Promesse de sang

Drago posa la main sur la cuisse de Harry, en signe de soutien. D’excuse aussi, peut-être, de ne pas avoir compris plus tôt. De s’être autant moqué de lui alors qu’il n’avait jamais été choyé comme tout le monde le pensait. 

En réalité, Drago ne savait pas vraiment pourquoi il se sentait aussi mal et aussi empli de regrets au sujet de l’enfance de Harry. Il n’avait jamais été quelqu’un d’empathique, mais en cet instant, il détestait Dumbledore de toute son âme pour avoir infligé ce genre de chose au jeune homme. Sans compter qu’il ressentait une certaine admiration envers Harry pour avoir traversé une telle enfance tout en restant quelqu’un d’aussi… lumineux.

L’adolescent cligna des yeux pour sortir de ses pensées et il reporta son attention sur son directeur de maison. Rogue était blême, les poings serrés et les yeux écarquillés. Drago dut se retenir pour ne pas laisser échapper un rire nerveux. Effectivement, le comportement de Harry face aux provocations incessantes de leur professeur prenait un tout autre sens… et l’homme semblait sur le point de vomir alors qu’il prenait conscience qu’il avait passé toutes ces années à provoquer puérilement un gamin martyrisé.

Harry pour sa part restait calme. Il lui avait semblé que toute sa rage avait été évacuée après la mort de Sirius, lorsqu’il avait dévasté le bureau du directeur. Il fixait Dumbledore, d’un air décidé, mais restant d’un calme inhabituel chez lui.

Drago savait que Harry ne changerait pas d’avis. Son cœur se gonfla d’admiration pour ce garçon hors norme. Il avait envie de le protéger, de rester près de lui et de tenter de le préserver du pire. En cet instant pourtant, il ne pouvait lui offrir que son soutien total… ce qui était bien trop peu à son goût.

Dumbledore renifla, légèrement moqueur. 

— Tu laisserais le monde magique livré à Voldemort, mon garçon ? Tu pourrais vivre avec tous ces morts sur la conscience ? Juste pour lui ?

Drago sentit Harry se tendre et il ouvrit la bouche, prêt à intervenir, furieux que le directeur attaque sur ce terrain. Cependant, Harry fut le plus rapide, laissant échapper un ricanement amer, sans détourner les yeux.

— Je laisserai le monde magique brûler pour protéger ceux que j’aime. Pourquoi je m’en préoccuperais alors qu’ils m’insultent et me méprisent à chaque fois que quelque chose ne va pas ? 

Dumbledore eut un sourire cruel et il plissa les yeux.

— Protéger ceux que tu aimes… Comme tu as protégé Sirius ? 

Harry eut un mouvement de recul comme si le directeur l’avait frappé physiquement. Drago l’agrippa immédiatement par la taille pour le serrer contre lui, espérant lui offrir un peu de réconfort, et il fut soulagé quand Harry lui rendit son étreinte immédiatement, s’agrippant à lui avec désespoir. 

Harry inspira brusquement, toujours tendu, et lorsqu’il prit la parole, sa voix était rocailleuse, comme si chaque mot peinait à sortir de sa gorge.

— Sans vos petits secrets, Sirius serait encore en vie ! Vous ne valez pas mieux que Voldemort ! Il a été votre élève après tout… je suppose que je ne devrais pas être étonné de votre comportement !

Dumbledore lui adressa un dernier regard méprisant, ignorant leur public avant de tourner les talons et de quitter l’infirmerie à grands pas. Harry se laissa aller contre Drago, perdant son air fier et assuré pour montrer l’étendue de sa détresse. Il ne faisait pas attention à la présence de Rogue, qui n’avait pas bougé et les fixait d’un air impénétrable.

Drago fusilla du regard l’homme, celui qui avait été son professeur préféré, avant de serrer Harry un peu plus fort contre lui, voulant le protéger plus que tout. Il déposa un baiser tendre sur la tempe du jeune homme, avant de lui murmurer, totalement sincère.

— Je suis avec toi, Harry. Je ne t’abandonnerai pas. Je reste près de toi… quoi qu’il arrive.

À ces mots, un sanglot sec échappa à Harry et il tourna légèrement la tête, pour presser leurs lèvres ensemble. C’était un geste désespéré, mais Drago ne chercha pas à s’écarter ou à y mettre fin, bien au contraire. Une de ses mains caressa le dos de Harry en remontant jusqu’à trouver sa place sur la nuque du jeune homme, caressant la naissance des cheveux et répondant au baiser de tout son cœur. Il se moquait bien de la présence de son directeur de maison et de ce que l’homme pourrait penser ou dire. La seule chose qui comptait à ses yeux était Harry et son envie de le voir sourire de nouveau. 

*

Rogue laissa du temps aux deux adolescents enlacés pour se reprendre sans les quitter des yeux, l’esprit en ébullition. Il les observait d’un air prudent, son esprit travaillant rapidement, essayant de comprendre quelle était la situation réelle. Il avait toujours cru la version de Dumbledore, parce qu’il était censé être du bon côté, mais il commençait à se demander s’il n’avait pas été abusé, de la même façon qu’avec Voldemort.

Une part de lui se maudissait de son aveuglement. Visiblement, il avait trop reporté le souvenir de Potter père sur le fils et il avait manqué l’essentiel. Pour un espion, il s’était montré singulièrement obtus.

Il soupira et se gratta la gorge, rappelant sa présence aux deux garçons. Harry sursauta et s’écarta de Drago, les joues rouges comme s’il avait oublié sa présence, mais le Serpentard lui lança juste un regard méprisant, avant de se détourner presque immédiatement et de ramener Harry près de lui d’un geste possessif et étrangement protecteur.

Severus se frotta les yeux et soupira. Il avait engagé sa vie pour protéger Drago Malefoy en s’enchaînant par un serment inviolable, parce qu’il ne voulait pas sacrifier une vie innocente de plus. Il ne s’attendait certainement pas à devoir compter Potter dans l’équation… Potter qu’il avait également juré de protéger sur le corps encore chaud de Lily.

Il n’avait pas encore pris de décisions sur la façon dont il allait gérer la situation lorsque Drago se tourna pour le fixer, son regard orageux plein de rage.

— Vous avez quelque chose à ajouter, monsieur ?

Le sarcasme inclus dans sa façon de prononcer le « monsieur » ne lui échappa pas, mais il préféra ne pas réagir. Il connaissait le fils de Lucius depuis toujours, puisqu’il était proche de sa famille. Habituellement, Drago le regardait avec admiration et respect… et cette considération lui manquait.

Il soupira et secoua la tête, se sentant soudain vieux et fatigué. Il fixa Potter, essayant de ranimer la haine habituelle qui l’envahissait lorsqu’il le voyait, sans y parvenir. Visiblement, ses illusions s’étaient brisées pour de bon, ne lui laissant que le goût amer des regrets. D’une voix neutre, il murmura.

— Ne faites rien de stupide.