Secrets de Serpentard (II) : Le Pensionnat Wimbley

Chapitre 13 : Le match

6881 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/05/2023 15:21

Le match



À des kilomètres de là, à travers le rideau de pluie qui tombait du ciel, les spectateurs rassemblés sur les gradins du terrain de Quidditch de Poudlard distinguaient à peine les ronds de métal doré qui marquaient les buts de part et d'autre du stade. On aurait dit qu'il pleuvait de la boue, et sans les exclamations des supporters qui fusaient en tous sens, il aurait été impossible de savoir quelles étaient les deux maisons qui allaient s'affronter.

– Serpentard ! Serpentard !

– Gryffondor ! Les rois du Vif d'Or !

– Allez, Potter, écrase-les !

Au milieu du terrain, sous la pluie battante, les deux équipes verte et rouge se faisaient face, attendant le commencement du match. Regulus, cramponné à son balai, regardait le cercle des joueurs au-dessous de lui, et encore plus bas, le coffret contenant les quatre balles du Quidditch : le Souaffle, écarlate et volumineux ; les deux Cognards, noirs et nerveux ; et surtout, celle qui intéressait précisément Regulus, dorée et grosse comme une noix : le Vif d'Or.

Regulus était en quatrième année et était l'attrapeur de Serpentard pour la troisième année consécutive. Et pourtant, il avait beau occuper le poste le plus prestigieux de l'équipe de Quidditch, il ne songeait même pas à s'en vanter : perché sur son balai à plusieurs dizaines de mètres du sol, ballotté par les bourrasques et grelottant dans sa tenue de Quidditch détrempée par la pluie, il ne faisait pas vraiment le fier. Afin de lutter contre le trac qui lui tenaillait le ventre, semblable à celui qu'il ressentait systématiquement avant chaque match, Regulus s'efforçait de ne pas penser au vide qui se trouvait au-dessus de lui, ni à tous les élèves qui espéraient qu'il tombe de son balai – ces pensées-là ne faisaient qu'empirer les choses. Non, comme il en avait pris l'habitude, il s'efforçait plutôt de repenser méthodiquement à toutes les étapes franchies avec succès, depuis la première fois où il était monté sur un balai, jusqu'à ce poste d'attrapeur qu'il n'aurait jamais cru mériter.

Ce parcours n'avait pas été exempt de difficultés. Si dès les premières leçons de vols, leur professeure l'avait complimenté sur la précision de sa trajectoire et son aisance aérienne, l'idée de faire partie de l'équipe de Quidditch lui avait paru insurmontable. Lui, dont l'estomac devenait acide dès qu'il devait prendre la parole en classe, se retrouver au centre de l'attention de tous ces élèves en furie pendant un match entier ? Non, c'était impensable.

Et pourtant, lorsqu'en deuxième année, sa professeure de vol l'avait incité à passer les sélections pour le poste d'attrapeur qui venait de se libérer, Regulus n'avait pas pu s'empêcher de s'en vanter timidement auprès de son ami Rogue ; et celui-ci, beaucoup trop raide pour faire un bon joueur de Quidditch, n'avait eu de cesse de vouloir convaincre Regulus de tenter sa chance. Il l'avait donc incité à s'entraîner pendant leur temps libre, lui avait préparé des potions pour rendre sa vue plus performante, et l'avait quasiment traîné de force jusqu'aux sélections ; là, malgré son appréhension maladive, Regulus avait attrapé le Vif d'Or avant tous les autres concurrents et avait été choisi par le capitaine pour être le nouvel attrapeur – non sans une certaine réticence de la part des autres membres de l'équipe, qui estimaient que Regulus était trop frêle, trop jeune, et trop solitaire pour avoir l'esprit d'équipe.

Depuis, son agilité et sa précision faisaient de lui un atout majeur pour l'équipe de Serpentard, qui écrasait systématiquement les équipes de Poufsouffle et de Serdaigle, dont le talent des attrapeurs laissait à désirer.

En revanche, affronter la maison Gryffondor restait un défi de taille, puisque leur attrapeur était au moins aussi agile que Regulus, avait plus d'expérience, plus de puissance, et, surtout, intimidait ce dernier au plus haut point – pour la simple et bonne raison qu'il s'agissait de James Potter.

– Degulus ! Hé, Degulus !

Regulus fit un effort immense pour ne pas lever la tête vers son rival, se contentant de prier pour que le match commence le plus vite possible. En dehors du terrain de Quidditch, il fuyait James comme la peste : il se souvenait trop bien des tâches d'encre qui avaient constellé ses livres pendant les mois qui avaient suivi leur première rencontre.

Mais en l'occurrence, il n'avait pas d'autre choix que de l'affronter. Il s'agrippait donc à son balai avec d'autant plus de force que les deux derniers matchs qui avaient opposé Serpentard à Gryffondor avaient été remportés par ces derniers – grâce à James, évidemment. Depuis que la date du match avait été annoncée, Regulus ne désirait qu'une chose : remporter la partie et effacer le sourire goguenard qui se dessinait sur les lèvres de James dès que celui-ci l'apercevait. Et en attendant le commencement du match, il s'efforçait de l'ignorer, ce qui était un exercice particulièrement difficile car James se trouvait pile en face de lui et ne cessait de lui lancer des injonctions moqueuses :

– Allez, Degulus ! Je vois bien que tu as la frousse ! Déclare forfait, arrêtons là ! Allons nous changer et boire un bon chocolat chaud, ça arrangera tout le monde !

Regulus serra les dents et se retint de répondre. Sur le terrain de la répartie, James serait toujours vainqueur : il fallait se résoudre à le laisser dire. Regulus ne devait avoir qu'un seul objectif en tête : attraper le Vif d'Or avant ce crétin.

En bas, sur la terre ferme, leur professeure de vol, Mme Brisemou, parlait avec Dumbledore en montrant le ciel avec de grands gestes. Peut-être le match allait-il être reporté, avec cette pluie battante...

Pour patienter, Regulus chercha des yeux son ami Rogue dans les gradins. Ce dernier était sans aucun doute la seule personne qui désire plus ardemment que Regulus la défaite de Gryffondor – ou plus exactement de James Potter, son ennemi juré. Malgré les torrents de pluie qui s'abattaient sur le stade, grâce à sa vue perçante, Regulus repéra la silhouette d'épouvantail de son ami. Il était installé au premier rang, à sa place habituelle, un peu à l'écart des autres groupes. Regulus plissa les yeux et crut le voir lever son pouce en signe d'encouragement.

Hélas, un peu plus haut dans les gradins se trouvait son frère Sirius, qui brandissait avec Remus Lupin et Peter Pettigrow une imposante banderole aux couleurs de Gryffondor. En voyant son frère scander le nom de son rival avec autant d'ardeur, Regulus sentit une bouffée de jalousie brûlante l'envahir. Depuis le début de leur cinquième année, Sirius et ses trois amis étaient plus complices que jamais ; ils ne se quittaient plus, échangeaient à voix basse des paroles excitées et se donnaient d'étranges surnoms dont personne ne comprenait le sens. Regulus aurait aimé y être indifférent ; mais hélas, c'était loin d'être le cas.

– Alors, Degulus, c'est Servilus que tu cherches ? J'espère qu'il saura te consoler après la défaite que je vais t'infliger ! À moins que tu ne préfères aller pleurer dans les bras de ton amie fantôme ?

Tout en essuyant la pluie qui ruisselait sur ses joues, Regulus fit une petite grimace. James faisait évidemment référence à Mimi Geignarde, le fantôme qui hantait les toilettes du deuxième étage, où Rogue et Regulus se réunissaient plusieurs fois par semaine pour s'entraîner à la confection de potions et à la réalisation d'enchantement difficiles. Au début, la présence de Mimi avait été bien difficile à supporter, puisqu'elle ne cessait de leur crier dessus, de renverser leurs chaudrons et d'inonder le sol. Mais au fur et à mesure, elle avait compris qu'ils n'avaient pas l'intention de se moquer d'elle ; elle s'était donc progressivement habituée à leur présence, jusqu'à guetter leur venue avec impatience et à les considérer comme ses amis.

Regulus devait bien l'avouer, Mimi Geignarde l'avait grandement aidé à s'intégrer à Poudlard, comme elle l'avait fait auparavant avec d'autres élèves en difficulté. Elle qui connaissait le château par cœur, elle l'avait aidé à s'y repérer, lui avait prodigué des conseils pour ne pas bafouiller devant ses camarades, l'avait longuement encouragé avant chaque match de Quidditch, et de ce fait, avait amplement contribué à toutes ses victoires.

 Regulus aurait dû être reconnaissant à l'idée de pouvoir compter sur Rogue et sur Mimi Geignarde en toutes circonstances, mais en vérité, il avait du mal à penser à leur étrange trio sans en avoir terriblement honte, et sans en vouloir à ses deux amis d'être aussi bizarres.

Il repensa furtivement à Rogue, à ses cheveux gras, à son nez crochu, à la manière étrange qu'il avait de s'habiller. Puis à Mimi, à sa voix désagréable, à ses lunettes épaisses et son visage boutonneux. Lui, Regulus Arcturus Black, issu d'une telle lignée, avoir pour amis un élève obnubilé par les Potions et le fantôme geignard d'une Sang-de-Bourbe à lunettes... Quel manque de panache, quelle déchéance...

Comme son père le lui répétait à tout bout de champ, c'était peut-être là la preuve que le respect dû aux véritables sorciers se perdait. À une autre époque, disait-il, tous les élèves se seraient bousculés pour s'attirer ses faveurs. Et c'était loin d'être le cas, même si on sentait que le vent était en train de tourner...

– Je vais te battre, Degulus, comme les dernières fois ! claironnait James en se balançant avec nonchalance sur son balai. Tu le sais déjà, n'est-ce pas ? Pour tout ce que tu as fait à Sirius, je vais te battre !

– La ferme, Potter ! beugla une voix quelques mètres en-dessous de Regulus.

– Si tu continues, on va te casser les dents, renchérit une autre.

Regulus baissa les yeux et reconnut les deux batteurs de son équipe, Liam Avery et Robin Mulciber. Ils étaient d'une férocité rarement atteinte par des batteurs de Quidditch, et n'hésitaient pas à se servir de leur propre corps pour percuter leurs adversaires, ce qui leur valait le surnom de Cognards Humains.

James s'apprêta à répliquer, mais la voix de Madame Brisemou, leur professeure de Quidditch et arbitre, retentit dans tout le stade :

– Silence dans les rangs ! rugit-elle. Veuillez être attentifs : le match va commencer !

À travers les gouttes de pluie qui ruisselaient sur son visage, Regulus distingua la silhouette musculeuse de Madame Brisemou s'approcher du coffret qui contenait les quatre balles.

– Comme vous avez pu le constater, les conditions sont particulièrement difficiles aujourd'hui ! Mais puisqu'il fait ce temps-là depuis des mois, nous avons pris la décision de ne pas annuler le match ! Aussi, plus que jamais, je compte sur votre respect des règles et sur votre fair-play !

Quelques élèves de Serpentard ricanèrent.

– Et maintenant... En position... C'EST PARTI !

D'un coup de pied, Madame Brisemou ouvrit le coffret qui contenait les balles. Le Souaffle s'éleva dans les airs et les six poursuiveurs se précipitèrent dessus pour l'attraper. Puis les deux Cognards l'imitèrent, et enfin, le Vif d'Or. Regulus dut se concentrer pour observer le coffret à travers la mêlée des joueurs, et crut apercevoir un éclat doré s'envoler vers les buts de Serpentard. Sans attendre, il se précipita à sa poursuite. Aussitôt, la voix familière de Debbie Bradley se mit à grésiller à travers le stade :

– Les Gryffondor prennent immédiatement l'avantage ! Williams attrape le Souaffle ! Oh, jolie passe à Branstone, bravo Stephanie ! Regardez comme les trois poursuiveurs sont parfaitement coordonnés ! Ils tentent une attaque en faucon... Ils fondent vers les buts... Aïe ! Overcliff les intercepte ! Quel beau chassé-croisé... Le Souaffle repart vers les buts de Serpentard... Mulciber frappe le Cognard... Attention ! Ouf, Lufkin l'évite de justesse...

Regulus essayait de ne pas prêter attention aux péripéties du match. Une seule chose devait lui importer : attraper le Vif d'Or. Il devait ignorer le reste, hormis peut-être la trajectoire des Cognards.

Il avait perdu de vue la petite balle dorée, mais il avait cru la voir partir du côté des buts des Serpentard. Il se mit donc à survoler le terrain au-dessus des gradins, essayant d'ignorer les invectives des supporters vêtus de rouge. Il était trempé jusqu'aux os ; son uniforme glacé lui collait à la peau, ses gants de cuir glissaient sur le manche de son balai ; en résumé, il avait l'impression de patauger plutôt que de voler. Les spectateurs auraient pu penser qu'il se reposait, mais en réalité, tous ses muscles étaient tendus, et tous ses sens étaient en éveil.

– Ouille, les Serpentard réussissent à rattraper Branstone... Ils s'emparent du Souaffle... Farley fait la passe à Baddock... Eeeet BUUUT ! Dommage, Fancourt avait presque réussi à l'intercepter ! Dix points pour Serpentard ! La lutte est serrée, mes amis, voilà un beau match qui s'annonce !

Les deux équipes se battirent avec ferveur pendant plus d'un quart d'heure, sans que Regulus ne voie apparaître le Vif d'Or. Les scores ne s'espaçaient jamais de plus de vingt points, et malgré la météo catastrophique, ni les joueurs ni les supporters ne perdaient en énergie.

Et soudain, alors que Regulus s'était laissé distraire par un incident causé par Avery qui avait délibérément percuté Stephanie Williams de plein fouet, il perçut un bourdonnement discret au-dessus de sa tête, et en levant le visage, il vit l'objet qu'il rêvait de tenir entre ses doigts depuis plusieurs jours.

Son premier réflexe fut de se précipiter dessus, mais il se retint. Il décida plutôt de ne pas faire de geste brusque, et se mit à le suivre en essayant d'avoir l'air naturel : il ne voulait surtout pas attirer l'attention de James Potter, qui cherchait le Vif d'Or à l'autre bout du terrain...

Il se rapprochait donc progressivement de la petite balle dorée. Il la fixait tellement intensément qu'il en oubliait de cligner des yeux.

Hélas, le Vif d'Or se rapprocha de la tribune où se trouvait Debbie Bradley, et Regulus l'entendit s'exclamer :

– Hé ! Là-bas ! Black semble avoir repéré le Vif d'Or ! Il essayait de ne pas se faire remarquer, mais c'est loupé ! Ça y est, Potter fonce sur lui !

En moins de dix secondes, James rejoignit Regulus. N'ayant plus besoin d'être discret, Regulus accéléra et se lança au coude-à-coude avec James à la poursuite de la précieuse balle dorée.

Le Vif d'Or s'éleva dans les airs avec une rapidité stupéfiante, et James et Regulus montèrent à sa suite, presque à la verticale. L'altitude jouait en défaveur de Regulus : il était bien plus léger que James, et se faisait balloter par le vent violent, tandis que la trajectoire de son adversaire restait nettement plus stable. Regulus risqua un regard vers le bas : au-dessous d'eux, le stade avait disparu. On ne voyait qu'un océan gris, fait de pluie et de brume.

Mais Regulus n'était plus le petit garçon peureux qui s'était collé à sa voisine pendant toute la traversée du lac, lors de son premier jour à Poudlard. La peur était toujours présente, elle le tenaillait dès qu'il devait parler en public, s'élever dans les airs sur son balai ou traverser seul un couloir bondé d'élèves de Gryffondor, mais Regulus avait appris à apprivoiser cette vague glaciale qui se répandait dans ses veines à la moindre occasion. Tout en gardant ses yeux fixés sur le Vif d'Or, il reconnut la sensation bien trop familière de cette sueur froide qui se mêlait à l'eau de pluie qui ruisselait le long de sa colonne vertébrale ; ses mains tremblaient le long du manche de son balai, mais il le serra avec d'autant plus de force, et avec cette peur intense vint aussi la détermination de la vaincre.

Il essaya de bousculer James pour le faire dévier de sa trajectoire, mais cela n'eut quasiment aucun effet ; en revanche, James lui rendit sa bousculade, et Regulus faillit en lâcher son balai. Ses mains ripèrent sur le manche, le faisant perdre le contrôle de sa trajectoire ; son ascension s'interrompit et il tomba en chute libre de plusieurs dizaines de mètres avant que sa prise soit assez ferme sur le balai pour le stabiliser.

Il dut s'arrêter pour reprendre ses esprits, et passa plusieurs minutes à observer la mer de brume qui s'étendait partout autour de lui, pantelant et grelottant. Il se sentait pathétique et furieux contre lui-même : il avait perdu James de vue, et celui-ci ne tarderait pas à attraper le Vif d'Or. Il allait devoir redescendre, piteux, et supporter le spectacle de la foule d'élèves en délire qui acclamait James, Sirius en tête ; il allait devoir endurer les regards haineux du reste de son équipe, qui seraient écœurés d'avoir perdu...

Égaré dans ses sombres pensées, il faillit ne pas remarquer la silhouette de James qui redescendait en piqué vers le sol. Le Vif d'Or avait décidé de regagner le terrain de Quidditch : Regulus avait donc encore toutes ses chances de gagner. Soudain revigoré, plus déterminé que jamais, il serra les dents et s'élança à toute vitesse à la poursuite de James.

Il le rattrapa en un clin d'œil. Son esprit en alerte fonctionnait à toute allure, et son balai s'efforçait de suivre la cadence. Grâce à sa petite taille, le vent lui opposait très peu de résistance ; il parvint à descendre quasiment à la verticale, et se rapprocha ainsi du Vif d'Or, tandis que James peinait à descendre aussi vite.

Ils crevèrent les nuages et débarquèrent au milieu du terrain, où la lutte faisait rage pour attraper le Souaffle ou percuter les adversaires avec des Cognards. Aussitôt, la voix de Debbie retentit :

– Ah ! Voilà nos attrapeurs favoris ! Là aussi, la lutte est serrée ! Le Vif d'Or fonce vers le milieu du terrain !

En effet, le Vif d'Or filait droit vers la mêlée de joueurs qui luttaient pour s'emparer du Souaffle. Si Regulus le suivait, il serait dangereusement exposé, il pourrait être percuté à tout moment...

– Potter fait un écart pour éviter Lufkin... Il s'éloigne du Vif d'Or ! Black prend l'avantage !

Grisé d'entendre cela, Regulus décida de maintenir sa trajectoire coûte que coûte. Pour cela, il frôla Stephanie Williams, qui rata un but à cause de lui ; il dut vriller pour éviter un Cognard, mais réussit à se rapprocher du Vif d'Or.

– Black se faufile entre les joueurs, quelle agilité ! Il semble sur le point d'attraper le Vif d'Or... Mais Potter n'a pas dit son dernier mot ! Il revient dans la course... Il fonce vers Black, bien décidé à ne pas le laisser gagner !

Regulus avait l'impression de ne faire plus qu'un avec son balai. Il ne pensait plus à rien, ne réfléchissait plus. Il ne sentait ni le crépitement de la pluie sur son visage, ni la vibration du balai entre ses jambes, ni la brûlure de ses yeux qui débordaient de larmes. Comme s'il se trouvait dans un rêve, il desserra sa poigne autour du manche de son balai, et avança sa main vers le Vif d'Or... Il n'était plus qu'à une vingtaine de centimètres... Une dizaine...

– Potter se rapproche dangereusement de Black ! Il prend de la vitesse... Par Merlin, c'est impressionnant ! Il le rattrape...

Regulus sentait la présence de James, juste derrière lui... Il sentait à quel point il peinait à l'égaler en vitesse, lui qui était plus large d'épaules... Et devant lui, Regulus avait le sentiment que la petite balle dorée s'épuisait, renonçait peu à peu à lui échapper... Ses changements de direction se faisaient moins combatifs... Et maintenant, Regulus touchait les ailes argentées du Vif d'Or, il en effleurait le métal froid et doré... Sa main se refermait, il sentait la petite sphère si familière au creux de sa paume... Il la tenait !

– Est-ce que je vois ce que je vois ? brailla Debbie Bradley. Oui, hélas ! Black a attrapé le Vif d'Or ! SERPENTARD L'EMPORTE !

Regulus avait ralenti l'allure sans même s'en rendre compte, tremblant d'épuisement. Les ailes du Vif d'Or frappaient contre le dos de sa main pour lui faire lâcher prise, mais il n'avait jamais serré quelque chose aussi fort. En-dessous de lui, les supporters vêtus de verts hurlaient de joie, triomphants. Certains sautaient sur place, manquant de glisser sur les gradins détrempés par la pluie. Serpentard avait gagné – Regulus avait gagné. Et, plus important encore : il avait battu James.

Il regarda autour de lui dans l'espoir de croiser un regard amical, ou de voir quelqu'un s'approcher pour lui donner l'accolade, mais tous les joueurs de Serpentard étaient occupés à se congratuler entre eux et ne lui accordaient plus aucune attention. Même Debbie Bradley préférait énumérer les prouesses des poursuiveurs, sans prendre la peine de masquer sa préférence pour la maison Gryffondor. La seule personne qui le regardait se trouvait à quelques mètres de lui, et il s'agissait – encore et toujours – de James Potter.

– Bien joué pour cette fois, Degulus, dit-il avec mépris. J'espère que ça t'aidera à être un peu moins jaloux de moi.

Regulus serra le poing, piqué au vif ; il tenta de trouver quelque chose à répliquer, mais ne parvint qu'à ouvrir la bouche pour la refermer aussitôt.

– Tu sais, ce n'est pas comme ça que Sirius va t'apprécier, poursuivit James, implacable. D'après lui, tu deviens de plus en plus idiot avec les années. Pas étonnant que tu n'aies aucun ami... En revanche, c'est à se demander si tu es vraiment de la même famille que Sirius...

Les oreilles de Regulus se mirent à bourdonner, et il sentit son visage se couvrir de vilaines plaques rouges – comme chaque fois que quelqu'un mentionnait son manque de popularité, ou pire encore, le comparait avec son frère. En face de lui, les yeux noisette de James le fixaient avec colère. Si seulement celui-là pouvait tomber de son balai, si seulement quelque chose pouvait le faire taire...

Sans que Regulus ne comprenne pourquoi, le sourire moqueur de James s'évanouit brusquement, comme par miracle. Il regardait quelque chose qui se trouvait derrière l'épaule de Regulus – quelque chose qui se rapprochait avec un sifflement inquiétant.

– Hé ! cria-t-il en tendant le bras. ATTENTION ! Derrière toi...

Un peu sonné par la méchanceté de ce qu'il venait d'entendre, Regulus se retourna avec trop de lenteur ; et sans pouvoir esquisser le moindre geste, il vit un Cognard se rapprocher de lui à une vitesse effrayante. La vision du terrain de Quidditch et des banderoles vertes fut balayée par un éclair noir fulgurant ; et avec une violence inouïe, la masse sphérique le percuta en pleine poitrine.

– Black ! cria Debbie Bradley.

Le souffle coupé, Regulus fut aveuglé par des centaines d'étoiles clignotantes. Projeté contre les tapisseries qui recouvraient les gradins, il se sentit glisser le long de celles-ci, avec l'impression que le monde tournait autour de lui à une vitesse vertigineuse. Au bout d'un moment qui lui sembla interminable, il heurta le sol, son nez et sa bouche se remplirent de sable, il roula sur le dos et s'immobilisa.

Aussitôt, un goût métallique se répandit dans sa bouche, et une douleur atroce lui transperça la mâchoire, le dos, les membres. Il avait l'impression que son corps avait éclaté en morceaux. Il serra le poing, et constata que le Vif d'Or lui avait échappé ; il eut tout juste la force de tourner la tête vers le ciel, et aperçut James au-dessus de lui, se rapprochant du sol pour lui porter secours. Quelle humiliation, pensa-t-il... Sous sa tête, le sable boueux trépidait, frappé de coups sourds... La pluie glaciale crépitait sur son front, sur ses joues... Puis un voile brumeux tombait devant ses yeux...

Il entendit la voix de Debbie Bradley, anormalement lointaine :

– Par Merlin, quelle chute ! Est-ce qu'il bouge encore ?

Regulus essaya de lever la tête, mais la simple contraction de sa nuque le vida de toutes ses forces, et il retomba dans le sable, inerte. Quelque part au-dessus de lui, il entendait des exclamations inquiètes, d'autres moqueuses, et parmi elles, il en était sûr, il y avait le rire sonore de Sirius...

Tais-toi... Mais tais-toi, pensa-t-il avant de s'évanouir.

 

Regulus resta inconscient pendant un temps indéterminé. Il fit des rêves étranges, dans lesquels son frère Sirius lui brandissait un Cognard sous le nez en riant :

– Je t'ai fait une farce, Degulus ! C'est moi qui étais sur le balai, c'est moi qui t'ai envoyé ce Cognard !

Regulus essayait de protester, mais ne réussissait qu'à émettre des gargouillis incompréhensibles. Il reprit furtivement conscience deux jours plus tard, à l'infirmerie de Poudlard, et constata que Rogue et Mimi Geignarde se trouvaient à son chevet : le premier était assis sur une chaise à côté de son lit, tandis que la deuxième flottait un bon mètre au-dessus du sol. Tous deux observaient Regulus avec inquiétude.

– Je déteste sortir de mes toilettes, geignait Mimi. J'ai toujours peur de croiser d'autres élèves que vous...

– Personne ne te l'a demandé, rétorqua Rogue avec son amabilité habituelle.

Mimi ne s'en formalisa pas – elle s'était habituée à ce genre de réponse de la part de Rogue, et savait bien qu'elle devait les encaisser si elle voulait continuer à avoir un peu de compagnie.

– J'ai l'impression qu'il se réveille, murmura Mimi en se penchant sur Regulus. Tu crois qu'il nous entend ?

– Comment veux-tu que je le sache ?

– Tout de même, poursuivit Mimi sans l'écouter. Il a l'air vraiment mal en point... Et il est vraiment tombé de haut... Quand je pense que c'est cet idiot d'Avery qui a envoyé le Cognard ! Il paraît qu'il visait l'autre attrapeur...

– Oui, j'aurais préféré qu'il vise mieux, grinça Rogue avec un rictus de regret.

Regulus parvint à pousser un grognement et à ouvrir les yeux un peu plus franchement.

– Reggie ! s'exclama Mimi Geignarde.

Sa voix stridente vrilla les tympans de Regulus, mais il était préoccupé par autre chose. Il tourna la tête – non sans ressentir une douleur fulgurante dans les cervicales – et constata avec un mélange de dépit et de soulagement que personne d'autre n'était présent. Visiblement, aucun membre de l'équipe de Quidditch n'avait daigné lui rendre visite. Et en même temps, il était peut-être préférable que personne ne sache qui lui tenait réellement compagnie...

– Reggie ? Ça va ?

Regulus cligna des yeux dans la lumière aveuglante de l'infirmerie.

– Madame Pomfresh a dit que tu avais plusieurs os cassés, mais elle est en train de réparer tout ça ! Ne t’en fais pas, ton visage est en train de reprendre une forme normale... Tu pourras bientôt marcher et manger...

Regulus n'avait aucune envie de manger, et encore moins de marcher. En réalité, il ne voulait qu'une seule chose : se rendormir, et anesthésier l'horrible douleur qui le lançait dans la mâchoire et le long de sa colonne vertébrale. Mais avant cela, il devait éteindre le doute qui le tenaillait depuis son horrible rêve...

– Ehrr...

Dans un premier temps, il ne parvint à émettre qu’une espèce de râle. Sa langue avait une texture étrange, qui lui faisait penser à un morceau de tapis.

– J'ai... Euheu...  J'ai gagné, pas vrai ? demanda-t-il d'une voix rauque.

Il eut alors l'impression que ses dents allaient tomber.

– Carrément, dit aussitôt Rogue.

C'est alors seulement que Regulus remarqua que Rogue avait un œil au beurre noir et la lèvre supérieure enflée. Visiblement, il n'attendait rien tant que de raconter la fin du match à son ami.

– Potter était tellement furieux ! Je n'ai pas pu résister, je suis allé le titiller un peu, à la sortie des vestiaires... Bon, ça m'a valu une bonne dérouillée de la part des Gryffondor, dit-il en montrant son visage tuméfié. Mais franchement, ça valait le coup, rien que pour voir de près sa vieille tête toute déconfite...

– Avec la brume, je n'ai rien pu voir depuis le château, minauda Mimi Geignarde. Mais je suis sûr que tu as été formidable, Reggie !

Regulus fut incapable de répondre autre chose qu'un grognement approbateur. Il leva difficilement son pouce en l'air, et sombra à nouveau dans l'inconscience.

Il traversa à nouveau d'étranges rêves... Il voyait d'autres personnes lui sourire, puis grimacer et s'évaporer... Il entendait le rire moqueur de Sirius dans ses oreilles...

Lorsqu'il se réveilla à nouveau, il crut qu'il rêvait toujours, car son père était à son chevet et le regardait avec gravité.

– Pa... Papa ? murmura-t-il faiblement.

Et en sentant la douleur atroce se répandre dans sa mâchoire, il comprit qu'il ne rêvait plus et s'en inquiéta. Était-il blessé au point que sa vie soit mise en danger ? Car sinon, comment expliquer la présence de son père à son chevet ?

– Regulus, mon fils, répondit Orion avec un entrain et une affection forcés.

Regulus se redressa légèrement, en se massant les tempes et en clignant des yeux pour chasser les taches rouges qui dansaient au milieu de son champ de vision.

– Comment vas-tu ? demanda Orion à voix basse.

– Euh... Ça va...

– C'est bien, c'est bien, dit Orion avec empressement.

Regulus voyait trouble et se sentait nauséeux ; il aurait souhaité que son père le laisse se reposer encore un peu, mais il n'osait pas le lui demander.

– Il y avait là un fantôme et un garçon qui se prétendaient tes amis, grimaça Orion. Je les ai chassés. Je n'ai pas vu tes amis Lazare et Yzalia, en revanche...

Regulus sentit son front se couvrir de sueur. Lazare et Yzalia étaient d'autres élèves de Serpentard issus de nobles familles, fréquentant le club de Slug, dont Regulus essayait désespérément d'obtenir l'admiration – sans succès, car ceux-ci s'évertuaient à l'ignorer. Malgré cela, depuis sa première année, Regulus parlait d'eux à ses parents afin de leur dissimuler la véritable identité de ses amis. Et à vrai dire, comment aurait-il pu faire autrement ?

– Ils ne sont pas venus te voir ? demanda Orion, soupçonneux.

– Si, si... Hier, mentit Regulus.

Il fallait changer de sujet, à tout prix.

– Qui t'a fait venir ? bredouilla-t-il.

– Nous avons reçu un hibou de Slughorn pour nous dire que tu étais tombé, expliqua Orion. Et je voulais simplement m'assurer que tu serais de nouveau sur pied pour les vacances de Noël.

Regulus cessa de se masser les tempes et reprit progressivement ses esprits. Il était déjà étonnant que son père ait pris la peine de faire le déplacement jusqu'à Poudlard, simplement pour s'assurer qu'il allait bien ; et il était encore plus étrange qu'il se préoccupe du déroulé des vacances de Noël – une fête moldue que la famille Black ne célébrait jamais.

Non, décidément, quelque chose clochait.

– Pourquoi ça ? demanda Regulus d'une voix rauque.

Son père remua sur sa chaise, hésitant à parler ; il regarda autour de lui pour s'assurer que personne ne pouvait les entendre, et se pencha sur le lit de Regulus pour se rapprocher de lui.

– Mon fils... Je ne peux pas tout te raconter aujourd'hui, mais quelque chose de formidable se prépare au-dehors. Tous les Sang-Pur ont allié leurs forces... Un combat historique est sur le point de commencer, et nous devons absolument y prendre part.

Il regarda à nouveau autour d'eux, comme si quelqu'un avait pu apparaître à côté de lui pendant qu'il parlait.

– Le monde magique va entrer en guerre, mon fils, dit Orion, surexcité. Une guerre essentielle. Ce que notre famille attend depuis si longtemps est sur le point de se produire : nous allons enfin établir la domination des sorciers sur le monde.

Regulus frissonna. Il l'avait senti, lui aussi : à Poudlard, quelque chose d'immense planait dans l'air. Depuis la nomination au Magenmagot d'Adam Claring, haï par toutes les anciennes familles de sorciers, le clan de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom était devenu de plus en plus attrayant. Les dessins de Marque des Ténèbres et les inscriptions insultantes à l'égard des Sang-de-Bourbe se multipliaient sur les pupitres des salles de classe, mais aussi sur les murs de l'école ; dans les vestiaires du stade de Quidditch, après les entraînements, les joueurs de Serpentard entonnaient des chants guerriers et galvanisants ; les élèves ne prenaient plus la peine de parler à voix basse pour affirmer que les Moldus et leurs apparentés étaient une menace pour le peuple supérieur, et que seuls les Sang-Pur avaient leur place à Poudlard ou dans toute autre institution magique. Le monde sorcier semblait sur le point de basculer ; c'était une menace pour ceux qui s'y opposeraient, mais aussi une promesse pour ceux qui en tireraient parti.

Regulus, lui, ne savait pas très bien quoi penser de cette nouvelle effervescence. Certes, les conflits qui éclataient entre les élèves l'indisposaient et lui rappelaient ceux qui faisaient vibrer les murs de sa propre maison, et le climat en était beaucoup moins propice à l'apprentissage.

Mais d'un autre côté...

D'un autre côté, il fallait bien avouer que cette atmosphère avait quelque chose d'excitant. Le discours despotique qui montait en puissance entre les murs de Poudlard était exactement celui qu'avaient toujours tenu ses parents et le reste de ses ancêtres, comme un bruit de fond permanent qui n'avait jamais été questionné. C'était bien la preuve que la famille Black gagnait en puissance et en influence... Et d'ailleurs, Regulus le ressentait autour de lui : lorsque ses camarades mentionnaient le Seigneur des Ténèbres ou prétendaient qu'on leur avait déjà promis une place parmi les Mangemorts, il arrivait que l'un d'entre eux ait un regard craintif pour Regulus, guettant son approbation.

C'était un sentiment étrange, pour lui qui n'avait jamais eu son mot à dire sur quoi que ce soit. À présent, il se sentait investi d'un rôle, d'une mission capitale : celui de représenter la noble famille Black.

Malgré cela, pour l'instant, Regulus se gardait bien de donner ouvertement son opinion : il ne voulait pour rien au monde s'attirer les foudres de ses professeurs, qui le tenaient tous en très haute estime.

Il était donc intrigué de voir son père parler avec autant de verve. Enfin, il allait recevoir des nouvelles fiables du monde extérieur ; et une question, plus que toutes les autres, lui brûlait les lèvres...

– Tu l'as rencontré ?

– Qui donc ?

– Lui, Papa... Le Seigneur des Ténèbres.

Orion regarda autour d'eux pour la troisième fois, et acquiesça avec un sourire complice.

– Comment est-il ?

– Stupéfiant, murmura Orion.

Malgré son mal de crâne, Regulus était désormais complètement éveillé. Le Seigneur des Ténèbres était au cœur de rumeurs toujours plus folles à propos de son apparence et des pouvoirs qu'il possédait.

– Bellatrix dit qu'il peut ôter la vie d'un homme sans prononcer la moindre formule, dit Regulus. Qu'il maîtrise la magie noire comme nul autre avant lui... Et que sa puissance dépasse celle de tous les mages noirs qui l'ont précédé...

– Tout cela est vrai, mon fils, dit Orion. Et ses intentions sont en tout point identiques aux nôtres.

Regulus hocha la tête, fasciné. Aidé par son ami Rogue, il avait méticuleusement lu et conservé tous les articles de La Gazette du Sorcier qui mentionnaient Voldemort. À leurs yeux, les prouesses de cet homme étaient certes sinistres, mais aussi extraordinaires.

– Certaines rumeurs disent que sa voix fait frissonner la pierre, que ses gestes sont souples comme ceux d'un serpent, que l'on peut voir du feu rougeoyer au fond de ses yeux...

– Cela est vrai aussi, dit Orion. Et si tout se passe comme prévu... Tu pourras très vite le vérifier par toi-même.

– Vraiment ? Quand cela ?

Orion se pencha encore un peu plus vers Regulus et posa sa main sur la sienne. Il semblait ravi de l'effet que produisaient ses paroles sur son fils.

– Dès que possible. Tu pourrais le rencontrer à Noël, si tu es remis sur pied.

Regulus sentit un mélange de crainte et d'excitation se répandre dans ses veines.

– Le rencontrer ? Cela voudrait dire...

– Que tu rejoindrais ses rangs, compléta Orion.

– Moi ?

– Oui, toi.

Regulus écarquilla les yeux.

– Les Mangemorts sont beaucoup plus âgés, fit-il remarquer. Ils sont plus expérimentés...

– L'âge importe peu, assura Orion. Ton nom et ta prestance te suffiront.

– Bellatrix sera là ?

– Bien sûr.

Regulus hocha la tête, sonné. Il n'arrivait pas très bien à réaliser ce qui était en train de se passer. À peine quelques jours plus tôt, l'issue du match de Quidditch et le regard des autres élèves étaient les seules choses qui comptaient à ses yeux ; et voilà que son père lui proposait d'accomplir quelque chose qui dépassait largement tout cela...

– Le professeur Slughorn est passé te voir tout à l'heure, poursuivit Orion en serrant la main de Regulus de plus en plus fort. Il m'a raconté le match de Quidditch : ton audace, ton courage, ton agilité. Il m'a aussi répété que tu étais un des élèves les plus brillants qu'il ait jamais eus...

Orion lui posa une main sur l'épaule, et Regulus retint un gémissement de douleur.

– Regulus, mon fils, je suis si fier de toi, dit-il sur un ton solennel. Contrairement à ton frère, tu es bel et bien le digne héritier de la famille Black. Le Seigneur des Ténèbres ne pourra que t'apprécier : c'est l'occasion pour toi de briller. Tu vas enfin redorer le blason de notre noble lignée, et ainsi, faire honneur à tous tes ancêtres.

En entendant cela, Regulus devint comme hypnotisé. Ce genre de discours ne manquait jamais de l'enthousiasmer. L'occasion de briller... Mais aussi, peut-être, d'impressionner tous les élèves qui le méprisaient jusqu'ici...

– Il en va de l'avenir de notre nom, tu dois en avoir conscience. Alors... Tu es d'accord ? Je peux compter sur toi ?

Regulus hésita un court instant, puis acquiesça aussi vigoureusement que le lui permettaient ses cervicales endolories.

– C'est bien. Maintenant... Je dois te laisser. Nous nous verrons dans quelques semaines, au moment des vacances. D'ici là, ne dis rien à personne, pas même à Bellatrix. Elle pourrait gâcher notre effet de surprise... Et ne dis rien non plus à tes amis. Tout cela doit rester secret, tu comprends ?

À nouveau, Regulus acquiesça.

– Parfait, conclut Orion. Dans ce cas... Repose-toi bien. Tâche de reprendre des forces.

Il se leva et embrassa Regulus sur le front, puis il quitta rapidement la pièce, comme s'il craignait que son fils ne change d'avis. Une fois seul, Regulus laissa son regard flotter vers le plafond de l'infirmerie, sans vraiment le voir. La lumière baissait progressivement, le chant des oiseaux s'estompait : le soir tombait sur Poudlard. Bientôt, les élèves regagneraient leur dortoir, sans se douter que l'un d'entre eux était sur le point de rencontrer le terrifiant mage noir qui était au cœur de toutes leurs conversations.

Regulus caressa pensivement ses cheveux ondulés, grimaça en massant sa nuque endolorie, passa son index sur sa mâchoire encore enflée. Il se sentait nauséeux et sa tête le faisait atrocement souffrir. Tout son corps lui criait de se rallonger et de se rendormir.

Malgré cela, Regulus se força à se redresser. Il se leva et tituba jusqu'à un petit bureau, où il trouva une plume, un encrier et du parchemin. Il revint vers son lit, s'y rallongea, et inspira profondément à plusieurs reprises, car il était sur le point de vomir ; puis il s'adossa à ses oreillers moelleux et étala le parchemin sur ses cuisses.

En regardant à travers les étoiles qui dansaient devant ses yeux, il parvint à écrire quelques mots. Il commença donc à dresser une liste de tous les sorts qu'il maîtrisait parfaitement, de ceux qu'il devait encore pratiquer et des ouvrages qu'il devrait lire dans les prochains jours.

Il ne lui restait que quelques semaines avant de rencontrer Lord Voldemort. Désormais, chaque seconde comptait.


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