Promesse de sang

Severus Rogue sursauta presque quand l’adolescent prit la parole d’un ton rauque, entrecoupé de reniflements. Il semblait désespéré, brisé même. Cependant, ce n’était pas vraiment une réponse à sa question, puisqu’il regardait Drago et semblait s’adresser à lui uniquement.

— Je ne savais pas. Je ne savais pas ce que ça ferait !

Severus gronda, serrant un peu plus l’épaule du jeune homme, sans que celui-ci grimace, comme s’il était perdu si loin dans son esprit qu’il ne pouvait pas sentir la douleur. Severus repoussa la frayeur qui le traversa lorsqu’il fit ce constat et il grogna, laissant la colère couvrir sa peur.

— Bon sang ! Un maléfice noir ! Qu’est-ce qui vous a pris ? Où avez-vous trouvé ce sort, Potter ?

Mais il n’eut pas la moindre réponse ni la moindre réaction. Même Drago ne semblait pas se soucier d’avoir été la victime d’un maléfice de magie noire, lancé par le sauveur en personne. Les deux adolescents ne voyaient que l’autre et le reste de l’univers n’existait plus.

L’homme s’apprêtait à élever la voix, à secouer l’insupportable morveux qui le défiait depuis son arrivée à Poudlard, fou de rage, quand il fut stoppé dans son élan par la voix d’Albus, qui claqua autoritaire et sans appel.

— Severus !

L’homme se raidit et lâcha Potter, reculant d’un pas, renfrogné. Il croisa immédiatement les bras sur sa poitrine en signe de protestation et lança un regard noir en direction des deux garçons, source de tous ses ennuis. Comme à son habitude, Dumbledore semblait un peu trop joyeux pour ses nerfs et il lui envoya un regard plein de ressentiment. Avec une sorte de joie mauvaise, il siffla.

— Depuis quand votre petit prodige apprend la magie noire, Albus ?

Il eut le plaisir de voir le vieil homme hoqueter et se décomposer. Bien évidemment, le directeur n’imaginait pas que le garçon de la lumière, celui sur lequel il avait placé tant d’espoirs, puisse se corrompre avec la magie noire… Avec une vivacité surprenante pour son âge, le directeur avança vers les deux garçons pour les examiner, sans les toucher et sans leur dire un mot. Il les fixait juste de son regard bleu brillant sans tirer la moindre réaction des deux adolescents.

Finalement, il secoua la tête, perplexe, et il se tourna vers son professeur de potions. Visiblement, il n’avait pas trouvé la réponse à ses questions et il avait besoin de quelques éclaircissements.

— Que s’est-il passé, Severus ?

Le professeur soupira et se frotta les tempes, comme pour éloigner un début de migraine. Puis il se redressa pour fixer son employeur, résigné à être une fois de plus le corbeau de mauvais augure, celui qui apprendrait les mauvaises nouvelles.

— Je faisais une ronde pour retrouver les élèves hors de leurs dortoirs quand j’ai été alerté par les hurlements du fantôme des toilettes du second étage.

Dumbledore le coupa avec un léger rire malicieux, les yeux pétillants.

— Cette chère Mimi est effectivement parfois bruyante.

Il récolta un regard noir qu’il ignora joyeusement. Après un silence, Rogue reprit, le visage toujours aussi fermé, agacé de l’apparente légèreté de Dumbledore. Ce vieux fou trouvait toujours matière à s’amuser même dans les pires moments.

— Je suis arrivé dans les toilettes donc, pour y trouver ces deux énergumènes. L’endroit semblait dévasté comme après un duel particulièrement sauvage. Monsieur Malefoy était au sol, en train de se vider de son sang, la poitrine entaillée profondément. Monsieur Potter était à ses côtés, je suppose donc qu’il est celui qui a lancé le maléfice. Un maléfice qu’il n’aurait jamais dû connaître.

Il lança un regard noir à l’adolescent et Dumbledore se gratta la gorge, comme pour le ramener à son récit. Le professeur de potions renifla et croisa les bras sur sa poitrine une fois de plus, s’agrippant presque à ses robes pour ne pas étrangler Potter, le responsable de tout ce désastre — une fois de plus.

— Ce n’est pas la seule chose que j’ai notée. Je n’ai pas compris ce qu’ils disaient puisqu’ils murmuraient, mais ils étaient entourés d’un fil de magie lumineux. C’était sans aucun doute un serment magique bien que je ne puisse pas déterminer de quel type. 

Cette fois, Dumbledore se tendit et se pencha, perdant son sourire. Ses yeux cessèrent de pétiller pour prendre la dureté de la glace. Il exigea, d’un ton pressant.

— Quel type de serment, Severus ? 

L’homme secoua la tête avec une grimace.

— Du genre imprévisible et permanent. C’est la seule chose que je puisse affirmer avec certitude. Je n’avais jamais vu ce genre de chose auparavant, Albus.

Le vieil homme secoua la tête, visiblement inquiet. Puis, il se pencha et posa la main sur le bras du professeur, avant de souffler, presque avec révérence.

— Une promesse sur le sang…

Severus leva un sourcil perplexe et Albus commença à expliquer, murmurant plus pour lui-même que pour l’homme qui tendait l’oreille à ses côtés.

— C’est un serment magique oublié, de la magie antique. Bien plus ancienne que Poudlard même… Comme son nom l’indique, c’est une promesse faite sur le sang des sorciers concernés. Or, d’après ce que vous dites, les deux garçons baignaient littéralement dans le sang de monsieur Malefoy. Et puisqu’ils se battaient, il est raisonnable de penser qu’au moins une goutte du sang de monsieur Potter est impliquée… 

Il y eut un silence alors que les trois adultes prenaient conscience de la situation. Ce fut l’infirmière qui chuchota, horrifiée, après être restée silencieuse et en retrait tout ce temps.

— Quelles conséquences pour ces enfants ?

Albus ferma les yeux et secoua la tête.

— Il nous faudra connaître la promesse, parce que ne pas la tenir aurait la même conséquence qu’un serment inviolable brisé… La mort. 

Pomfresh haleta et soupira en secouant la tête, avant de se redresser, sourcils froncés, reprenant son rôle d’infirmière bien qu’une lueur de tristesse persistait dans son regard.

— Puis-je les séparer ? Ils ne se lâchent pas depuis leur arrivée et bien qu’il ne soit pas blessé, monsieur Potter semble en état de choc. Monsieur Malefoy également et je dois vérifier s’il lui reste des plaies pour les prendre en charge. Ces deux garçons ont besoin de repos et de calme.