Promesse de sang

Harry avança pour se poster près de Luna, en silence. Il vit Rogue l’examiner attentivement les sourcils froncés et se crisper en voyant les taches de sang sur lui. Heureusement, les soins de Tonks avaient fait des merveilles et il n’avait plus aucune trace physique de l’altercation avec Malefoy. Personne ne pourrait dire qu’il s’était battu.

Malefoy bataillait visiblement avec Rusard pour avoir le droit de garder la canne de son père, mais le concierge restait inflexible en affirmant que c’était un objet interdit au sein de l’école. Le Serpentard dut plier lorsque Rogue intervint et proposa de garder la canne de son père en sécurité dans son bureau. Malefoy hocha sèchement la tête et il réprima avec grande peine un mouvement d’humeur. Il se renfrogna un peu plus en découvrant Harry derrière lui, mais il resta silencieux, lui lançant juste un regard chargé de haine.

Rogue approcha de Harry, le détaillant soigneusement, les lèvres pincées. Face à lui, il grogna, visiblement agacé.

   — Potter ! Je peux avoir une explication sur votre état ?

Harry lui rendit un regard aussi innocent que possible et il haussa les épaules avec désinvolture.

   — J’ai dû saigner du nez, monsieur. Ça m’arrive parfois. Probablement la joie de retrouver Poudlard…

Son professeur sembla fou de rage, mais Harry lui rendit son regard tranquillement, sans plier et sans la moindre crainte, et il retira une joie malsaine de voir l’homme abandonner et partir à grands pas, ordonnant aux trois élèves restants de le suivre d’un ton sans appel.

Luna resta près de Harry, silencieuse, comme si elle devinait qu’il n’avait pas l’esprit à discuter civilement. Malgré lui, l’adolescent finit par se détendre peu à peu, la présence calme de la Serdaigle agissant comme un baume apaisant sur son agitation. Juste avant d’entrer dans le château, il retint Luna en l’attrapant par le bras et il l’enlaça brièvement à son tour, comme elle l’avait fait pendant le trajet.

   — Merci.

N’importe qui d’autre que Luna Lovegood aurait probablement demandé des explications sur son comportement soudain, mais la jeune fille se contenta de lui rendre son étreinte et de laisser échapper un léger rire joyeux. Juste avant de s’éloigner de lui, elle murmura avec un petit clin d’œil.

   — Tu as un peu moins de joncheruines autour de toi, au moins.

Harry resta un instant figé par la surprise, puis il secoua la tête en souriant sans chercher à comprendre la déclaration farfelue et il entra dans la Grande Salle tranquillement, ignorant les regards sur son uniforme froissé et taché.

Il se laissa tomber à la table des Gryffondor, sans un mot, évitant le regard de ses amis fixé sur lui. Hermione avait les sourcils froncés, visiblement prête à lui sauter dessus pour exiger des explications sur son retard.

Il entendit le hoquet stupéfait de Hermione lorsqu’il se tourna légèrement et qu’elle vit de près son état ainsi que ses chuchotements frénétiques avec Ron, mais il les ignora, faisant mine d’être absorbé par le discours de Dumbledore et les petits nouveaux qui attendaient la répartition.

Il croisa un instant le regard furieux de Malefoy et il le fixa, juste assez longtemps pour que le Serpentard finisse par détourner les yeux, incapable de cacher sa grimace de colère.

 Durant toute la répartition, il observa Malefoy du coin de l’œil, ignorant Ron et Hermione qui cherchaient à attirer son attention. Cependant, dès que le banquet commença, il ne put différer plus longtemps les questions pressantes de ses amis.

   — Harry ! Mais où étais-tu ? Et pourquoi es-tu dans cet état ?

Hermione agrippait la table en se penchant vers lui et elle semblait prête à le secouer comme un prunier pour avoir ses réponses.

Le regard du jeune homme se porta immédiatement sur la table des Serpentard, sur Malefoy qui l’observait de nouveau et il haussa tranquillement les épaules sans quitter son rival des yeux.

   — Je me suis cogné en descendant du Poudlard Express. Rien de grave, j’ai juste un peu saigné du nez. Impressionnant, mais rien de grave… C’est déjà terminé.

Ron sembla accepter facilement l’explication, déjà en train de manger tout en continuant de remplir son assiette avec gourmandise, mais Hermione fronça les sourcils, dubitative.

   — Vraiment ? Pourquoi tu n’es pas revenu avec nous pendant le trajet ? On te cherchait !

L’adolescent eut un drôle de sourire, presque une grimace alors que ses yeux brillaient soudain. Puis, il fit un bref geste de la main pour écarter les questions tout en répondant pour calmer la curiosité maladive de Hermione.

   — J’étais avec Luna.

Harry savait que jamais Hermione n’irait demander à Luna… et Luna ne le trahirait pas.

La bouche pleine, Ron marmonna, sans quitter des yeux la patte de poulet qu’il tenait entre ses doigts pleins de graisse, en fronçant les sourcils.

   — Kes-tu fichais avec Loufoca ?

Harry lui jeta un regard noir en réaction au surnom donné à la jeune Serdaigle et il se servit — en portions bien moins généreuses que son ami sans répondre.

Hermione secoua la tête et parcourut la Grande Salle sur regard. Elle plissa les yeux lorsqu’elle arriva à la table des Serpentard, mais elle ne fit pas la moindre remarque. Harry savait cependant qu’elle avait des soupçons et qu’il devrait être un peu plus discret. Il n’avait pas vraiment peur de Hermione, mais elle pouvait être particulièrement obstinée et il savait qu’elle ne le lâcherait pas jusqu’à ce qu’il soit à une distance suffisante de Malefoy pour éviter de leur faire perdre des points.

Sauf que, au cours des semaines puis des mois qui suivirent, Harry ne parvint pas à cacher sa nouvelle obsession aussi bien qu’il le voulait.

Pour commencer, il avait tenté de convaincre ses amis que Malefoy était un Mangemort et qu’il avait la marque des ténèbres. Hermione lui répondait toujours avec aigreur que si c’était le cas, Dumbledore était forcément au courant. Et qu’il n’aurait jamais laissé entrer quelqu’un de dangereux au sein de l’école. Après tout, le directeur savait ce qu’il faisait et mieux valait ne pas s’en mêler pour ne pas s’attirer d’ennuis… une fois de plus.

Lorsque Hermione parla de la sécurité de Poudlard et de la toute-puissance de Dumbledore, le jeune homme se mordit la langue jusqu’au sang pour ne pas évoquer Quirell ou Croupton Junior, qui étaient entrés en toute impunité et qui avaient même enseigné à des enfants innocents. Sans parler de Ombrage et de ses méthodes punitives particulièrement inventives, dignes des plus cruels Mangemorts.

Ron semblait indifférent à la situation, haussant juste les épaules en lui disant de dénoncer Malefoy pour l’envoyer à Azkaban. Après tout, cette année, le Serpentard se tenait à distance d’eux et ça semblait suffisant pour le rouquin.