Guérir ensemble

Préalable : Dans cette fiction, je change certains faits. Ainsi, le couple Harry-Ginny n’aura que deux enfants, Albus Severus et Lily Luna. Mon histoire diffère du canon à partir de la fin du canon.



Les mois passèrent. Harry intégra le corps des Aurors, poussé par ses amis et par le monde magique en général. C’était ce dont il avait rêvé un jour et tout le monde s’était emparé de son rêve, le forçant à le réaliser. Il se laissa entraîner dans cette voie sans protester.

Il laissa tout le monde — y compris Ginny — croire qu’il était en couple avec la cadette Weasley. Après tout, Ginny était une amie précieuse et il ne s’inquiétait pas trop de l’avenir à ses côtés. Puisque la jeune fille avait intégré l’équipe des Harpies en tant que poursuiveuse, ils se voyaient rarement, échangeant parfois un sage baiser, toujours à l’initiative de Ginny, rien de plus. Cette distance convenait à Harry.

Harry était toujours dans ce brouillard, dans ce flou cotonneux, lorsqu’il se retrouva devant l’autel avec Ginny. Un jour, elle avait parlé de mariage et il avait vaguement hoché la tête en marmonnant une réponse qui lui semblait de circonstance. Heureuse, la jeune femme avait souri et Molly avait tout organisé… et Harry n’avait pas protesté. Il avait laissé faire, presque indifférent.

Il épousa donc Ginny dans la liesse générale, puis passa de bras en bras en étant félicité sans vraiment savoir pourquoi. Personne ne se rendit compte de son regard perdu.

Les yeux de Harry brillèrent un peu plus le jour où Ginny annonça sa première grossesse. Lorsqu’il eut son fils premier né dans les bras, il versa des larmes de joie sous le regard ému de sa désormais femme.

Il se sentit terriblement vivant pour la première fois depuis une éternité, avec ce bébé hurlant, une touffe de cheveux noirs sur le crâne. Il pensa lui donner le nom de son père, James, mais il hésita, se souvenant de ce qu’il avait appris sur le comportement de ce dernier. Ginny trancha pour lui, décidant que l’enfant s’appellerait Albus en hommage à un grand sorcier. Harry, qui n’avait jamais révélé que Dumbledore avait prévu son sacrifice, ajouta Severus en second prénom, décidé à honorer l’homme qui avait sacrifié sa vie entière pour le souvenir de Lily Evans…

Puisqu’il était pris par ses obligations d’Auror, ce fut Ginny qui se chargea de leur fils au début. Harry replongea dans ce brouillard qui anesthésiait ses sentiments et ses doutes, reprenant une routine qu’il haïssait sans pour autant oser le dire. Il ne reprenait vie que le soir, lorsqu’il rentrait près de son fils…

*

Lorsqu’Albus Severus fêta ses deux ans, Ginny découvrit qu’elle était de nouveau enceinte.

Après moins de trois années de mariage, la jeune femme avait sérieusement déchanté. Le monde magique l’enviait et imaginait une vie parfaite auprès de l’homme idéal. Sauf que Harry ne correspondait pas du tout à ses rêves de petite fille.

Lorsque la guerre avait pris fin, elle l’avait patiemment attendu. Il semblait ailleurs, perdu dans son monde. Elle était restée près de lui pour le soutenir, souriante et amoureuse.

Lorsqu’elle avait parlé de reprendre leur relation, Harry avait hoché la tête, comme s’il trouvait la question inutile. Le cœur de Ginny avait battu plus fort en pensant que Harry n’avait jamais cessé de l’aimer.

Elle avait rejoint une équipe de Quidditch professionnelle, avec l’impression qu’elle ne pourrait jamais être plus heureuse. La vie lui offrait tout ce dont elle avait un jour rêvé…

Elle avait épousé son prince charmant, tout en le couvant du regard d’un air inquiet. Harry était toujours trop calme, les yeux perdus dans le vide. Il fallait le connaître pour s’en rendre compte et elle l’avait suffisamment observé pour comprendre qu’il n’était pas tout à fait lui-même.

Elle en avait longuement parlé avec Hermione, effrayée à l’idée de le perdre, mais sa belle-sœur l’avait rassuré. Elle lui avait révélé que Harry avait pensé à elle chaque jour durant leur fuite et qu’il devait se remettre de la guerre. Hermione était certaine qu’une fois marié, Harry reviendrait progressivement à la vie. Il avait juste besoin de temps après tout.

Le mariage n’avait pas vraiment changé leur quotidien : elle était souvent en déplacement pour les matches de Quidditch et quand elle était de retour, Harry était de service au bureau des Aurors.

Harry osait à peine la toucher également et découvrir sa grossesse fut une véritable surprise : ils partageaient le même lit, mais il était rare que leur union soit consommée.

Lorsqu’elle annonça à Harry qu’il allait être père, Ginny eut l’impression que tout allait s’arranger. Il redevint quelques instants le Harry d’autrefois, joyeux et heureux, les yeux brillant comme des émeraudes, empli de projets.

Elle dut arrêter le Quidditch et Harry la couva pendant sa grossesse, touchant son ventre arrondi avec presque de la vénération.

Après l’accouchement, la dévotion de Harry se reporta sur le bébé, et Ginny en conçut une jalousie amère. Elle se haïssait de ces sentiments envers son propre fils, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Son bébé volait l’homme de ses rêves et elle ne pouvait rien faire…

Elle s’occupa de son fils à la perfection, veillant à ce qu’il ne manque de rien, mais elle n’arrivait pas à s’attacher à lui. D’autant plus que lorsque Harry arrivait, le bébé tendait aussitôt les bras vers son père avec de larges sourires comme s’ils avaient déjà une relation privilégiée.

En grandissant, Albus Severus ne changeait pas : il portait toute son affection sur son père, le regardant comme le seul pilier de sa jeune vie.

Ginny pensa que la jeune fille qu’elle était quelques années plus tôt aurait aussitôt hurlé et agi. Elle ne serait pas restée passive à regarder ses rêves sombrer avec son mariage.

Elle se demandait combien de temps elle allait pouvoir supporter cette situation, vivre aux côtés d’un homme perdu dans son monde, dépressif la plupart du temps, qui la voyait à peine. Elle détestait l’atmosphère de tristesse constante qui entourait Harry, son regard vide, ses sourires qui semblaient faux. Tous ses efforts pour l’aider ne servaient à rien et elle baissait les bras.

Elle pouvait difficilement se plaindre puisqu’elle avait eu tout ce qu’elle réclamait autrefois… mais elle commençait à imaginer une autre vie, une vie où elle pourrait être elle-même, où elle retrouverait son ancienne joie de vivre.

C’était comme ce conte que Harry lisait souvent, au sujet d’un homme qui voulait retrouver sa fiancée décédée et qui avait trompé la mort pour être exaucé. Il avait revu la jeune femme de ses rêves, mais… il avait amèrement regretté. De la même façon, elle avait Harry, mais il était loin de celui qu’elle avait aimé plus que tout.

Harry la touchait à peine et c’était souvent Ginny qui initiait leurs rapports. Un soir, voulant se convaincre que leur couple ne fonctionnait plus, et désirant un souvenir de Harry lorsqu’elle changerait de vie, elle se pressa contre son mari, sans se douter que cette brève étreinte entraînerait une conséquence inattendue.