Secrets de Serpentard : La noble famille Black

Chapitre 27 : Le bal des sœurs

7009 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/11/2022 17:53

Bonjour tout le monde !

J’espère que vous vous portez bien en ce mois de novembre pluvieux. 

Tout d’abord, merci encore de continuer à suivre cette histoire, je vois vos vues augmenter à chaque chapitre, et ça me fait incroyablement plaisir. Je sais que c’est une fic assez longue, donc pas forcément évidente à lire sur un écran, et pourtant vous êtes toujours là, alors merci infiniment ! ❤️


Me revoici pour un nouveau chapitre assez (!) long mais plutôt dense. Je dirais même que c’est dans celui-ci que tout se joue pour Narcissa et Andromeda. En effet, après les récents évènements plutôt fâcheux, Lucius propose à Narcissa de se changer les idées à l’occasion d’un grand bal de Noël ; mais si vous suivez cette histoire depuis le début (merci ❤️❤️ à vous), vous commencez à comprendre que rien ne se passe jamais comme prévu pour la famille Black.

Nous voici donc en chemin pour le somptueux manoir des Malefoy, pour une soirée dansante pour le moins mouvementée, le tout dans une ambiance de Noël festive et fastueuse.

Ready ?


Une dernière chose : pour ceux qui aiment lire en musique, la chanson Beauty and the Beast me fait vraiment penser au début de ce chapitre, qui est plutôt enchanteur.

(J’ai été biberonnée au Disney, alors...)


Bonne lecture à tous, en musique ou non ;)


***


Quelques jours plus tard, pour le bal de Noël prévu chez Lucius, la tante Walburga fit preuve d'une étonnante générosité, et leur offrit chacune une robe sublime de chez Tissard et Brodette, avec option Ajustement Automatique. La robe de Bellatrix était noire, car celle-ci n'acceptait de porter que ça. Celle de Narcissa était bleue, fluide, admirablement coupée et finement brodée de fils d'or – un ensemble qui redirigeait subtilement le regard vers ses beaux yeux bleus et sa longue chevelure blonde.

Mais celle d'Andromeda était de loin la plus belle des trois : c'était une pièce d'exception, bleu nuit, brodée de feuilles d'argent, très nombreuses vers le bas de la robe, puis qui s'espaçaient en remontant jusqu'à la taille.

– Tu dois être belle pour ton fiancé, avait dit Walburga en lui tendant le somptueux vêtement.

Andromeda prit la robe sans même remercier sa tante. Elle l'enfila, les larmes aux yeux, engourdie comme si ses membres étaient de plomb. Narcissa la surveillait, inquiète : même avec sa robe étincelante, et sa grande échancrure triangulaire dans le dos, Andromeda n'était déjà plus que l'ombre d'elle-même. Quand Walburga la coiffa comme elle savait si bien le faire, elle aurait tout aussi bien pu lui raser la tête, Andromeda n'y prêtait aucune attention. Lorsque Narcissa lui proposa différents bijoux, on voyait bien que chaque accessoire supplémentaire était un fardeau de plus à porter, une décoration destinée à charmer un homme qu'elle avait toujours voulu repousser.

Quant à Bellatrix, en voyant la robe qui lui était destinée, elle se moqua : elle, à un bal ? Elle avait des choses bien plus importantes à faire. Et quand Narcissa lui supplia de venir pour qu'elle puisse enfin lui présenter Lucius, Bellatrix lui rit au nez :

– Ce Malefoy n'a rien dans le ventre, Cissy, ça n'est qu'une grande autruche qui ne sait faire que des courbettes ! Viens plutôt avec moi, je te présenterai de vrais hommes d'action...

Narcissa haussa un sourcil, surprise : c'était la première fois que Bellatrix lui proposait de l'accompagner.

– J'aimerais beaucoup, lui dit-elle, ravie de pouvoir enfin franchir le mur d'acier que Bellatrix avait dressé entre ses sœurs et ses activités nocturnes.

– Après le bal, alors, je t'emmènerai... Amuse-toi bien !

Et Bellatrix partit, en laissant sa robe noire à ses sœurs.

Le soir venu, après un long trajet où seul le grincement du levier de vitesse troubla le silence, la voiture sans conducteur louée par Orion s'arrêta sur une route de campagne déserte. Au-delà du périmètre éclairé par les phares, les environs étaient plongés dans une insondable obscurité.

– Pourquoi s'arrête-t-on ? Il n'y a rien, ici, dit Narcissa en frappant sur le siège conducteur pour relancer la voiture, sans succès.

Elle ouvrit sa fenêtre, et un parfum humide et boisé lui rafraîchit agréablement le visage. Ne voyant aucune propriété alentours, elle passa sa main sur le côté de sa robe, et une poche y apparut. Elle en sortit l'invitation officielle, afin de s'assurer qu'aucune information ne lui avait échappé :

Vous avez l'honneur d'être convié(e) au bal de Noël généreusement organisé par le grand Lucius Malefoy.

Tenue élégante attendue, le maître de maison se réserve le droit de trier les visiteurs à l'entrée.

L'adresse est connue par tous les véhicules sorciers, et reliée au réseau des Cheminettes sous l'appellation "Manoir des Malefoy". Cette invitation vous servira d'autorisation d'accès.

Narcissa sourit en entendant intérieurement la voix ronflante de Lucius prononcer ces mots.

– Regarde, c'est là, dit Andromeda d'une voie éteinte.

Narcissa se pencha vers sa sœur pour regarder ce qu'elle lui montrait, et constata que la haie qui bordait la route du côté d'Andromeda s'était mise en mouvement : quelques arbres inclinèrent leurs troncs vers la route, comme s'ils saluaient les nouvelles arrivantes, et s'écartèrent pour les laisser passer, tout en mimant un geste galant avec leurs branches.

La voiture bifurqua sur l'allée nouvellement apparue, bordée à gauche par des mûriers sauvages aux tiges basses, et à droite par une haute haie soigneusement taillée. Narcissa, qui trépignait d'impatience, s'arc-bouta sur les deux sièges de devant pour voir la suite du spectacle.

Un peu plus loin, après un virage, un impressionnant portail de fer forgé, auquel la lueur blafarde de la pleine lune donnait une allure inquiétante, leur barra la route. Mais de nouveau, à l'approche du véhicule, les deux battants du portail pivotèrent vers l'intérieur du domaine, bien que personne ne l'eût ouvert.

Un grondement emplit alors la voiture, signalant à ses deux passagères qu'elles roulaient désormais sur des graviers. Narcissa saisit avec enthousiasme la main gantée d'Andromeda : devant elles, un élégant manoir aux innombrables tourelles se découpait dans l'obscurité, éclairé par une lumière chaleureuse qui semblait provenir des murs eux-mêmes autant que des grandes fenêtres à croisillons.

La voiture roula jusqu'à la statue d'un homme à l'air hautain, vêtu d'une cape au volumineux col de fourrure, dont le regard fixait intensément le ciel. Sur le socle en marbre figuraient les inscriptions suivantes, gravées en lettres d'or :

ARMAND MALEFOY (1026 - 1133)

A héroïquement acquis ce manoir en l'an 1067

La statue leur indiqua du bout de son sceptre la direction à prendre, sans daigner baisser la tête. La voiture obtempéra, tourna vers la droite, descendit une pente douce et rejoignit une trentaine d'autres véhicules en contrebas.

Narcissa et Andromeda sortirent de la voiture, un peu engourdies par le trajet, et remontèrent le chemin en sens inverse pour revenir sur l'allée principale. À leur gauche, la pleine Lune apparaissait et disparaissait derrière les rangées d'ifs qui étouffaient le son de leurs pas.

Alors qu'elles s'approchaient du manoir, Narcissa s'aperçut que l'air se réchauffait au fur et à mesure qu'elles avançaient, et lorsqu'elles arrivèrent à proximité de la foule de convives qui se pressait devant le manoir, la température était devenue tout à fait agréable. Un porte-manteau sculpté, chargé d'étoles et de chapeaux, accourut vers elle pour les débarrasser de leurs lourdes capes, et s'en fut vers d'autres nouveaux arrivants.

Narcissa regarda les nombreux invités avec appréhension. Tous étaient vêtus de leurs plus beaux habits, portaient des parures étincelantes, et rayonnaient d'une assurance sereine. Certains vêtements changeaient de couleur au rythme des pas de leur propriétaire, d'autres semblaient ruisseler comme des cascades, et une dame abritait même quelques moineaux sur son immense chapeau. Parmi les invités, les dépassant de plusieurs têtes, Narcissa aperçut même quelques statues, qui étaient descendus de leurs piédestaux pour participer aux festivités, et dont les visages de pierre affichaient un air réjoui. Quelques sphères brillantes flottaient au milieu d'eux ; elles diffusaient une lumière douce, enflaient puis se resserraient, comme si elles respiraient, et éclairaient de manière avantageuse le visage des invités, maquillés à des degrés extrêmement variables.

Narcissa tendit le cou pour apercevoir Lucius au milieu des statues et des sphères lumineuses, mais à son grand désespoir, elle ne le vit pas. En revanche, son amie Daisy accourut aussitôt vers elles, aussi vite que lui permettaient ses escarpins vernis. Elle portait une jolie robe de soie rose et nuageuse, qui allait parfaitement avec son teint.

– Andromeda, dit-elle en serrant celle-ci dans ses bras, je suis heureuse de te voir ! J'ai appris ce qui t'est arrivé, c'est terrible... Mais Hector est moins féroce que son frère, je t'assure, c'est Rascus le pire ! Enfin, tu sais, la maison des Crabbe est juste à côté de la nôtre, tu pourras venir te réfugier chez moi quand tu veux ! Et ma mère projette d'acheter un cerbère nain, je t'en commanderai un pour te défendre si Hector t'agace...

À la vue de Daisy, les joues d'Andromeda reprirent quelques couleurs, et Narcissa remercia son amie du regard.

– C'est ainsi, n'y pensons plus, dit Andromeda en triturant un pli de sa robe. Profitons plutôt de la soirée, d'accord ?

– Oui, d'accord, approuva doucement Daisy. Alors... Où avez-vous acheté ces robes sublimes ?

– Tissard et Brodette, déclara Narcissa.

Devant l'expression admirative de Daisy, elle se sentit obligée d'ajouter, avec une petite grimace :

– C'est Walburga qui nous les a offertes...

Entre les invités, une dizaine de plateaux d'argent chargés de boissons et de petits fours circulaient en lévitation, sans faire de bruit, en prenant soin de n'oublier personne et en évitant avec dextérité les mouvements brusques de certains. Daisy fit un geste vers l'un des plateaux, qui vint immédiatement à sa rencontre, et tendit à Narcissa et Andromeda deux coupes de champagne.

– Vous avez entendu parler des dernières nouvelles ? demanda Daisy avec gravité. Voldemort a diffusé un nouveau message, qui est apparu sur toutes les affiches du Ministère... Il veut vraiment s'en prendre aux moldus, et les soumettre entièrement aux ordres des sorciers...

En entendant le nom de Voldemort, Narcissa sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine, et s'ébroua pour chasser cette sensation. Daisy semblait également avoir du mal à le prononcer, mais s'y efforçait malgré tout.

– Tout ça me révolte, dit Andromeda, à qui la mention de Voldemort semblait redonner un peu d'ardeur. Et le pire, c'est que notre entourage a l'air de trouver ça normal, c'est révoltant ! Il y a plein de jeunes sorciers qui sont d'accord avec lui, et qui rêvent de le rejoindre ! Même notre cousin Regulus, qui a onze ans, n'a pas l'air si réticent que ça à cette idée... Il le trouve impressionnant, vous vous rendez compte ?

– Mes parents sont très inquiets, approuva Daisy. Ils craignent que les nouvelles règles de protection des moldus ne déplaisent aux anciennes familles de sorciers, et que cela ne les pousse à se ranger du côté de ce... de ce Voldemort.

– Ils seraient parfaitement capables de croire les horribles mensonges que Voldemort raconte sur les Moldus, dit sombrement Andromeda. Les sorciers ne savent absolument rien à propos d'eux, alors que nous les côtoyons en permanence ! Quand je pense que l'Étude des Moldus vient d'être créée à Poudlard, et que ce n'est qu'une option...

– Oui, c'est vraiment dommage, renchérit Daisy. Mes parents sont furieux, ils auraient adoré étudier cette matière.

– Heureusement qu'il reste quelques personnes sensées sur la Colline d'Émeraude, dit Andromeda avec un pâle sourire. Pour les autres familles, j'ai bien peur qu'elles ne soient à la merci de la moindre main tendue par Voldemort...

– Vous ne devriez pas prononcer son nom, murmura Narcissa. J'ai entendu que ça pouvait porter malheur.

– Je m'en fiche complètement, répliqua Andromeda. Tu sais, au point où j'en suis...

Narcissa haussa les épaules, et continua à scruter la foule à la recherche de Lucius. Elle-même n'avait pas vraiment d'avis à propos de Voldemort. En réalité, elle n'avait jamais eu d'avis tranché sur ce qui ne la concernait pas directement – et d'ailleurs, personne ne le lui demandait. Elle n'aimait pas lire La Gazette du Sorcier, car cela allongeait encore la liste de ce qui la tracassait, et la ramenait toujours au souvenir de son père absent, aveuglément plongé dans son journal. En revanche, Narcissa était surprise de voir Andromeda réagir avec autant de verve. L'influence de Ted, sans doute...

– Narcissa, te voilà, dit la voix tant attendue derrière son dos.

Emportée par ses pensées, elle n'avait pas vu Lucius approcher.

– Lucius ! s'exclama Narcissa avec joie.

Il était plus beau que jamais, dans un costume parfaitement coupé, qui mettait en valeur sa silhouette élancée. Il était habillé de façon plus sobre que la plupart des invités, et était surtout infiniment plus élégant. Il approcha en passant une main dans ses cheveux blonds, salua Daisy et Andromeda d'un simple signe de tête, et proposa son bras à Narcissa :

– Tu viens ? Je vais te présenter tout le monde.

– Avec plaisir... Je vous retrouve plus tard, dit Narcissa à Andromeda et Daisy, qui lui sourirent en retour, compréhensives.

Sans plus de cérémonie, Narcissa s'éloigna donc au bras de Lucius, radieuse. Il passa furtivement une main dans son dos, tout en lui adressant un sourire réjoui.

– Tu es resplendissante, lui glissa-t-il à l'oreille. Décidément, les robes qui t'appartiennent vraiment te vont infiniment mieux que celles de Carla Avery...

– Tu ne vas pas recommencer, dit Narcissa entre ses dents, tout en essayant de lui pincer le bras.

– Oh non, je ne voudrais pas subir une autre de tes petites vengeances... Surtout ce soir, ajouta-t-il en désignant la myriade d'invités, tous plus importants les uns que les autres.

Sur leur chemin, un peu à l'écart du reste des invités, ils croisèrent un couple qui portaient à leur bouche des petits cylindres incandescents, et exhalaient une épaisse fumée verte.

– Attention avec vos Fumobec, mes amis, avertit cordialement Lucius. Quelques Aurors sont de la partie, je ne suis pas sûr qu'ils apprécient...

Les deux invités le remercièrent et partirent se cacher derrière un bosquet.

Dès les premiers pas au milieu des invités, Narcissa sentit sur elle la caresse délicieusement familière des regards envieux, et en fut immédiatement revigorée. Devant eux, la foule compacte s'écartait docilement, on les hélait de toute part et les cercles initialement hermétiques s'ouvraient comme par magie.

De plus, au bout de quelques minutes, Narcissa réalisa avec soulagement que la plupart des noms lui étaient familiers. Elle en avait rencontré beaucoup, pendant ses deux années de mondanités insupportables au bras de sa tante Walburga, avant d'entrer à Poudlard : et Narcissa put enfin mesurer pleinement, ce soir-là, l'ampleur du bénéfice qu'elle avait pu en tirer en notant, dans son ennui, leurs manières et leurs expressions, s'approprier celles qui sonnaient justes et les utiliser comme si elle y était baignée depuis toute petite.

Alors, avec audace, elle entra dans la danse des mondanités hypocrites. Et après des années à décrypter les intentions sournoises de sa tante, à chercher désespérément des phrases apaisantes au chevet de sa mère, ou à vouloir plaire à tous ceux qu'elle avait rencontrés, Narcissa fut enivrée par le plaisir de se retrouver dans la position de celle qu'il fallait courtiser.

Les invités étaient soit des officiels du Ministère, soit des familles fortunées – dont les Crabbe, les Goyle, les Nott, les Rosier, les Parkinson, les Selwyn, les Croupton – et Narcissa fut impressionnée de voir à quel point Lucius y faisait l'unanimité, lui qui n'avait que dix-huit ans, et se demanda comment il avait pu s'attirer la sympathie de tous ces importants personnages.

– Ils ont l'air de t'adorer, lui chuchota-t-elle dès qu'elle en eut l'occasion.

– La plupart sont endettés auprès de notre famille, expliqua Lucius. Dès que j'ai commencé à remplacer mon père aux réunions mondaines, la plupart d'entre eux ont essayé de m'embobiner ; mais heureusement, mon père m'avait bien préparé.

– Ton père est ici ?

– Oui, dans sa chambre... Il nous observe depuis là-haut, mais il ne se montre pas. Il n'est plus vraiment présentable, depuis qu'il s'est empoisonné.

Narcissa leva les yeux vers les innombrables fenêtres du manoir, se demandant derrière laquelle pouvait bien se cacher Abraxas Malefoy. Et, dans une des tourelles les plus hautes et les plus sombres de celles qui se dressaient au-dessus d'elle, Narcissa crut apercevoir une grande silhouette les scruter depuis l'obscurité...

D'une légère pression sur la main, Lucius lui montra discrètement une petite femme énergique, habillée de bleu, un peu à l'écart et légèrement renfrognée, autour de laquelle se pressaient un grand nombre d'invités.

– Regarde, il y a même Eugenia Jenkins, la Ministre de la Magie... Elle était assez réticente, je crois, mais elle ne pouvait pas se permettre d'être absente alors que tout le Magenmagot est là !

– Je croyais que ton père n'était pas très apprécié du Magenmagot ?

Lucius rit comme si elle avait fait une bonne plaisanterie, et désigna du menton les plateaux d'argent couverts de bouchées de poisson safrané, de petits fours truffés et de toasts de caviar :

– Tu sais, il n'y a pas beaucoup de convictions qui résistent à ce genre de tentations...

À mesure qu'ils avançaient et discouraient au milieu des nuées de robes et de costumes, et des notables avides de pouvoir et de fortune, ils parvinrent au grand perron de marbre noir qui s'étalait devant l'imposante porte d'entrée. Lucius regarda Narcissa avec fierté avant de monter les marches ; mais celle-ci n'avait d'yeux que pour l'enfilade luxueuse de l'intérieur du manoir.

Dès qu'elle se tint dans l'encablure de la porte, Narcissa fut éblouie par l'état immaculé et rutilant de tout ce qui s'offrait à ses yeux. Dans le vaste hall d'entrée, rien n’était laissé au hasard, et partout où se posait son regard florissaient l'opulence et le raffinement. Du sol au plafond, chaque rebord, chaque surface, chaque recoin affichait une impeccable finition, avec ses moulures, ses contours et ses ornements. Des épais rideaux encadraient les fenêtres à croisillons, un tapis précieux parfaitement centré recouvrait le sol de pierre, les murs lambrissés étaient ponctués d'immenses portraits où des personnages au teint pâle observaient Narcissa avec une curiosité admirative. Au fond de la pièce, un double escalier avec une rampe en fer forgé montait vers les étages, que Narcissa eut immédiatement envie de découvrir. Et dans la cage d'escalier, un immense sapin – presque aussi grand que celui qui occupait la Grande Salle de Poudlard – brillait de mille feux, couvert de boules et de guirlandes argentées qui s'enroulaient autour des branches et serpentaient le long du tronc.

– Vous avez de la chance, lui souffla une vieille femme couverte de bijoux pendant que Lucius s'arrêtait pour saluer quelques convives. Ce jeune homme est brillant, très brillant... Je n'ai jamais vu quelqu'un de si jeune avoir autant de succès, même parmi ses ancêtres ! Il fera de grandes choses, c'est certain !

Narcissa en rosit de plaisir. Lucius reprit son bras pour la conduire dans le premier salon, transformé pour l'occasion en immense salle de bal. Sur la droite de Narcissa, une longue table ouvragée recouverte d'une nappe brodée supportait les mets les plus délicats, servis dans de l'argenterie impeccablement entretenue. Narcissa vit un invité renverser son verre de vin sur la nappe, avant de constater avec soulagement que la tache disparaissait d'elle-même. Au-dessus d'eux, des mezzanines permettaient aux invités d'avoir une vue d'ensemble sur le banquet grandiose. Derrière la table, un grand feu ronflait dans une cheminée de marbre sculpté, surmontée d'un miroir au splendide cadre doré. Partout, les murs peints en trompe-l’œil augmentaient encore le volume de la pièce, et sur les fresques qui recouvraient les murs, le blason des Malefoy se dissimulait un peu partout – dans les écailles d'une sirène, dans les motifs des nuages, dans la forme d'une lyre.

Mais, dans toute cette débauche d'or et de marbre, c'est en levant la tête que Narcissa vit le clou du spectacle. Le plafond, haut de plusieurs mètres, soutenait l'objet de tous ses rêves : un lustre éblouissant et gigantesque, comptant plusieurs étages de cristaux clairs et raffinés, qui semblait non pas refléter la lumière mais la générer de lui-même, comme si sa splendeur suffisait au regard pour éclairer la pièce.

– Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau, murmura Narcissa.

Lucius l'observait en souriant, amusé et attendri, et lui tendit la main en désignant les quelques invités qui trépignaient, attendant leur signal pour se lancer sur la piste de danse.

– Mademoiselle Narcissa Black... Me feriez-vous l'honneur ? demanda-t-il en s'inclinant, avec des manières exagérées et une ironie à peine dissimulée.

Les leçons de danse de Narcissa remontaient à loin, mais avoir servi de partenaire à Sirius pendant les siennes lui avait permis de perfectionner ses mouvements. C'étaient des leçons que Narcissa aimait beaucoup, qui la faisaient rire et rêver ; et même dans le salon du 12, square Grimmaurd, sous le regard torve de leur précepteur et au bras de Sirius qu'elle dépassait alors de vingt centimètres, c'était sans aucun doute de cet instant qu'elle rêvait, cet instant où un jeune homme séduisant et fortuné la prendrait par la main, et où leur grâce effacerait dans les regards envieux jusqu'à l'éclat du splendide lustre lumineux.

C'est donc sans effort que Narcissa s'élança avec lui, et c'est sans crainte qu'elle sentit son regard la scruter avec défi, et ses pas se faire plus incisifs dans le but d'éprouver la solidité de ses mouvements.

Dans un coin de la pièce, un piano et quelques instruments à queue jouaient seuls, et les archets semblaient s'accorder malgré eux au rythme des pas synchrones de Lucius et de Narcissa, tout comme les regards aimantés sur eux. Derrière l'épaule de Lucius, Narcissa aperçut Daisy et Andromeda qui la regardaient en souriant.

– Laisse-moi diriger, la taquina Lucius au bout de quelques minutes.

– Oh ! Pardon.

D'autres danseurs les rejoignirent. Ce moment harmonieux dura de longues minutes, et tout se serait sans doute déroulé comme Lucius et Narcissa l'avaient voulu si un fâcheux incident n'avait pas interrompu le cours paisible de la soirée.

En effet, Narcissa était tellement concentrée sur ses pas de danse qu'elle ne vit pas Hector Crabbe débouler dans le salon, fulminant, et fondre sur Andromeda. C'est donc au beau milieu d'un morceau très gai, alors que la musique montait progressivement en puissance et entraînait de plus en plus de convives, que la soirée prit un tournant pour le moins embarrassant. L'orchestre ensorcelé donnait le meilleur de lui-même, quand tout à coup, il y eut un tintamarre de fausses notes et tous les instruments se désaccordèrent, brusquement perdus, et abandonnèrent progressivement leur poste pour se reposer dans leurs étuis, inertes.

Tout le monde se figea de stupeur. Lucius fronça les sourcils, inquiet, et tendit le cou pour voir ce qui venait de se passer.

– C'est Voldemort ! supposa aussitôt quelqu'un qui n'en savait rien, créant un vent de panique vers la sortie.

Narcissa entendit des exclamations étouffées, et brusquement, elle eut un mauvais pressentiment. Autour d'elle, l'air devint plus dense, plus épais, et les sons semblèrent se propager plus violemment. Sans attendre Lucius, elle se précipita vers l'endroit où s'étaient tournés tous les regards, et bouscula sans ménagement les sorciers qui poussaient des petits cris aigus.

– Poussez-vous ! pesta-t-elle à plusieurs reprises en écartant les convives.

Ça n'était pas Voldemort, mais c'était encore pire. Arrivée près de l'orchestre, Narcissa constata, épouvantée, qu'Andromeda avait chuté sur le sol, au milieu des instruments, et qu'elle tenait dans sa main ensanglantée les restes de son verre de champagne brisé en morceaux.

Hector Crabbe essayait de l'atteindre à nouveau, mais Daisy l'en empêchait, sa baguette pointée sur lui, tout en le couvrant d'injures.

– Espèce de brute ! vociférait Daisy. Tu ne mérites même pas qu'elle te regarde ! Va-t’en, sors d'ici !

– Il t'a frappée ? demanda Narcissa, affolée, en se précipitant pour s'agenouiller auprès d'Andromeda.

– Non, non... Juste un peu bousculée, murmura Andromeda, qui n'arrivait pas à détacher son regard de la plaie béante au creux de sa paume.

– Viens avec moi, lui dit Narcissa en l'aidant à se relever. Allons soigner tout ça.

Après avoir fermement séparé Daisy et Hector Crabbe, remis l'orchestre en marche et prié les invités d'oublier cette petite altercation, Lucius emmena Narcissa et Andromeda à part, vers une petite porte dérobée. Hector Crabbe leur emboîta le pas, mais d'un geste énergique et glacial, Lucius l'en dissuada.

Ils suivirent une enfilade de couloirs aux murs sombres, auxquelles étaient accrochées des chandelles qui s'allumaient à leur approche. Narcissa avait totalement dégrisé, de nouveau glacée par la culpabilité. Puis Lucius leur ouvrit une grande porte laquée, avec une poignée de bronze sculptée, et les fit entrer dans une immense salle de bain aux murs de marbre, où quatre lavabos d'une blancheur éclatante s'alignaient, surmontés par d'élégants robinets sculptés en forme de tête de serpent et des étagères couvertes de galets et d'orchidées.

Lucius ouvrit les placards et tendit un rouleau de gaze blanche à Andromeda.

– Mets ça autour de ta main, lui ordonna-t-il. Dans quelques minutes, il n'y aura plus rien.

– Merci, renifla Andromeda.

– Je vous laisse.

Et Lucius partit, l'air préoccupé. Narcissa s'empressa de panser la main de sa sœur, désespérée, essayant d'ignorer ses yeux rougis et sa chevelure défaite. Qu'est-ce qui m'a pris, pensa Narcissa, de jeter Andromeda dans les pattes de cette brute ? Elle ne t'a pas laissé le choix, se répéta-t-elle encore, mais cette affirmation avait de moins en moins d'effet sur elle. C'était ça, ou le Sang-de-Bourbe... Mais Andromeda, entre les dents de ce requin ! La situation était bien pire que Narcissa ne l'avait imaginé. Mais il devait y avoir une solution, forcément...

En face d'elle, Andromeda était au moins aussi désespérée qu'elle. L'image du visage souriant de Ted se superposait à celle de sa petite sœur qui s'agitait devant elle pour prendre soin de sa blessure. Pendant quelques secondes, elle se surprit à repenser au monde idéal qu'elle avait naïvement cru possible – un monde où Ted et Narcissa auraient pu se rencontrer, s'apprécier, être rassemblés à ses côtés. Mais, hélas, choisir l'un d'entre eux ne se ferait jamais qu'au détriment de l'autre...

– Je ne sais pas comment tu fais, murmura enfin Andromeda.

Elle secoua la tête, et deux larmes coulèrent sur ses joues.

– Ils sont tous odieux, poursuivit-elle. Je me suis sentie tellement maladroite, tellement brouillonne, au milieu de tous ces invités... Tu aurais vu comme ils me regardaient... Certains faisaient même des sous-entendus, sur la librairie, sur Ted...

Elle tira sur son collier de diamants, comme si celui-ci l'étranglait ; puis, ne pouvant se décider à l'arracher de son cou, elle fondit en larmes, et Narcissa s'empressa de la prendre dans ses bras, malgré leurs deux robes qui les encombraient pour s'enlacer complètement.

– Tu avais l'air si heureuse, sanglota Andromeda. Je suis désolée, Cissy, j'aurais aimé faire semblant, je t'assure, je l'aurais fait pour toi... Mais je n'en ai pas eu la force. Toi qui me connais, tu le sais bien, je ne sais pas mentir ! Et quand... Quand cette brute m'a retrouvée, et qu'il a posé sa main dans mon dos – Andromeda frémit de dégoût – je n'ai pas pu me retenir, il fallait que je m'écarte de lui !

Narcissa la réconforta durant de longues minutes, même si en réalité, c'était surtout à elle-même qu'elle adressait ses affirmations rassurantes.

– Je te protégerai toujours, je veillerai sur toi, je te le promets... Et puis, l'important, c'est que nous soyons toujours réunies... N'est-ce pas ?

Andromeda acquiesçait, résignée. Après un long moment, quand la paume d'Andromeda eut retrouvé son intégrité, Narcissa lui proposa de rentrer chez elles, et Andromeda accepta de bon cœur.

– De toute manière, je travaille demain, soupira Andromeda.

– Demain ? Mais... c'est Noël ! s'insurgea Narcissa.

– Eh oui... Mais le temps, c'est de l'argent, grinça-t-elle en mimant des guillemets avec ses doigts pour citer son employeur de Gringott's, un petit bonhomme appelé Henry Poindefer, particulièrement pointilleux et désagréable.

En arrivant dans le salon, elles constatèrent que la fête battait son plein, comme si rien ne s'était passé. Elles récupérèrent leurs capes sur le porte-manteau, et, alors qu'elles marchaient vers la sortie, Lucius vint à leur rencontre, suivi de Daisy.

– Nous partons, annonça Narcissa.

– Déjà ? s'indigna Lucius. La fête vient de commencer !

– Je ramène Andromeda, répliqua Narcissa avec détermination, tout en continuant à marcher vers la sortie.

– Ça fait trois mois que j'attends de te voir !

– Eh bien... Nous nous verrons plus tard.

À ce moment-là, une jeune fille au visage en forme de cœur s'approcha d'eux, et posa une main sur l'épaule de Lucius. Narcissa reconnut Juliet Selwyn, une amie de Carla Avery, qui avait toujours eu un faible pour lui, même si Lucius l'avait éconduite à plusieurs reprises.

– Tu viens, Lucius ? lui susurra-t-elle.

– Deux minutes, dit-t-il sans la regarder, en repoussant la main que Juliet venait de poser sur son épaule. Allez, reste un peu, dit-il à Narcissa. Je t'en prie !

– Je ne peux pas laisser Andromeda toute seule, répondit Narcissa, déjà un peu moins convaincue.

Daisy proposa aussitôt :

– Ne t'en fais pas, Cissy, je rentre avec Andromeda. Je m'en occupe.

Andromeda acquiesça.

– Oui, Cissy, reste ici... Ne t'en fais pas. Amuse-toi !

Narcissa regarda tour à tour Daisy, Andromeda, Lucius, Juliet Selwyn et le lustre de cristal suspendu au-dessus d'eux, avec la sensation inexplicable de se trouver à la croisée de deux chemins, sans savoir précisément à quoi ils correspondaient.

Tout ce qui arrive à Andromeda était à cause d'elle, il était de son devoir de la raccompagner... Mais en même temps, si Daisy s'en chargeait, ça n'était peut-être pas si grave, elle saurait la réconforter aussi bien qu'elle... Et puis, il y avait toutes ces filles qui tournaient comme des mouches autour de Lucius, et ce lustre, si agréable à regarder...

– D'accord, dit finalement Narcissa. D'accord, je reste.

Ravie d'avoir sauvé la situation, Daisy la salua en lui faisant des clins d'œil dont la discrétion laissait à désirer. Andromeda la serra un peu trop fort dans ses bras, puis l'embrassa sur les deux joues en lui murmurant à l'oreille :

– Je t'aime si fort, ma petite sœur chérie. Amuse-toi bien, avec Lucius, il a tellement de chance de t'avoir. Et prends soin de toi, surtout...

Un peu surprise par ces paroles si solennelles, Narcissa lui balbutia maladroitement quelques recommandations pour le chemin du retour ; et Andromeda s'en alla, en s'arrêtant à plusieurs reprises pour se retourner vers Narcissa.

Lorsque Lucius jugea que Andromeda et Daisy étaient suffisamment éloignées, il gratifia Narcissa d'un sourire satisfait, dénoua l'attache de sa cape sous son menton, et l'en débarrassa de nouveau. Avant de rentrer à nouveau dans la danse, Narcissa regarda sa sœur disparaître dans l'obscurité, laissant derrière elle l'éclat argenté de sa robe brodée de feuilles brillantes ; puis elle se décida à rentrer dans le manoir, tout en s'efforçant de faire bonne figure.

Narcissa eut du mal à supporter la suite de la soirée. Toute son énergie étant consacrée à repousser dans un coin de sa tête les pensées affreuses qui concernaient Hector Crabbe, elle peinait à participer aux différentes conversations. Heureusement, les invités ne tardèrent pas à s'en aller progressivement, tout en remerciant chaleureusement Lucius pour l'excellent accueil, et sans faire allusion une seule fois au coup d'éclat de Hector Crabbe, comme s'ils avaient tous subi le sortilège Oubliettes.

Celui-ci avait d'ailleurs mystérieusement disparu, et quand Narcissa interrogea Lucius, il l'informa qu'il avait ordonné à Hector Crabbe de rentrer immédiatement chez lui, et Narcissa en éprouva un immense soulagement : si Lucius avait un tel pouvoir sur son camarade, alors il pourrait facilement l'empêcher de faire du mal à Andromeda.

Lucius la retint jusqu'au bout de la soirée. Lorsque les derniers invités furent partis, le ciel commençait à éclaircir l'horizon, au-delà de la forêt dense qui entourait le jardin.

– Viens, dit alors Lucius avec un sourire confiant, j'ai quelque chose à te montrer.

Il l'entraîna à l'intérieur ; ils traversèrent des enfilades de pièces plus somptueuses les unes que les autres, des salons, des salles de réceptions, ou d'autres qui servaient simplement à entreposer des objets d'art, des coffres remplis de pièces d'or et d'épées, des brocarts, des tableaux gigantesques, des chaises à porteurs, des canons en bronze, des bustes en marbre, des fresques allégoriques et somptueuses, des statues aux origines lointaines et diverses – dont la plupart avait été confectionnée par des Moldus, mais Lucius se garda bien de s'en vanter.

Devant une porte noire à double battant, Lucius mit un doigt sur ses lèvres pour lui signifier de ne pas faire de bruit. Narcissa retira donc ses escarpins, et ils rentrèrent dans une longue galerie de portraits grandeur nature, dans lesquels une vingtaine d'hommes sommeillaient, confortablement installés dans des habits de soie et de fourrure.

Au bas des cadres finement ouvragés figuraient les noms des gracieux personnages : Armand Malefoy, Nicholas Malefoy – celui-ci ronflait plus fort que les autres – Brutus Malefoy, Septimus Malefoy... Narcissa songea, légèrement désappointée, que la famille Black, qui se vantait pourtant d'être une des plus nobles du monde sorcier, faisait bien piètre figure à côté d'eux.

Ils traversèrent sur la pointe des pieds, et atteignirent l'extrémité de la galerie sans commettre de bévue. Là, ils grimpèrent un escalier en colimaçon tapissé de velours, franchirent plusieurs paliers de pierre imposante, et continuèrent à monter en haut d'une tour, dont le diamètre se rétrécissait au fur et à mesure des étages. Arrivés en haut, Lucius ouvrit une petite porte vitrée, qui donnait sur l'extérieur, et l'air glacé du petit matin s'engouffra dans la pièce. Avant de sortir, il retira sa veste et la posa sur les épaules de Narcissa, puis la prit par la main et l'entraîna au dehors, où un balcon faisait le tour du toit, offrant une vue imprenable sur le manoir et ses environs.

Les tours et les tourelles du manoir, si nombreuses qu'on peinait à les distinguer les unes des autres, se découpaient sur le ciel rose comme des ombres chinoises. Plus loin, la forêt et les alentours se paraient des plus belles lueurs de l'aube, et les rayons obstinés du soleil dispersaient progressivement les volutes de brumes qui recouvraient la campagne.

– C'est magnifique, souffla Narcissa, qui souriait en dépit de la brûlure du sol glacé sous ses pieds nus.

– N'est-ce pas ? À quoi bon voyager, quand on a ce spectacle sous nos fenêtres ?

Ils échangèrent un long regard, tandis qu'une brise légère ébouriffait leurs deux chevelures blondes et rosissait leurs joues. Sans y faire attention, Narcissa approcha lentement son visage du sien.

– Décidément, tu as le sens de la mise en scène, remarqua Narcissa en souriant.

– Est-ce un reproche ?

– Surtout pas.

Ce fut exactement à ce moment-là, alors que Lucius se penchait vers elle pour l'embrasser, que Narcissa sut ce qui lui plaisait tant chez lui. Certes, la promesse d'une vie lumineuse, loin des tourments financiers qui avaient empoisonné son enfance, jouait un rôle certain dans l'attirance qu'elle éprouvait pour lui. Mais il y avait autre chose, qui lui permettait de supporter l'attitude méprisante de Lucius à l'égard de tous les autres : dès que ses yeux clairs se posaient sur elle, Narcissa voyait l'hypocrisie et le dédain se dissiper, remplacés par une sincère admiration.

Narcissa avait toujours appréhendé le moment où ils finiraient par s'embrasser : elle n'avait jamais vu ses parents le faire, et n'avait aucune idée de la manière dont il faudrait procéder – les baisers voraces de Carla Avery et Edgar Goyle ne lui paraissaient pas être un modèle très convaincant. Elle fut donc soulagée de constater que ça n'était pas si difficile que ça, et que, de toute évidence, Lucius n'était pas plus doué qu'elle en la matière.

Ils s'embrassèrent longuement, sans ressentir la morsure du froid sur leurs visages, puis restèrent encore plusieurs minutes à se regarder et à s'embrasser à nouveau, en riant bêtement.

Lorsqu'elle reporta son attention sur le paysage, Narcissa pensa brusquement à sa mère, qui n'était pas sortie de leur maison depuis des années, et elle s'assombrit.

– Tout va bien ? lui demanda Lucius.

Narcissa secoua la tête, un peu confuse.

– Oui, oui... C'est idiot, je pensais... C'est ce manoir si grand, et si vide, alors que nous vivons entassés dans cette sinistre maison, à Londres...

Lucius répondit immédiatement, sautant sur une occasion longuement attendue.

– Il ne tient qu'à toi de venir vivre ici, tu le sais, n'est-ce pas ?

– Oui, oui, bien sûr...

Narcissa sourit tristement. Elle avait souvent rêvé de cette proposition, mais maintenant que ses désirs devenaient réalité, elle n'en éprouvait pas autant de plaisir qu'elle ne l'aurait pensé. Et en effet, si elle et Andromeda quittaient le foyer familial pour fonder le leur, qui resterait au chevet de leur mère malade ?

Alors qu'elle sentait sa gorge se serrer, Lucius posa sa main sur la sienne. Il avait de belles mains, très douces.

– Tes parents pourraient venir vivre ici, avec nous, dit Lucius. Je saurai convaincre mon père, j'en suis certain.

Narcissa n'en crut pas ses oreilles ; elle n'avait jamais osé rêver d'une telle proposition. L'image de ses deux parents franchissant les grilles du manoir envahit aussitôt tout son esprit. Elle imaginait déjà la gratitude qu’ils lui témoigneraient, le jour où elle leur ferait franchir les grilles de fer forgé, où elle les guiderait avec assurance à travers les corridors, et lorsqu'elle les mènerait à leur chambre spacieuse et tranquille, dans une des innombrables tours qui se dressaient autour d'elle. Narcissa pouvait déjà jouir de la légèreté de sa mère, et du repos qu'elle allait pouvoir connaître, enfin libérée du joug de la tante Walburga, qui pincerait les lèvres de jalousie. Bellatrix serait bien obligée d’admettre que Narcissa avait vu juste, que Lucius était digne de la confiance qu'elle lui accordait. Vous voyez, leur dirait-elle, tout cela n’a pas été vain, papa avait raison d’espérer des jours meilleurs ! Enfin, pensa Narcissa, après toutes ses années de sacrifices et de sage obéissance, l'impossible reconnaissance de sa famille était à portée de main...

Lorsque Narcissa rentra chez elle, étourdie de bonheur, le jour se levait majestueusement, et elle dut résister à la tentation d'aller réveiller ses parents pour leur annoncer toutes ces bonnes nouvelles.

Elle traversa le hall d'entrée en adressant un sourire rayonnant aux portraits fixés sur les murs, songeant avec satisfaction au moment où elle s'envolerait loin de leurs remarques désobligeantes. Elle monta les escaliers d'un pas vif, toujours souriante, et constata que les deux lits de ses sœurs étaient vides. Bellatrix était sans doute occupée avec ses mystérieux amis, et Andromeda était peut-être déjà partie travailler, songea Narcissa.

La lueur du petit jour peinait à éclairer la chambre à travers la fenêtre crasseuse, et ses yeux faiblissaient. Narcissa bâilla longuement, se débarrassa de tous ses atours pour s'écrouler sur son matelas et s'endormir immédiatement, sans voir la lettre tachée de larmes qui lui était adressée, posée sur le lit vide d'Andromeda.



***


Merci d’avoir lu ce long chapitre ; j’espère que ça vous a plu, et que vous êtes prêts, car la suite va piquer (j’imagine que vous vous en doutez).

Après ce chapitre-ci, il nous en restera 6 très précisément ! Dans l’idéal, j’aimerais accélérer un peu la publication pour conclure cette fic fin décembre. 


On se revoit donc très rapidement pour le prochain chapitre... 


Merci à vous ! ❤️


Mathilde 

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