Guérir ensemble
Ainsi, cette seconde grossesse qui s’annonçait n’avait pas été désirée, loin de là. Harry fut attentif, comme pour leur premier enfant. Il n’y eut pas de miracle : le jeune homme restait distant, perdu dans son esprit, et Ginny n’arrivait plus à se voiler la face.
Harry ne s’animait vraiment que pour son précieux fils et cet enfant à naître que Ginny regrettait de toute son âme.
Comme pour la punir de ses regrets, la grossesse de Ginny fut particulièrement difficile. Elle dut rester alitée la plupart du temps et elle découvrit la solitude. Harry était sans cesse en déplacement à cause de son travail et il déposait Albus Severus chaque matin chez Molly pour laisser sa femme se reposer au calme.
Cette fois, Ginny en vint à haïr l’enfant qu’elle portait. À ses yeux, ce n’était qu’un poids, un parasite qui la clouait au lit. C’était ce qui l’empêchait de quitter Harry ou d’être heureuse. C’était ce qui déformait son corps autrefois svelte, qui la rendait malade et qui la faisait vomir encore et encore.
Elle refusait de parler de l’enfant ou de faire des projets à son sujet. Elle ne voulut même pas savoir le sexe, laissant Harry discuter avec le médicomage, se perdant dans ses pensées pour ne rien entendre, indifférente.
Harry ne sembla pas s’en inquiéter, comme si son comportement était normal. Ou comme s’il s’en moquait. Il continuait de la choyer les brefs moments où il était présent, lui offrant de quoi se divertir ou lui apportant tout ce dont elle pourrait avoir envie et il vénérait son ventre gonflé, commençant déjà à parler au bébé avec un ton doux que Ginny ne connaissait pas.
De son côté, la jeune femme comptait les jours jusqu’à sa délivrance, voulant être débarrassée de cet enfant au plus vite.
Ginny accoucha avec un mois d’avance d’une petite fille. Lily Luna Potter. Cette fois, ce fut Harry qui choisit les prénoms, sans même la consulter. Elle ne regarda pas sa fille, elle ne la prit jamais dans ses bras.
Le temps que Ginny dut rester alitée pour se remettre, Harry prit en charge les deux enfants sans un mot de reproche. Elle les voyait vivre autour d’elle, elle partageait le lit de Harry, mais elle n’était déjà plus présente dans son esprit.
Ginny ignorait ses enfants, ne parvenant pas à se rapprocher d’eux, ou même à les aimer. Le rejet était si violent qu’elle n’imaginait même pas les toucher, de peur de leur faire du mal.
Lorsque Hermione venait les voir, Ginny prétendait qu’elle était épuisée ou grippée. C’était suffisant pour détourner l’attention de son comportement et Hermione parlait de sa propre grossesse alors que son ventre commençait à s’arrondir doucement…
Il fallut deux mois à Ginny pour se sentir assez solide pour mettre à exécution son plan, ce plan qu’elle préparait depuis des mois. Si physiquement elle allait mieux depuis quelque temps, elle n’avait pas encore eu la force mentale d’aller jusqu’au bout.
C’était un dimanche et ils auraient dû le passer en famille. Harry avait proposé une sortie en plein air, mais Ginny avait prétexté une migraine. Son mari avait vaguement hoché la tête et préparé les enfants sans insister.
Ginny laissa un unique mot. « Pardon ».
Pardon de ne pas avoir vu à quel point Harry était brisé, pardon de ne pas avoir pu le ramener. Pardon de l’avoir trop aimé, ou mal aimé. Pardon de ne pas aimer les enfants, de ne pas pouvoir les approcher sans ressentir cette jalousie, cette colère parce qu’ils avaient ce qu’elle n’avait jamais pu obtenir.
Elle n’emporta rien. Malgré la richesse de Harry, héritée de ses parents et de Sirius, ils avaient mené une vie simple qui leur convenait à tous les deux. Ginny avait peu de possessions, rien d’important à ses yeux. Elle ne voulait pas de souvenirs, de photos. Elle voulait juste une nouvelle vie et tout oublier.
Elle avait de l’argent, puisque son salaire durant la période où elle avait joué pour les Harpies dormait sur un compte. Ils n’y avaient jamais touché, pensant le mettre de côté pour un jour s’offrir une maison pour leurs vieux jours, et la jeune femme comptait bien refaire sa vie avec.
Elle quitta la maison, sans un regard en arrière et sans un regret. Son talent de poursuiveuse avait été repéré lorsqu’elle était en activité par une équipe japonaise et elle les avait contactés en espérant qu’ils soient toujours intéressés.
Ils l’étaient.
Alors qu’elle quittait son ancienne vie, Ginny se demanda si Harry la rechercherait. Puis elle décida que ça n’avait pas d’importance. Elle avait signé une demande de divorce, que Harry recevrait rapidement. Il pourrait reprendre lui aussi sa vie, librement, et peut-être enfin sortir de cette dépression qui l’avait transformé en zombie.
Même si ses rêves étaient brisés, Ginny l’aimait encore assez pour lui souhaiter le bonheur, quoi qu’il puisse arriver.
*
Harry accepta la disparition de Ginny sans émotion visible. Elle était partie, mais ça ne changeait pas vraiment sa vie. Depuis sa seconde grossesse, elle était… absente. C’était lui qui s’occupait des enfants, de la maison. Ils parlaient à peine, partageant l’espace comme deux étrangers.
Il haussa simplement les épaules, en décidant qu’elle devait avoir une excellente raison et qu’il ne pouvait pas lui en vouloir. Il était sincère, il ne lui en voulait pas le moins du monde.
Ron fut furieux, hurlant et tempêtant après sa sœur. Il voulait qu’elle soit retrouvée et ramenée, contrairement à Harry. Il passait son temps chez Harry, le poussant à réagir, à aller récupérer sa femme, voulant lui-même envoyer les Aurors à ses trousses. Harry sortit momentanément de son apathie, par la force des choses, et les deux amis se disputèrent violemment. Hermione tenta d’apaiser les choses, effarée, mais elle dut se rendre à l’évidence : il n’y aurait que le temps qui pourrait calmer les choses.
Molly pleura beaucoup, hurla également, avant de s’effondrer. Mal à l’aise, Harry la rassura comme il le pouvait, en lui répétant que tout irait bien sans savoir quoi dire de plus.
Puisqu’il était désormais père célibataire, il fut affecté à un poste de bureau. Ce n’était pas un problème pour lui, il n’avait jamais aimé être Auror.
Au début, ses collègues n’osaient pas parler ou rire en sa présence, gênés. Ils ne savaient pas comment aborder le jeune homme, persuadés qu’il était dévasté.
Or, son comportement resta le même, comme si rien n’avait changé. Alors, la routine reprit ses droits, petit à petit. Le départ de Ginny devint un fait divers, abondamment commenté dans la Gazette puis rapidement oublié.