Guérir ensemble
Harry hoqueta et vacilla, alors que sa magie se faisait de plus en plus étouffante, presque intoxicante. Il était incapable de s’écarter de Drago. Une petite voix inquiète les fit sursauter, ramenant brutalement Harry au présent.
— Papa ? Tout va bien ?
Harry cligna des yeux, inspira et il tourna la tête vivement, perdant l’équilibre. Sans Drago pour attraper son avant-bras et le stabiliser, il serait tombé au sol.
Les trois enfants étaient arrivés en silence et ils les regardaient, serrés les uns contre les autres, Scorpius semblant effrayé. Harry se força à sourire et à se calmer, apaisant sa magie trop agitée.
— Ce n’est rien. Juste… de vieux souvenirs.
Drago acquiesça, fixant son fils pour le rassurer, avec un sourire.
— Tout va très bien. On vous appellera pour le goûter.
Albus Severus fronça les sourcils, l’air inquiet, en se mordillant légèrement la lèvre, mais il resta silencieux. Scorpius finit par hocher la tête, visiblement perplexe, et ils repartirent doucement, non sans se retourner pour jeter des regards suspicieux aux deux hommes. Lily Luna suivait le mouvement, regardant les deux garçons autour d’elle comme pour se rassurer, ne comprenant visiblement pas ce qui se passait.
Lorsqu’ils eurent disparu, Harry se laissa glisser à genoux, tremblant, incapable de se relever. Il souffla, d’une voix brisée.
— Je suis désolé.
Drago lui posa la main sur l’épaule, un peu hésitant, surpris de sa réaction aussi violente.
— De quoi ? Je suppose que je l’avais mérité. J’ai fait des erreurs, de graves erreurs. Tu n’y pouvais rien.
Harry ferma les yeux, perturbé, et posa la question qui lui brûlait les lèvres.
— Combien de temps ?
Drago hésita brièvement, puis pressa légèrement l’épaule de Harry comme pour le rassurer.
— Six mois.
Harry blêmit et Drago se dépêcha de dévier la conversation en sentant la magie du brun s’agiter de nouveau, refusant de donner des détails sur ces longs mois d’enfer. Avant, il aurait peut-être aimé faire culpabiliser Harry Potter. Mais ils avaient tous les deux changé.
— Tu sais que mes fauteuils sont confortables, Potter ? Ne reste pas par terre ou je vais être obligé de m’asseoir à côté de toi pour ne pas avoir l’air idiot en hauteur.
La diversion fonctionna puisque Harry laissa échapper un rire nerveux.
— Tu t’installerais vraiment par terre ?
Drago le fixa en haussant un sourcil, ce qui fit rire de nouveau Harry. Il se leva lentement, encore tremblant, mais plus calme, et il rejoignit lentement son fauteuil. Il s’y laissa choir en se frottant le visage, avec l’impression d’être épuisé et d’avoir terriblement vieilli en quelques minutes.
Après un long silence, Harry murmura, calmement.
— Je suis désolé. Terriblement désolé. Je n’ai jamais su que tu… J’avais tout dit à Kingsley, je lui avais dit en détail que tu nous avais aidés, que tu ne voulais pas vraiment être avec… lui. Que tu n’avais pas… pu tuer Dumbledore. Je croyais que ça serait suffisant pour que tu sois tranquille… Pour qu’il te laisse vivre ta vie en paix.
Drago marmonna, un peu mal à l’aise, évitant le regard de Harry alors que les souvenirs d’Azkaban lui revenaient. Le froid, la crasse, les hurlements. La solitude, l’humiliation constante par les gardiens. C’était gravé dans son esprit à jamais.
— Shakelbolt ? Le ministre ? C’est lui qui m’a fait libérer. Apparemment, il y a eu des lenteurs administratives. Je n’étais pas vraiment en état de comprendre ses explications… à l’époque. Enfin, peu importe. C’est terminé.
Harry serra brièvement les poings en fermant les yeux, mais il se maîtrisa assez pour ne pas s’emporter une fois encore. Il hésita en regardant autour de lui puis il reprit.
— Et tes parents ?
Le visage de Drago se ferma soudain et il se redressa, alors que ses yeux prenaient l’éclat de l’acier.
— Je n’ai plus de contact avec eux. Après… la guerre, je pensais qu’ils avaient compris et appris de leurs erreurs. Visiblement, non. M’imposer un contrat de mariage a été leur dernière erreur.
Harry resta silencieux, gêné d’avoir posé cette question. Drago ricana, plein d’amertume.
— Ne fais pas cette tête. Ils sont en vie, mon père est sorti d’Azkaban après cinq petites années… bien insuffisantes dans son cas, si tu veux mon avis. Ils sont dans leur foutu manoir immense et profitent de leur or. Si tu veux savoir, ils ne me manquent pas vraiment. J’ai mon fils, et je suis libre. Mon père voulait que je prenne sa suite au Ministère… que je reprenne le pouvoir qu’il avait perdu avec ses choix désastreux. Lorsque j’ai découvert leurs manigances pour m’obliger à épouser une Sang-Pur adhérant à leurs idéaux, j’ai claqué la porte. Il était trop tard pour… annuler ce foutu contrat, mais ils n’ont pas eu l’occasion de profiter de l’influence de ma belle-famille ou de l’arrivée d’un nouvel héritier pour transmettre leur précieux nom. Mon… épouse a rapidement compris que mon fils ne recevrait pas la même éducation que nous et même si elle était furieuse au début, nous avons fini par devenir… plus ou moins amis. Puis elle est décédée et… Quand je pense que mon père pensait réellement que le monde magique ferait de nouveau confiance à un Malefoy…
Harry sourit tranquillement, après l’avoir écouté sans bouger.
— Pour ce que ça vaut, je te fais confiance.
Drago le fixa quelques instants, songeur, avant de lui sourire doucement, avec une expression soudain apaisée.
Ils restèrent ensuite silencieux, profitant juste de la présence de l’autre, appréciant le moment de calme, perdus dans leurs pensées. Ce n’était pas gênant, juste… confortable. Harry se laissait aller avec l’impression d’être enfin éveillé après un long sommeil. Il avait la sensation de revenir à la vie, de sentir son sang circuler dans son corps et lui offrir une énergie qu’il n’avait plus eue depuis la fin de la guerre. Il en profitait pour observer Drago, se gorgeant de son image et admettant sans peine qu’il lui avait manqué.
Les enfants arrivèrent en courant, riant et chahutant gentiment, les faisant sursauter. Harry sourit largement en les voyant si complices, et il leur proposa de goûter. Pendant que Harry coupait le gâteau et distribuait les parts, Drago leur servait du jus de citrouille.
La collation fut rapidement dévorée et les trois enfants semblèrent satisfaits de voir que leurs pères respectifs semblaient bien s’entendre. Ils repartirent donc en courant vers les profondeurs de la maison, joyeux et insouciants, et Harry secoua la tête.
— Visiblement, ton fils a beaucoup de choses à leur montrer…