Lettockar, tome 2 : La Cour des Mirages

Chapitre 13 : Ondes de choc

5413 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/04/2023 00:18

13. Ondes de choc


- Ça aura lieu samedi prochain.


Sur ordre de Pavel, tout l’OASIS s’était réuni le lendemain après-midi dans la Cour des Mirages. Les adolescents étaient rassemblés en cercle autour de lui, qui s’appuyait fermement sur une table. Le plus complet sérieux était de mise ; comme d’habitude, Tarung tenait son carnet noir entre ses mains, sur lequel il griffonnait quelques notes entre deux dessins. Deborah avait laissé de côté ses graffs pour l’occasion. Pavel s’éclaircit la gorge et expliqua la situation :


- Dans une semaine, Doubledose sera absent tout le week-end. Il doit rencontrer la nouvelle directrice de Mahoutokoro, l’école magique japonaise…


- La pauvre, j’espère pour elle qu’elle ne viendra pas visiter notre école après… marmonna Deborah.


- Les directeurs des autres écoles peuvent se rendre à Lettockar ? demanda Kelly.


- C’est rare, mais ça arrive, répondit Peter. La plupart du temps, c’est après leur intronisation, quand ils sont mis au courant de l’existence de l’école cachée, mais parfois c’est pour d’autres raisons. Ton copain Dumbledore est passé il y a trois ans, par exemple. Je me rappelle plus ce qui s’était passé, mais il avait été temporairement congédié de Poudlard ou je ne sais quoi…


- Tout cela est très passionnant, mais si on en revenait à l’objet de notre réunion ? intervint calmement Astrid. Nous disions donc que dans une semaine, Doubledose sera hors du château…


Les membres de l’OASIS ne comprenaient que trop bien ce que cela signifiait. Durant tout un week-end, il n’y aurait personne pour surveiller le Lac Caca d’Oie depuis la plus haute tour du château… la dernière condition à remplir pour se lancer à la chasse à la Relique de Bernardo Curcumo.


- Mais c’est pas tout ! ajouta Pavel avec ravissement. Une bonne partie du personnel sera absent aussi : Jar Jar Binns rend visite à sa belle-famille, McGonnadie est à un concert de Uriah Heep, Fistwick et Grog assistent à un congrès de la Très Extraordinaire Société des Potionnistes, Morgana est invitée aux AMN Awards…


- Les quoi ? demanda Naomi.


- Adult Magic News Awards, une cérémonie qui récompense le porno des sorciers, récita Vladimir Voulanoï. Morgana est l’une des actrices les plus couronnées. Maintenant qu’elle a mis fin à sa carrière, elle est invitée d’honneur depuis trois ans, et elle remet certains prix…


- Mais… comment tu sais ça, toi ? demanda Oszike.


- Hein ? Ah ! C’est une amie qui me l’a dit.


- Ben voyons… railla Kwaï Gun-Djinn avec un rictus.


- Mais j’vous jure ! insista Vladimir alors que d’autres personnes ricanaient.


- Donc concrètement, dit Kelly, il n’y aura que Pourrave, Viagrid et Madame Freyjard pour nous surveiller ?


Pavel acquiesça d’un signe de tête. Il y eut un silence, puis, tout l’OASIS éclata d’un rire unanime.


- C’est inespéré ! s’exclama Meche, émerveillée. Eh j’y pense, si y’a un incendie dans l’école ce jour-là, y’aura peut-être pas assez de profs pour l’éteindre…


- Mercedes, couchée ! s’écria John. Fais pas ta tarée, à ce rythme-là, y’aura des m...


- Pfff, mais je blague, couillon ! répliqua Mercedes en riant. C’est fou, on peut te faire tout gober, toi… qu’est-ce que ça sera quand t’auras une copine… elle te mènera à la baguette !


- Meche, je faisais de meilleures blagues que ça en primaire, lui lança Kelly.


- Dis, d’où tu tiens tout ça, Pavel ? demanda Dominique. De Grog ?


- De qui d’autre ? répondit-il. Des fois, moi-même je suis surpris de ce qu’il peut me confier. En tout cas, s’il m’a tout dit, c’est pour que je remplisse mon rôle de préfet : comme y’aura pas beaucoup de profs, il m’a demandé d’être bien vigilant. C’est parfait, absolument parfait !


- Mais du coup, les autres préfets ? s’inquiéta Kelly. Ils vont pas nous causer d’ennuis ?


- Tu parles, ils en profiteront sûrement pour s’envoyer en l’air avec leur moitié, affirma Peter.


- Et pas nous… laissa échapper Astrid dans un soupir.


Un nouveau silence tomba abruptement. Pour une fois, ce ne furent pas les cheveux d’Astrid qui changèrent de couleur, mais son visage, qui devint rouge tomate, lorsque tous les regards stupéfaits se tournèrent vers elle. Quelques secondes après, Tarung raya quelque chose sur son carnet, et John eut la grandeur d’âme de couper court au malaise en posant une question :


- Bon alors, comment qu’on fait, pour aller chercher la Boule de Curcumo ? demanda-t-il.


Il était impassible, mais Kelly percevait la tension dans sa voix. Il espérait de toute évidence que les chefs n’avaient pas oublié qu’il ne voulait pas plonger dans le lac. Alors, Pavel pointa sa baguette magique sur la table et lança un sort. Des espèces d’hologrammes animés apparurent sur la surface et formèrent une petite scène : le Balladur géant barbotait dans le lac, près d’une berge sur laquelle se déplaçaient une demi-douzaine de petits personnages. Pavel débuta ainsi son exposé :


- Alors : une première équipe est postée sur une rive du Lago que vê longe, celle qui frôle la Forêt Déconseillée. C’est moi qui la dirigerai. On attire le Mégamorphe à nous – rien de difficile, suffit de faire un peu de bordel et il nous foncera dessus - et alors, pschhhht ! On le gaze avec le somnifère que j’ai fabriqué. On aura plus qu’à le ligoter solidement une fois qu’il sera endormi, et l’autre équipe sera libre d’explorer le lac.


- Si on avait eu plus de temps, tu aurais pu concocter un truc qui nous en débarrasse définitivement, Pavel… glissa Astrid. Ce monstre nous serait plus utile mort que vivant, si tu veux mon avis.


- Astrid, soleil de mes jours, répondit Pavel avec un infinie patience, je t’ai déjà expliqué que fabriquer une potion mortelle pour le Mégamorphe serait un effort qui, en plus de ne pas être sûr de marcher, me coûterait un temps et une énergie considérable pour quelque chose de superflu. Superflu étant le mot poli pour dire « inutile et chiant ».


- Et puis, en laissant derrière nous le cadavre du Mégamorphe flotter sur le lac, on risque d’attirer l’attention des profs, ce qu’il faut surtout pas faire, fit observer Kelly. C’est même pour ça que tu nous as dit de ne rien tenter contre Doubledose.


Astrid haussa froidement un sourcil, mais Kelly soutint son regard. La préfète d’Ornithoryx fit alors une drôle de grimace qui se transforma en un sourire en coin, signifiant qu’elle était à la fois agacée et amusée que Kelly retourne ses arguments contre elle.


- Tu as raison, on réglera son compte à ce monstre quand on aura réuni les Quatre Reliques, admit-elle. Bien, une fois que le Balladur sera neutralisé, quatre d’entre nous navigueront en chaloupe sur le Lago que vê longe, puis plongeront dedans : toi Kelly qui nage très bien, Peter, moi-même, et Mercedes qui s’est portée volontaire.


Dans son coin, John expira discrètement de soulagement. Kelly et Mercedes s’approchèrent de la table. Pavel agita sa baguette, et le schéma magique évolua : le Mégamorphe, la berge et les personnages qui s’y trouvaient disparurent pour laisser place à une étendue d’eau sur laquelle flottaient quatre barques. D’autres petits bonshommes sautèrent alors des embarcations et s’enfoncèrent dans l’eau. Meche prit alors la parole d’un ton énergique :


- Je me suis portée volontaire, mais j’aimerais quand même bien savoir comment on va nager jusqu’au fond du lac ? Parce que nos combis elles sont bien jolies – et encore, la mienne me boudine – mais ça permet pas de respirer sous l’eau. Vous vous êtes procurés des scaphandres ?


- Pas besoin, dit Peter, on utilisera un sortilège Têtenbulle, qui crée une bulle d’oxygène autour de la tête. Et quand on plongera dans le lac, il faudra aussi avaler ceci : les Mistrals Parlants.


Il sortit une petite boîte de sa poche et leur montra des pastilles blanches à l’apparence tout à fait ordinaire.


- On apprend à fabriquer ces petits bonbons en cinquième année, en potions ; ils permettent de parler sous l’eau ! Allié au Têtenbulle, ça vaut tous les scaphandres du monde ! Grâce aux Mistrals Parlants, on pourra non seulement communiquer, mais aussi prononcer des formules et utiliser des sortilèges dans le lac.


- C’est top, ça !


- Voilà ; on s’équipe pour la plongée, et on file vers le repaire de la Palourdingue Dominante, continua Astrid. Là, on utilise le sortilège de Naomi pour l’ouvrir…


Elle adressa un sourire entendu à Naomi. Celle-ci, toujours très fière d’être celle qui avait découvert le sortilège approprié, se redressa avec dignité. Kelly reporta son regard sur la table : un grand coquillage translucide s’y était érigé, en plein milieu, entouré par quatre petites silhouettes flottantes.


- Mais quand elle sera ouverte, il faudra faire en sorte qu’elle ne se referme pas trop vite, avertit Peter. Kelly et Mercedes, comme vous êtes plus petites que nous, je suggère vous alliez à l’intérieur de la Palourdingue pour la fouiller, pendant que Astrid et moi on maintiendra ses mâchoires écartées avec un sort. Vu sa taille, on sera pas trop de deux pour ça.


La scène décrite par Peter se déroulait au fur et à mesure de ses paroles. Kelly et Mercedes se virent disparaître à l’intérieur du grand coquillage. Elles s’échangèrent un regard mal assuré. Bien sûr, Kelly avait compris le rôle qu’elle jouerait dès qu’elle avait reçu sa combinaison de plongée. Au début, elle avait été enthousiaste, ravie de pouvoir nager à nouveau, en plus avec cette combinaison qu’elle avait essayé et qui lui allait très bien. Mais à présent, elle mesurait davantage les dangers que comportait sa participation à cette opération…si la Palourdingue Dominante se refermait sur elles, par exemple, et qu’elles restaient prisonnières, ou s’il y avait un dysfonctionnement dans le sortilège qui permettait de respirer sous l’eau… cette plongée dans les profondeurs du lac n’avait plus rien à voir avec les innombrables longueurs qu’elle effectuait à la chaîne dans la piscine de son patelin. Et Mercedes le savait aussi bien qu’elle. Apparemment, leur malaise fut perçu, car Pavel posa ses mains sur leurs épaules et leur dit à mi-voix :


- Les filles, si vraiment vous avez peur, on comprendra parfaitement que…


- Ça va aller, Pavel, le stoppa Kelly. Oui, ça fait un peu peur, ce serait un mensonge de dire le contraire... mais quand j’ai rejoins l’OASIS, je me suis préparée à avoir peur à un moment ou un autre. Et ça va pas m’arrêter pour autant. Enfin, c’est mon avis, Meche, je sais pas ce que…


- Non non, j’suis d’accord, coupa Mercedes, parfaitement calme.


- Si ça peut vous encourager, n’oubliez pas que la personne qui trouvera la Boule aura le privilège de l’utiliser à sa guise… ajouta Astrid.


- Oui, les Reliques reconnaissent comme leur maître celui ou celle qui les arrache manuellement à leur cachette, expliqua Peter. Ça ne veut pas dire que personne d’autre ne peut les utiliser, attention ; mais le maître d’une Relique aura plus de facilité que n’importe qui à actionner ses pouvoirs.


- Donc, ce sera forcément un de vous quatre ? dit Kwaï, d’un ton un peu boudeur.


- Oui, Kwaï, ce sera un ou une de nous quatre, répondit Astrid d’un ton très autoritaire. Et ce n’est pas la peine de faire cette tête ou d’entamer la discussion, je ne veux pas de controverse sur ce point. On n’a pas le temps d’en débattre et de toute façon il n’y a aucune solution alternative pour cette fois-ci.


- Il y a trois autres Reliques, Kwaï, dit Pavel d’une voix plus paisible, on aura le temps de les distribuer intelligemment. Tu soulèves ceci dit un point important : on n’a effectivement pas assez débattu sur la question des « acquéreurs » des Reliques, pour savoir qui sera investi de chacune d’elle. Là, ça se décide sur le tas et c’est dommage. Il faudra en tenir compte pour la suite, et je te promets qu’on le fera.


Kwaï eut une expression renfrognée, mais il ne polémiqua pas. Kelly fut agréablement surprise d’entendre Pavel faire une légère autocritique, reconnaître une erreur de la part de l’OASIS. Au moins, le groupe dont elle faisait partie était capable de se remettre en question et c’était bon à savoir.


- Mais du coup, si j’ai bien compris, on sera huit à attendre sur la berge que les quatre plongeurs ramènent la Relique ? interrogea Deborah.


- Non, chaque plongeur aura un assistant sur sa barque, répondit Peter. Quelqu’un qui l’aidera à ramer jusqu’au milieu du lac, à plonger et surtout à remonter à bord quand on reviendra du fond de l’eau. Inutile de vous dire qu’on marchera sur des œufs et qu’il n’y aura pas une minute à perdre. Les plongeurs et les navigateurs n’auront devant eux que le temps qu’il faudra au Mégamorphe pour se réveiller. Nous n’avons qu’une dose de somnifère, et pas les moyens de savoir précisément combien de temps il fera effet.


- Bon, alors : quatre plongeurs, quatre assistants, et cinq personnes qui se chargent de maîtriser le Mégamorphe Centroïde, récapitula Deborah. Mais du coup, qui fait quoi ?


- Oui, en fait c’est aussi pour ça qu’on vous a réuni : à part les plongeurs, on ne vous a pas encore attribué vos rôles, expliqua Pavel. On a bien quelques idées, mais on voudrait avant cela entendre votre avis. Que voulez-vous faire, camarades ?


Les membres de l’OASIS commencèrent à discuter entre eux à voix basse, réfléchissant à ce qu’ils souhaitaient faire lors de l’opération. Kelly, de son côté, repassait le plan de l’OASIS dans sa tête, jetant de temps en temps un coup d’œil aux hologrammes magiques de Pavel, qui répétaient en boucle ledit plan. Au milieu des conversations, Astrid lança d’une voix forte :


- Bien, Tarung, t’as tout noté ?


Tarung leva le nez de son carnet ; comme d’habitude, il eut l’air de sortir d’un rêve. En assimilant la question d’Astrid, il parut embarrassé.


- Quoi ? Ah ben non, j’ai arrêté d’écrire, comme on avait le schéma sous les yeux, j’ai cru que ça suffisait… bredouilla-t-il.


Astrid émit un grognement entre ses dents tout en levant les yeux au ciel. Peter claqua des doigts et déclara alors :


- Ah tiens, j’ai un premier rôle à attribuer : Tarung, tu restes sur une barque.


Sous les éclats de rire de ses camarades, Tarung se tassa sur lui-même, comme une tortue toute penaude.


En quittant la Cour des Mirages, John, Kelly et Naomi pensaient ne pas y retourner avant l’Opération Lagon. Mais deux jours plus tard, un événement inattendu les amena à y remettre les pieds. A midi, Deborah vint voir Kelly alors qu’elle déjeunait comme à son habitude avec John et Naomi.


- Kelly, déclara-t-elle d’un air énergique, message de Iossif : l’entraînement de Crève-Ball de ce soir est annulé, il est reporté à demain.


Kelly la remercia, puis retourna à son assiette de petits pois. Mais alors, Deborah se pencha en avant et chuchota à l’intention des trois deuxième année :


- Et vous trois, message de Peter : si vous voulez apprendre des trucs intéressants, rendez-vous dès que possible dans la Cour des Mirages.


Puis elle s’en alla d’un pas léger, sans s’expliquer davantage. Intrigués, John, Kelly et Naomi se consultèrent. Il leur restait du temps avant le cours de métamorphose, ils pouvaient donc se permettre d’aller faire un tour au QG de l’OASIS. Lorsqu’ils s’y rendirent après avoir fini de manger, ils y trouvèrent seulement Peter, Tarung et Kwaï. Ils s’affairaient autour du poste de radio de la Cour des Mirages. Kwaï le tapotait de sa baguette tout prononçant des formules magiques.


- Vous essayez de capter Radio-Londres ? plaisanta Kelly.


- C’est pratiquement ça ! répondit Peter dans un rire. Mais comme on en a un peu fini avec la Seconde Guerre Mondiale, on se branche sur d’autres ondes, celles des sorciers.


- Y’a des radios de sorciers ? s’étonna John.


- Ouais, y’a la RITM, par exemple, la Radio Indépendante à Transmission Magique. Ce matin, Kwaï a réussi à la capter dans la Cour des Mirages, et c’est déjà un petit exploit.


- C’est extrêmement dur de faire fonctionner une radio dans le château, expliqua Kwaï. On avait pas réessayé depuis l’an dernier. A cause de toute la magie ambiante à Lettockar, il y a beaucoup trop d’ondes et d’interférences et ça détraque les appareils électroniques. La preuve, ce matin on captait la RITM, mais ça a coupé d’un coup sans prévenir, peu avant que vous arriviez. Vous avez pas de chance.


- Et on a des infos de sorciers à la radio ? demanda Kelly.


- Bien sûr, comme chez les Moldus ! s’exclama Kwaï. T’en as bien une chez toi ?


- J’écoute pas, j’aime pas ça, répondit Kelly en haussant les épaules. Je préfère la télé.


Kwaï manipula le poste de radio en long, en large et en travers pendant plusieurs minutes, lui faisant produire des sons très aléatoires. Une ou deux fois, on entendit une voix prononcer brièvement quelques mots avant d’être aussitôt coupée, ou un extrait de jingle musical. Finalement, Peter prit les devants et s’adressa à Naomi, Kelly et John :


- Bon, le temps que ça remarche, on peut vous révéler ce qu’on a appris tout à l’heure… avant-hier, il y a eu une évasion massive d’Azkaban, la prison des sorciers. Dix anciens Mangemorts se sont échappés.


- QUOI ? s’écrièrent-ils simultanément.


- Oui. La nouvelle est tombée hier, et depuis ça n’arrête pas. Ça défraye la chronique anglaise, on en parle encore aujourd’hui.


Kelly était abasourdie. Depuis sa première année, elle entendait parler des Mangemorts, les partisans de Lord Voldemort qui l’avaient servi lors de la Première Guerre des sorciers. Des assassins, des terroristes, de véritables nazis, la lie du monde magique. Et ceux-ci, qui étaient emprisonnés depuis quinze ans, devaient faire partie des pires de la bande…


- Mais… mais comment… comment ça a pu arriver ? balbutia Naomi. Je croyais qu’Azkaban était la prison la plus sécurisée du monde, et là il y a dix détenus qui s’en sont échappés d’un coup ?


- Je vois que tu comprends très bien, Naomi : c’est inédit dans l’histoire de la sorcellerie, dit Peter avec gravité. C’est le truc le plus flippant qui soit arrivé ces dernières années, même Jar Jar Binns serait d’accord. Quant à comment ça a pu arriver, on aimerait bien le savoir, mais d’après ce qu’on a pu comprendre à la radio, même les autorités magiques ne comprennent pas totalement ce qui s’est passé…


- Ah ! intervint Kwaï. Écoutez, ça reprend !


Peter, Tarung et les trois autres tendirent l’oreille. Effectivement, on entendit une voix de femme s’élever depuis le poste :


- M. Scrimgeour, êtes-vous du même avis que le Ministre de la Magie, qui a déclaré ce matin être persuadé que Sirius Black est le cerveau de cette opération d’évasion sans précédent ?


Kelly sourit : ils avaient la chance de tomber sur une émission d’information, qui traitait précisément de l’évasion massive. Apparemment, c’était un employé du ministère qui était interviewé.


- Cela est plus que plausible, répondit celui-ci. Sirius Black a en effet fait son retour dans notre pays en septembre dernier, puisqu’il a été aperçu à Londres à cette période. Tout porte à croire qu’il souhaite reconstituer le mouvement des Mangemorts à sa manière, en se positionnant comme un point de ralliement de ses anciens membres. L’une des évadés, la sinistre Bellatrix Lestrange, est précisément une cousine de Black, et il est probable qu’elle considère son parent comme le digne héritier de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom…


Les jeunes sorciers écoutèrent l’interviewé, un certain Scrimgeour, faire le récit de l’évasion que les enquêteurs avaient pu reconstituer. Puis il rappela les noms et les sombre curriculum vitae des évadés : parmi les pires, Antonin Dolohov, Travers, Mulciber, et Bellatrix Lestrange, que Kelly découvrit comme étant l’une des plus tristement célèbres mages noires de son temps. Quant au fameux Sirius Black, Peter leur expliqua les deux ou trois choses qu’il savait à son sujet : c’était aussi un ancien Mangemort, qui avait été le premier sorcier de l’histoire à s’échapper de la forteresse d’Azkaban et qui échappait à la justice depuis près de trois ans. Ensuite, les journalistes – au nombre de deux - posèrent à Scrimgeour diverses questions sur la sécurité du pénitencier, sérieusement mise en cause depuis cette catastrophe. Il s’agissait en effet de la deuxième évasion en moins de trois ans, pour une prison qui n’en avait jamais connu aucune auparavant.


- Il est certain, dit Scrimgeour après un silence qui trahissait son malaise, que l’évasion simultanée de dix détenus sous haute surveillance a porté un grave coup à la fiabilité de notre prison. De grosses zones d’ombre demeurent sur cet événement, je ne vous le cacherai pas : les explications des Détraqueurs sont étonnamment confuses. Je demande donc à tous nos concitoyens d’être extrêmement vigilants. En tant que directeur du Bureau des Aurors, je leur fais la promesse que mes agents et moi-même mettrons tout en œuvre pour retrouver rapidement ces criminels en cavale et faire la lumière sur toute cette inquiétante affaire.


Soudain, l’un des journalistes lâcha un drôle de ricanement.


- Qu’y a-t-il, Rian ? demanda son acolyte.


- Personnellement, Johanna, dit l’intéressé d’une voix goguenarde, j’attends surtout la déclaration d’Albus Dumbledore. Il va sans doute nous expliquer que c’est Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom qui est derrière tout ça, avec le concours de Morgane, d’Ekrizdis et d’Herpo l’Infâme et son armée de Basilics sous Polynectar !


La journaliste éclata d’un rire cristallin qui se mêla aux gloussements mesquins du dénommé Rian. Kelly fut outrée par cette ironie gratuite à l’égard du professeur Dumbledore.


- Connard ! lança-t-elle à l’intention de la radio.


- Messieurs-dames, intervint Scrimgeour avec sévérité, je crois que le moment est mal choisi pour faire de l’hum…


A ce moment-là, le son de la radio se brouilla, et les voix des intervenants disparurent pour laisser place à un bruit de souffle émaillé de petits grésillements.


- Et merde, ça a encore coupé, grogna Kwaï.


Dépité, il préféra tout simplement éteindre la radio. Kelly vit du coin de l’œil que, sur son carnet de notes, Tarung avait retranscrit en grandes majuscules son insulte à l’égard du journaliste. Elle sourit. Alors, les six jeunes sorciers se rassemblèrent en cercle pour discuter des informations.


- Très éclairant, tout cela… marmonna Tarung d’un ton léger.


- Alors le ministère et les médias n’ont toujours pas changé de position par rapport au retour de Vous-Savez-Qui ? demanda John. Ils croient toujours que c’est des salades de Dumbledore, même après… ça ? Avoir autant de merde dans les yeux, c’est artistique.


- Ouais, ça a dû couler jusque dans leur bouche, vu ce qu’ils disent, renchérit Kelly avec amertume. Franchement… dix anciens Mangemorts en cavale… c’est des incompétents, encore plus que le gouvernement des Moldus !


- Je suis content de voir que vous comprenez bien la gravité du truc, commenta Peter avec un sourire engageant. Depuis hier, y’a dix mages noirs extrêmement dangereux en liberté, et si j’en crois ce que disent les gars du ministère depuis ce matin, ils sont pas du genre à partir se planquer en Argentine.


- Si Vous-Savez-Qui est vraiment revenu à la vie et qu’ils vont le rejoindre, ils vont vite foutre le bordel, ajouta Kwaï. Le Snucius Black, là, c’est bien lui qui a assassiné quinze Moldus d’un coup juste avant d’être arrêté ?


- Tout à fait, dit Peter.


- Eh ben, c’est formidable tout ça, dit sombrement John. Tout à l’heure, je me suis dit qu’il pourrait peut-être nous expliquer comment nous échapper de Lettockar, mais à la réflexion je crois que je préfère carrément aller aux cours de Fistwick que de m’approcher de ce mec.


Ce qui en disait long, puisque rien que la semaine dernière, le professeur Fistwick avait fait trembler les murs du château et cassé un grand nombre d’objets en verre en leur enseignant le sortilège Sonorus sans prendre la peine d’appliquer des sorts de protection autour de lui. Kelly en avait eu des acouphènes toute la journée. Soudain, ses amis et elle remarquèrent que Naomi ne disait rien. Elle avait l’air extrêmement soucieuse.


- Ça va, Naomi ? demanda Tarung.


- Je… viens de penser que je rentre au Royaume-Uni, cet été. Et Kelly aussi, d’ailleurs. J’espère que… qu’on en croisera aucun, de ces Mangemorts en cavale.


Kelly retroussa les lèvres. Toujours en colère contre le ministère et ces lèches-bottes de journalistes, elle n’y avait même pas songé. Naomi disait vrai, leur sécurité à elles était-elle menacée, avec ces criminels anti-moldus en liberté ? Il y eut un long silence, au bout duquel Peter déclara avec solennité :


- Hum. Je comprends ta crainte, Naomi, elle n’est pas infondée. Mais pour le moment… comment dire… Voldemort ne s’est pas encore révélé, tu comprends ? Donc ils ne commettront pas de crimes de sitôt. Dis-toi que ces Mangemorts ne vous connaissent pas, ils ne savent pas qui vous êtes, vous n’êtes pas leurs cibles. Après tout, chez les Moldus aussi, il y a des criminels et des meurtriers en cavale, pourtant vous n’avez pas peur à chaque fois que vous sortez dans la rue, non ? Alors il ne faut pas paniquer prématurément. On peut aussi miser une piécette sur le fait que le ministère va peut-être réussir à les coffrer, même si c’est pas le plus vraisemblable. Ça ne coûte rien d’espérer, n’est-ce pas ?


Kelly se demandait bien comment on pouvait espérer quoi que ce soit de ces nuls du ministère, mais elle ne contredit pas Peter pour ne pas abîmer le moral de Naomi. Cette dernière réussit à sourire malgré tout. Peter se racla la gorge et conclut :


- Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, mais je vais quand même le dire : le meilleur moyen de ne pas angoisser, c’était de rester centrés sur nos objectifs, et notre objectif du moment, c’est l’Opération Lagon. La Boule de Bernardo Curcumo nous attend, voilà tout ce à quoi on doit penser pour l’heure.


Ces paroles rassérénèrent quelque peu les jeunes sorciers. En sortant du QG, les deuxième année s’aperçurent qu’il était déjà 13h03, et qu’ils devraient déjà être en salle de métamorphose. Comble de malchance, en descendant avec hâte vers le premier étage, ils croisèrent le professeur McGonnadie.


- Dites donc, vous trois, vous êtes en retard à mon cours ! s’exclama-t-il en fronçant les sourcils.


- Bah… vous aussi, non ? répliqua John.


McGonnadie cligna des yeux. Il consulta sa montre à gousset en argent, et, l’air embarrassé, se gratta la nuque.


- Oui mais moi, je, euh… je suis encore convalescent, donc j’ai le droit de prendre mon temps. Et toi, Ebay, t’es censé courir très vite, non ? Alors t’as aucune excuse pour être en retard !


Il avait fortement appuyé son avant-dernière phrase. Kelly mit quelques secondes avant de comprendre l’allusion. John adressa un regard lourd de mépris à McGonnadie, avant de lui rétorquer avec une voix hélas un peu trop hésitante :


- Ouais, ben… si je cours vite, c’est pour fuir l’odeur de certains, dans ce château à la con !


McGonnadie se fendit d’un sourire mielleux, qui se transforma en grimace au moment où il fut pris d’un mal de ventre. Kelly ricana, espérant qu’il souffrirait encore très longtemps.


- Peut mieux faire, Ebay, peut mieux faire, dit McGonnadie d’une voix joyeuse. Mais bon, vous avez de la chance, je suis dans un bon jour, donc je vous enlèverai pas de points. Après vous.


Effectivement, McGonnadie se montra d’excellente humeur durant tout le cours qui s’en suivit, malgré ses maux de ventre persistants. Il donna même dix points à Milosz pour avoir réussi à tenir tout un cours sans avoir l’air d’un nul. C’était sûrement dû à la perspective du concert d’Uriah Heep, se dit Kelly. Il allait avoir l’occasion de sortir de Lettockar le temps d’un week-end, et ça le mettait en joie… si seulement les élèves avaient droit à ce genre de sorties, eux aussi…


- A mon avis, il est pas au courant de ce qui se passe pour être d’aussi bonne humeur, dit Kelly.


- Pour une fois qu’on sait un truc que les profs ne savent pas ! s’enthousiasma Naomi.


- Ouais, et ça va lui faire tout drôle quand il va l’apprendre… ajouta John.


Ils ne revirent pas McGonnadie de la journée, mais un changement notable dans le quotidien de Lettockar vint confirmer que le personnel avait appris et encaissé la nouvelle. Puisque le soir même, sur le tableau des Nouvelles Officielles, on pouvait lire ceci :


Tou va trait bien.

Mais qan meme, soyé vijileans.


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