraiment beaucoup pour nous. Tu es comme une seconde sœur pour moi et je ne laisserai personne te faire à nouveau du mal… Je refuse de perdre une autre sœur… »

Il respira un moment pour ne pas se laisser submerger par le chagrin.

« Alors, poursuivit-il. Si Malefoy essaye de te faire quoique ce soit, tu me préviens tout de suite et on s’occupera de lui.

- Ron… »

Hermione sentait les larmes monter.

« Je… Je…

- Ne dis rien, la coupa gentiment Ron. Je sais ce que tu vas dire. Personne ne te tient pour responsable, Tu m’entends ? Personne !

- …

- Les seuls responsables, c’est Tu-sais-qui et les cinglés qui l’ont suivi. Ginny ne voudrait pas que tu passes le reste de ta vie comme ça. »

Hermione craqua en l’écoutant et se mit à hurler.

« Il ne me reste plus que ça Ron ! Je… J’ai perdu mes parents. J’ai perdu Harry et Ginny. J’ai été torturée pendant des jours, marquée au fer rouge comme un animal ! C’est comme… C’est comme si elle avait pris mon âme ce jour-là. Il ne me reste que la haine pour ne pas me foutre en l’air et sauter par la fenêtre dans la seconde ! »

Elle reprit son souffle entre ses sanglots et continua sous le regard anéanti de Ron.

« Je vais passer le reste de mes jours entre deux mondes, à me rappeler sans cesse que c’est moi qui ai tué Ginny… »

Sa voix s’était brisée. Ron ne pouvait qu’être témoin de l’ampleur du calvaire qu’elle traversait.

« Hermione…, Sanglota Ron.

- Comment peux-tu me pardonner après ce que j’ai fait… ? »

Ron se leva et fit le tour de la table pour prendre Hermione dans ses bras.

« Je n’ai rien à te pardonner…, lui dit-il affectueusement. Tu n’es ni responsable, ni coupable… J’espère sincèrement qu’un jour tu le verras aussi. »


XXXXX


Drago, malgré la porte du bureau fermée, avait entendu, sans le vouloir, l’entièreté de la conversation. Il prit sur lui plus d’une fois pour ne pas intervenir et sortir Hermione de là. Il savait que cette discussion était nécessaire.

Quand le silence se fit, Drago bondit sur ses pieds et ouvrit la porte. Son inquiétude le poussa à les rejoindre. Il les trouva dans les bras l’un de l’autre, pleurant à chaudes larmes.

« Désolé de vous interrompre, commença-t-il soudainement tendu. Mais je vais bientôt devoir aller travailler. »

Ron et Hermione se séparèrent et essuyèrent leurs larmes.

« Oui, bien sûr, lâcha Ron en se rasseyant.

- Excusez-moi. » Se leva Hermione. Elle se réfugia un moment dans la salle de bain.

Laissés seuls, Ron et Drago se dévisagèrent.

« Elle en vraiment bavé, déplora Ron.

- Oui…

- J’aurais dû être là pour elle.

- Je ne prétends pas la connaître aussi bien que toi.  Mais c’est dur pour elle, d’être face à toi. Elle s’en veut tellement…

- Oui, répondit tristement Ron. Qu’est- ce que je peux faire pour l’aider ? » Ajouta-t-il pour lui-même.

- Honnêtement, je suis déjà content quand elle mange et sourit, alors de là à savoir quoi faire pour la sauver…

- Je ne disais pas ça pour toi, Malefoy, se renfrogna Ron. Je trouve déjà hallucinante cette histoire de colocation, alors garde tes conseils pour toi.

- Ecoute, Weasley. Libre à toi de me croire ou pas, ça m’est égal. Je n’ai pas provoqué le hasard pour me retrouver avec elle, si c’est ce qui t’inquiète. Jamais je ne lui ferai du mal, ja-mais ! »

Ron, inquiet et soucieux pour son amie, se méfiait de Drago.

« Dis ce que tu veux, Malefoy. Mais écoute-moi bien, le menaça-t-il. Si j’apprends que tu lui as fait quoique ce soit… Je te tue ! »

Drago l’écoutait à peine, déconcerté par ses propres pensées :

« Si un jour j’ai le malheur de lui faire du mal, je me tue moi-même ! »

Depuis quand voulait-il prendre soin de quelqu’un en dehors de sa mère ? Pourquoi les mots d’Hermione résonnaient en lui ?

Il n’eut pas le temps de trouver des réponses à ses questions. Le retour d’Hermione le sortit de ses pensées.

« Comment tu te sens ? Demanda Ron.

- Je vais survivre, répondit-elle distante. Drago, ne te met pas en retard, ça va aller.

- J’allais partir, annonça subitement Ron. Je dois retrouver Fergus à pré-au-lard.

- …

- Avant de partir, maman va me tuer si j’oublie. Vous êtes tous les deux invités pour Noël. »

Drago et Hermione écarquillèrent les yeux en même temps.

« Je ne crois pas que ce soit ma place, se crispa Drago embarrassé.

- Pour une fois, je suis d’accord avec toi, Malefoy, lança froidement Ron.

- Ron ! » Intervint Hermione plus fort qu’elle ne le souhaitait.

Ron baissa la tête, un peu honteux. Il savait qu’il avait changé, Hermione le lui avait expliqué dans sa lettre.  Mais il ne pouvait pas tout oublier si facilement. Ron soupira et cessa le feu momentanément :

« Je sais pas non plus pourquoi elle t’a invité. Elle a vraiment insisté avant que je parte de la maison. Donc, voilà… Fais en ce que tu veux, Malefoy.

- Tu la remercieras pour moi, mais je préfère décliner son invitation. On n’a pas pour habitude de fêter Noël. 

- OK… Sur ce, Hermione, envoie moi un hibou si tu as besoin de quoique ce soit. Je serai toujours là pour toi, alors n’hésite pas.

- Mmh… »

Ron aurait voulu la prendre dans ses bras avant de partir mais se contenta de lui sourire. La porte se referma derrière lui et Hermione se décontracta, soufflant un grand coup.

« Ça aurait pu être pire, lâcha Hermione après quelques minutes.

- Si tu le dis…

- Drago, tu as vu l’heure ! S’affola-t-elle. Tu vas vraiment être en retard, file !

- En fait, je ne te l’ai pas dit avant, mais j’ai pris ma journée. Je ne voulais pas te laisser seule à ruminer dans ton coin.

- Quoi ? Mais… C’est…, commença Hermione légèrement confuse. En vérité… J’ai pas envie de rester toute seule, merci…

- Et… J’avais une proposition à te faire.

- …

- Aller boire un verre quelque part. J’ai pensé que tu aurais besoin de te changer les idées.

- …

- Mais, je peux comprendre si tu ne veux pas, bafouilla Drago.

- En fait, c’est une très bonne idée ! Je dirai pas non à un verre ou deux. »

Drago afficha un large sourire et enfila son manteau.

« Quoi ? Maintenant ? » S’étonna Hermione en le regardant enfiler ses chaussures.

« Pourquoi attendre ? »

Elle haussa les épaules et se prépara à son tour.


XXXXX


« Bonsoir, cria Hermione par-dessus la musique. Deux verres de whiskey s’il vous plaît.

- Tu bois du whiskey toi ? La regarda-t-il interloqué.

- Dans ce genre de moment, oui. Aller viens ! » Dit-elle en récupérant leur commande.

Drago la suivit sans broncher. Ils s’installèrent à une table non loin du bar. Hermione but son verre d’une traite et en recommanda deux autres au barman.

« Je suis désolée pour le comportement de Ron, commença-t-elle.

- Je t’arrête tout de suite, Hermione. Je me fiche pas mal de ce que pense ou dit Weasley.

- Quand même ! Je lui avais dit de pas t’appeler par ton nom. Mais il est buté comme une vieille goule !

- Tu lui avais demandé de pas m’appeler Malefoy ? S’étonna Drago, déconcerté.

- Tu n’aimes pas ça. Je voulais pas que tu te sentes blessé.

- Ce n’est pas grave tu sais.

- Si ça l’est !, se fâcha Hermione en terminant son verre. Tu as le droit de te sentir bien toi aussi !»


 ♪♫♪

Il ne la quittait pas des yeux. Il ne comprenait pas pourquoi elle tenait tant à ce qu’il se sente bien. Ça n’avait aucun sens. Alors pour quelle raison son cœur battait plus fort dans sa poitrine ?

Elle termina son verre et interpella le barman pour une nouvelle tournée.

« Je n’ai aucun ordre ou conseil à te donner, mais…

- Mais… Tu vas le faire quand même, sourit Hermione.

- Mmf… Juste, ne te noie pas dans ton verre.

- Tu seras là pour me faire du bouche à bouche au pire ! » Dit-elle en plantant son regard malicieux dans celui de Drago.

Son sang ne fit qu’un tour et, pour toute réponse, il vida son verre d’un trait.

« Aller Drago, détend toi !! J’peux pas me noyer de toute façon... J’tiens pas dans le verre, tituba-t-elle.

- Hermione saoule… Si on m’avait dit que je verrai ça un jour…

- Je suis pas saoule ! » Hermione s’était levée, les mains sur les hanches. Drago eut l’impression d’être un élève se faisant gronder par son professeur.

« Oui… Et moi je suis un épouvantard en ski ! »

Hermione éclata de rire et se laissa retomber sur sa chaise.

« T’es drôle ! » Dit-elle en terminant le verre de Drago.

« Bon, je pense que ça va aller pour ce soir, tu ne crois pas ?

- Non. Je veux rester. Je veux voir les paillettes… » Se renfrogna Hermione, les bras croisés de façon enfantine.

Drago cherchait le meilleur moyen de la convaincre de rentrer à l’appartement.

« Ecoute, je connais un endroit pleins de paillettes. Tu veux que je t’y emmène ?

- Ouiii ! » Elle sautait comme une petite fille devant ses cadeaux de Noël.

Il en profita pour passer un bras dans son dos et la guida jusqu’à la sortie. Après quelques pas, Hermione s’arrêta net et se tourna vers lui. Elle lui saisit le visage d’une main et lui parla très sérieusement :

« T’es un gentil Drago Malefoy ! Mais tu sais… » Susurra-t-elle en approchant son visage du sien.

Hypnotisé par ses yeux, il ne savait plus s’il devait la repousser ou la laisser avancer davantage. Un frisson sillonna sa peau, ondulant de son échine à la racine de ses cheveux. Il posa les yeux sur ses lèvres et lutta pour ne pas l’embrasser. Il attira Hermione un peu plus contre lui, leurs corps se frôlant, leurs bouches à quelques centimètres à peine l’une de l’autre.

« …Les filles préfèrent les mauvais garçons ! » Termina-t-elle en reculant brusquement. Elle le lâcha et se mit à tourner sur elle-même.

Dans la tête de Drago, un tsunami ravagea jusqu’au dernier de ses neurones. Un typhon emporta toutes ses digues, laissant déferler des sentiments ignorés jusque-là. Noyé sous les vagues de ses émotions, il restait figé.

Des ombres passèrent devant son visage, des mots parvinrent à ses oreilles. Mais il ne les voyait pas, il ne les entendait pas.

« Allo ! La Terre appelle Drago !! » Claqua des doigts Hermione.

Il cligna des yeux et sortit de sa torpeur.

« Ah ! Ben quand même ! J’ai cru que j’allais devoir te porter ! » Plaisanta Hermione.

Drago essayait, contre vents et marées, de faire bonne figure.

« Par Sa… La… Zar… Je suis… Fichu. » Se dit-il à voix haute.

« Quoi ? Le Dévisagea Hermione. On peut savoir à quoi tu penses ?

- A rien, répondit-il en catastrophe.

- Toujours pareil avec toi ! Tu me dis que je peux me confier, mais toi, TOI, tu ne dis jamais rien !

- …

- Tu m’énerves !

- Je peux pas…

- Tu peux pas quoi ?! Tu peux pas parler ? T’exprimer avec des mots simples ? Dire ce que tu ressens ? Pour une fois, tu voudrais pas partager un peu ce que tu as dans la tête ?!

- …

 - Rrrrrho j’en ai ras le bol ! Enragea-t-elle. J’ai pas le temps pour tout ça moi ! 

- Tout ça quoi ? Interrogea Drago.

- Toi ! Tout ça toi ! Tu fais le gentil, le serviable. Et moi je m’attendris, alors que je peux pas. J’ai un plan moi ! J’ai pas le temps pour… Oh ! Et puis merde ! »

Elle tourna les talons et partit, furibonde, laissant Drago en plan. Incapable de penser ou de raisonner posément, il lui fallut plusieurs minutes pour réaliser qu’il était seul.

« Hermione ! »

Il se mit à courir pour la rattraper. En tournant à un coin de rue, il l’aperçut. Il s’arrêta à quelques mètres d’elle, soulagé de la voir. Il savait à quel point la rune l’affaiblissait. Il n’y avait pas que la magie qui était dangereuse ; la moindre émotion un peu forte ou, comme ce soir, un peu d’alcool, l’affectaient beaucoup plus que la majorité des gens. Il préféra la suivre à bonne distance pour rester assez près si elle en avait besoin, mais assez loin pour ne pas la faire fuir encore une fois.

Arrivant dans Leinster Garden, il l’observa rentrer dans leur immeuble. Il s’installa sur un banc de l’autre côté de la rue et scruta le dernier étage. Il se détendit quand il vit la lumière de la cuisine s’allumer. Il resta dehors encore un instant, essayant de mettre de l’ordre dans ses idées.

La lumière s’éteignit et quelques secondes plus tard c’est celle de la chambre d’Hermione qui s’alluma.

Il se leva et grimpa les quatre étages. Il traversa le couloir et s’apprêtait à entrer dans sa chambre quand il se retourna vers celle d’Hermione. Apercevant la lumière sous la porte, il hésita à frapper pour s’assurer qu’elle allait bien. Il se ravisa au dernier moment. Il fit demi-tour, ferma sa porte et se coucha.


XXXXX


Au petit matin, Drago se traîna jusqu’au canapé, il avait à peine dormi. Pendant une grande partie de la nuit, il avait ressassé en boucle la soirée de la veille.

Il repensait aussi à ces dernières semaines auprès d’elle. Après l’effet de surprise de leur hasardeuse colocation, il avait appris à la connaître. Loin de la Miss-je-sais-tout de Poudlard, il ne pouvait qu’admirer son courage au quotidien. Ils appréciaient les mêmes auteurs et ceux qu’elle lui faisait découvrir. Il aimait regarder ses petits tics : sa façon de tourner les pages, ses soupirs agacés quand elle repassait derrière lui. Il avait une déconcertante facilité à s’ouvrir à elle…

Le visage dans les mains, l’image des lèvres d’Hermione le prit au dépourvu ; le même frisson parcourut son corps. Il releva la tête et, fixant ses mains, revit son visage près du sien. Être si proche l’un de l’autre lui avait semblé tellement naturel et instinctif que le monde autour d’eux avait cessé d’exister.

« Mais quel abruti ! » Se fustigea-t-il mentalement en se frappant le front des deux poings.

Il sursauta en entendant la porte du couloir s’ouvrir.

« Hermione… Commença-t-il en se redressant d’un bond.

- Je n’ai pas le temps, je dois y aller. » Le coupa-t-elle en sortant précipitamment de l’appartement.

« Oui, bien s… »

Mais déjà la porte avait claqué et Drago se retrouvait seul. Seul avec ses émotions, ses questions, ses peurs… Son apocalypse.

Il attrapa sa baguette :

« BOMBARDA ! »

Sa peur et sa culpabilité explosèrent le vaisselier.

« Comment peut-on être aussi naïf ?! Drago, tu es vraiment le dernier des cons ! »

La table subit le même sort, sa rage prenant le dessus.

« Jamais, elle ne t’aimera… Tu n’es qu’un putain de Mangemort ! Tu devrais même pas être là ! »

Il jeta sa baguette dans la pièce et partit en trombe dans la salle de bain. Il saisit une petite boîte en métal dans le meuble sous l’évier. Il l’ouvrit et prit une des lames de rasoirs à l’intérieur. En soulevant sa manche, il regarda avec dégoût la marque des ténèbres sur son avant-bras.

Il ne supportait plus de la voir, de la sentir. Il avait essayé tous les sorts possibles pour l’effacer mais rien n’y avait fait. Alors, à défaut de pouvoir la faire disparaitre, il avait pris l’habitude de la scarifier. Il espérait ainsi, détruire son appartenance aux Mangemorts.

Il approcha la lame de sa peau et ferma les yeux en incisant sa chair. Du sang jaillit, coulant le long de son bras. Il rouvrit les yeux, souleva un peu la lame et recommença, encore et encore. Il se déchaina plus que d’ordinaire, ne supportant plus d’être une misérable vermine.

Après un moment, il observa son bras et satisfait de ne plus distinguer la tête de mort ou le serpent, s’arrêta enfin. Il passa son avant-bras sous l’eau, grimaçant de douleur, et sécha ses plaies. Il termina en appliquant juste assez de Baume de pâquerettes pour stopper les saignements.

Il récupéra sa baguette dans la cuisine et prononça Reparo et Recurvit pour remettre l’appartement en état. Il jeta un œil autour de lui, vérifiant qu’il n’avait laissé aucune trace de son passage, et posa ses yeux sur le vase vide.

 « Orchideus » Murmura Drago.

Plusieurs branches vertes apparurent dans le vase. Elles s’ornèrent de gros boutons rose saumon qui s’ouvrèrent délicatement en magnifique fleurs d’hellébores. Les pétales bien ronds se parèrent d’une douce couleur abricot.

« Elles sont sublimes… » Souffla Hermione.

« Tu es rentrée ? » Sursauta Drago en se retournant.

« A l’instant. »

Ils se regardèrent un moment, le cœur battant à tout rompre.

« Je te laisse, je vais lire. » Se déroba-t-il.

Il rejoignit sa chambre et prit soin de verrouiller la porte derrière lui. Se laissant glisser jusqu’au sol, il permit à son esprit de vagabonder. Il savait qu’il ne la méritait pas et était parfaitement conscient de sa chance inouïe de partager un peu de sa vie. Il se promit de tout faire pour elle, de tout donner, juste pour rester un peu plus longtemps à ses côtés. Ses sentiments seraient sa croix, et son sourire, le seul pansement dont il se satisfera.

Il resta là, sur le sol, adossé à la porte pendant plusieurs heures. En entendant Hermione rejoindre sa propre chambre, il sortit de ses pensées, se leva et se faufila, encore habillé, dans son lit.


XXXXX


« …Que vais-je te faire aujourd’hui ?... ENDOLORIS !... »

« Pitié, non… » Balbutia Hermione.

« …Je ne vais pas te tuer, sale sang-de-bourbe… »

« Aidez-moi !! »

« …Ce n’est qu’un début… »

« TUEZ-MOI !! »

Elle avait hurlé, réveillant Drago au beau milieu de la nuit. Reconnaissant immédiatement sa voix, il bondit hors de son lit et accourut dans sa chambre.

« Hermione... Hermione réveille-toi ! »

Il s’assit au bord de son lit et l’attrapa par les épaules.

« Hermione, tu fais un cauchemar. »

Il la serra contre lui en voyant son visage déformé par la peur.

« Réveille-toi… Hermione, ce n’est qu’un cauchemar. »

Elle ouvrit légèrement les yeux et se laissa, à peine réveillée, bercer par la chaleur rassurante des bras qui la tenaient.

« Drago ? Marmonna-t-elle hébétée.

- Oui, je suis là. »

Elle ouvrit les yeux en grand, pleinement réveillée cette fois. Elle se dégagea en douceur et s’assit plus confortablement. Il lui laissa un moment pour reprendre ses esprits.

Ramenant ses genoux sous son menton, elle fixait le fauteuil en face de son lit.

« Si seulement elle pouvait mourir et emporter tout ça avec elle…

- …

- J’en peux plus ! » Dit-elle, des larmes perlant à ses yeux.

La voir pleurer et souffrir lui brisait le cœur un peu plus à chaque fois.

« Si je pouvais, je te prendrai tous tes cauchemars, tes larmes, ta souffrance…

- Mais tu ne peux pas. » Le regarda-t-elle droit dans les yeux.

Hermione posa sa main sur celle de Drago, son cœur rata un battement.

« Drago… Je suis tellement désolée pour l’autre soir. Tu es la seule personne qu’il me reste et moi, je t’ai dit des horreurs et t’es laissé en plan…

- …

- Je suis vraiment irrécupérable, une vraie catastrophe ambulante ! Je ne mérite pas d’avoir un ami comme toi… Je comprends que tu m’en veuilles. » Honteuse, elle baissa la tête face à son silence.

- Tu n’y es pas du tout ! La contredit Drago. Je ne t’en veux pas. Comment je pourrai t’en vouloir ?

- … »

Machinalement, il caressa tendrement la main d’Hermione.

« Je suis heureux de pouvoir être ton ami. Après tout ce qui s’est passé…

- Drago… N’y pense plus, le coupa-t-elle.

- ...

- Merci de m’avoir réveillé.

- Quand tu veux. Je vais te laisser dormir. » Ajouta-t-il en se levant du lit. Hermione saisit sa main pour le retenir.

Il la regarda faire et fronça légèrement les sourcils. Il la vit hésiter un moment et la devança :

« Tu veux que je reste un moment ? Le temps que tu t’endormes.

- Tu n’es pas obligé d’accepter…

- Dans la mesure où c’est moi qui te l’ai proposé… » La taquina-t-il.

Elle lui sourit en se couchant sur le côté et Drago s’assit au pied du lit. Il se retint de se coucher près d’elle pour la prendre dans ses bras.

Ils se regardèrent un moment, mais les paupières d’Hermione s’alourdissaient un peu plus à chaque seconde. Sentant le sommeil la cueillir, elle sombra, emportant avec elle l’image de deux yeux gris la contemplant.


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