Secrets de Serpentard (II) : Le Pensionnat Wimbley

Chapitre 8 : Au Serpent qui Fume

6542 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/04/2023 21:43

Au Serpent qui Fume



Les jours suivants, Lucius et Narcissa restèrent cloîtrés dans leur chambre afin d'échafauder le plan qui leur permettrait de s'attirer les faveurs de Voldemort. Ils n'ouvrirent leur porte à personne – pas même à Prunnas, qui vint plusieurs fois sommer Lucius de descendre parler à son père.

– N'y vas pas, lui conseilla Narcissa à chaque fois qu'elle voyait le regard de Lucius glisser vers la porte. Tu lui expliqueras le moment venu. Montre-lui que tu es capable d'agir sans le consulter.

Et chaque fois, Lucius se laissa convaincre, même si l'idée de désobéir à son père semblait l'angoisser démesurément. Pendant ces quelques jours, Narcissa retrouva le Lucius qu'elle avait connu avant leur mariage, celui qui était doux et tendre avec elle, qu'elle embrassait sur la joue en riant, avec qui elle pouvait se moquer de tout le reste. Elle se félicitait : son plan semblait déjà fonctionner, puisque Lucius était redevenu lui-même, restait à ses côtés et écoutait ses propositions avec intérêt – ce qui n'était pas arrivé depuis des mois.

Ensemble, ils se mirent d'accord sur toutes les étapes, sur toutes les dates cruciales, sur tous les détails de leur plan. Ils envoyèrent une lettre aux Crabbe pour les envoyer sur une fausse piste ; ils riaient et s'embrassaient sans cesse, exaltés et complices, étonnés par leur propre audace.

Un soir, ils revêtirent des vêtement sombres et élégants, ainsi que deux capes de velours noir aux fermoirs d'argent. Ils descendirent au rez-de-chaussée à pas feutrés, afin de ne pas croiser Abraxas Malefoy. Lucius, aux aguets, regardait furtivement autour de lui, comme s'il apprêtait à le voir surgir à tout moment. Près de la porte, Narcissa aperçut la canne de son beau-père, dont le pommeau argenté était sculpté en forme de tête de serpent ; elle songea que tous les moyens étaient bons pour impressionner Voldemort et ses sbires, et s'empara de la canne pour la donner à Lucius.

– Mon père va la chercher partout, dit Lucius, réticent à l'idée de lui désobéir une fois de plus.

– Quand tu lui expliqueras pourquoi tu lui as prise, il comprendra, répliqua Narcissa en saisissant la main de Lucius pour la serrer autour de la canne.

Ils se rendirent dans le salon, se placèrent entre les deux colonnes de marbre de la cheminée, prirent chacun une poignée de poudre de Cheminette et déclarèrent en chœur :

– Chemin de Traverse !

Après une explosion verte, le Chemin de Traverse apparut devant eux, désert et lugubre. Narcissa entraîna immédiatement Lucius vers l'Allée des Embrumes, en marchant d'un pas rapide, excitée par leur propre imprudence. Leur capuchon enfoncé sur leur tête, ils gardaient le visage baissé et maintenaient leurs capes fermées pour cacher aux mendiants leurs bijoux et leurs vêtements précieux. Ils passèrent donc devant les diverses enseignes de l'Allée des Embrumes, Le Cerveau Flou, La Corne Rouge, Narcissa ignorait les mendiants qui s'agrippaient à sa cape et Lucius et les repoussait d'un coup de canne contre les vitrines remplies d'ongles humains, de têtes miniatures, d'araignées et de cervelles en bocaux.

Enfin, Narcissa s'arrêta en reconnaissant la devanture encrassée et opaque qu'elle cherchait. Au-dessus de leurs têtes, les inscriptions mal entretenues se dressaient au-dessus de la vitrine, soulignées par un long reptile vert gravé dans le bois, et indiquaient le nom de l'établissement : Au Serpent qui fume.

– C'est ici ? demanda Lucius.

– Oui... C'est encore plus sinistre que dans mes souvenirs.

– Reste bien près de moi, lui dit Lucius en serrant ses doigts gantés de cuir autour de sa main.

Narcissa le regarda avec amusement.

– Tu as peur ?

– Pas du tout ! Seulement... Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose.

Narcissa ne put s'empêcher de rire. Elle-même ne pensait qu'à Bellatrix, qui ne se trouvait plus qu'à quelques mètres d'elle, et à l'impatience qu'elle ressentait à l'idée de la serrer dans ses bras.

– Je ne plaisante pas, dit Lucius.

– Allons, l'encouragea Narcissa. Pense à ce que ton père dira, quand tu lui raconteras tout ce que tu as vu !

Lucius acquiesça, et serra contre lui la canne au pommeau sculpté.

– Prêt ?

– Allons-y, dit Lucius avec plus d'assurance.

Ils échangèrent un dernier regard, un petit signe de tête d'encouragement, ils raffermirent leur prise sur le bras de l'autre, puis montèrent les quelques marches et franchirent en même temps la porte opaque qui les séparaient de Lord Voldemort.

 

Dans le sous-sol du Serpent qui Fume, Voldemort et ses partisans réfléchissaient justement à la meilleure manière de punir les sorciers qui refusaient de le rejoindre. Voldemort était tranquillement assis à une table ronde, ses mains pâles et nacrées jointes devant lui. Un capuchon noir recouvrait son crâne presque chauve, et plongeait le haut de son visage dans l'obscurité ; on ne voyait de lui que son sourire malveillant et ses pupilles qui rougeoyaient dans l'ombre.

Une dizaine d'ombres se pressaient autour de lui et se battaient pour obtenir son attention. Tous buvaient des chopes remplies de liquide fluorescent, visqueux et mouvant ; le liquide était vert s'il s'agissait de Bigoliard, rouge s'il s'agissait de Brulator, gris foncé s'il s'agissait de Têtournis, et jaune vif s'il s'agissait de Décroche-Panse. Ils parlaient avec animation, entrechoquaient leurs verres en aspergeant leurs voisins, la table et le sol ; les boissons renversées sur les dalles de pierre produisaient des bulles opaques qui, en éclatant, éclaboussaient les pieds de chaises et les chaussures alentours.

Eux aussi possédaient un Fumesbire, mais celui-ci était de bien moins bonne qualité que celui des Malefoy : la fumée qui s'en échappait produisait des formes instables, floues, et dégageait une odeur âcre qui rendait l'atmosphère difficilement respirable.

À l'écart du groupe, sous une arcade, Bellatrix observait une bulle qui se formait au fond de sa chope de Bigoliard avec abattement. Ses doigts tremblaient légèrement autour du verre, sa cape noire était en piteux état, et sur son visage émacié, on n'avait pas vu l'ombre d'un sourire depuis bien longtemps.

Dans le groupe d'hommes qui se pressaient autour de Voldemort, personne ne s'en étonnait : cela faisait un long moment que son humeur était mélancolique, et la situation était loin de s'arranger.

En effet, l'époque exaltante où Bellatrix assassinait des Moldus aux côtés de Voldemort, dont elle était alors l'unique élève, était révolue depuis longtemps. Depuis, Voldemort lui avait ordonné de lui trouver d'autres combattants. Bellatrix avait alors rallié à leur cause ses anciens camarades de Poudlard : Corban Yaxley, Thorfinn Rowle, Dorimius Gibbon, les Carrow, les frères Lestrange. Bellatrix avait mis du cœur à l'ouvrage, soucieuse de satisfaire son Maître ; elle était ensuite allée chercher Walden Macnair et Travers, qu'elle connaissait à peine, ainsi qu'Antonin Dolohov, un ancien préfet de Serpentard. Tous, sans exception, avaient répondu à l'appel. Après ce succès, Bellatrix pensait rester l'élève privilégiée de Voldemort, mais il n'en fut rien : celui-ci considéra qu'il n'avait plus rien à apprendre à Bellatrix, et se consacra tout entier à la formation de ses nouveaux disciples.

Rapidement, ils avaient quasiment égalé Bellatrix, si ce n'était en puissance, du moins en cruauté. Voldemort en était ravi, et Bellatrix s'efforçait de s'en réjouir : ce que le Seigneur des Ténèbres souhaitait, elle le souhaitait aussi, se répétait-elle inlassablement. Car après ces premiers succès, ils s'étaient heurtés à la réticence des Sang-Purs plus aisés, qui rechignaient à se battre et à renverser un système qui, au fond, leur était toujours profitable. Bellatrix avait alors sollicité sa petite sœur, Narcissa, persuadée qu'elle parviendrait à la convaincre de se joindre à eux, et persuadée qu'elle entraînerait les Goyle avec elle, puis tous ces imbéciles de Collinards avachis... Mais son plan avait échoué car Narcissa avait catégoriquement refusé, et quelques mois plus tard, à son mariage, elle l'avait traitée comme une malpropre et ne lui donnait plus aucune nouvelle depuis.

Pendant ce temps, la stratégie des Mangemorts avait également évolué : maintenant, il ne s'agissait plus de tuer directement, mais de manipuler afin de prendre le contrôle du Ministère. Voldemort recommandait désormais l'usage du sortilège Imperium davantage que celui des deux autres Sortilèges Impardonnables, pour le plus grand plaisir de Corban Yaxley, qui était extrêmement doué pour soumettre les esprits les plus rebelles à sa cruelle volonté, et s'attirait ainsi toutes les grâces de Voldemort.

Bellatrix, en revanche, n'appréciait pas ces nouvelles méthodes. Depuis ses premiers pas aux côtés de Lord Voldemort, elle avait trouvé une jouissance infinie dans ces meurtres irréfléchis, impulsifs, gratuits ; et maintenant, il fallait calculer, surveiller, manœuvrer... Pourquoi tant de manigances si assommantes, alors que leur puissance était si grande et ne demandait qu'à tout détruire sur son passage ? Pourquoi refusaient-ils de se montrer en plein jour pour affronter directement les Aurors ? Lorsque Bellatrix avait manifesté son impatience, on l'avait prié d'attendre docilement le moment opportun pour renverser le Ministère. Mais de quoi avaient-ils peur, au juste, tous ces incapables ? Pourquoi étaient-ils si pressés de remettre à plus tard les confrontations directes ?

Non, décidément, les tours et les détours qu'ils empruntaient ne plaisaient pas à Bellatrix. Il y a peu, Yaxley avait décidé de soumettre Cassandre Shabby, une Auror un peu trop vantarde, au sortilège de l'Imperium ; et il avait presque réussi, en soumettant d'abord son mari, qui leur avait docilement ouvert la porte de leur maison entourée des Sortilèges de Protection les plus puissants qui soient... Mais au moment fatidique, alors que Cassandre Shabby venait de rentrer chez elle, et que Yaxley s'apprêtait à faire appel à son talent de manipulateur hors pair pour l'ensorceler, Bellatrix n'avait pas pu résister à la tentation de la tuer. En faisant capoter ce plan, elle s'était attiré les foudres de Voldemort, ce qui la plongeait dans un état de profond désespoir.

Malgré tout, Bellatrix savait, au plus profond d'elle-même, qu'elle était la seule qui comprenne vraiment le Seigneur des Ténèbres comme lui-même la comprenait, la seule qui ait accès à quelques-uns de ses secrets... Voldemort avait même fait garder, dans son coffre de Gringott's, une coupe dorée qui semblait être un objet de la plus haute importance. Je tiens cette coupe autant qu'à toi, Bellatrix, alors tâche d'en prendre soin, lui avait-il dit en lui glissant délicatement la coupe dorée entre les mains.

Il lui arrivait donc encore d'être tendre avec elle, même si ces moments se faisaient rares. C'était bien la preuve qu'il avait de l'affection pour elle ! Mais alors, pourquoi persistait-il à l'ignorer, parfois pendant plusieurs semaines d'affilée ?

Un autre facteur exerçait une grande influence sur l'humeur de Bellatrix : l'absence de son cousin Regulus. En effet, avant que celui-ci ne commence sa scolarité à Poudlard, Bellatrix prenait presque autant de plaisir à lui raconter ses exploits qu'à les réaliser. Regulus l'écoutait toujours avec la plus grande attention, ses yeux gris écarquillés, impressionné par autant de puissance et de talent. Il lui allouait toute l'admiration que le père de Bellatrix avait oublié de lui donner ; et depuis qu'il était à Poudlard, Bellatrix n'avait plus personne pour la regarder comme il le faisait. Ils s'étaient échangé quelques lettres, où Regulus lui avait parlé de ses nouveaux amis, dont un certain Severus Rogue que Bellatrix ne pouvait s'empêcher de jalouser. Dans ses lettres, Regulus lui promettait de la rejoindre au sein des Mangemorts, dès qu'il aurait fini sa scolarité à Poudlard ; mais il n'avait que quatorze ans, et Bellatrix était découragée par le temps qu'il lui restait à attendre.

Malheureusement pour ses innombrables victimes, le seul remède que Bellatrix avait trouvé pour anesthésier le désarroi qui l'habitait était de déverser sa rage sur autrui. En effet, chaque crime la plongeait dans un état de torpeur délicieuse, où elle se sentait engourdie, anesthésiée, libérée de sa propre conscience, détachée d'elle-même et de tous ses soucis. Cela ne durait pas, et ses ruminations finissaient toujours par la rattraper ; il lui fallait alors recommencer, plus vite, plus fort ; chaque crime en appelait un autre, toujours plus violent, toujours plus cruel.

Hélas, loin d'éteindre le mal-être qui la dévorait, ces crimes ne faisaient que l'enraciner, l'ensevelir sous d'innombrables couches de plomb, le rendant ainsi inaccessible à toute forme d'apaisement durable. Depuis bien longtemps, Bellatrix était devenue incapable d'identifier ses émotions, de les analyser, de les expliquer ; et lorsque celles-ci l'envahissaient, elle était à leur merci, incapable de les maîtriser, et elle n'avait plus d'autre choix que de les faire taire à grands coups de violence. Alors, enfin, les cris de supplication de ses victimes provoquaient ce qu'elle désirait si ardemment : elle disjonctait littéralement, se détachait de toutes ses pensées, se laissait engloutir par une décharge fulgurante d'énergie, pendant laquelle elle se sentait invincible, toute-puissante, capable de tout, y compris de s'éviter de souffrir. Puis elle retombait, engourdie, hébétée, détendue. Le simple fait de penser à cette déflagration d'adrénaline et à la léthargie enivrante qui suivait lui faisait serrer les poings, et lui donnait envie de saisir sa baguette, afin de provoquer des cris de douleur qui couvriraient enfin le bruit assourdissant et inintelligible de ses pensées.

– Alors, Bellatrix, encore en train de rêvasser ? demanda une voix goguenarde, provenant d'une ombre trapue qui s'approchait d'elle.

Il ne manquait plus que ça, gronda intérieurement Bellatrix en reconnaissant Rodolphus Lestrange. Dès qu'elle se mettait à l'écart, ce lourdaud venait l'importuner. Rodolphus en avait toujours pincé pour elle et semblait persuadé que ses tentatives d'approche répétées finiraient par avoir de l'effet.

Mais Bellatrix ne répondit rien, et ne laissa rien paraître. Elle avait l'impression que tous ses membres étaient de plomb.

– Je sais ce que tu penses, dit Rodolphus. Tu en as assez de Yaxley, de ses petites combines et de ce fichu sortilège Imperium... N'est-ce pas ?

Sans répondre, Bellatrix se renversa sur le dossier de sa chaise et posa une main sur ses yeux. Par pitié, pensa-t-elle, qu'il me laisse tranquille...

– Tu sais, je pense la même chose que toi, dit Rodolphus Lestrange en s'asseyant tout près d'elle. Moi aussi, je crois que nous perdons notre temps à suivre les manigances de Yaxley. Moi aussi, je préfèrerais combattre à l'air libre, plutôt que d'échafauder des stratagèmes sans fin dans cette cave étouffante... Moi aussi, je crois que tous les autres rechignent à combattre parce qu'ils sont lâches...

Bellatrix sentit son haleine lui effleurer la joue, et fut submergée par la nausée.

– Nous avons plus de points communs que tu ne le crois, Bellatrix. Nous sommes les seuls qui croyons vraiment au Seigneur des Ténèbres...

Soudain, Bellatrix sentit quelques gouttes d'alcool l'éclabousser. Juste à côté d'elle, Rodolphus Lestrange poussa un hurlement :

– AAARGH ! Encore toi, sale petite garce !

À travers le brouillard de son esprit embrumé, Bellatrix distingua une silhouette mince, hautaine, distinguée, de longs cheveux blonds et lisses... Sa vision trouble s'éclaircit aussitôt.

– Cissy ! s'exclama-t-elle en se redressant d'un bond.

– Je n'ai pas pu résister, sourit Narcissa en désignant la chope qu'elle venait de vider sur la tête de Rodolphus Lestrange.

Bellatrix lui arracha la chope des mains, et d'un geste brusque, la fracassa sur la tête de Rodolphus Lestrange, qui poussa un nouveau cri de rage et de surprise. Puis, après un coup de pied bien placé de la part de Bellatrix, il se plia en deux et se recroquevilla misérablement sur le sol. Les quelques hommes qui s'étaient détournés de Voldemort pour observer la scène émirent des exclamations de douleur solidaire, et d'autres éclatèrent de rire.

– Ça lui apprendra, déclara Bellatrix.

Puis elle se tourna vers sa petite sœur, et tous les deux se jetèrent dans les bras l'une de l'autre, mêlant leurs parfums respectifs de fumée et d'eau de toilette coûteuse.

– Cissy, tu es revenue !

– Bella !

– Tu m'as manqué, lui souffla Bellatrix. Désolée pour la dernière fois...

Tous ceux qui avaient côtoyé Bellatrix de prêt ou de loin savaient à quel point il était rare d'entendre des mots d'excuses de sa part. Narcissa en fut honorée, mais également inquiète : pour que Bellatrix s'abaisse à cela, il fallait vraiment que son moral soit au plus bas.

– Tu t'es enfin décidée à te débarrasser de Lucius ? demanda Bellatrix, pleine d'espoir.

– Non, il est en haut...

Le sourire de Bellatrix s'effaça.

– Tu as amené Lucius ici ?

– Oui. Burton se souvenait de moi, il a donc accepté de me laisser descendre, mais il retient toujours Lucius en haut. Il attend l'accord de... du Seigneur des Ténèbres pour le laisser rentrer.

Autour d'elles, des ricanements enthousiastes fusaient de toute part.

– Hé ! Regardez-moi ça !

– Visez un peu qui est de retour !

– La dernière fois, elle s'est enfuie en courant, je vous le rappelle...

– Alors, Cissy, on espère que maintenant, tu fais moins ta mijaurée ?

– Elle a agressé mon frère ! s'indigna Rabastan Lestrange en exhortant ses voisins. Il faut la punir !

– Essaye seulement, et tu auras affaire à moi, dit Bellatrix en s'interposant.

– Écartez-vous tous, dit une voix doucereuse, aiguë et sifflante, au-dessus des exclamations moqueuses.

La voix était calme, mais semblait venir de tous les endroits à la fois et résonnait avec plus de force que tous les braillements des Embrumés réunis. Toute l'agitation retomba immédiatement et tout le monde se tut. Dans la lumière vacillante des torches qui brûlaient le long des murs, à travers l'atmosphère enfumée de la cave du Serpent qui Fume, Narcissa distingua une silhouette encapuchonnée fendre le groupe qui s'était formé autour d'elles, et Voldemort posa ses yeux incandescents sur elle. Elle sentit à nouveau son regard de braise la transpercer de part en part, mais en serrant la main de Bellatrix dans la sienne, elle réussit à rester stoïque malgré tout.

– Ma chère Bellatrix... commença Voldemort sans quitter Narcissa des yeux.

Bellatrix frémit en l'entendant prononcer son prénom.

– Ne m'avais-tu pas dit que ta sœur se défiait de moi ?

– Si, Maître, concéda Bellatrix, en se penchant légèrement vers l'avant pour mieux le convaincre de sa bonne foi. Initialement, elle ne voulait pas croire en votre puissance... Mais vous voyez qu'elle a fini par entendre raison.

À son tour, Narcissa fit une petite révérence.

– Oui, Maître. Désormais, je suis toute à vous.

Voldemort observa longuement les deux sœurs Black. Tous les yeux étaient rivés sur lui et guettaient sa réaction.

– Avant notre première rencontre, Bellatrix m'avait longuement parlé de toi, Narcissa, dit-il finalement. Je dois dire que j'ai été déçu de voir que tu t'étais lâchement enfuie, plus déçu encore d'apprendre par Bellatrix que tu l'avais méprisée le jour de ton mariage...

– J'ai commis des erreurs, Maître. Aujourd'hui, je les regrette et ne peux que vous demander de me pardonner.

– Et pourquoi te pardonnerai-je ?

– Parce que ce serait dans votre intérêt.

Quelques ricanements fusèrent devant autant de présomption.

– Dans mon intérêt, répéta Voldemort avec amusement. Voilà qui est intéressant... Tu as refusé de rejoindre mon camp, alors que Bellatrix t'en a donné plusieurs fois l'occasion... Tu viens d'agresser un de mes plus fidèles serviteurs, qui m'a été utile à de nombreuses reprises...

Rodolphus Lestrange essuya son visage poisseux dans un torchon que lui tendait son frère, et renifla avec animosité à l'intention de Narcissa.

– Donne-moi une seule raison de l'empêcher de te donner la correction que tu mérites ?

Bellatrix s'avança d'un pas pour défendre sa petite sœur, mais Voldemort fit un geste imperceptible de la main, et elle s'arrêta net. Elle jeta un regard de côté à Narcissa, lui signifiant que c'était à elle de répondre et la suppliant de trouver une réponse convaincante.

Narcissa regarda tour à tour les mines revêches des frères Lestrange, la carrure écrasante de Thorfinn Rowle, le couteau effilé qui pendait à la ceinture d'Alecto Carrow, le long visage tordu d'Antonin Dolohov, et tous les autres, qui l'observaient avec une hostilité manifeste. Visiblement, ils souhaitaient ardemment assister à une nouvelle démonstration de violence et de cruauté. Mais bientôt, se dit Narcissa pour se donner du courage, si leur plan réussissait, tous ces hommes seraient contraints d'obéir à ses ordres et à ceux de Lucius...

– J'aimerais que mon mari soit présent pour vous donner toutes les explications nécessaires, dit Narcissa en relevant le menton. Il est en haut, et attend votre autorisation pour descendre.

Voldemort se tourna vers son plus proche voisin. Corban Yaxley était, depuis quelques temps, grâce à son habileté toute particulière pour le Sortilège Imperium, le favori du Seigneur des Ténèbres. Il était grand et costaud, ses cheveux blonds et lisses étaient attachés en queue de cheval et son visage était fait de reliefs grossiers, comme s'il était taillé dans un bloc de pierre.

– Qu'en penses-tu, Yaxley ? Devrions-nous accepter ? Devrions-nous rencontrer ce...

Il interrogea Narcissa du regard.

– Son nom est Lucius Malefoy, compléta Narcissa avec froideur.

– Très bien... Alors, Yaxley, devrions-nous écouter ce que ce Lucius Malefoy a à nous proposer ?

Yaxley fit craquer ses phalanges et croisa les bras avec suffisance, flatté que le Seigneur des Ténèbres consulte son avis.

– Honnêtement, Maître, je ne vois pas ce qu'il pourrait nous apporter, dit Yaxley. Nous n'avons pas besoin de lui pour gagner. Nous ferions mieux de les punir, lui et son épouse, pour avoir mis autant de temps à se décider...

Un murmure d'assentiment traversa la cave. Cependant, Voldemort continua de fixer Yaxley, et son regard se fit plus sévère.

– Ton excès de confiance nous perdra, Yaxley, dit Voldemort. Un bon guerrier sait qu'une armée a perpétuellement besoin de sang neuf et de nouvelles idées.

Il reporta son attention sur un homme qui se trouvait à côté de Yaxley, et qui était si grand que son visage était masqué par l'ombre des arcades.

– Greyback, va chercher notre invité, ordonna Voldemort.

Le dénommé Greyback s'avança. Sa carrure était encore plus menaçante que celle des autres hommes présents, et son visage était particulièrement repoussant, avec des petits yeux enfoncés dans leurs orbites, un front et une mâchoire proéminente, le tout parcouru de nombreuses cicatrices. En passant à côté de Narcissa, il lui adressa un sourire inquiétant, dévoilant des petites dents jaunes et pointues, et elle dut retenir un frisson.

Greyback monta les escaliers d'un pas lourd, adressa quelques mots bourrus à Burton et redescendit. En regagnant sa place, il bouscula légèrement Narcissa et murmura quelque chose à l'oreille de Yaxley. Celui-ci semblait irrité que sa réponse ait déplu à Voldemort, et se contenta de hausser les épaules en réaction à ce que venait de dire Greyback.

Tous les regards étaient tournés vers le rideau de dents. Sous sa cape, Narcissa triturait nerveusement les plis de sa robe entre ses doigts. On entendit les pas de Lucius résonner dans l'escalier de pierre, il écarta le rideau de dents en collier du bout de sa canne et entra dans la cave.

En voyant le col blanc et soigné qui enserrait son cou, les boutons finement travaillés qui brillaient le long de ses manches, les bagues qui étincelaient autour de ses doigts, le blason argenté qui brillait sur sa poitrine et la canne au pommeau sculpté, l'assemblée se figea un instant ; puis Yaxley partit dans un grand rire et la plupart des Embrumés l'imitèrent.

– Regardez-moi ce petit marquis de pacotille, s'esclaffa Yaxley en donnant un coup de coude à un homme qui riait un peu moins bruyamment que les autres.

Lucius lui répondit par un petit signe de tête. Il se redressa et rassura Narcissa d'un regard, laissant les moqueries fuser autour de lui.

– C'est avec ça qu'on va se battre ?

– Laissez-moi rire...

– Il faut peut-être lui faire la révérence ? renchérit Thorfinn Rowle en joignant le geste à la parole.

– Et lui baiser la main ?

– Ou bien le dépouiller de ses beaux bijoux, dit Rodolphus Lestrange, dont les cheveux dégouttaient encore un peu de Décroche-Panse visqueux.

– Silence, susurra Voldemort à voix basse, et les moqueries s'évanouirent immédiatement.

Voldemort s'avança vers Lucius, et s'arrêta pour le dévisager. Lucius soutint le regard de Voldemort avec une assurance étonnante, même si celui-ci était un peu plus grand que lui. Narcissa pensa qu'il avait déjà été jaugé de la même manière par des professeurs, des Aurors, des Ministres, alors qu'il remplaçait son père aux réunions mondaines, et qu'il avait toujours su faire ses preuves : il avait un talent inégalable pour charmer son interlocuteur, et Voldemort ne semblait pas faire exception à la règle. Les hommes qui les entouraient espéraient qu'il manifeste de la peur, mais Narcissa fut la seule à remarquer la palpitation discrète d'une veine de son front et le tressaillement léger de son petit doigt autour du pommeau de sa canne.

– Tu souhaites donc te battre à mes côtés, dit finalement Lord Voldemort.

– Non, Maître, dit Lucius en s'inclinant avec assurance.

Il marqua une courte pause et arbora son sourire le plus charmeur.

– Je souhaite bien plus que cela.

Voldemort sembla apprécier son effronterie. Son visage manifestait une certaine curiosité à l'égard du nouveau venu.

– Sois plus clair, dit-il simplement.

Lucius regarda autour de lui, et eut l'air de découvrir la vétusté de la pièce où ils se trouvaient. Sans dire un mot, il se mit à déambuler à travers la pièce, huma l'air avec dégoût, passa un doigt sur le mur et s'essuya dans un mouchoir de soie en y laissant de vilaines traces noires, donna un petit coup de canne dans une marmite cabossée qui traînait dans un coin, faisant résonner un son creux. Narcissa ne put s'empêcher de sourire : décidément, le mépris était l'attitude qui lui seyait le mieux.

Au moment où Voldemort allait manifester son impatience, Lucius demanda :

– Êtes-vous pleinement satisfait de cet endroit, Maître ?

Voldemort plissa les yeux sans répondre. Lucius s'assit sur un siège et s'accouda sur la petite table ronde, à la place que Voldemort occupait quelques minutes plus tôt.

– Il se trouve que j'ai un autre repère à vous proposer, dit Lucius avec un air énigmatique. Un endroit plus vaste, mieux dissimulé...

– Et où se trouve cet endroit ?

– Dans mon humble demeure. À quelques kilomètres de Londres, loin des regards indiscrets, loin du Ministère... L'endroit parfait pour orchestrer toutes vos opérations, en somme.

Voldemort consulta du regard les hommes qui se trouvaient autour de lui. La contrariété était tout à fait lisible sur leurs visages.

– Pourrais-je le visiter ?

– J'allais vous le proposer, dit Lucius avec un sourire triomphant.

– Maître, ce n'est pas prudent, protesta Yaxley. Je te connais, Malefoy ! Tu passes ton temps au Ministère ! Tu es de leur côté, c'est certain ! Cette invitation est un guet-apens !

– Merci d'introduire la suite de mes propos, dit Lucius avec un petit signe de tête condescendant. Comme le dit votre... Hmm... Votre charmant subalterne, j'occupe un rôle privilégié au sein du Ministère. Je possède énormément de relations... et un nombre important d'entre elles serait prêt à travailler à votre service, si je vous aidais à les convaincre.

– De combien de partisans parlons-nous ?

Lucius et Narcissa échangèrent un regard. Ils avaient établi ensemble la liste de ceux qu'ils comptaient rallier à leur cause, et le résultat était encourageant.

– Vous tripleriez vos effectifs, déclara Lucius d'une voix neutre.

Des exclamations s'élevèrent immédiatement parmi les Embrumés. Tant de nouveaux partisans ? Et si ce Malefoy disait vrai, ils auraient des espions au sein même du Ministère...

– Et quand ces précieux alliés nous rejoindraient-ils ?

À nouveau, Lucius et Narcissa échangèrent un regard entendu.

– Comme tous les ans, nous donnerons un banquet dans notre manoir à l'occasion d'Halloween, le 31 octobre : nous vous les présenterons à ce moment-là.

Un nouveau concert d'exclamations retentit. Yaxley fulminait, visiblement furieux d'avoir été traité de subalterne.

– Et qui sont ces futurs alliés ? demanda-t-il avec agressivité. Je ne me fierai pas à des inconnus...

– Oh, mais ce ne sont pas des inconnus. Ce sont même les familles les plus éminentes du monde magique. Les Crabbe, les Nott, les Rosier... Si vous m'écoutez, Maître, ils seront tous à vos pieds, et toutes leurs fortunes seront dans votre bourse. Ils ne sont peut-être pas aussi malfaisants que vos partisans actuels ; mais ils sont riches, influents, et pourraient bien accélérer le renversement de la balance.

Le visage de Voldemort se fendit en un sourire satisfait.

– Voilà qui est agréable à entendre, dit-il. En vérité, j'attends depuis des mois que quelqu'un ait enfin le courage d'entreprendre cette démarche.

Narcissa sourit discrètement : Piscus Crabbe avait visé juste, même s'il n'en serait jamais récompensé.

– Si ton plan fonctionne, poursuivit Voldemort, tu seras gratifié bien au-delà de tes espérances. En revanche, saches que si tu me déçois...

Voldemort leva une main, et les torches qui brûlaient le long des murs vacillèrent toutes en même temps, au bord de s'éteindre. Dans la semi-obscurité, il saisit sur la table une bougie posée dans un crâne et l'éleva près de son visage. Lucius ne put retenir un imperceptible mouvement de recul en découvrant l'intégralité des traits brouillés et menaçants de Voldemort, qui étaient jusqu'alors partiellement masqués par son capuchon.

– ...Toi et ta chère épouse connaîtront le même sort que ce pauvre homme, acheva-t-il en caressant le crâne osseux parfaitement poli.

On entendit plusieurs ricanements enthousiastes, dont ceux de Yaxley et de Rodolphus Lestrange. Puis Voldemort souffla sur la bougie et les torches retrouvèrent leur vivacité initiale.

– Partons visiter notre futur repaire, dit-il de sa voix doucereuse.

Il se tourna vers Bellatrix, que Narcissa sentit tressaillir à côté d'elle.

– Ma chère Bellatrix, je savais que je pouvais compter sur toi pour me trouver des alliés... Décidément, chaque jour me confirme à quel point tu m'es précieuse.

Bellatrix sembla alors sur le point de défaillir de joie.

– Mène-nous là-bas, dit Voldemort en s'approchant d'elle à pas feutrés.

Il posa une main délicate sur son épaule, et Bellatrix le regarda avec une admiration éperdue, le menton un peu pendant. Narcissa s'empara de la main de Bellatrix, en la pressant légèrement pour maintenir sa grande sœur dans la réalité. Lucius les rejoignit, tout en prenant soin d'adresser son sourire le plus provocant à Yaxley et à tous les autres.

– Vous autres, attendez-moi ici, dit Voldemort sans cesser de fixer Bellatrix avec un sourire charmeur.

Lucius saisit la main de Narcissa. Aussitôt, ils eurent l'impression détestable d'être aspiré à travers un tuyau de plomb, puis l'air frais du Wiltshire leur caressa les joues. Ils se trouvaient tous les quatre sur le perron de marbre noir du manoir des Malefoy, dont les tourelles orgueilleuses semblaient s'élever un peu plus haut que d'habitude vers le ciel obscur.

Lucius poussa les deux battants de l'immense porte d'entrée, et pour la première fois de sa vie, Narcissa fut heureuse d'entendre la voix d'Abraxas Malefoy résonner dans le hall.

– LUCIUS ! éructa celle-ci, alors que l'ombre menaçante et courbée se dessinait dans l'encadrement d'une porte. Comment as-tu OSÉ...

– Maître, je vous présente mon père, dit Lucius.

Abraxas Malefoy se figea dès que sa vue lui permit d'identifier les quatre silhouettes qui se trouvaient devant lui. Son sang devait être froid comme le marbre de ses murs, pensa Narcissa : en croisant le regard de Voldemort, il ne tressaillit même pas.

– Le Seigneur des Ténèbres, dit-il après plusieurs secondes, comme s'il s'adressait à un simple collègue.

– Mr Malefoy, répondit Voldemort sur le même ton neutre.

Ils se dévisagèrent à nouveau pendant plusieurs secondes, avant qu'Abraxas Malefoy ne déclare :

– Soyez le bienvenu chez moi. Mon fils va vous faire visiter.

C'était une façon de rappeler à Lucius et à Narcissa qu'il était encore le maître des lieux. Et lorsque Voldemort passa devant lui, il leur fit un signe discret mais menaçant en désignant la canne au pommeau d'argent que Lucius tenait dans sa main. Mais pour une fois, Lucius n'y prêta aucune attention, et lui répondit par un regard confiant qui signifiait : « Laissez-moi faire, Père, vous ne le regretterez pas... »

Bellatrix, Narcissa, Lucius et Voldemort déambulèrent longuement dans le manoir. Bellatrix essayait d'attirer l'attention de Voldemort en racontant comme elle avait lutté pour convaincre sa sœur depuis des années – mais en vain : Lord Voldemort n'avait d'yeux que pour Lucius.

Narcissa observait en secret l'expression avide qui animait le visage de celui-ci. Elle savait exactement ce qu'il ressentait : Voldemort dévorait des yeux ce jeune homme si séduisant, si ambitieux, avec le désir intense de donner ce nouveau visage à sa lutte. Lucius, de son côté, fut absolument parfait. Il guida Voldemort à travers le manoir, en traversant tous les endroits stratégiques, et notamment la galerie de portraits de ses ancêtres.

– Mes très chers ancêtres, je vous présente...

Il hésita un instant.

– ...Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom,

proposa-t-il dans un sursaut d'inspiration.

Un sourire se dessina dans l'ombre du capuchon de Voldemort.

– Ce nom me plaît, dit-il dans un murmure.

– Il vous sied à merveille... Maître.

Alors que Voldemort s'avançait à pas silencieux le long du couloir bordé de portraits, dans les cadres dorés, plusieurs ancêtres échangèrent des regards surpris, admiratifs, parfois craintifs.

– Ah ! Est-ce vous qui souhaitez établir la domination des sorciers sur le monde ? demanda Nicholas Malefoy, qui venait de s'éveiller de sa sieste.

– C'est moi-même, répondit Voldemort en s'arrêtant devant le portrait.

– Bravo, approuva Septimus Malefoy. Cela aurait dû être ainsi depuis bien longtemps !

– Nous vous souhaitons bonne chance, renchérit Brutus Malefoy. Écrasons cette vermine !

Voldemort ne savait plus où donner de la tête. Il les remercia pour leurs vœux, et ils poursuivirent la visite. Lucius lui présenta chaque recoin comme s'il s'apprêtait à lui vendre le manoir. Narcissa s'étonna de voir Voldemort légèrement troublé, presque ému ; manifestement, c'était la première fois qu'on lui faisait un tel accueil dans un endroit aussi grandiose.

– C'est parfait, murmura-t-il simplement lorsqu'ils eurent terminé la visite. J'attends avec impatience ce banquet dont vous m'avez parlé. Nous nous reverrons donc à cette occasion.

Il se tourna vers Bellatrix :

– J'espère t'y revoir également, Bellatrix...

– Sans aucun doute, Maître, déclara alors Narcissa. Car dorénavant, Bellatrix habitera ici.

Tous les regards se tournèrent vers elle : celui de Bellatrix, émerveillé ; celui d'Abraxas, furieux ; celui de Lucius, surpris ; et enfin celui de Voldemort, amusé.

Abraxas fut le plus prompt à réagir :

– C'est hors de quest...

– Quelle merveilleuse idée, le coupa Voldemort. Rien ne pourrait me réjouir davantage que de savoir Bellatrix à vos côtés.

Abraxas Malefoy n'osa pas protester, et Bellatrix sauta au cou de Narcissa. Les deux sœurs montèrent dans l'aile Ouest, où Narcissa donna une des plus belles chambres à Bellatrix, un étage en-dessous de la sienne.

– Alors ? Tu trouves les Embrumés fréquentables, maintenant ? la taquina Bellatrix en s'allongeant sur les édredons moelleux.

– Certainement pas, répondit Narcissa en s'allongeant à côté d'elle. Mais maintenant, nous pouvons les forcer à nous respecter.

Elle était absolument persuadée d'avoir pris la bonne décision ; et la tête de Bellatrix posée sur son épaule la confortait dans cette naïve impression.

 

***

 

De son côté, Voldemort retourna au Serpent qui Fume, où il se délecta des mines défaites de ceux qu'il y avait abandonnés. Il adorait prendre ses partisans au dépourvu ; il avait d'abord accordé ses faveurs à Bellatrix, puis à Yaxley, mais aucun ne l'avait durablement satisfait.

Au milieu de la nuit, quand les autres se dispersèrent, il retourna dans la salle du bar, où Burton s'affairait pour nettoyer toutes les chopes utilisées au cours de la nuit. Sans qu'il ait besoin de demander, Burton posa devant lui une chope de Brulator rouge et visqueux.

– Alors, Maître... Que pensez-vous de vos nouveaux alliés ?

Voldemort but une gorgée de Brulator avant de répondre.

– Eh bien... À première vue, ce jeune Malefoy me semble intéressant.

– Hm-hmm... Mais ne craignez-vous pas qu'il vous suive par simple opportunité, et non par conviction, à l'inverse de vos partisans actuels ? demanda Burton avec animosité.

Voldemort s'arrêta de boire, passa sa langue fourchue sur ses lèvres et regarda Burton, soupçonneux.

– Dis-moi, Burton... Serais-tu jaloux, toi aussi ?

Le vieil homme s'inclina derrière le comptoir, autant par respect que pour fuir le regard incandescent qui le traversait de part en part.

– Oh non, Maître, loin de là... Je me réjouis de votre réussite... Simplement... J'espère... J'espère que ces Malefoy ne vous décevront pas.

Pendant de longues secondes, Voldemort resta immobile, savourant le spectacle du corps de Burton courbé de frayeur derrière son comptoir crasseux, éclairé par intermittence par l'orage qui se formait au-dehors. Puis il gloussa, s'en détourna et but une nouvelle gorgée de Brulator.

– Ne t'en fais pas pour cela, Burton. Si c'est le cas, je les détruirai tous jusqu'au dernier, dit-il en faisant claquer sa langue fourchue dans sa bouche.


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