Secrets de Serpentard (II) : Le Pensionnat Wimbley

Chapitre 15 : L'incendie

12325 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/06/2023 18:35

L'incendie



Tous deux debout sur le seuil du pensionnat, Eleanor Wimbley et Albus Dumbledore contemplaient la grande fête qui commençait dans la clairière du pensionnat Wimbley. Il était environ dix-neuf heures, mais il faisait déjà nuit noire. La façade en pierre blanche du pensionnat Wimbley se dressait derrière eux, et au-dessus de l'imposante porte en chêne flottait une immense banderole, pourvue des inscriptions « Fête de Noël du pensionnat Wimbley – 20e anniversaire ».

Dumbledore portait son plus beau manteau rouge brodé d'or et un chapeau assorti. Il avait soigneusement coiffé sa longue barbe argentée qui lui descendait jusqu'à la taille, et les boucles de ses chaussures à bout pointu étaient en forme d'étoiles. Ses joues étaient roses, de la buée s'échappait de ses lèvres à chaque expiration, et derrière ses lunettes en demi-lune, ses yeux bleus étincelaient de malice. À côté de lui, Eleanor Wimbley était tout aussi apprêtée. Elle portait également un long manteau de velours et des chaussures à boucles, mais ceux-ci étaient d'une belle couleur violette. Un grand hibou argenté, symbole du pensionnat, était brodé sur sa poitrine et étincelait dans la nuit froide de décembre. Ses innombrables tresses noires étaient piquées de perles scintillantes et des boucles d'oreilles rondes étaient suspendues à ses oreilles.

– Eleanor, promettez-moi que vous ne m'en voulez pas d'avoir refusé de me déguiser en Père Noël, supplia Dumbledore.

Eleanor Wimbley lui répondit par un sourire amusé.

– Je comprends tout à fait, Albus, ne vous en faites pas. C'était une simple idée qui aurait certainement fait plaisir aux plus jeunes enfants, mais ce n'était pas indispensable.

– Oh, je vous assure, cela ne m'aurait pas déplu... Mais, la plupart de vos pensionnaires sont de futurs élèves de Poudlard, et je crains que cela ne nuise à mon autorité future.

Eleanor rit de mon cœur.

– Cependant, ça n'empêche pas certains enfants de me regarder avec curiosité, ou de me montrer discrètement du doigt, remarqua Dumbledore.

– Vous savez, depuis que je leur ai parlé de la poudre de Cheminette, ils sont encore plus persuadés que le Père Noël existe bel et bien... Alors, quand ils m'ont demandé s'il serait de la partie ce soir, je n'ai pas eu le courage de nier. Ils croient sans doute que vous êtes là incognito.

Dumbledore ne put s'empêcher de sourire à son tour.

– Très bien, dit-il. Le seul problème, c'est que je vais être obligé de partir plus tôt en prétendant devoir distribuer des cadeaux à travers le pays...

À leurs pieds, dans la clairière du pensionnat Wimbley, la fête de Noël commençait à peine. Eleanor avait mis plusieurs jours à tout préparer, aidée par son frère Erik, par le gardien, William, et surtout par la vingtaine d'enfants qu'elle hébergeait au pensionnat. Ils avaient tous mis du cœur à l'ouvrage : les plus adroits avaient tressé des aiguilles de pin en couronnes et en étoiles, d'autres avaient fabriqué des petits sachets de thé à la cannelle pour les offrir aux invités, et les plus jeunes avaient saupoudré de la poudre argentée sur les marches qui entouraient le pensionnat. Un immense sapin occupait le centre de la clairière, couvert d'adorables décorations fabriquées par leurs soins : Livia, une des pensionnaires âgée de cinq ans qui ne pouvait pas s'empêcher de faire exploser les objets qu'elle touchait, y avait même suspendu quelques-uns de ses trophées – des morceaux de métal tordus en spirale, ou bien des boules joliment explosées en forme d'étoile.

Autour de l'immense sapin, ils avaient dressé quelques tentes violettes, qu'un des pensionnaires avait démesurément agrandies sans le faire exprès, et paraissaient, de fait, complètement bancales. Les gros crabes qui avaient l'habitude de tondre la pelouse du pensionnat se cognaient dedans, et exprimaient leur mécontentement en faisant claquer leurs énormes pinces autour des tentes, ce qui donnait l'impression qu'ils faisaient un numéro de claquettes. Dans ces tentes, du vin chaud et du chocolat fumant étaient servis dans des coupes ; William Painswick distribuait des crêpes et des gaufres en essayant d'empêcher les enfants de plonger leurs mains dans le chocolat fondu ; Mrs Painswick, la sœur du gardien, propriétaire de la librairie Le Chat qui Souris et, accessoirement, très chère amie d'Eleanor Wimbley, distribuait de superbes livres pour enfants aux petits pensionnaires ; et dans la plus grande, les enfants revêtaient leurs déguisements pour le spectacle de Noël – un spectacle qu'ils avaient répété avec ardeur, dans l'objectif de le montrer à leurs parents ce soir-là. À vrai dire, pour la plupart d'entre eux, la véritable épreuve ne serait pas de jouer ou de chanter, mais plutôt de ne pas créer d'incident pendant la représentation. Eleanor avait délivré à chacun de précieux conseils : Livia avait pour mission de se défouler pendant les cinq minutes qui précédaient son numéro d'acrobate, Jimmy ne devait pas regarder le sol pour éviter de faire pousser l'herbe à une vitesse vertigineuse, et ainsi de suite.

– Quand je pense qu'il y a vingt ans, de mystérieux sauveteurs déposaient Adam sur le seuil de mon pensionnat, murmura Eleanor.

– Oui, je me souviens de cette étrange veillée, répondit Dumbledore. Quel drame, cet incendie... Et en même temps, quel miracle énigmatique qu'Adam en ait réchappé.

– Fumseck l'a sauvé, sourit Eleanor. Au même titre que ceux qui l'ont amené ici. Je ne vous remercierai jamais assez d'être venu avec votre phénix pour soigner ses brûlures. Regardez quel beau jeune homme il est devenu, aujourd'hui...

Tous deux jetèrent un regard discret à Adam Claring, qui se trouvait un peu à l'écart des autres invités. Il était lui aussi habillé de violet et contemplait les murs du pensionnat avec émotion.

– Il pense sans doute à la même chose que nous, commenta Dumbledore. Ses parents doivent lui manquer terriblement.

– Il est toujours un peu mélancolique le soir de Noël, évidemment, admit Eleanor. Les premières années, c'était en grande partie pour lui que je dépensais autant d'énergie à célébrer cette fête. Il était nécessaire de lui changer les idées.

– C'était une nuit tragique. Mais nous l'avons tout de même sauvé, en dépit de la puissance de ces dangereux meurtriers.

– Tel le phénix, l'espoir renaît de ses cendres, cita Eleanor. C'était ce que disait ce petit message laissé par ceux qui l'ont extrait de l'incendie... Je me demande si nous connaîtrons un jour leur identité.

– L'avenir nous le dira peut-être, conclut Dumbledore.

Les invités à la fête de Noël commençaient à peine à arriver. Il s'agissait surtout des familles des pensionnaires – des Moldus pour la plupart – dont certains étaient déjà hébergés au sein de l'établissement depuis le début des vacances ; mais il y avait également beaucoup d'anciens pensionnaires qui venaient saluer Eleanor Wimbley et prenaient beaucoup de plaisir à revenir sur les lieux de leurs plus beaux souvenirs d'enfance ; et enfin des familles dont Eleanor Wimbley n'avait jamais hébergé les enfants, mais qu'elle avait aidées d'une manière ou d'une autre.

Chaque nouvel arrivant ne manquait pas de venir la saluer :

– Ah, Mrs Wimbley ! Mille mercis pour ces Chaussures Gravitationnelles... Notre petite Maddy a arrêté de se promener dans les airs au-dessus de notre jardin ! Et votre Sortilège d'Oublitout... Oubliettes, pardon, a été remarquablement efficace, les voisins ne se souviennent d'absolument rien !

– Comme Noah a l'air heureux dans votre établissement, Mrs Wimbley ! Lorsqu'il a été refusé de toutes les écoles maternelles des environs, j'ai cru qu'il ne retrouverait jamais le sourire... Regardez-le, c'est un miracle !

– Je vois que vos pensionnaires sont aussi souriants qu'il y a quinze ans, Eleanor ! Que de beaux moments passés ici, et comme c'est bon de vous revoir, après tout ce temps !

Eleanor Wimbley accueillait chaque remerciement avec un grand sourire, et les inscrivait tous dans sa mémoire, afin de reconstituer son réservoir de gratitude – un carburant dont elle avait particulièrement besoin depuis quelque temps. Elle disait toujours qu'elle organisait cette fête pour que tous ceux qu'elle avait aidés puissent se réunir, et puissent également rencontrer Albus Dumbledore, le directeur de l'école où serait admis leur enfant ; c'était vrai, mais c'était aussi pour elle, afin de trouver le courage de continuer à se battre contre tous ceux qui souhaitaient sa perte. Et en contemplant les mines réjouies qui s'alignaient devant elle, Eleanor se sentait plus déterminée que jamais.

Autour d'elle, tout le monde riait, tout le monde s'émerveillait. On aurait pu se croire à une autre époque – une époque gaie et insouciante où le nom de Voldemort n'avait pas encore imprégné les esprits. Mais malgré tout, certaines choses leur rappelaient que la guerre faisait rage au dehors. En effet, au milieu des invités souriants, de nombreux Aurors et plusieurs membres de la Brigade de Police Magique déambulaient, aux aguets, le plus discrètement possible. Lorsqu'on regardait la grande étoile argentée posée sur la cime du sapin, on ne pouvait pas ignorer le dôme bleu et scintillant qui signalait la présence du puissant Sortilège de Protection qui entourait le pensionnat. De même, plusieurs objets anodins étaient disposés un peu partout dans la clairière, pourvus du même écriteau Ne pas toucher, sauf en cas d'urgence. Il s'agissait de Portoloins prévus pour évacuer les enfants et les parents moldus le plus rapidement possible en cas d'attaque.

Albus Dumbledore la tira de ses pensées :

– Il est toujours appréciable de côtoyer quelques Moldus de temps en temps, n'est-ce pas ? fit-il remarquer avec malice. Regardez comme ils s'émerveillent de tout ! Un simple sortilège de Lévitation les laisse sans voix ! Vraiment, c'est très charmant.

– Je crois qu'Arthur Weasley est d'accord avec vous, sourit Eleanor en désignant un jeune homme aux cheveux d'un roux flamboyant, qui serrait la main de parents moldus avec enthousiasme.

– Tiens, je ne l'avais pas vu ! J'ignorais que ce jeune homme avait eu recours à vos services...

– Ce n'est pas le cas. C'est un des rares sorciers qui est là dans le seul but d'apporter son soutien au pensionnat. Depuis quelques années, il m'envoie régulièrement des lettres pour me proposer son aide... Je peux vous assurer qu'il mérite largement son invitation.

– Oh, pour ça, je veux bien vous croire... Lui et sa femme Molly sont pleinement engagés aux côtés d'Adam Claring dans la lutte pour la protection des Moldus.

En parcourant les invités des yeux, Eleanor vit quatre adolescents âgés de quinze ans en train d'aider quelques enfants à enfiler leurs déguisements.

– Ah, Albus, j'aperçois Remus et ses trois amis... N'avaient-ils pas peur de quitter Poudlard, par les temps qui courent ?

– Peur ? Non, croyez-moi, ils ne craignent pas le danger... Lorsque Alastor les a surpris en train d'écouter aux portes, j'ai eu cette idée de les embaucher pour vous aider à gérer l'excitation des enfants pendant la soirée... Puis j'ai voulu y renoncer en raison du risque d'attaque... Mais finalement, ce sont eux qui ont insisté pour venir ! Ils tenaient absolument à voir votre pensionnat, et à nous aider à protéger ces enfants en cas de problème.

– Ils savent qu'en cas d'attaque, ils seront évacués, comme tous les autres enfants... N'est-ce pas ?

– Bien sûr. Ils aideront les plus jeunes à se rassembler près des Portoloin, et partirons avec eux.

– Êtes-vous sûrs qu'ils respecteront ces consignes à la lettre ?

– Ils m'en ont fait la promesse, et je leur fais entièrement confiance.

– Très bien, très bien... En tout cas, ils ont l'air de bien s'entendre, remarqua Eleanor en voyant les quatre adolescents rire aux éclats. Remus m'a parlé d'eux plusieurs fois... Redites-moi lequel est Sirius ?

– C'est celui qui a les cheveux bouclés. Le jeune homme qui porte deux enfants sur ses épaules pour impressionner les autres s'appelle James... Et le plus petit s'appelle Peter.

– C'est bien cela. James, Peter... Et Sirius... Le cousin d'Andromeda, dit Eleanor. Tiens, ça me fait penser, je n'ai pas vu Ted arriver...

Au moment où elle prononçait ses mots, trois personnes entrèrent dans la clairière : une jeune femme aux cheveux noirs et bouclés, accompagnée d'un jeune homme blond qui portait dans ses bras une petite fille aux cheveux bleu électrique. Tous les trois s'approchèrent d'Eleanor à grands pas.

– Bonjour, Eleanor, et bonjour, professeur Dumbledore, les salua Andromeda.

Dumbledore lui adressa un petit signe de tête courtois, et Eleanor la serra dans ses bras avec affection.

– Soyez les bienvenus, les salua Eleanor avec tendresse.

– Eleanor ! Joyeux Noël ! Désolé du retard, Nymphadora nous a donné du fil à retordre ! s'exclama Ted Tonks sur un ton jovial en désignant un énorme trou aux bordures brûlées sur son horrible pull de Noël.

– Aucun problème, Ted, assura Eleanor. Je suis enchantée de vous voir tous les trois.

– Et moi donc ! J'attends cet évènement avec la même impatience tous les ans. Comment vas-tu ?

– Un peu anxieuse, je l'avoue, répondit Eleanor Wimbley. Tout le monde a essayé de me faire annuler cette fête, de peur que nous soyons attaqués... Mais pour les vingt ans du pensionnat, je tenais vraiment à marquer le coup. Et puis, en ces temps difficiles, je crois que nous avons tous besoin de nous mettre un peu de baume au cœur.

– Tout à fait d'accord, approuva Ted. Quoiqu'il arrive, nous te faisons entièrement confiance en ce qui concerne la sécurité. Avec le professeur Dumbledore et toi à nos côtés, les enfants ne courent aucun danger, j'en suis persuadé.

Puis il se tourna vers le bâtiment circulaire en pierre blanche, dont la grande porte en chêne était sculptée en bas-relief.

– Je ne peux pas croire que nous avons construit ce pensionnat il y a déjà vingt ans, dit Ted. Je me souviens comme si c'était hier du terrain vague couvert de blocs de pierre blanche qui se tenait ici, lorsque nous sommes arrivés... La première année, nous n'étions que trois pensionnaires, et regardez, les voilà vingt ! C'est incroyable, tout simplement incroyable...

Eleanor regarda son premier pensionnaire avec émotion. Leur rencontre était ce qui avait décidé Eleanor à construire ce pensionnat. Chacun avait bouleversé la vie de l'autre, et de ce fait, tous les deux étaient liés à jamais.

– Hé, doucement, Dora ! s'exclama Ted en sortant de sa rêverie.

Dans ses bras, Nymphadora se tortillait vigoureusement pour s'échapper des bras de son père.

– Papa, je veux aller jouer !

– Oui, Dora chérie, bien sûr... Mais avant, tu dis bonjour à Eleanor !

Nymphadora se résigna à se tenir tranquille quelques secondes. Elle tourna vers Eleanor Wimbley son visage pâle en forme de cœur, et leva sur elle ses yeux sombres et brillants. Immédiatement, ses cheveux changèrent de couleur pour un rose très doux.

– Bonjour 'Leanor ! dit-elle d'une voix fluette.

– Bonjour, Nymphadora, dit Eleanor en se penchant sur elle. Tu as encore grandi depuis la dernière fois !

Nymphadora se tourna à nouveau vers son père.

– Je peux aller jouer ?

Ted rit de bon cœur et la posa à terre.

– Fais attention à toi, Nymphadora... Ne te blesse pas, murmura tout de même Andromeda, qui n'avait pas du tout l'air aussi rassuré que son mari.

Sans l'écouter, la petite fille descendit du perron de pierre blanche où Eleanor et Dumbledore se tenaient depuis le début des festivités, courut vers les autres enfants qui jouaient autour de l'immense sapin de Noël et se mêla à eux sans hésiter.

– Nymphadora a l'air débordante d'énergie, sourit Eleanor.

– Je ne vous le fais pas dire... Avec elle, chaque jour est une nouvelle aventure !

À côté de Ted, Andromeda tendait le cou pour garder Nymphadora dans son champ de vision.

– Ne t'en fais pas, je vais la surveiller, lui dit Ted.

Et il s'éloigna pour se rapprocher du groupe d'enfants. Sur le perron de pierre blanche, Dumbledore avait été accosté par des parents moldus qui souhaitaient avoir des informations sur Poudlard. Eleanor, elle, en profita pour demander à Andromeda comment elle se portait.

– Élever un enfant est plus difficile que je ne le pensais, lui confia Andromeda. Je m'inquiète en permanence... Et puis, mon éducation stricte me poursuit. Parfois, je me surprends à lui répéter ce qu'on m'a appris lorsque j'étais petite... Oh, pas toutes ces horreurs à propos de la pureté du sang, bien sûr, mais le reste, le fait de devoir être douce, calme, docile... Je m'en veux, et en même temps, je n'arrive pas à m'en défaire.

Eleanor désigna Nymphadora, qui s'était déjà parfaitement intégrée aux pensionnaires, et Ted, qui l'admirait de loin, un grand sourire vissé sur les lèvres.

– Elle semble très débrouillarde, commenta Eleanor. Je n'ai pas l'impression que vous la brimiez pour quoique ce soit. Ne soyez pas trop dure avec vous-même, Andromeda. Regardez comme ils ont l'air heureux, tous les deux... Vous pouvez être fière de ce bonheur-là, car il existe en grande partie grâce à vous.

Andromeda lui adressa un sourire reconnaissant.

– C'est ce que me dit Ted en permanence... Et je suis incroyablement heureuse, moi aussi. Tellement heureuse que j'ai du mal à croire que cette félicité puisse durer.

Eleanor posa sur son épaule une main rassurante.

– Cela, nous ne pouvons pas le prédire. L'instant présent est la seule chose que nous possédons vraiment, alors tâchons d'en profiter, proposa Eleanor.

Andromeda acquiesça en souriant, un peu plus détendue.

– Il n'y a pas que Nymphadora qui me tracasse, ce soir... Si vous voyez ce que je veux dire.

Eleanor devina immédiatement qu'Andromeda parlait de Narcissa, et de l'invitation qu'Eleanor avait glissé dans sa poche quelques mois plus tôt. Évidemment, elles n'avaient reçu aucune réponse de sa part...

– Elle me manque, soupira Andromeda. Et ma mère me manque aussi. Parfois, j'aimerais qu'elles soient là, toutes les deux, pour m'aider, me rassurer... Est-ce que vous l'avez vue ? demanda Andromeda.

– Non, je ne l'ai pas vue.

– Et... Pensez-vous qu'elle viendra ce soir ?

– Je l'espère, Andromeda, je l'espère...

 

***

 

À ce moment-là, Narcissa ne se trouvait qu'à quelques centaines de mètres, au-delà de la muraille de Tentagriffes. Elle était assise dans une voiture sans conducteur, coincée sur la banquette arrière, écrasée contre la portière par le corps massif de Piscus Crabbe, qui masquait son amie Daisy à sa vue.

Au fur et à mesure que leur voiture s'enfonçait dans la forêt et se rapprochait du pensionnat Wimbley, Narcissa avait l'impression que l'air se raréfiait autour d'elle. Elle maudissait Eleanor Wimbley de lui avoir remis cette invitation ; elle maudissait Vera Goyle de leur avoir offert ces dragons ; elle maudissait Piscus Crabbe, Rodolphus Lestrange et Abraxas Malefoy d'avoir ainsi comploté contre elle. À plusieurs reprises, au cours du trajet, elle avait songé à jeter son sifflet par la fenêtre, mais l'œil entièrement noir de Piscus Crabbe semblait être fixé sur elle en permanence et l'en dissuadait.

– Ah, nos amis attendent votre signal, dit Piscus Crabbe en désignant la forêt noire et épaisse qui les empêchait de voir à plus de trois mètres.

Et en effet, en regardant attentivement, Narcissa vit plusieurs silhouettes obscures se mouvoir dans les buissons. Elle aperçut même l'éclat argenté d'un masque de Mangemort. Elle essaya de ne pas penser à Lucius, qui devait être, lui aussi, tapi quelque part autour du pensionnat, en train de se préparer à commettre un horrible assassinat.

Et soudain, elles aperçurent, au-dessus de la cime des arbres, le mur de Tentagriffes qui marquait l'entrée du pensionnat Wimbley. Aussitôt, la voiture s'arrêta.

– Je vous abandonne ici, dit brusquement Piscus Crabbe, il doit y avoir des Aurors à l'entrée. Allez-y, et dès que vous serez à l'intérieur, sifflez vos deux bestioles. Si tout se passe comme prévu, elles rappliqueront et feront exploser ce satané Sortilège de Protection... Ensuite, nous n'aurons plus besoin de vous. Les Mangemorts feront le reste.

– Mais, quand nous aurons fait ça... Comment allons-nous sortir de là ? demanda Narcissa d'une voix tremblante.

– Ça, ce n'est pas mon problème, répondit Piscus Crabbe en la poussant au-dehors pour sortir.

Il sortit, puis força Narcissa à remonter dans la voiture.

– Allez, en avant ! Et ne vous avisez pas de vous enfuir, je vous garde à l'œil !

 La voiture redémarra, et Piscus Crabbe disparut dans l'ombre. Immédiatement, Daisy et Narcissa se jetèrent dans les bras l'une de l'autre, terrorisées.

– Oh, Cissy !

– Comment va-t-on faire ?

La voiture emporta les deux amies, serrées l'une contre l'autre, jusqu'au mur de Tentagriffes qui entourait la clairière du pensionnat Wimbley. Un homme et une femme se trouvaient juste devant, baguettes brandies ; à l'approche de la voiture, l'homme fit un geste de la main, et les phares cessèrent de les éblouir. Ils marchèrent vers la voiture, et à leur approche, les fenêtres de la voiture s'ouvrirent.

– Sortez du véhicule, ordonna la femme d'une voix tendue. Et présentez votre invitation.

Narcissa et Daisy sortirent docilement, et Narcissa sortit de sa poche le parchemin chiffonné qu'Eleanor Wimbley avait fourré dans sa poche, le jour où elle lui avait rendu visite avec Lucius. Maintenant, elle regrettait amèrement de l'avoir accompagné. Au moment où elle tendait le parchemin à l'Auror, le mur de Tentagriffes qui se trouvait derrière eux s'entrouvrit légèrement, plus étroitement que lors de la première visite de Narcissa. La jeune Auror, une femme aux traits asiatiques, passa le long des vêtements de Daisy un Capteur de Dissimulation, qui ne se déclencha pas. Alors que la jeune femme s'approchait d'elle, Narcissa sentit un picotement dans la nuque qui lui donnait l'impression extrêmement désagréable d'être observée.

Elle se retourna brusquement vers la forêt, derrière elle, mais n'y vit que des feuilles mouvantes et de l'obscurité.

– Qu'y a-t-il ? demanda l'homme en regardant dans la même direction.

Narcissa secoua la tête.

– Non... Je croyais avoir entendu... Non, ce n'est rien.

L'Auror lui sourit avec amabilité.

– Tout le monde est un peu à cran en ce moment... Mais rassurez-vous, vous ne risquez rien. Après tout, si Vous-Savez-Qui était vraiment aussi puissant qu'on le dit, il aurait tenté quelque chose pendant la Fête Nationale des Sorciers, non ? Moi, je suis persuadé qu'il a renoncé, ou qu'il est mort.

Quelque part derrière elle, dans l'obscurité de la forêt, Narcissa crut entendre un ricanement.

– Fenwick, ne dis pas ça, le rabroua sa jeune collègue. Tu n'en sais rien.

– Tout ce que je sais, c'est que nous sommes le soir du 24 décembre, et qu'au lieu de fêter Noël avec mes enfants, je suis en train d'attraper une pneumonie au milieu de la forêt, grogna le dénommé Fenwick. Et d'ailleurs, je ne vais pas tarder à aller faire une petite pause au chaud, je commence à en avoir assez.

La jeune femme haussa les épaules, visiblement exaspérée.

– Ne faites pas attention, mesdames, dit-elle. Plus que jamais, la prudence est de mise... Je vous laisse rejoindre les autres invités. Amusez-vous bien.

Narcissa et Daisy la remercièrent d'une toute petite voix, et s'approchèrent du mur de Tentagriffes.

– Il ne s'ouvre plus complètement, les informa l'Auror. Vous aurez juste assez d'espace pour vous faufiler. Quant au Sortilège de Protection, comme les Tentagriffes, il détectera votre identité et votre invitation : vous le traverserez sans peine.

Les épines emmêlées devant elles se dénouèrent, et s'écartèrent sur quelques mètres, leur laissant à peine la place pour se faufiler.

– Allez-y, les encouragea l'Auror.

Et elles s'enfoncèrent au milieu des épines grosses comme des lames de couteaux qui leur frôlaient les joues. Daisy ouvrait la marche, et Narcissa lui serrait le poignet aussi fort qu'elle le pouvait ; au fur et à mesure qu'elles avançaient, les épines se refermaient derrière elles, si bien qu'elles avaient l'impression oppressante de se trouver au milieu d'un océan de griffes végétales. Au bout de quelques mètres, elles parvinrent à l'écran bleu et scintillant qui signait la présence du Sortilège de Protection. Daisy tendit la main vers la paroi, un peu craintive, et Narcissa serra son invitation dans son poing ; la main de Daisy traversa la paroi avec un léger frémissement, sans effort. Il en fut de même pour le reste de son corps, puis Narcissa l'imita, et eut l'impression de traverser un nuage de vapeur chaude en passant de l'autre côté du Sortilège de Protection.

– Ça y est, on est entrées, murmura Narcissa. Oh, on n'aurait jamais dû accepter de faire ça... On aurait dû s'échapper de la voiture...

– Avec Piscus Crabbe à nos trousses ? Cissy, on n'avait pas le choix... Mais ne t'en fais pas, on va trouver une solution... Un instant, nous y sommes presque...

Narcissa vit de la lumière filtrer à travers les Tentagriffes, et les deux amies débouchèrent dans la clairière du pensionnat Wimbley, illuminée par la douce lumière bleue diffusée par le dôme du Sortilège de Protection et par les guirlandes lumineuses qui montaient à l'assaut de l'immense sapin de Noël. Personne ne vit Daisy et Narcissa, car elles étaient juste derrière un arbre couleur rouille, et son ombre les cachait à la vue des autres invités. De plus, ces derniers ne regardaient absolument pas dans leur direction, car ils étaient tous captivés par le spectacle que leur donnaient les enfants. Visiblement, Eleanor Wimbley leur avait donné quartier libre pour choisir leurs déguisements, et ils s'en étaient donné à cœur joie. Certains enfants étaient ainsi déguisés en sorciers – en joueurs de Quidditch ou en Aurors – et d'autres en moldus – en joueuse de foot, en présentateur télé, en danseur ou en spationaute. D'autres n'étaient pas déguisés du tout. Ils venaient d'achever un numéro de mimes sous un tonnerre d'applaudissements, et entamaient un adorable numéro d'acrobaties.

Une fierté indicible était lisible sur leurs visages, tout comme sur ceux des parents qui les acclamaient. En les observant, Narcissa fut envahie par un mélange de dégoût et d'envie – un mélange très désagréable. Elle tripota nerveusement le sifflet vert autour de son cou, et pensa aux deux dragons qui devaient être en train de se reposer près des falaises irlandaises. Elle se souvint de la puissance des deux créatures, des gerbes de terre que ceux-ci soulevaient au moindre mouvement, des pics écaillés qui hérissaient chacun de leurs membres. Même s'ils ne voudraient aucun mal à ceux qui étaient présents, ils feraient probablement de nombreux blessés, c'était inévitable. Mais surtout, que ce soit par les flammes qu'ils crachaient ou avec leurs griffes tranchantes, ils réduiraient en miettes le Sortilège de Protection. Et tous les Mangemorts étaient de l'autre côté de la haie, prêts à bondir dès que Narcissa leur en donnerait l'occasion. Et dire qu'il leur suffirait de souffler dans le sifflet pour livrer le pensionnat à une armée d'assassins... Avoir ce pouvoir-là lui procurait une sensation étrange. Effrayante, certes, mais également grisante.

– Cissy... Tu as vu qui est là ? dit Daisy d'une voix blanche.

Elle montrait à Narcissa la foule des spectateurs, qui poussaient des exclamations réjouies devant le numéro des enfants. Narcissa aperçut un petit groupe d'adolescents, un peu à l'écart, en train de rire.

– Sirius, dit Narcissa, catastrophée.

Elle s'adossa à l'arbre, le cœur battant à tout rompre.

– Il ne faut pas surtout pas qu'il me voie !

Mais Daisy secoua la tête.

– Je ne parlais pas de Sirius, murmura-t-elle d'une voix de plus en plus étranglée. Regarde, vers la grosse tente violette un peu bancale...

Narcissa risqua un regard dans la direction que lui indiquait Daisy, et elle crut défaillir.

Andromeda.

Andromeda, sa sœur, sa grande sœur chérie, sa maudite sœur qui l'avait si cruellement abandonnée, était là, à quelques mètres d'elle, rayonnante de beauté et de bonheur, applaudissant à tout rompre les enfants qui se donnaient en spectacle devant elle.

L'homme blond qui se tenait à côté d'elle ne pouvait être que son mari. Narcissa ne l'avait jamais vu, mais chaque sourire qu'ils s'échangeaient était la preuve irréfutable qu'ils s'aimaient d'un amour simple et serein, confiant et inaltérable. Ils s'embrassaient, s'effleuraient, se parlaient avec des gestes doux et tendres.

Mais Narcissa ne prêtait aucune attention à tous ces échanges écœurants. Car en réalité, elle n'avait d'yeux que pour la ravissante petite fille aux cheveux roses qui était perchée sur les épaules de Ted.

Nymphadora.

Ce qui avait été jadis le prénom de la poupée de chiffon qu'Andromeda lui avait offerte était désormais le prénom de son enfant, un enfant qui avait été fait loin d'elle, à son insu. C'était comme si Andromeda avait volée cette petite fille à Narcissa, comme si, par cette naissance, Andromeda avait égoïstement repris tout ce qu'elle avait donné à Narcissa, depuis le début.

Et chaque mouvement que la petite fille amorçait lui enfonçait un coup de poing dans l'estomac. Ce visage en forme de cœur, ces yeux sombres et brillants, ces longs cils adorables, ces cheveux colorés, ces petites mains qui se frappaient avec maladresse pour applaudir, ces cuisses potelées serrées autour du cou de son père. Il paraît qu'elle est affreuse, avait dit Bellatrix. Narcissa aurait aimé qu'elle le soit, mais en réalité, elle n'avait jamais vu d'aussi bel enfant.

Ainsi donc, Andromeda, qui avait décidé d'être égoïste, de renier son propre nom, ainsi que tout son passé, avait obtenu avec une rapidité fulgurante tout ce dont Narcissa avait rêvé, et que le ciel refusait jusqu'ici de lui accorder. Et elle qui avait fait tous les choix raisonnables, qui s'était toujours tenue éloignée des innombrables personnes et activités que leur père leur avait défendues, elle qui n'avait jamais désobéi, n'avait récolté que la tristesse qui montait de son ventre vide et stérile. À quoi bon, alors ? À quoi bon fournir tous ces efforts, à quoi bon sourire poliment et se montrer docile, à quoi bon contenir la colère qui bouillonnait en elle si elle ne récoltait que de la solitude et de la jalousie ?

À ses yeux, elle avait toujours bien agi. Elle n'avait jamais douté de la légitimité de ses actes, elle avait toujours été persuadée d'accomplir son devoir, de faire ce pour quoi elle était née, tout cela lui semblait juste, et jusqu'ici, elle avait gardé l'espoir d'en être un jour récompensée. Mais l'existence de Nymphadora venait de lui démontrer que tous ses efforts étaient vains, que la prétendue justice du monde n'était qu'une vaste supercherie.

À cet instant, derrière le tronc énorme de l'arbre couleur rouille, dans le cœur de Narcissa, quelque chose se brisa, silencieusement et définitivement : la conviction que les bonnes actions étaient récompensées, et les fautes sévèrement punies.

Narcissa serra son sifflet au creux de son poing, trop en colère pour remarquer qu'Andromeda se retournait de temps à autre pour surveiller les nouveaux arrivants, sans imaginer une seule seconde que c'était elle qui était attendue.

Son champ de vision tressauta ; et c'est alors qu'elle remarqua que Daisy lui secouait l'épaule depuis plusieurs secondes.

– Cissy, ne restons pas ici, gémit Daisy.

Narcissa, agrippée à l'écorce striée de l'arbre qui les camouflait à la vue de tous, n'arrivait pas à détacher son regard d'Andromeda et de sa famille, et Daisy dut la forcer à se retourner.

– Hé, regarde-moi... Oh là là, je n'aurais pas dû te dire ça... Cissy, écoute-moi...

Les yeux dans le vague, Narcissa comprit alors pourquoi Bellatrix était si difficile à raisonner lorsqu'elle était en colère. Assourdie par sa propre souffrance, elle était incapable d'entendre les supplications de Daisy. Elle ne ressentait rien, si ce n'était l'envie furieuse de détruire tout le bonheur insupportable qui s'étalait sous ses yeux.

– On le fait, dit-elle.

Puis elle porta la main à son sifflet et l'approcha de ses lèvres.

 

***

 

Au milieu de la clairière, Eleanor Wimbley avait les yeux rivés sur la scène et sur les enfants qui s'y trouvaient.

Ils arrivaient à la conclusion du spectacle. Pendant près d'une heure, les enfants s'étaient relayés pour mettre en scène une histoire qu'ils avaient écrite eux-mêmes au cours des dernières semaines, aidés par Reginia : celle d'un petit groupe d'enfants à la recherche d'un fabuleux trésor.

Assise dans un coin de la scène, avec la plus grande application, une petite fille lisait son texte d'une voix fluette :

– Au prix d'un long chemin semé d'embûches, nos aventuriers ont enfin trouvé la Grotte au Trésor. Mais là-dedans, il n'y a aucune pièce d'or, aucune pierre précieuse, seulement un vieux bout de parchemin miteux...

Sur la scène, deux petits garçons et deux petites filles regardaient autour d'eux en mimant le désarroi, sans pouvoir masquer leur excitation et leur amusement. Autour d'eux, le décor bancal était constitué de carton et d'aluminium scintillant. L'une des deux petites filles pointa du doigt le morceau de parchemin, posé sur une petite table au centre de la scène. Elle s'en approcha, un sourire malicieux sur les lèvres :

– Quel est ce trésor à la noix ?

Elle tendit la main vers la petite table et déplia le parchemin.

Ce que tu possèdes déjà est plus précieux que ce que tu recherches depuis si longtemps, lut la petite fille d'une voix claire.

Eleanor chercha du regard les parents de la petite fille dans le public, et les aperçut au premier rang, les yeux brillants. Lorsqu'Eleanor leur avait rendu visite pour la première fois, leur fille avait quasiment perdu l'usage de la parole, terrorisée par les phénomènes magiques qui se produisaient autour d'elle chaque fois qu'elle ouvrait la bouche. Après plusieurs années éprouvantes passées au pensionnat, elle parvenait enfin à se maîtriser – et s'en donnait à cœur joie.

– Ça veut dire qu'il n'y a pas de trésor ? demanda le petit garçon qui se trouvait à côté d'elle.

– Mais si, gros bêta ! dit-elle. Regarde-nous !

L'autre petite fille présente sur scène pris le relais :

– Nous sommes quatre, et ensemble nous avons marché sur des jolies routes...

– Nous avons découvert des endroits inconnus, poursuivit l'autre garçon.

– Nous avons chanté ensemble au coin du feu...

– Nous sommes devenus de grands amis...

– ...et avons vécu des aventures extraordinaires !

– Alors, c'était peut-être ça, le trésor que nous recherchions ?

Les quatre enfants se regardèrent avec un sourire béat, et le public applaudit à tout rompre.

– Vous pensez qu'un jour, nous ferons l'objet d'un pest... d'un spectacle ?

Le garçon qui prononçait la réplique finale ne put s'empêcher de rire en la prononçant :

– Oui, hihi, j'en suis certain ! Et j'espère bien qu'il sera joué au pensionnat Wimbley !

Le public applaudit à nouveau, aux anges. Tous les autres enfants, qui avaient été habilement intégrés au spectacle par des numéros d'acrobaties ou de devinettes, montèrent sur scène pour saluer le public, et les acclamations redoublèrent d'intensité.

Eleanor prit un instant pour observer toutes les mines réjouies qui se pressaient autour d'elle, et accueillit avec bonheur les sourires émus que lui adressaient Ted, Adam et Alastor. Non loin d'elle, son frère Erik regardait la scène à travers son appareil photo, parfaitement calme. Il n'avait fait aucune crise de colère depuis des années.

Eleanor se tourna vers la scène, et, face à la fierté indicible qui se lisait sur le visage des enfants, elle poussa un long soupir de contentement.

Tous les jours, tous les ans, éprouver cela.

 

***

 

– On le fait, dit Narcissa en approchant le sifflet de ses lèvres.

Plus vive que l'éclair, Daisy lui retint le poignet.

– Cissy ! Non !

Narcissa essaya de se dégager, mais Daisy raffermit sa prise.

– Ne fais pas ça !

Narcissa la repoussa violemment, mais Daisy s'agrippait à elle de toutes ses forces.

– Lâche-moi !

Elle donna un coup de pied dans le genou de Daisy, qui faiblit légèrement. Puis elle lui donna une gifle monumentale, et parvint à se dégager. Elle recula rapidement, mais, dans la précipitation, trébucha sur une pierre et, soudain déséquilibrée, elle tomba en arrière. Sa tête heurta une racine de l'arbre couleur de rouille, une douleur soudaine lui barra le front, et sa vue se brouilla. Elle sentit Daisy se jeter sur elle, et s'arc-bouter sur sa main pour lui arracher le sifflet. Comme Narcissa refusait de lâcher prise, Daisy saisit sa baguette et la pointa sur la main de Narcissa. Il y eut une étincelle, et Narcissa ressentit une vive brûlure dans les doigts ; ceux-ci s'ouvrirent malgré elle, et elle sentit le sifflet lui échapper.

– Un problème, mesdames ?

Affolée, Daisy jeta discrètement le sifflet de Narcissa et le sien au loin, à plusieurs mètres d'elles, et se retourna. Narcissa, elle aussi, un peu sonnée, se redressa en se tenant le front, et en serrant contre elle sa main endolorie.

Eleanor Wimbley se tenait devant elles, l'air sincèrement préoccupé. Avec ses nattes noires tressées d'argent, ses boucles d'oreille brillantes et sa superbe tenue, elle était encore plus envoûtante que le jour où Narcissa l'avait rencontrée.

– Oh, Narcissa, vous voilà... Et vous devez être Daisy, n'est-ce pas ?

Comme Daisy et Narcissa gardaient le silence, Eleanor s'approcha d'elles et aida Daisy à se relever. Celle-ci avait la joue rougie par la gifle qu'elle avait reçue, et sa lèvre inférieure tremblait ; elle grimaça en s'appuyant sur la jambe que Narcissa avait frappée. Lorsque Daisy fut debout, Eleanor s'agenouilla auprès de Narcissa.

– Narcissa, vous vous sentez bien ? demanda Eleanor. Que s'est-il passé ? Vous avez peut-être fait un malaise ?

À nouveau, Daisy et Narcissa restèrent muettes.

– Vous pouvez vous lever ? demanda Eleanor à Narcissa.

Narcissa leva sur elle des yeux hagards ; et cette fois-ci, elle hocha faiblement la tête.

– Aidez-moi donc, ordonna Eleanor à Daisy.

Un peu décontenancée, Daisy se baissa à son tour ; Eleanor passa un bras derrière le dos de Narcissa

– Allez-y, dit-elle d'une voix rassurante, appuyez-vous sur moi. Poussez sur vos jambes...

Encore tremblante d'émotion, Narcissa se laissa faire et se releva, un peu chancelante.

– Et voilà, dit finalement Eleanor Wimbley, lorsque Narcissa fut de retour à la verticale.

Daisy la regardait comme si elle était une bombe sur le point d'exploser, et continuait de lui tenir fermement le bras. Narcissa sentit le parfum poivré d'Eleanor Wimbley lui emplir les narines. Sans savoir pourquoi, elle pensa à sa mère et des larmes lui montèrent aux yeux.

– Allons vers le pensionnat, dit Eleanor en passant un bras autour de ses épaules. Je vais vous donner une boisson chaude et une couverture.

– D... D'accord, balbutia Narcissa.

Elle vit Daisy jeter un coup d'œil derrière son épaule, et devenir encore plus pâle qu'elle ne l'était déjà.

– Oh non, gémit-elle.

Eleanor et Narcissa se retournèrent également.

– Qu'y a-t-il ? demanda Eleanor.

À quelques mètres d'elles, un gros oiseau aux pattes minuscules, coiffé d'une unique plume verte qui formait une houppette, se tenait juste à côté des deux sifflets jetés au loin, et les regardait avec curiosité.

– Qu'y a-t-il, Narcissa ? répéta Eleanor Wimbley.

L'oiseau picora dans le sol, et prit le sifflet violet dans son bec. Un petit enfant apparut à sa suite en trottinant, et ramassa par terre le sifflet vert.

Daisy fit un geste dans leur direction ; Narcissa, elle, était complètement tétanisée.

– Qu'est-ce que...

L'oiseau et l'enfant sifflèrent au même instant ; et tous deux lâchèrent aussitôt leur sifflet, tant le bruit qu'ils venaient de produire était assourdissant. Toujours cachée derrière l'arbre de couleur rouille, Narcissa ne voyait pas le reste des invités, mais au silence pesant qui venait de s'abattre sur la clairière, elle devina que les deux sifflements atroces avaient interrompu les festivités, et que tous les regards étaient tournés vers l'oiseau effrayé et vers l'enfant qui venait de se mettre à pleurer.

Malgré le fait que tous deux aient lâché les sifflets, les deux sifflements stridents ne s'arrêtaient pas. Et ainsi, ils se répercutèrent contre les arbres de la clairière, montèrent dans le ciel et résonnèrent sous la voûte nuageuse, faisant frissonner l'air sur des centaines de kilomètres, jusque sur la côte irlandaise, vers les oreilles aiguisées de Balaur et de Ramia.

 

***

 

Vera Goyle se trouvait justement sur cette côte irlandaise hostile, à la recherche des deux dragons. Dans la nuit noire, au sommet des falaises prises d'assaut par le vent, elle longeait la côte sur sa moto volante, dont les phares peinaient à percer les rideaux de pluie qui tombaient autour d'elle.

– Ramia ! Balaur ! hurlait-elle à pleins poumons depuis plus d'une demi-heure.

Mais pour l'instant, seuls le mugissement du vent et le crépitement de la pluie lui avaient répondu.

Vera n'avait qu'une seule idée en tête : retrouver les deux dragons, et les empêcher par tous les moyens possibles de se rendre au pensionnat Wimbley.

Elle était arrivée au manoir des Malefoy une heure après le départ de Daisy et Narcissa ; là, alors qu'elle n'avait pas encore franchi le seuil de la porte d'entrée, une des Chuchouris qu'elle avait laissées dans le manoir était venue à sa rencontre et lui avait répété à l'oreille l'odieuse machination d'Abraxas Malefoy. Affolée, Vera était partie sans demander son reste, sans que personne ne s'aperçoive de son passage, et s'était immédiatement envolée vers la côte irlandaise, où elle espérait trouver les dragons avant qu'il ne soit trop tard.

Si seulement elle avait décidé d'arriver en même temps que Daisy, pesta-t-elle contre elle-même. Elle, au moins, aurait pu s'opposer à Piscus Crabbe, Abraxas Malefoy et Rodolphus Lestrange...

Une grosse masse écaillée passa devant elle et interrompit le cours de ses pensées. Elle se déporta sur le côté, stabilisa sa moto dans le vent, et malgré l'obscurité, elle parvint à distinguer une silhouette de dragon qui volait à côté d'elle. La silhouette en question produisit un rugissement retentissant et affectueux, et presque aussitôt, Vera sentit la présence d'un deuxième dragon s'approcher d'elle par en-dessous. Elle vola ainsi pendant quelques secondes, pour être bien certaine qu'il s'agissait de Balaur et de Ramia, puis se rabattit près des falaises afin de trouver une grotte où les enfermer.

Près de la roche, elle peinait à différencier les grottes des simples anfractuosités. Des vagues puissantes léchaient la falaise, et les embruns montaient parfois jusqu'à elle, l'aveuglant pendant quelques secondes. Elle se parlait à elle-même pour garder de l'assurance :

– Nom de nom... Vite, il faut que je trouve... Non, celle-là est trop étroite... Celle-ci, trop proche de la surface, mes petits risqueraient de se noyer avec la marée...

Tu pourrais les tuer, ce serait plus rapide, lui souffla une petite voix dans sa tête. Vera chassa cette idée immédiatement : tuer un de ces dragons, qu'elle avait nourris et élevés, lui était aussi inconcevable que de tuer un de ses enfants, ou bien sa filleule Narcissa – ce qui revenait au même.

Vera trouva enfin la grotte idéale, et fit des grands gestes aux dragons pour les y faire entrer. Docilement, tout en l'interrogeant du regard, les deux Rocheux Irlandais entrèrent dans la grotte, en s'agrippant à la falaise luisante avec leurs griffes.

Voilà qui est fait, pensa Vera ; il n'y avait plus qu'à les enfermer à l'intérieur. Elle recula légèrement, et pointa sa baguette vers le bas de la falaise. Elle se concentra intensément, ce qui était particulièrement difficile en raison de la pluie qui dégouttait de son capuchon, du filet de sueur froide qui coulait dans son dos et de ses mèches de cheveux cuivrés collés sur son front, juste au-dessus de ses yeux.

Wingardium Leviosa, dit-elle en essayant d'empêcher ses dents de s'entrechoquer.

Un bloc de pierre de la taille d'un Magicobus s'éleva lentement hors de la mer, ruisselant d'eau sombre et salée, produisant de violents remous autour de lui. Vera le fixait, les yeux brûlants de concentration, tout en essayant d'empêcher ses pensées de dériver vers la première fois où elle avait prononcé ces mots, en cours de sortilèges, à côté de sa tendre amie d'enfance, Druella Rosier.

Comme chaque fois que lui venait à l'esprit le souvenir de ce visage souriant qui avait bercé toute sa jeunesse et qui l'avait accompagnée absolument partout jusqu'à leurs mariages respectifs, sa concentration flancha comme une branche d'arbre trop fine. Le sortilège se rompit et le bloc de pierre retomba dans l'eau en soulevant une colonne d'eau d'une taille impressionnante.

En opposant toutes ses forces à la panique qui l'envahissait, Vera parvint à rassembler à nouveau ses esprits, et tendit son bras vers l'eau menaçante avec encore davantage de détermination :

Wingardium Leviosa ! dit-elle un peu plus fort que la première fois.

Le bloc de pierre roula sur lui-même, comme s'il refusait de renouveler l'effort de s'élever dans les airs ; puis il finit par léviter à nouveau. Vera leva lentement le bras, avec l'impression de devoir soutenir tout le poids du bloc de pierre. Son épaule était douloureusement contracturée, mais Vera ne le réalisait qu'à moitié. Le bloc de pierre se positionna devant l'entrée de la grotte, et se déplaça vers l'intérieur pour trouver un appui stable.

À l'intérieur de la grotte obscure, Vera ne voyait plus que les yeux lumineux des deux dragons qui l'observaient avec curiosité, sans méfiance.

Les dragons étaient sur le point de disparaître derrière le bloc de pierre quand Vera perçut un bruit aigu dans le lointain, parfaitement reconnaissable. L'air vibra, d'abord imperceptiblement, puis très nettement, et en reconnaissant le son des deux sifflets que Vera avait confié à Daisy et à Narcissa, elle sentit son estomac se contracter avec violence. Catastrophée, elle entendit des raclements de roche qui lui signalaient que ses deux dragons remuaient pour tendre l'oreille à l'intérieur de la grotte. Elle vit leurs yeux verts et violets s'écarquiller, puis elle sentit la force des dragons s'opposer au mouvement qu'elle souhaitait imposer au bloc de pierre.

Un véritable bras de fer commença, où Vera essayait de caler le bloc de pierre pour empêcher les dragons de sortir, et où les dragons s'y opposaient de toutes leurs forces. Vera tint bon, jusqu'à ce qu'une vague plus grosse que les autres s'éclate sur la falaise et l'asperge d'eau gelée ; elle relâcha son attention une fraction de seconde, et les deux dragons en profitèrent pour faire basculer le bloc de pierre, qui tomba au bas de la falaise et se brisa en plusieurs morceaux.

Avec agilité, les dragons s'extirpèrent de la grotte, et la regardèrent avec un air d'incompréhension totale.

– Non, restez ici, supplia Vera en désignant la grotte. Restez ici, s'il vous plaît...

Mais les deux énormes créatures avaient été admirablement dressées pour répondre à l'appel de leurs maîtresses, quoiqu'il arrive. À regret, ils se détournèrent donc de Vera ; ils déployèrent leurs immenses ailes, et d'une impulsion puissante sur leurs pattes arrière, ils se décollèrent de la falaise et remontèrent vers le sommet.

– Oh non, gémit Vera. Non, non...

Puis, pantelante, lessivée, frigorifiée et impuissante, elle dut se contenter de les regarder s'envoler à tire d'aile vers l'horizon, droit vers le pensionnat Wimbley.

 

***

 

Au pensionnat Wimbley, depuis les deux coups de sifflet, personne n'avait bougé d'un millimètre. Seule Eleanor Wimbley, cachée derrière l'arbre de couleur rouille, se tournait alternativement vers Narcissa et Daisy, l'air de plus en plus inquiet.

– Que se passe-t-il ? Qu'avez-vous fait ? demanda-t-elle pour la cinquième fois, toujours sans obtenir de réponse.

Daisy scrutait le ciel avec inquiétude, tandis que Narcissa avait fermé les yeux, atterrée.

– Répondez, ordonna Eleanor Wimbley d'une voix sourde en secouant le bras de Narcissa. Répondez, enfin !

Et, alors que les deux sifflements stridents venaient de s'évanouir dans la nuit, un autre bruit devint perceptible : un grondement énorme, qui, contrairement aux sifflements, ne s'atténuait pas, mais s'amplifiait de façon menaçante, jusqu'à devenir assourdissant et à forcer certains invités à plaquer leurs mains sur leurs oreilles.

 Avant que quiconque n'ait pu prendre la moindre décision, quelque chose percuta le dôme bleu du Sortilège de Protection avec une force inouïe, produisant un crépitement inquiétant. Tout le monde leva les yeux avec des exclamations horrifiées.

– Des dragons ! cria la voix aiguë de quelqu'un qui avait pu distinguer quelques écailles sur les masses obscures qui venaient de se heurter au dôme du Sortilège de Protection.

Le Sortilège avait tenu bon, mais les dragons avaient laissé deux énormes éraflures au sommet du dôme, qui se résorbaient d'elles-mêmes avec une rapidité impressionnante. Erik Wimbley, le frère d'Eleanor, poussa un cri de terreur et s'enfuit en direction du pensionnat, plaquant ses mains sur ses oreilles.

– Que tout le monde garde son calme, dit la voix puissante de Dumbledore. Respectons le protocole ! Les enfants et les Moldus, aux Portoloin, et vite !

Enfin, Narcissa sortit de sa torpeur, et saisit le bras d'Eleanor Wimbley avec force :

– Les enfants, dit-elle, le souffle court. Il faut mettre les enfants à l'abri...

Eleanor Wimbley se tourna vers elle, effarée, comme si elle avait du mal à réaliser que Narcissa l'avait trahie, et que l'acte de réconciliation qu'elle pensait faire en l'invitant allait mener à la destruction de son pensionnat.

– Je n'aurais jamais dû vous faire confiance, n'est-ce pas ?

Son regard était si froid que Narcissa ne put le soutenir. Eleanor Wimbley la laissa plantée là et s'élança vers le pensionnat à la suite de son frère, sans doute pour le mettre en sécurité.

Narcissa resta figée sur place, jusqu'à ce que les dragons percutent une nouvelle fois le dôme de protection, avec encore plus de force que la première fois. Cette fois-ci, quelques volutes bleues se détachèrent des deux impacts, et les deux dragons, au lieu de s'éloigner, plantèrent leurs griffes dans le dôme, et le lacérèrent pour le fragiliser. De temps à autre, ils s'interrompaient dans leur entreprise, et Narcissa pouvait les voir scruter la foule à travers le dôme de protection : ils les cherchaient, Daisy et elle.

Les personnes présentes dans l'enceinte du pensionnat Wimbley s'étaient, elles aussi, mises en mouvement. Sirius et ses amis rassemblèrent les jeunes enfants en un clin d'œil, et entreprirent de les guider vers les Portoloin disposés un peu partout autour du pensionnat. Ted, lui, avait fait descendre Nymphadora de ses épaules, et l'avait mise dans les bras d'Andromeda.

– Mettez-vous à l'abri, dit-il, la voix tendue.

Andromeda était terrorisée, mais elle ne protesta pas. Ils avaient envisagé cette situation, et s'étaient mis d'accord sur le fait que, si le pensionnat venait à être attaqué, Andromeda irait mettre Nymphadora à l'abri tandis que Ted resterait sur place. Dans les bras d'Andromeda, Nymphadora se débattait pour rester avec son père.

– Maman ! Maman, je veux pas partir ! Je veux rester là ! Je veux battre ! Je veux battre !

Ted l'embrassa tendrement sur le front.

– Un jour peut-être, mon ange... Mais pas aujourd'hui. Allez, à tout à l'heure...

Il prononça ces mots comme une promesse, comme si cela pouvait augmenter ses chances de survie. Andromeda et Ted s'embrassèrent tendrement, puis se détachèrent à contrecœur. Andromeda tourna résolument les talons pour suivre les Moldus qui se ruaient sur les Portoloin, en essayant de ne pas penser au fait qu'elle venait peut-être d'embrasser Ted pour la dernière fois.

Agrippés au dôme de protection, les griffes plantées dans l'épaisseur du sortilège qui protestait en grésillant, les dragons commencèrent à cracher du feu sur les failles qu'ils avaient ouverts dans le dôme, et quelques flammèches parvinrent à pénétrer à l'intérieur.

Et puis, ils eurent l'idée fâcheusement intelligente de coopérer. Balaur se détacha du dôme, et s'envola haut dans les airs, au-dessus du pensionnat Wimbley ; Ramia, quant à elle, resta sur place et continua de fragiliser le dôme.

Lorsqu'il estima qu'il se trouvait suffisamment haut, Balaur fonça en piqué vers le dôme, à une vitesse étourdissante. Ramia se dégagea au dernier moment, et Balaur percuta le dôme à l'endroit où Ramia l'avait fissuré ; et dans un éclair bleu et aveuglant, le dôme de protection fut pulvérisé, avec un bruit assourdissant qui couvrit les hurlements de terreur de ceux qui se trouvaient en-dessous.

Balaur manqua de s'écraser sur la foule, mais se redressa juste avant, et alla se poser tout près du pensionnat, en faisant écrouler par mégarde un pan de mur. Ramia, elle, se posa à une extrémité de la clairière, à l'opposé de Daisy et Narcissa.

– Abattez-les ! cria quelqu'un dans la foule.

Les Aurors encerclèrent les dragons, et les sortilèges se mirent à pleuvoir sur les deux créatures. Il était clair que les dragons ne comprenaient absolument pas pourquoi tous ces gens leur voulaient autant de mal, alors qu'ils venaient tout simplement chercher leurs maîtresses. Dans un premier temps, ils se contentèrent de pousser des petits couinements de protestation, et de courber l'échine. Puis, Ramia reçut un sortilège dans les yeux, et, aveuglée, elle cracha une immense gerbe de flammes sur ceux qui l'attaquaient.

Protego ! hurlèrent en chœur les Aurors qui l'encerclaient.

Les Aurors furent assez rapides pour se protéger des flammes, eux et les quelques sorciers qui étaient restés se battre à leurs côtés. En revanche, les flammes qui étaient passées au-dessus d'eux poursuivirent leur course et embrasèrent une partie de la pelouse, et la tente qui était la plus proche de Ramia. Les Aurors redoublèrent de violence, et Narcissa vit avec horreur des traces de sang noir apparaître sur les corps des dragons, aux endroits où ils étaient frappés par les sortilèges qui pleuvaient sur eux.

– Allons-y, dit-elle brusquement.

Elle n'avait pas vraiment de stratégie, mais elle refusait de rester les bras croisés pendant que les Aurors réduisaient leurs dragons en charpie.

– Cissy ! appela Daisy pour la retenir.

Mais Narcissa s'avança à grandes enjambées à travers la clairière. Elle ne tremblait plus du tout, et la douleur qui la lançait quelques instants plus tôt en travers de la tête semblait s'être subitement évanouie. Elle chercha furtivement Eleanor des yeux, et la vit courir à toutes jambes vers l'arrière du pensionnat, à la poursuite de son frère.

Elle n'avait parcouru que quelques mètres quand le sol trembla à nouveau. Narcissa vit des traînées obscures zébrer le ciel, puis des silhouettes masquées et encapuchonnées apparurent autour d'elle. Les Mangemorts qui savaient voler, ou transplaner, avaient profité de la disparition du dôme de protection pour pénétrer l'enceinte du pensionnat, et prendre les Aurors à revers.

Narcissa entendit un concert de Stupéfix, de Confringo, de Reducto, de Bombarda et d'Avada Kedavra s'élever autour d'elle, ainsi que d'autres incantations obscures qu'elle ne connaissait pas. Des étincelles rouges, bleues, vertes jaillissaient de toutes les baguettes, et certaines la frôlaient dangereusement. Alors qu'elle s'emparait de sa baguette pour se protéger, un Mangemort de haute taille la saisit par le bras et la tira vers les bordures de la clairière, derrière les rangs des Mangemorts.

– Va-t'en ! lui cria la voix d'Evan Rosier derrière le masque. On s'occupe du reste !

– Non, protesta Narcissa. Les dragons...

– C'est trop dangereux ! insista Rosier. Narcissa, il faut que tu partes...

Comme pour illustrer ses propos, un Confringo lancé par un Mangemort ricocha sur le bouclier d'un Auror, et se retourna contre les attaquants ; le sortilège atteignit trois Mangemorts d'un coup, les propulsant loin dans les ténèbres, et alla s'échouer vers un des arbres couleur rouille qui bordait la clairière – celui derrière lequel Narcissa et Daisy s'étaient cachées, quelques minutes plus tôt. Le tronc de l'arbre s'embrasa, les branches qui le surplombaient prirent feu à leur tour, et certaines s'écroulèrent sur le sol dans une pluie de braises.

– Où est Daisy ? demanda Rosier.

Narcissa se tourna vers l'endroit où elle avait laissé son amie, mais n'y vit qu'un enchevêtrement de branches enflammées. Plus loin, Balaur se débattait contre les Aurors, et crachait du feu tout autour de lui, y compris vers les murs du pensionnat Wimbley, dont la charpente venait de s'embraser.

À quelques mètres de Narcissa, un homme fut stupéfixé, et tomba près de la muraille de Tentagriffes ; aussitôt, un tentacule griffu s'enroula autour de lui, lacéra sa chair avec un bruit horrible, et le traîna jusqu'à l'enchevêtrement de tentacules, où il disparut, avalé par la masse mouvante de harpons végétaux. Pendant plusieurs secondes, Narcissa garda ses yeux fixés sur l'endroit où l'homme avait disparu, comme si elle était persuadée qu'il allait réapparaître en pleine santé – mais les Tentagriffes l'avaient définitivement avalé.

Puis Narcissa se souvint de ce qu'elle cherchait, et se remit à scruter la clairière avec anxiété. Où pouvait bien être Daisy ? Avait-elle subi le même sort tragique que le malheureux qu'elle venait de voir disparaître ?

– Là-bas, dit Evan Rosier d'une voix rauque, en désignant l'arbre qui brûlait comme une immense torche.

Narcissa plissa les yeux. Et soudain, elle vit une silhouette allongée à terre, immobile, au pied de l'arbre ; et en reconnaissant la cape orange et la chevelure cuivrée de son amie, Narcissa sentit son cœur se cogner violemment contre sa poitrine.

– Daisy !

Elle s'élança aussitôt dans sa direction, suivie de près par Rosier. Elle se trouvait à mi-chemin quand il lui saisit l'épaule et la projeta violemment à terre. Alors qu'elle s'apprêtait à protester, elle s'aperçut qu'un Auror s'était interposé entre eux et Daisy, et cacha soigneusement son visage dans l'herbe, afin de ne pas être reconnue ; et pendant que Rosier combattait l'Auror, Narcissa se mit à ramper dans l'herbe dans la direction de Daisy.

La progression n'était pas aisée, car elle devait s'arrêter souvent pour esquiver les sorts qui fusaient au-dessus de sa tête. Des explosions soulevaient des gerbes de terre autour d'elle, et des éclats de pierre lui frôlèrent le visage à de nombreuses reprises. Néanmoins, elle continua d'avancer ; elle passa à côté d'un cadavre calciné en gémissant de dégoût, puis d'une énorme coquille de crabe vidée de son contenu. Elle se brûla les mains et les bras, à cause des braises qui jonchaient le sol, à tel point que lorsqu'elle arriva près de Daisy, les manches de sa robe étaient entièrement réduites en lambeau.

– Daisy ! appela Narcissa.

Mais son amie resta immobile. Narcissa se redressa, et s'accroupit auprès d'elle, le souffle court. Daisy respirait, mais elle était inconsciente, et un filet de sang coulait le long de sa tempe.

– Daisy ! l'appela encore Narcissa en la prenant dans ses bras.

À nouveau, elle n'obtint pas de réponse. Autour d'elles, des déflagrations projetaient des jets de terre, et des tourbillons de fumée l'empêchaient de distinguer les silhouettes des Aurors de celles des Mangemorts. Daisy va mourir, pensa Narcissa. Daisy va mourir à cause de moi... Dans son esprit confus, ce qui se passait sous ses yeux se mélangeait avec tous les souvenirs qu'elles avaient partagés : les silhouettes hurlantes qui s'entretuaient dans la clairière se mêlaient aux images de toutes les fêtes d'anniversaire qu'elles avaient célébrées ensemble, sur la Colline d'Émeraude... Il lui semblait apercevoir, à travers les branches de l'arbre enflammé qui se trouvait à côté d'elles, le ciel bleu et les haies parfaitement taillées qui avaient bercé son enfance... Quelque chose explosa tout près d'elle, mais peut-être était-ce un feu d'artifice... Nous sommes nées le même jour, et nous allons également mourir le même jour, pensa Narcissa en fermant les yeux, et en serrant Daisy contre elle. Je vais mourir ici, à cause d'Abraxas Malefoy, de Piscus Crabbe, de Rodolphus Lestrange... Je vais mourir, et je ne reverrai plus jamais Lucius... Et nous n'aurons jamais d'enfant...

Prise dans ce torrent de pensées affolées, elle ne vit pas tout de suite que Balaur les avait aperçues. Il avait dû entendre sa voix, au-dessus du tumulte, lorsqu'elle avait crié le nom de Daisy ; et il s'approchait d'elles, en écrasant sur son passage les Aurors qui essayaient de le maîtriser, les immenses tentes violettes et l'estrade qui avait servi au spectacle des petits pensionnaires.

Narcissa ne le vit que lorsqu'elle sentit un souffle chaud balayer la fumée qui lui piquait les yeux ; alors seulement, elle leva la tête, et croisa le regard vert et terrorisé de son dragon.

– Balaur, murmura-t-elle.

Le dragon les entoura de ses immenses ailes, afin de les protéger contre les sortilèges et les explosions qui fusaient en tous sens, et approcha sa tête de Narcissa. Elle tendit le bras et le toucha entre ses deux naseaux, d'où sortaient quelques étincelles. Aussitôt, la peur qui envahissait Narcissa se mêla à celle du dragon, tout aussi intense.

Balaur inclina sa tête et leur présenta son cou pour les inciter à grimper dessus. Dans un regain d'espoir et d'énergie, Narcissa passa ses bras autour de Daisy, et essaya de la soulever du sol.

– Allez, Daisy, partons...

Mais Daisy resta inanimée. Narcissa pointa sa baguette sur elle, et essaya plusieurs sortilèges pour la réveiller, mais aucun de fonctionna.

– Daisy, j'ai besoin de ton aide, gémit Narcissa. Je t'en supplie, réveille-toi...

Un bruit assourdissant et une chute de pierres blanches lui signala qu'une explosion avait ravagé une partie du pensionnat Wimbley. Il fallait partir, et vite...

Win...gar... Wingard-dium...

Sa voix était hachée, et sa main frigorifiée tremblait de façon incontrôlable.

– ...Leviosa...

Daisy ne remua pas d'un pouce. Narcissa se souvint que le sortilège de Lévitation ne fonctionnait que sur des objets, ou sur des petits animaux, et changea de stratégie.

Alegio, articula-t-elle avec difficulté.

Daisy ne bougea pas, mais lorsque Narcissa la prit par les épaules pour la soulever, elle était devenue aussi légère qu'un Ballon Flotteur de chez Honeydukes. Narcissa se leva donc, et tenta de monter sur le dos de Balaur tout en portant Daisy et en maintenant son capuchon enfoncé sur sa tête pour dissimuler son visage – ce qui était loin d'être facile. Elle se débarrassa de ses chaussures, s'agrippa au cou de Balaur de sa seule main libre et escalada pieds nus l'encolure écaillée du dragon. Heureusement, Balaur l'aidait en inclinant son cou de la bonne manière, en la soutenant avec la racine de son aile et en la protégeant des sortilèges qui risquaient de l'atteindre. Mais, comme lorsqu'elle le chevauchait dans les airs, Narcissa ressentait tout ce que le dragon ressentait, y compris les sortilèges qui pleuvaient sur son flanc, et les chaînes lancées par les Aurors qui s'enlaçaient vainement autour de ses ailes dans l'espoir de maîtriser le dragon. Plusieurs fois, surprise par une vive douleur transmise par le dragon, Narcissa glissa en s'éraflant à nouveau les jambes, et manqua de lâcher Daisy.

Alors qu'elle était presque arrivée en haut de l'encolure du dragon, et qu'il s'apprêtait à déployer ses ailes pour s'envoler, Narcissa sentit une douleur fulgurante lui transpercer la cuisse, bien plus importante que les précédentes. Elle baissa les yeux pour savoir ce qui venait de la blesser, s'attendant à voir sa jambe lacérée, mais sa cuisse était parfaitement intacte. En revanche, Balaur poussa un rugissement si puissant que Narcissa lâcha prise ; la douleur cessa immédiatement, et elle retomba lourdement sur le sol avec Daisy. Le souffle coupé par la chute, elle roula sur le côté, et aperçut ce qui faisait si mal à son dragon : un tentacule épineux s'était enroulé autour de sa patte arrière et l'attirait avec force vers la muraille de Tentagriffes.

Balaur se retourna, et cracha des flammes sur le tentacule qui lui enserrait la patte ; celui-ci prit feu, mais ne lâcha pas prise pour autant. Balaur cracha d'autres flammes sur la muraille de Tentagriffes, et celle-ci s'embrasa avec un effroyable couinement. Mais cet embrasement n'eut pas l'effet escompté, car les Tentagriffes devinrent enragées. Narcissa se dressa tant bien que mal sur ses jambes, et essaya vainement de repousser les tentacules qui s'agrippaient à Balaur ; mais à chaque fois qu'un de ses Reducto en détruisait un, deux autres surgissaient de la muraille pour harponner son dragon. Et au fur et à mesure que Balaur était attiré vers la muraille, d'autres Tentagriffes s'enroulaient autour de lui, comme des serpents affamés. Un tentacule s'enroula autour de sa gueule, et l'empêcha de cracher du feu. Balaur résistait de toutes ses forces, et s'arc-boutait sur le sol pour résister aux Tentagriffes qui l'attiraient inexorablement vers la muraille, mais ses efforts étaient vains. Un sang noir et épais coulait des entailles que les épines acérées laissaient sur leur passage, partout sur le corps du dragon ; son souffle devenait rauque, et ses écailles disparaissaient progressivement sous les entrelacs de bras épineux qui le ligotaient de plus en plus étroitement.

Narcissa esquissa un mouvement vers lui, afin de trancher les Tentagriffes, mais en voyant cela, Balaur poussa un couinement de protestation affolée, la suppliant de se tenir à distance ; et Narcissa resta debout, impuissante, ignorant le tumulte du combat qui faisait rage autour d'elle, jusqu'à ce que son dragon disparaisse totalement. Elle vit l'immense œil vert la regarder une dernière fois, et les Tentagriffes l'engloutirent dans les profondeurs de la terre. Une fois que le dragon eut disparu, la muraille d'épines se remit en ordre et s'immobilisa, comme un géant repu.

Alors que Narcissa essayait de retenir ses larmes et de calmer sa respiration affolée, quelque chose d'inattendu se produisit : à l'endroit où Balaur avait disparu, une explosion formidable pulvérisa la muraille de Tentagriffes sur plusieurs mètres. Narcissa fut projetée en arrière, et atterrit à nouveau sur le dos, à côté de Daisy. Les oreilles sifflantes, Narcissa se souvint vaguement avoir lu dans le livre que Vera lui avait offert qu'un cœur de dragon produisait une gigantesque explosion lorsqu'il s'arrêtait de battre – mais elle se doutait bien que les Tentagriffes ne s'intéressaient guère à ce genre d'ouvrage. Étourdie, elle se redressa tant bien que mal, et constata que l'explosion avait ouvert une brèche majeure dans la muraille de Tentagriffes. Lorsqu'elle retrouva la possession de tous ses sens, Narcissa entendit une flopée de hurlements furieux ; et, effarée, elle vit plusieurs Mangemorts hystériques s'engouffrer dans la brèche pour débouler dans la clairière enfumée du pensionnat Wimbley.

Narcissa reconnut les silhouettes encapuchonnées de Rodolphus et Rabastan Lestrange, qui poussaient des rugissements sauvages et brandissaient des torches enflammées. À côté d'eux, un Mangemort particulièrement stupide du nom de Wilkes pointa sa baguette vers le ciel : une étincelle verte en jaillit, fusa vers les nuages rendus orangés par les flammes qui dévoraient la clairière, et juste avant d'atteindre la voûte nuageuse, se dispersa en plusieurs étincelles qui formèrent progressivement la Marque des Ténèbres.

Wilkes poussa un petit rire aigu, avant d'être frappé par une énorme boule blanche qui le propulsa au loin.

Narcissa fit volte-face : quelques Aurors initialement dispersés avaient reformé leurs rangs, et se tenaient prêts à affronter la vague de Mangemorts qui déferlaient sur eux. Ils étaient rassemblés derrière un jeune homme blond au corps massif, que Narcissa avait déjà vu plusieurs fois en couverture du Magenmagot.

À leurs côtés, Dumbledore défendait à lui seul une part importante de la façade du pensionnat. Il était assailli par une demi-douzaine de Mangemorts féroces, mais la puissance magique qui émanait du vieil homme offrait un spectacle encore plus effrayant que ses adversaires. Sous ses pieds, le sol semblait onduler, repoussant les Mangemorts vers les Tentagriffes qui se jetaient sur eux ; des éclairs aveuglants jaillissaient de sa baguette, frappant ses cibles avec une précision implacable ; et les sortilèges lancés par les Mangemorts ricochaient devant lui sans l'atteindre, comme contre un mur de glace.

Malheureusement, Narcissa n'eut pas le loisir de s'attarder sur ce spectacle : elle et Daisy se trouvaient précisément entre les deux camps, ce qui était loin d'être la position idéale. Les Aurors et les Mangemorts ne tardèrent pas à se bombarder mutuellement de sortilèges tous plus agressifs les uns que les autres. Prise entre deux feux, le souffle court, Narcissa serra Daisy contre elle et essaya de s'interposer entre son amie et les sorts qui fusaient de toute part. Des projections les frôlaient toutes les deux, et Narcissa devait se plaquer sur le sol pour ne pas être réduite en poussière.

Non loin d'elles se trouvait un des rares arbres encore sur pied, aux branches et aux feuilles semblables à du métal rouillé. Y voyant leur seule chance de survie, Narcissa tira Daisy vers elle, et, rampant à nouveau, se rapprocha de l'arbre en espérant s'abriter derrière le tronc massif.

Alors qu'elle venait de s'érafler le coude sur une racine de l'arbre, au-dessus de sa tête, elle entendit quelqu'un crier :

Bombarda !

Il y eut une détonation, et un éclair rouge frappa de plein fouet l'arbre qui se dressait au-dessus de Narcissa. Elle regarda vers la cime de l'arbre, tétanisée, et pendant quelques secondes, rien ne bougea ; puis le feuillage frissonna, et, avec un grincement sinistre, l'arbre s'inclina vers elles, d'abord doucement, puis de plus en plus vite.

Narcissa poussa un juron qu'elle pensait banni de sa mémoire depuis bien longtemps, et voulut éloigner Daisy de l'arbre ; mais elle comprit rapidement qu'elle n'allait pas assez vite. Et de plus, elles étaient de nouveau exposées aux tirs des Mangemorts... D'ailleurs, certains pointaient déjà leurs baguettes dans leur direction, sans les voir...

Alors que Narcissa se demandait s'il était préférable de mourir écrasée sous un arbre ou pulvérisée par un sortilège d'Explosion, elle entendit un vrombissement, puis une voix agréablement familière :

– Cissy ! Daisy ! Protego !

La moto rose de Vera atterrit à côté d'elles avec fracas, et deux étincelles rouges ricochèrent sur la carrosserie. En un éclair, Vera descendit de sa moto et attrapa fermement le bras de Narcissa et celui de Daisy. Narcissa eut l'horrible impression d'être comprimée dans un tuyau de métal ; puis, sous ses mains, la surface rugueuse de l'herbe givrée fut remplacée par quelque chose de lisse, de doux, et surtout de familier. Vera lui tenait toujours le bras, et Narcissa comprit que sa marraine venait de les faire transplaner. L'atmosphère autour d'elle était à nouveau respirable, agréablement parfumée. Quand les yeux de Narcissa furent habitués à la pénombre, elle réalisa qu'elle se trouvait chez elle, assise sur le perron de marbre qui marquait l'entrée de son manoir, qui ne lui avait jamais paru aussi beau.


Laisser un commentaire ?