Lettockar, tome 2 : La Cour des Mirages

Chapitre 4 : Et puis... zet !

4083 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/02/2023 23:06

Et puis… Zet !


- Voilà. Pour la prochaine fois, je vous demanderai de faire vos propres recherches sur la fondation de notre école, chaque maison a ses archives, vous pouvez évidemment consulter la bibliothèque, et le premier qui m’écrit que Lettockar est une « pâle reproduction de Poudlard en carton », c’est 10 points en moins. Bonne journée.


Le cours du professeur Jar Jar Binns s’acheva sur ces paroles. C’était un des cours les plus unanimement méprisés : il y avait des cours pénibles mais intéressants, des cours abscons mais agréables, et celui-ci était pénible et abscons. Après avoir étudié l’Antiquité dans le monde magique l’an dernier – enfin, l’Antiquité selon les délires de Jar Jar Binns – c’était au tour du Moyen-Âge, et fatalement, la construction de Lettockar… Poudlard était évoquée, mais c’était principalement pour mettre en relief les financements obscurs de Godric Gryffondor, et comment Salazar Serpentard avait aidé à dénoncer les réseaux proto-pédo-socialistes des Archevêques britanniques (« C’est pas moi qui le dis, c’est vérifiable ! » ajoutait souvent le prof) ; bref, difficile de ne pas sortir de classe dégoûté et le cerveau en bouillie.


Il fallait faire des recherches sur les fondateurs de Lettockar, ce qui ennuyait profondément Kelly : déjà que cette école était pesante, elle n’avait aucun désir d’en savoir plus sur les maboules qui l’avaient conçue. Naomi avait bien évidemment de l’avance sur le sujet, et passait son temps à rectifier les imbécilités de Jar Jar Binns après le cours auprès de ses camarades, histoire qu’ils n’aient pas l’esprit trop intoxiqué.


- Il est vraiment débile ce prof… maugréait John. Il arrête pas de dire « Faites vos propres recherches », traduction : « Dites-moi ce que j’ai envie d’entendre » ! C’est de la pisse de chat !


- Tant que ça va dans son sens, il est content… suivit Naomi. C’est très grave pour un prof d’histoire, à ce niveau c’est presque de la maladie mentale !


- De toute façon, on n’a QUE des malades mentaux ! ajouta Kelly.


- Ouais mais lui, c’est particulier, reprit Naomi, il est pas genre juste à côté de la plaque comme Pourrave ou pété du bulbe comme Fistwick, il est irresponsable face à la raison même de sa matière ! Il propage des infos bidons dans ses cours, c’est de la propagande !


- Allez, Mimi, pète un coup ! dit John en posant sa main sur l’épaule de sa camarade. Tiens, tu veux pas nous parler des fondateurs de Lettockar ? ajouta-t-il innocemment.


Kelly sourit, Naomi eut un petit rictus amusé et boudeur à la fois. Puis elle dit :


- Si vous voulez, j’peux vous trouver les principaux livres sur l’histoire des fondateurs, c’est fastoche, je les ai déjà lus trois fois…


- Plutôt mille, ironisa Kelly.


- Ca va, c’est pas la mort, continua Naomi, mais ça reste bateau, c’est juste quatre sorciers qui ont construit une école à une époque où les Nés-moldus étaient assez peu considérés. C’est original, mais pas vraiment sensationnel…


- Oui, puis quand on voit comment ça a évolué… ajouta Kelly d’un air blasé.


- C’est quand même marrant, de la part d’un mec qui parle de « décadence » ou « dégénérescence » un cours sur deux, de pas voir à quel point sa propre école est devenue tarée au fil du temps… observa John.


- Eh, Mimi, t’imagines, un jour c’est toi la prof d’Histoire de la magie ? suggéra Kelly.


- Oh, j’aimerais trop, tu serais parfaite ! renchérit John avec un rien de flatterie.


Naomi rougit. Pendant l’heure qui suivit, Kelly et John l’écoutèrent parler des fondateurs de Lettockar, comme si elle était professeure. De temps en temps, John levait la main pour feindre des objections en imitant Jar Jar Binns, avec son ton méprisant (« Encore l’histoire officielle ! », « Source ? »), et elle était ravie. C’était amusant pour eux de se prouver à eux-mêmes qu’ils pouvaient faire mieux que les profs, même si c’était pour de faux. Plus Naomi en révélait sur Bernardo Curcumo, Imène Lalaoud, Augousto Scravoiseux et Philippe Gilluc, plus elle s’amusait à défaire l’incroyable débilité des cours de Jar Jar Binns. Il était certain qu’elle ferait une excellente professeure d’Histoire de la magie, à Lettockar ou ailleurs.


Etonnamment, depuis que le professeur Fistwick donnait des cours de pyromancie, les incendies avaient cessé. Sans doute le pyromane ne trouvait plus amusant de mettre le feu à l’école, maintenant qu’on l’encourageait presque à commettre ses méfaits. Braver un interdit est plus jubilatoire que réviser ses leçons.


Les choses étaient donc momentanément revenues « à la normale » de Lettockar, c’est-à-dire pas terrible-terrible. Ce matin-là, c’était autre chose qui inquiétait Kelly : elle avait passé la nuit à étudier les bases de pyromancies vues en cours, couchée tard, et réveillée après tout le monde. Il ne lui restait que quelques minutes pour s’habiller et filer vers le cours de Métamorphose… quand elle s’aperçut qu’on lui avait joué un mauvais tour.


Toutes ses culottes avaient disparu.


« Merde merde merde merde merde !! Mais où elles sont ?! »


Mais hélas, elle avait beau rager, pester, c’était trop tard pour retourner tout le dortoir, et elle ne pouvait pas demander de l’aide à quelqu’un, comme elle était seule. Tant pis, le coupable paierait plus tard. Elle irait en cours quand même.


Elle enfila son seul sweat, son jean, et dévala les escaliers comme une hache démanchée en priant pour ne pas tomber sur une dalle sauteuse ou autre piège stupide sur son chemin. Elle arriva essoufflée devant la salle de classe, et tâcha d’ouvrir la porte délicatement, en essayant le moins possible de se faire remarquer. Quand elle pénétra dans la salle, tous les regards se tournèrent vers elle : bien que vêtue, elle se sentit très exposée, nue, et mal à l’aise. McGonnadie avait sur son bureau le singe de Martoni, Kelly l’avait vraisemblablement interrompu au beau milieu d’une explication. Il la dévisagea de haut en bas, et alors qu’elle s’apprêtait à ouvrir la bouche pour présenter ses excuses, il asséna d’un ton glacial :


- Eh bien alors, Kelly ? Tu t’es crue aux puces ? En rade de sacs poubelles peut-être ?


- Je suis désolée… De mon retard, monsieur. J’ai eu du mal à me… Lever ce matin.


- Pas de souci ma petite, pense juste à aller chercher un billet de retard la prochaine fois, déclara le professeur d’un ton complaisant.


- V… Vraiment ? répondit Kelly, incrédule.


- Non, mais tu m’as pris pour Mère Teresa ?! Dépêche-toi de revenir en uniforme et en quatrième vitesse !


L’atmosphère était raide comme une pique. Outrée, se sentant profondément bafouée, Kelly était devenue toute rouge. Elle hésitait entre hurler, pleurer et s’enfuir. Elle ne bougea pas, continuant de regarder son professeur dans les yeux.


- Non.


- Pardon ?


- C’est bon, vous soûlez, là, je suis venue, ça vous suffit pas ?


Tous les élèves de deuxième année retinrent leur souffle. McGonnadie soupira profondément, puis déclara la voix lasse :


- Je vois que tu ne perds pas tes habitudes, tout comme je ne perds pas les miennes. Ça fera donc 60 points en moins pour Dragondebronze, et une retenue pour toi demain soir. Tu as vu ce que tu fais subir à ta propre maison ? Ça te fait plaisir je parie…


- Rien à foutre, déclara Kelly en claquant la porte derrière elle.


Elle repartit la tête baissée, sans répondre aux salutations de Madame Freyjard, ni celles de Roselyne Bachelefeu. Elle traça jusqu’au tableau des Istaris, leur donna le code en articulant distinctement, pour s’en débarrasser le plus vite possible. Elle alla dans une aile repliée de la tour de Dragondebronze, un petit escalier qui menait à un cul-de-sac où elle allait parfois pour avoir la paix. Elle s’assit en tailleur et pleura à chaudes larmes. Elle s’était rarement sentie aussi humiliée, et maudissait son sort, et ce sale con de prof, et cette école pourrie. Elle aurait voulu appeler ses parents, leur demander de venir la chercher, mais elle était coincée avec sa honte et sa boule au ventre qui s’alourdissait de jour en jour.


De longs moments passèrent dans le silence. Kelly avait fini son paquet de mouchoirs, et mangé une moitié de Chococrapaudbuffle praliné (elle avait récupéré la carte d’un directeur quelconque de Lettockar, un certain Gaspar Szabó, avec un crochet à la place de la main gauche et une tronche horrible). Repliée sur elle-même, la tête entre ses genoux, soudain elle entendit une voix douce s’adresser à elle :


- Ça va mieux, Kelly ?


C’était sa camarade de classe, Ludmilla Suarlov, numéro 1 en Métamorphose. Kelly releva la tête, renifla, ravala sa salive, mais n’avait pas le cœur à lui répondre. Elle se contenta de hausser les épaules avec un air dépité. Alors, Ludmilla sortit de son sac… Des petites culottes. Kelly était d’abord extrêmement étonnée, mais en les regardant, elle voyait bien qu’elles n’étaient pas à elle.


- On t’a volé les tiennes ce matin, c’est ça ? demanda Ludmilla.


- Mais… Heu… Oui, comment tu sais ? bégaya Kelly, interloquée.


- C’était pas très dur de deviner pourquoi t’avais pas envie de mettre une jupe, répondit le plus simplement du monde sa camarade. Une fois, un de mes frères m’avait fait le coup juste avant un repas de famille, j’ai dû mettre une vieille culotte de ma mère, je te raconte pas le malaise…


Elle tendit à Kelly les sous-vêtements.


- Tiens, prend-les ! J’en ai à plus quoi savoir en faire, et ceux-là j’les aime plus ! Promis je les ai pas beaucoup portées…


- Mais… c’est… gentil, je… D’accord, bredouilla Kelly en récupérant ce cadeau inespéré.


- T’inquiète, hein, c’est normal. En plus Gudrun m’a dit que t’étais cool.


- Gudrun ? Elle a dit ça ?


- Ben ouais. Bon, je vais te laisser te changer, moi. A plus !


Ludmilla repartit comme elle était venue. Kelly resta un moment encore abasourdie par ce qui venait de se produire, puis réalisant qu’elle n’allait pas se changer au milieu d’un couloir, elle se leva et se dirigea vers les toilettes.


Après s’être changée, Kelly finit par avoir faim, et même une sacrée dalle. Elle avait eu tant besoin de solitude qu’elle n’était pas encore prête à aller déjeuner avec tout le monde, même en allant retrouver John et Naomi. Quand elle arriva à la Cantina Grande, il ne restait plus grand monde, et plus grand’ chose. En la voyant arriver, l’elfe de maison chargé de la cuisine avait déjà tout débarrassé : il claqua des doigts et un sandwich thon-crudité sous cellophane apparut devant Kelly. Elle le remercia, puis alla se sustenter sous un porche en observant la pluie qui commençait à tomber.


Dans la foulée elle avait loupé le cours de Sortilège, il lui restait celui de potion, puis entraînement de Crève-ball. « Avec la pluie, ce sera terrible », se dit-elle. Elle inspira longuement, puis alla vers la salle de cours retrouver ses camarades en uniforme, qui ne firent aucune remarque en la voyant s’installer avec eux. Grog arrêta son regard un instant sur elle, puis commença nonchalamment la suite du cours sur la potion d’enflure (« Parce que les gros sont des enflures, demandez à Fistule ! »).


Alors que Kelly commença à préparer les mixtures avec ses camarades, Naomi lui demanda si ça allait, et Kelly répondit « Oui » avec un sourire vague. John lui tapota furtivement l’épaule, puis s’affaira à son travail. Kelly se sentit tout de même plus sereine, la pression retombait doucement. Le cours passa sans heurt, et lorsqu’il fut fini, Kelly se hâta vers son entraînement de Crève-ball, comme c’était l’habitude toutes les semaines.


- J’ai recopié le cours de Fistwick pour toi, lui dit Mimi.


- Merci beaucoup, répondit Kelly. On en reparle après mon entraînement, je prends du temps pour vous juste après.


- T’inquiète paupiette, file crever de la ball ! lança John plein d’entrain.


Gudrun faisait déjà des tours dans le ciel quand Kelly arriva au stade boueux, tandis qu’une faible pluie continuait inlassablement de tomber sur Lettockar. Iossif salua Kelly de la tête quand il la vit arriver. Depuis qu’elle s’entraînait avec son équipe, Kelly avait encore du mal à vraiment se sentir intégrée : elle ressentait toujours sa présence ici comme une punition, et doutait de sa légitimité au sein de l’équipe.


- Sale temps, hein ? dit Kelly histoire d’amorcer une conversation.


- Bof, en général il pleut des catcheurs, répondit nonchalamment Jörg Hammond.


- On t’attendait pour faire un petit vol coordonné, Kelly. Allez, on y va ! ordonna Iossif.


L’équipe « de vol » habituelle décolla, tandis que l’équipe « terrestre » continua l’entraînement au sol. Monica, Peng, Iossif, Gudrun et Kelly avaient pris l’habitude de convoler, et surtout de coordonner les mouvements des épuisatiers sans que cela ne gêne les indics. Iossif, chevronné du balai, avait l’habitude de faire des virages assez brusques, ce qui demandait à Kelly une concentration particulière pour anticiper ses mouvements. Gudrun, quant à elle, accélérait par pointes, soudainement, épousant les mouvements du vent : dès qu’une bourrasque arrivait, Kelly savait que son acolyte allait surfer dessus et s’en servir pour optimiser sa progression. Quant à Kelly elle-même, elle prenait de plus en plus confiance en son propre style, car ses maladresses se corrigeaient naturellement sans qu’on ne lui fasse de réelles remarques. Elle « faisait le taf », pour reprendre une expression de son capitaine, et elle s’en contentait très bien. Après vingt bonnes minutes à voltiger avec ses camarades, Iossif les amena à descendre, sauf Peng et Monica qui continuaient l’entraînement dans les airs.


Il les amena vers un coffre un peu miteux, frappé de l’emblème de leur maison, qui était resté au sec à l’entrée du stade. Les yeux de Gudrun s’illuminèrent.


- Mesdames, il est temps de mériter votre titre ! déclara Iossif.


- Enfin ! s’exclama Gudrun.


- Alohomora !


Le long coffre s’ouvrit : s’y trouvaient les épuisettes de Dragondebronze. Il y en avait un peu moins d’une dizaine, certaines étaient un peu plus longues que les autres. Iossif en sortit trois, de taille égale, et les répartit entre eux.


- Voilà les épuisettes standard, telles que conçues du temps de Marie Grégeois. Comme vous pouvez voir, certaines expérimentations ont été faites par la suite pour des épuisettes plus longues, parfois avec des variations sur le filet aussi, mais on s’en sert vraiment rarement, donc faites pas gaffe. Pour le moment vous devez prendre en main ces bestioles-là.


- Ce sont des épuisettes tout ce qu’il y a de plus banal, non ? demanda naïvement Kelly. Où est-ce qu’elles diffèrent avec celles des moldus ?


- Bonne question, ma chère. La différence principale, c’est que les moldus s’en servent rarement quand ils chevauchent leurs balais de moldus tout en évitant des catcheurs qui tombent du ciel ou des balles explosives. D’autres questions ?


Kelly rougit, Gudrun pouffa. Puis, cette dernière ajouta :


- On remonte, on essaie ? J’ai trop hâte !


- Calmos, donc, une chose à la fois ! la freina Iossif. On va commencer au sol.


- Hein ?? s’étrangla Gudrun. Mais c’est crétin ! Pourquoi ?


- Parce qu’avant de savoir attraper ces grosses balles dans les airs, vous devez entraîner un peu votre poignet et votre simple faculté de réception, répondit Iossif très calmement. Sinon vous risquez tout bonnement de vous casser le poignet au moindre effort dans les airs. Je vous dirais même, hésitez pas à vous servir des deux mains dans un premier temps. J’ai connu des nanas et des mecs dix fois plus costauds que vous qui s’entraînaient au sol tous les jours pour pas perdre la main…


Gudrun grommela : elle était tellement à l’aise sur son balai que l’en priver était une vraie déception. Kelly, pour sa part, était rassurée d’y aller étape par étape, bien qu’elle fût désolée pour Gudrun, qui s’amusait tellement quand elle était dans les airs.


- Donc ! conclut Iossif. Mettez-vous là-bas, on commence de suite.


Kelly et Gudrun s’éloignèrent de leur capitaine et de leurs balais. Gudrun, contrariée, passait frénétiquement sa main dans ses cheveux blonds, éclaboussant de bruine tout autour d’elle. Kelly trouva ce geste très mignon et voulut consoler sa camarade.


- Ça fait chier, mais on va remonter vite sur le balai, t’inquiète pas !


- Mouais…


- Allez, fais pas cette tête ! Déjà « épuisée » ?


Gudrun sourit, l’air faussement indignée, elle regarda Kelly dans les yeux.


- Merci…


- Pas de quoi !


Kelly songea à Ludmilla, l’amie de Gudrun, qui était venue la sauver plus tôt dans la journée. Gudrun, qui ne parlait pas beaucoup à Kelly, la trouvait « cool »… Elle repassait sa main dans ses cheveux perlant de pluie, quand Iossif leur hurla « Stop !! ».


Les deux filles se retournèrent, leur capitaine était à quelques dizaines de mètres d’elles : il avait amené devant lui ce qui ressemblait à des ballons de football. Gudrun et Kelly serrèrent leurs épuisettes avec leurs deux mains, se mit en position d’extrême concentration. Iossif commença à leur envoyer les premières balles, qui s’élevèrent dans le ciel, très vite, très haut…


- Attention ! cria Gudrun.


Kelly était tellement absorbée par la trajectoire du ballon qu’elle put tout juste l’esquiver au dernier moment, tandis qu’il retombait en piqué tout près d’elle. Cela lui fit l’effet d’un électrochoc. Pas le temps de dire ouf : boum ! Un autre ballon envoyé. Cette fois-ci, elle se prépara.


- Laisse, lui dit Gudrun. Il est pour moi.


Le ballon retomba, Kelly resta sur ses gardes… Gudrun s’élança avec son épuisette !... Bing ! Elle frappa la balle qui éclata sous le choc, faisant un bruit similaire à une baudruche. La jeune islandaise avait la mine toute pataude, comme si elle venait de faire une connerie. Elle regarda son homologue écossaise, et les deux eurent un petit rire. Pas le temps de niaiser, une nouvelle balle arrivait, cette fois-ci Kelly tenta de l’attraper… Paf !


- Merde, trop tôt ! pesta-t-elle.


- T’étais pas loin ! l’encouragea Gudrun.


- Eh, les meufs, arrêtez de nous voler notre travail ! leur brailla un crevard au loin.


Elles se reprirent toutes deux, tandis que le jeu continuait. Au bout d’un moment, Kelly commença à crier « Pool ! » dès qu’une balle était lancée, comme s’il s’agissait d’une cible à abattre pour un entraînement au fusil, comme elle l’avait vu dans des films. Elle et sa camarade s’esclaffaient à chaque balle éclatée, jusqu’au moment où Gudrun parvint à en saisir une parfaitement, en la plaquant au sol avec son épuisette.


- Bingo ! s’exclama-t-elle.


- Attention !


Une autre balle arrivait sur elle, la surprenant totalement. Kelly l’explosa avant qu’elle ne lui retombe dessus. C’était la dernière balle. La pluie avait cessé.


- Bon, une balle récupérée, c’est mieux que rien ! leur dit Iossif.


Elles lancèrent un regard penaud et remirent les épuisettes dans le coffre. Iossif le referma et ajouta :


- C’est plus que la moyenne, pour une première fois. Donc, ça va aller.


Rassurées, elles le remercièrent et partirent se changer. Dans les vestiaires, Kelly échangea un peu plus avec elle, et avec les autres filles, partageant leurs premières impressions sur leur prise en main de l’épuisette. Tout le monde était trempé et fatigué, donc la discussion ne dura pas, mais pour la première fois depuis son arrivée dans l’équipe, Kelly se sentit intégrée.


Fourbues toutes deux, Kelly et Gudrun se séparèrent en retournant à la Cantina Grande, où un repas chaud les attendait : Gudrun rejoignit Ludmilla, tandis que John et Naomi attendaient Kelly. C’était la fin d’une nouvelle journée riche en émotions, et Kelly était prête à apprécier un peu de calme en compagnie de ses meilleurs amis.


Elle leur passa les détails sur la matinée, et ils ne lui en demandèrent pas. Ils évoquèrent les quelques heures de cours que Kelly avait raté – vraiment pas grand’ chose, et vu l’avance qu’elle avait pris en pyromancie, elle allait rattraper le cours de Sortilèges sans difficulté, soutenue par Naomi. John, quant à lui, était songeur, il écoutait Kelly avec calme et attention. Elle raconta ses premiers essais avec l’épuisette, et comment ça allait de mieux en mieux avec l’équipe de Crève-ball de Dragondebronze.


A ce moment-là, une idée lui traversa l’esprit : si elle aidait son équipe à gagner, c’était dans l’intérêt de toute sa maison… Y compris de McGonnadie, qui lui avait encore collé une stupide punition injustement aujourd’hui. L’idée que s’améliorer dans ce sport allait potentiellement rendre service à son prof détesté avait un arrière-goût amer. Alors, John eut cette phrase simple et terriblement réconfortante :


- On s’en care l’oignon, Kelly, tu fais ça pour toi, pas pour lui. Toi au moins t’as pas besoin d’humilier les autres pour prendre ton pied.


Un sourire ne quitta plus Kelly de la soirée. Avant d’aller dormir elle voulait tout de même s’occuper de ses fameux sous-vêtements disparus. Elle se mit donc en quête seule : pas besoin de faire plus de bruit pour une histoire déjà oppressante. Après avoir regardé dans tous les recoins du dortoir des filles de Dragondebronze, elle chercha la moindre trace de dentelle dans les couloirs de la tour, sur les meubles, derrière les tableaux susceptibles d’être déplacés (en priant pour que ces derniers ne se mettent pas à geindre)… Mais elle ne trouva rien. Dépitée et fatiguée d’une journée riche en émotions, elle renonça pour ce soir.


Elle s’endormit aussitôt s’être allongée, et se réveilla à l’heure le lendemain, alerte et décidée.


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