Secrets de Serpentard (II) : Le Pensionnat Wimbley

Chapitre 11 : Le fardeau de Remus

5151 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/05/2023 09:47

Le fardeau de Remus



– Remus ? Eh, Remus...

Pour la deuxième fois de la nuit, Remus se réveilla en sursaut et constata qu'Aurelius Watson, un autre élève de cinquième année, était en train de lui pincer le bras pour l'extraire d'un profond sommeil.

– Euh... Excuse-moi de te déranger, chuchota Aurelius à toute vitesse, visiblement embarrassé de le surprendre en train de dormir avec trois autres personnes. Dumbledore te cherche... Il voulait te voir.

Remus se redressa un peu. Il avait mal à la gorge, James l'écrasait de tout son poids et les cheveux trempés de Sirius lui chatouillaient les narines.

– Dumbledore veut me voir ? répéta-t-il, un peu hébété.

Aurelius acquiesça, et Remus sentit aussitôt la panique le submerger. Cela avait forcément un rapport avec le fait qu'ils avaient enfreint un nombre incalculable de règles au cours des dernières heures. Auraient-ils été surpris, observés, suivis ? Et pourquoi Dumbledore ne souhaitait s'adresser qu'à lui ? Peut-être pensait-il que c'était lui qui avait dirigé cette opération, qui avait guidé ses amis jusqu'à la Cabane Hurlante...

– Quelle heure est-il ?

– Bientôt onze heures.

– Oh, là là... Merci, Aurelius. Je vais me lever.

Le garçon opina du chef, laissa tomber les rideaux rouges et or du lit de Remus et s'éloigna discrètement.

– Poussez-vous un peu, pesta Remus en bousculant ses trois amis pour s'extraire de son lit. Je dois me préparer.

– Grmbl, grogna Peter en lui tournant le dos.

Sirius ne remua pas d'une oreille, et James passa un bras autour de lui pour le retenir.

– Ne pars pas, Evans, marmonna-t-il dans son sommeil.

– Moi, c'est Remus, répliqua-t-il en s'arrachant à son étreinte.

James s'éveilla en sursaut, et après quelques instants de confusion déçue, son visage s'illumina.

– Oh ! Les amis... Dites-moi vite ! Est-ce qu'on a rêvé de la même chose ?

À côté de lui, Sirius renifla et passa une main dans ses cheveux mouillés.

– Je crois bien que oui, gémit-il. Mon dos me brûle atrocement... Fichues orties !

– Et je crois que j'ai attrapé froid, renifla Remus.

Il parvint enfin à enjamber Sirius et sortit du lit. Il se débarrassa de son pyjama et enfila en vitesse son uniforme de Poudlard.

– Je n'arrive pas à croire qu'on a réussi, murmura James en le regardant s'habiller. Nous sommes décidément les élèves les plus géniaux de cette école.

– En attendant, on va avoir des ennuis, dit Remus en nouant nerveusement sa cravate rouge et jaune. Je suis convoqué dans le bureau de Dumbledore.

– Ah oui ? Tu nous diras, dit mollement James, que cette perspective ne semblait pas effrayer le moins du monde.

Remus épingla son insigne de préfet sur sa veste et sortit du dortoir. D'un pas précipité, il se rendit devant la gargouille solitaire qui marquait l'entrée du bureau de Dumbledore, ignorant les regards méprisants de certains élèves sur son uniforme rapiécé.

Croustifix, murmura Remus.

Le seul avantage de sa condition était de pouvoir solliciter Dumbledore à tout moment, car celui-ci s'arrangeait pour lui faire parvenir le mot de passe de son bureau à chaque fois qu'il en changeait – juste au cas où.

La gargouille fit un pas de côté et le mur derrière elle s'ouvrit, laissant voir un escalier mobile en colimaçon. Remus monta sur la première marche et l'escalier tourna sur lui-même, l'amenant en douceur jusqu'à la porte au heurtoir en cuivre qui permettait d'accéder au bureau de Dumbledore. Il essaya tant bien que mal de défroisser sa chemise et d'arranger un peu sa tenue, puis il frappa.

– Entrez, dit la voix paisible et rassurante d'Albus Dumbledore.

Au moment où Remus entrait dans le bureau, son cœur bondit. Dumbledore était assis sur son fauteuil, fidèle à lui-même dans un superbe habit brodé ; en revanche, la présence de cinq autres adultes à ses côtés était tout à fait inhabituelle – et celle de ses parents était même assez inquiétante.

– Papa ? Maman ? Mais...

Remus ne pensait pas les revoir avant Noël. Lyall Lupin et Espérance Howell étaient, comme d'habitude, dans un état assez pitoyable. Leurs vêtements étaient ternes et abîmés ; des ombres mauves soulignaient leurs yeux ; sa mère se tordait anxieusement les mains et le crâne de son père était de plus en plus dégarni.

Et tout ça, pensa Remus, c'était entièrement sa faute. C'était à cause de toute cette angoisse que sa condition de loup-garou engendrait chez ses parents, à cause de leurs déménagements incessants et de l'isolement qui en découlait.

En voyant leurs mines encore plus défaites que d'habitude, Remus pensa instantanément qu'ils venaient d'apprendre qu'il était renvoyé. Dumbledore était revenu sur sa décision, c'était évident ; maintenant qu'il avait grandi, il estimait que sa présence à Poudlard était trop dangereuse ; ou bien le Ministère avait décrété que son inscription était illégale... C'était la seule raison qui puisse expliquer pourquoi ses parents avaient été convoqués à Poudlard. Et l'Auror aux cheveux blond foncé assis à la droite de Dumbledore était sans doute là pour l'escorter jusqu'à chez lui, sans qu'il puisse dire au revoir à ses amis... Il y avait aussi un jeune homme brun que Remus avait déjà vu dans La Gazette du Sorcier, et enfin une femme plus âgée, noire de peau, que Remus avait déjà rencontrée plusieurs fois – Eleanor Wimbley.

– Remus, mon chéri, dit sa mère, les larmes aux yeux. Viens, assieds-toi ici...

– Comment vas-tu, mon bonhomme ?

Son père voulut lui ébouriffer les cheveux, mais Remus se dégagea vivement.

– Qu'est-ce que vous faites là ?

– Assieds-toi, Remus...

– Je suis renvoyé, c'est ça ? Je vais devoir quitter l'école ?

L'Auror aux cheveux blond foncé haussa les sourcils ; ses parents quittèrent un instant leur expression navrée pour prendre un air sincèrement surpris ; Eleanor Wimbley échangea un regard attristé avec le jeune homme brun qui était appuyé contre la fenêtre et les yeux de Dumbledore étincelèrent derrière ses lunettes en demi-lune.

– Pourquoi voudrais-tu être renvoyé, Remus ? demanda calmement ce dernier.

– Je ne sais pas, je...

– À moins que tu aies commis quelque délit dont je n'ai pas connaissance, ta présence entre les murs de Poudlard est toujours souhaitée. Assieds-toi, s'il te plaît.

Remus hésita un instant. Toutes ces personnes importantes réunies dans la même pièce autour de ses parents ne pouvaient lui apprendre que de mauvaises nouvelles.

– Assieds-toi, mon chéri, répéta sa mère en lui prenant nerveusement la main.

Cette fois-ci, Remus se laissa faire et s'assit entre ses deux parents.

– Je suis désolé de te convoquer de façon aussi impromptue, en tout cas. On dirait bien que tu as été brutalement sorti du lit.

Remus grimaça un sourire et haussa les épaules. Il n'était pas vraiment d'humeur à plaisanter.

– Tu as toutefois raison sur un point : les nouvelles que je souhaite t'annoncer sont loin d'être réjouissantes. Tu l'as peut-être déjà deviné, mais il s'agit de Fenrir Greyback.

Dumbledore marqua une nouvelle pause et croisa les mains sur son bureau. Remus sentit sa mère tressaillir à côté de lui : elle non plus n'avait jamais oublié cette nuit-là, où Fenrir Greyback s'était introduit chez eux pour le mordre et où son père ne lui avait sauvé la vie que de justesse. En tant que moldue, elle devait avoir une tout autre idée de son avenir, lorsqu'elle avait accepté d'épouser un sorcier.

– D'après les informations du Ministère, il semblerait en effet que Voldemort ait conclu un sombre pacte avec Fenrir Greyback. Il aurait recours à ses services en échange de son soutien et de sa protection... Ce qui a, tu peux l'imaginer, plusieurs conséquences fâcheuses. La première est le fait que Greyback se sent moins vulnérable et hésite donc moins à attaquer. La nuit dernière, il a attaqué et grièvement blessé une jeune fille dans l'Est du pays... Non loin de chez toi, à vrai dire.

– Nous allons encore déménager ? soupira Remus.

Son père posa une main sur son épaule et sa mère étouffa un sanglot.

– C'est ce que nous recommandons, en effet, dit calmement Dumbledore. Il serait regrettable que Fenrir Greyback retrouve votre trace grâce aux nombreux informateurs de Voldemort. Nous avons peur...

– ... qu'il veuille finir le travail, compléta Remus avec lassitude.

Eleanor Wimbley eut un nouveau regard attristé. À côté de Remus, son père détourna le regard.

– La deuxième, c'est que le Ministère a redoublé de vigilance à son sujet. C'est en partie une bonne nouvelle, car ils finiront peut-être – et je l'espère – par l'attraper. Cependant, et tu apprendras cela en lisant la Gazette du Sorcier de ce matin, le Ministère a publié un nouveau décret stipulant que « tout signe suspect au moment de la pleine lune sera considéré comme une menace et sera suivi d'enquêtes approfondies ». Ce qui est assez contrariant, puisque la Cabane hurlante fait l'objet de plaintes régulières à ce moment précis. Afin d'assurer ta sécurité et la confidentialité de notre stratagème, j'ai donc dû prendre quelques mesures dont je voulais te faire part...

Dumbledore se tourna vers l'Auror qui se trouvait à côté de lui.

– Je te présente Alastor Maugrey, qui fait partie du Bureau des Aurors, dit Dumbledore. C'est lui qui supervisera la surveillance de la Cabane pendant les nuits de pleine lune. Il s'assurera qu'aucun habitant téméraire de Pré-au-Lard ne s'aventure trop près de ton abri.

L'Auror aux cheveux blond foncé fit un petit signe de tête en direction de Remus.

– Ne t'en fais pas, dit-il avec rudesse. Ton secret est bien gardé.

– Et voici Adam Claring, qui travaille au Ministère, poursuivit Dumbledore. Il fera en sorte que la Cabane Hurlante ne fasse jamais l'objet d'une enquête.

Debout près de la fenêtre, Adam Claring se redressa à son tour. Remus se souvenait maintenant de lui : La Gazette du Sorcier écrivait régulièrement des articles à son sujet. Ses deux parents avaient été tués dans un incendie d'origine criminelle parce qu'ils s'étaient opposés à de puissantes familles de sorciers ; et depuis plusieurs années, Claring tentait visiblement de poursuivre ce que ses parents avaient commencé. Dès sa sortie de Poudlard, il s'était rapproché de Nobby Leach à l'époque où celui-ci était Ministre de la Magie et avait progressivement occupé une place de plus en plus importante parmi ses conseillers. Publié à la une de La Gazette, son Manifeste contre la corruption dans le monde magique avait fait grand bruit, car il y avait dénoncé plusieurs sorciers ayant fait pression sur Nobby Leach au Ministère – dont Abraxas Malefoy, Orion Black et de nombreux habitants de la Colline d'Émeraude...

Adam Claring lui adressa également toute sa sympathie, mais l'attention de Remus était ailleurs. Aussi respectables soient ses interlocuteurs, toute leur compassion l'étouffait. Dumbledore prit de nouveau la parole, expliqua à Remus les différents Sortilèges de Protection qui seraient placés autour de la Cabane Hurlante, les nouvelles précautions à prendre, les autres personnes qu'il allait devoir contacter. Il semblait fier de montrer à Remus qu'il avait su mobiliser toutes ces relations pour lui venir en aide. Avec une pointe de culpabilité, Remus pensa qu'il aurait dû lui en être reconnaissant, mais qu'en réalité, il n'avait qu'une envie : partir en courant et oublier tous ces innombrables stratagèmes.

Quelques années plus tôt, Remus aurait sans doute accueilli ces nouvelles avec résignation ; mais avec l'adolescence, un sentiment de révolte s'était éveillé en lui. Tout aurait pu, aurait être si simple... Si seulement il était comme tous les autres garçons de son âge, et non un élève détraqué dont la simple présence à Poudlard provoquait tant de complications...

Une fois que Dumbledore eût terminé son exposé, ses parents voulurent discuter quelques instants avec lui. Dumbledore, Eleanor Wimbley, Alastor Maugrey et Adam Claring se retirèrent à l'autre bout de la pièce pour discuter entre eux et leur laisser un peu d'intimité.

Aussitôt, les parents de Remus l'étreignirent avec force et le couvrirent de baisers.

– Désolé pour tous ces chamboulements, mon chéri, dit sa mère en l'embrassant sur le front.

– Mais ne t'en fais pas, nous allons vite trouver une nouvelle maison.

– Eleanor a gentiment proposé de nous accueillir au pensionnat, en attendant...

– Et pour les vacances de Noël...

– Je resterai à Poudlard, coupa Remus. Je préfère.

Sa mère ouvrit la bouche, mais il ne lui laissa pas le temps de parler.

– J'y vais, je dois travailler, déclara-t-il. J'ai plein de devoirs à rendre.

Remus vit qu'il leur faisait de la peine, mais il n'arrivait pas à faire autrement.

– Je te raccompagne, Remus, dit doucement Eleanor Wimbley alors qu'il regagnait l'escalier. J'ai quelques petites choses à te dire.

Remus haussa les épaules. Il se sentait épuisé. Dumbledore leva l'index :

– Remus, une dernière requête me concernant... Sache que tu seras toujours le bienvenu à Poudlard. Je souhaite qu'à l'avenir, tu ne doutes plus de ceci. Sommes-nous bien d'accord ?

Remus acquiesça rapidement, assailli par la culpabilité, et suivit Eleanor Wimbley dans l'escalier. La porte au heurtoir de cuivre se referma derrière eux, et l'escalier mobile se mit en mouvement pour les déposer derrière le pan de mur qui les séparait du couloir. Là, Eleanor Wimbley se plaça face à lui.

Elle était vêtue d'une simple robe violette, et ses beaux cheveux crépus encadraient un visage rayonnant de douceur. Remus l'avait déjà rencontrée à plusieurs reprises : elle avait souvent proposé à ses parents de l'héberger au pensionnat Wimbley, mais ceux-ci avaient refusé de s'en séparer et préféré conserver l'anonymat de Remus. C'était également elle qui avait signalé la situation à Albus Dumbledore afin qu'il fasse le nécessaire pour l'accueillir à Poudlard dans de bonnes conditions ; et depuis, elle lui rendait régulièrement visite en le convoquant discrètement dans le bureau du directeur.

– Tout d'abord, je tenais à te féliciter pour ce début d'année, dit-elle. Albus et Minerva m'ont rapporté à quel point tu étudiais avec sérieux.

Ses yeux noirs le sondaient avec une douceur agréable, sans insistance ni compassion mal placée.

– Mes amis m'aident beaucoup, répondit Remus. Ils sont très intelligents.

– Tout comme toi, ajouta Eleanor Wimbley. Ce sont toujours ceux dont tu me parlais l'autre fois ? Sirius, je crois ? Et ensuite... James ? Et Peter ?

Remus acquiesça, un peu plus détendu. Eleanor Wimbley, au moins, savait ce qui comptait vraiment à ses yeux.

– Eh bien, je suis ravie de te savoir bien entouré. Je ne vais pas te retenir très longtemps, mais avant de nous quitter, je voulais te donner quelque chose...

Eleanor Wimbley écarta un pan de sa cape et en extirpa une petite fiole de cristal dans laquelle scintillait un liquide fascinant, qui brillait spontanément d'une douce lueur orangée, apaisante comme un feu de cheminée.

– Voici une potion qui pourrait t'intéresser, expliqua Eleanor Wimbley. Elle est produite par des fleurs... un peu particulières, qui poussent au sous-sol de mon pensionnat.

– À quoi sert-elle ?

– À guérir les plaies plus rapidement.

Remus sentit ses joues prendre une teinte cerise et rajusta son col de chemise, terriblement gêné à l'idée que ses horribles cicatrices soient visibles.

– Ça ne se voit pas, dit doucement Eleanor Wimbley. C'est Albus qui m'a parlé de cette problématique et de ta réticence à aller voir Madame Pomfresh chaque mois... ce que je peux très bien comprendre.

Un peu moins crispé, Remus regarda la fiole. Il eut l'impression qu'elle lui réchauffait la main.

– Au moment de l'ingestion, les plaies récentes se mettent à briller fortement pendant quelques minutes. Assure-toi simplement d'être discret, et n'en parle à personne d'autre qu'à tes plus proches amis. Je ne veux pas que cette potion fasse l'objet de convoitises.

– Entendu, dit Remus en hochant la tête.

– Et maintenant, avant de te laisser retourner à tes occupations diverses... Je voulais simplement t'avertir qu'un de mes anciens pensionnaires était en train de chercher à fabriquer une potion qui permette aux loups-garous de conserver toute leur lucidité pendant leur transformation. Une potion Tue-Loup... Je n'aime pas beaucoup ce nom, mais qui sait ? Elle pourrait être efficace et rendre tes nuits de pleine lune plus paisibles.

– Ce serait formidable, dit Remus avec sincérité.

Il ne comptait plus les nuits où il se réveillait en nage, persuadé d'avoir tué ses propres parents.

– Je ne veux pas te donner de faux espoirs... Il faudra peut-être encore du temps avant que cette potion soit mise au point. Mais j'espère que cela te donnera des perspectives agréables.

Remus hocha la tête, reconnaissant.

– À bientôt, Remus, conclut Eleanor Wimbley. Prends bien soin de toi.

Derrière elle, le mur de pierre coulissa et révéla la gargouille qui leur tournait le dos. La gargouille fit un pas de côté et libéra l'espace qui permettait de regagner le couloir. Après avoir salué Eleanor Wimbley, Remus s'y faufila et retourna d'un pas vif vers les espaces communs de la maison Gryffondor, sa petite fiole précieusement blottie dans sa main, un peu étourdi par toutes ces nouvelles informations.

Au fur et à mesure qu'il se rapprochait du dortoir, son cœur s'allégea comme par magie ; et lorsqu'il entra dans la pièce remplie de lits à baldaquin tendus de draperies rouge et or, toute sa fatigue s'était envolée. En pyjama sur son lit, James et Sirius étaient plongés dans la lecture d'un exemplaire de La Gazette du Sorcier, tandis que Peter essayait d'écrire à même le sol sur un parchemin taché d'encre.

– Je n'y arriverai jamais, gémit Peter au moment où Remus entrait.

– Tu plaisantes ? se moqua James. Tu es en train de copier sur nous !

– Hé ! Voilà Remus !

Sirius s'était redressé sur le lit, un grand sourire aux lèvres. À l'endroit où il s'était brûlé avec les orties, son cou était couvert de plaques rouges et boursouflées.

– Alors, ce petit rendez-vous ? C'est quoi, cette fiole ?

Remus commença par leur montrer son contenu luminescent, et leur répéta mot pour mot ce qu'avait dit Eleanor Wimbley.

– Tu crois que ça fonctionne pour les brûlures d'orties ? demanda Sirius en se grattant le dos.

– Je refuse que Remus t'en donne la moindre goutte, déclara James sur un ton chevaleresque en mettant sa main sur sa poitrine.

Remus eut un sourire amusé. Il leur fit part des inquiétudes de Dumbledore à propos de Fenrir Greyback, du fait qu'il allait devoir déménager pour la énième fois, de son intention de rester à Poudlard pour Noël ; et enfin, il mentionna les différentes personnes qui avaient été témoins de leur entrevue.

– Alastor Maugrey ? Tu as vu Alastor Maugrey ? bondit James, les yeux brillants.

– Qui est-ce ? couina timidement Peter.

– Tu ne le connais pas ! La famille Maugrey est une légende, murmura James. Mes parents étaient amis avec ceux d'Alastor, avant qu'ils ne meurent en essayant de sauver les Claring de cet horrible incendie. C'était il y a vingt ans, mais ils en parlent encore avec émotion.

– J'aimerais beaucoup serrer la main d'Adam Claring, ajouta Sirius. Son Manifeste contre la corruption dans le monde magique a fait l'effet d'une bombe, il y a quelques années. Il avait cité mon père et Piscus Crabbe, et depuis, leurs comptes font l'objet de contrôles renforcés à Gringott's. Parfois, à table, je cite quelques phrases du manifeste, juste pour le plaisir de l'énerver... Ça marche à tous les coups.

– Retournons voir Dumbledore, décida James.

– Pourquoi ? demanda vivement Remus.

– Parce que nous avons quelque chose à lui dire.

– Et quoi donc ?

Sirius, lui, avait tout de suite compris.

– Il faudra compter trois couverts de plus pour le repas de Noël, dit-il avec légèreté. Nous resterons avec toi pour les vacances.

Peter mit un moment à comprendre qu'il était inclus dans cette affirmation et hocha la tête pour approuver.

– Inutile de nous remercier, Remus. Ton petit discours de cette nuit était déjà de trop.

– Mais... Je vous ai juste dit merci, protesta Remus avec un petit rire. Vous le méritez.

– Bon, bon, si tu insistes...

James, Sirius et Peter s'habillèrent en vitesse et ils sortirent tous les quatre du dortoir. Ils traversèrent la salle commune des Gryffondor et gagnèrent le couloir, où ils croisèrent la route de Lily Evans et Mary Macdonald, toutes les deux plongées dans l'édition du jour de La Gazette du Sorcier. À la une, celle-ci affichait un portrait mobile d’Adam Claring, surplombée par les gros titres : Adam Claring entre au Magenmagot et remet sur pied la Fondation pour l'Égalité des Sorciers et la Protection des Moldus.

– Je l'adore, disait Mary Macdonald avec exaltation. Il est si courageux, pour dénoncer tous ces hommes malhonnêtes... Tellement engagé dans la lutte pour l'égalité dans le monde magique... Et puis, il est si beau, regarde...

– C'est vrai qu'il n'est pas mal, concéda Lily.

Les deux jeunes filles s'éloignèrent dans le couloir sans même remarquer les quatre garçons qu'elles venaient de croiser. James voulut faire demi-tour pour leur arracher le journal des mains, mais Sirius et Remus le retinrent de justesse.

– C'est décidé, je déteste ce type, grogna-t-il.

Sirius eut un petit rire, qui ressemblait désormais à un aboiement.

– Oh ! Regarde plutôt qui vient ! dit-il pour faire diversion.

D'un même mouvement, ils tournèrent la tête vers l'extrémité du couloir. Une femme de haute taille coiffée d'un chignon sévère se dirigeait vers eux. Elle portait des lunettes carrées et une superbe robe vert émeraude qui ondulait au rythme de ses pas.

– Le professeur McGonagall, murmura James avec adoration.

Tous les quatre s'écartèrent avec cérémonie pour la laisser passer. Comme d'habitude, elle semblait préoccupée mais prenait tout de même la peine d'observer les élèves avec attention.

– Bonjour, professeur, dirent James et Sirius, la bouche en cœur.

Le professeur McGonagall tourna la tête vers eux et ralentit légèrement le pas.

– Bonjour, Potter... Bonjour, Black, dit-elle avec un mélange d'amusement et de méfiance. Bonjour, Lupin, et bonjour, Pettigrow...

– Votre robe est vraiment superbe, claironna James.

Cette fois-ci, le professeur McGonagall s'arrêta complètement.

– Je vous remercie, Potter. Mais dites-moi, tous les quatre... Il me semble que vous avez un devoir de Métamorphose important à me rendre lundi, n'est-ce pas ? Vous avez peut-être mieux à faire que de rester plantés là à commenter les tenues des passants ?

Elle avait parlé avec froideur, mais ils étaient certains d'avoir vu un sourire naître au coin de ses lèvres.

– Quant à vous, Potter... Ne devriez-vous pas être sur le terrain de Quidditch, afin de vous préparer au match de la semaine prochaine ?

– Vous avez tout à fait raison, professeur...

– Nous y allons de ce pas, renchérit James. Et pour le match... Ne vous en faites pas, je n'en ferai qu'une bouchée. Comme d'habitude.

– Mais j'y compte bien, Potter.

Le professeur McGonagall leur fit un signe de tête et poursuivit son chemin, faisant onduler derrière elle sa longue robe de velours vert.

– Elle est folle de nous, affirma James en la regardant s'éloigner.

– Si elle savait ce qui s'est passé cette nuit, gloussa Sirius.

– J'ai tellement envie de lui dire, dit rêveusement James. Dites-moi, professeur, saviez-vous que nous faisions désormais partie du même club ?

– Partons d'ici avant que vous n'ayez d'autres mauvaises idées de ce genre, sourit Remus.

Tout en riant, ils se rendirent dans le couloir où se trouvait la gargouille qui gardait l'entrée du bureau de Dumbledore.

– Ton frère a battu les Serdaigle à plate couture, l'autre jour, dit James à Sirius. Il a attrapé le Vif d'Or en quelques minutes à peine... Ça me fait mal de l'admettre, mais il est plus doué que je ne le pensais.

– Je compte sur toi pour l'écraser la semaine prochaine, dit Sirius avec mépris.

– Silence, coupa Remus.

Il se trouvaient devant la gargouille qu'ils cherchaient. À voix basse, Remus prononça le mot de passe pour la deuxième fois de la journée ; la gargouille les laissa passer, et ils se tassèrent tous les quatre sur une marche de l'escalier mobile qui les amena devant la porte au heurtoir de cuivre. De là, ils pouvaient entendre des voix masculines s'échapper du bureau...

– Chhht, chuchota Sirius en posant un doigt sur ses lèvres. Écoutons-les !

– On ne devrait pas...

– Juste une minute, chuchota James à son tour.

Sans un bruit, ils collèrent quatre oreilles sur la porte et distinguèrent progressivement plusieurs voix discuter avec animation.

– Claring, toutes mes félicitations, dit la voix paisible de Dumbledore. J'ai vu que la grande nouvelle avait éclaté.

– Non sans heurts, grogna Maugrey. Les Collinards ont failli déclencher une émeute au Ministère.

– Vraiment ?

– Cet imbécile de Parkinson a fait apparaître des flammes factices juste derrière moi, dit Adam Claring avec amertume. J'ai eu la peur de ma vie. Je n'ai même pas pu finir mon discours.

– J'étais sûre que ce serait risqué, dit la voix inquiète d'Eleanor Wimbley. Adam, promets-moi que tu feras attention...

– Ne t'en fais pas, 'Leane. Alastor assure ma protection.

– Qui d'autre était présent, lors de l'investiture ? demanda Dumbledore, intéressé.

– Oh, la petite bande habituelle... Nott, Rosier, Selwyn... Malefoy n'était pas là, en revanche, et les jumeaux Crabbe non plus.

Sirius fit une petite grimace. Autant de noms qu'il connaissait par cœur, autant de jeunes gens que sa famille aurait souhaité qu'il fréquente...

– On dirait qu'ils se soucient de moins en moins des conséquences de leurs actes, remarqua Dumbledore. Ou bien, dans le cas de Malefoy, qu'ils se désintéressent de ce qui se joue au Ministère. Mes amis, je crains fort que tous ces sorciers ne soient en passe de se joindre à Lord Voldemort.

– C'est aussi mon avis, dit sombrement Adam Claring.

– Attendez une seconde, dit brusquement la voix de Maugrey.

James, Sirius, Remus et Peter entendirent un raclement de chaise. Ils n'eurent pas le temps de s'écarter de la porte : celle-ci s'ouvrit en trombe, et, déséquilibrés, ils chutèrent en avant aux pieds d'Alastor Maugrey, qui pointait sur eux une baguette menaçante.

– Oh, excusez-nous...

– Baissez votre baguette, Maugrey, dit tranquillement Dumbledore. Ce ne sont que des élèves.

Les quatre garçons se relevèrent et époussetèrent tant bien que mal leurs uniformes.

– Bonjour, Mr Maugrey, dit James en inclinant la tête devant l'Auror. Euh... Mes parents me parlent tout le temps de vous.

– Tes parents ?

– Oui... Euphemia et Fleamont... Potter.

Remus sourit discrètement : James était intimidé, ce qui était extrêmement rare. Quant à Maugrey, il se détendit légèrement mais sa baguette était toujours pointée sur eux.

– Bonjour, Mr Claring, osa dire Sirius. Mes parents parlent souvent de vous aussi... en mal. Mais je les contredis toujours.

Adam Claring le remercia de bon cœur et Eleanor Wimbley leur sourit avec tendresse. Derrière la barbe argentée de Dumbledore, son expression était difficilement lisible mais ses yeux bleus étincelaient de malice derrière ses lunettes en demi-lune.

– C'est pour ça que vous êtes là ? grommela Maugrey. Pour lui demander des autographes ?

– Non ! se défendit Sirius. Nous voulions... Nous voulions simplement parler au professeur Dumbledore. Nous avons quelque chose à lui dire... à propos des vacances.

– Je crois savoir de quoi il s'agit, dit Dumbledore avec amusement. Je note donc vos noms dans la liste des élèves présents aux vacances de Noël ? N'oubliez pas de demander à vos parents de m'envoyer un hibou.

– Mais...

– Pour toi, Sirius, la situation étant un peu particulière... Je demanderai à ton ancêtre de les avertir de ta décision. Et je ferai le nécessaire pour qu'ils ne s'y opposent pas.

Et Dumbledore inclina la tête vers le portrait de Phineas Black, son arrière-arrière-grand-père qui avait été directeur de Poudlard environ un siècle plus tôt. Un autre portrait de lui était exposé au 12, square Grimmaurd, ce qui lui permettait de voyager entre les deux et de rapporter à la famille Black tout ce qu'il entendait.

– Merci, dit Sirius, reconnaissant.

Dans le bureau, les quatre garçons s'échangèrent des sourires complices. Seul Alastor Maugrey ne semblait pas apprécier ce qu'il se passait.

– Quoiqu'il en soit, je n'aime pas les oreilles indiscrètes, grogna Maugrey. Qu'est-ce qui me prouve que vous n'allez pas répéter tout ce que vous venez d'entendre ?

– Vous allez être obligés de me croire sur parole, Alastor, dit Dumbledore sur un ton léger. Malgré leur espièglerie, ces quatre garçons ont toute ma confiance.

– Il n'empêche, insista Maugrey. Ces gamins vont s'attirer des ennuis ! Vous devriez leur donner une retenue, afin qu'on ne les y reprenne plus.

– Non ! couina Peter.

– Ça ne changera pas grand-chose, dit James en haussant les épaules. Nous en avons déjà plusieurs par semaine.

– J'ai peut-être une autre idée, sourit Dumbledore. Attendez... Oui, la date devrait convenir à Remus.

Il fit un clin d'œil à Eleanor Wimbley, puis s'adressa de nouveau aux quatre garçons qui se tenaient face à lui.

– Le pensionnat Wimbley recherche des volontaires énergiques pour une célébration qui approche à grands pas... J'espère que vous aimez le baby-sitting, messieurs ?


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