Secrets de Serpentard : La noble famille Black

Chapitre 23 : Manigances

6843 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/10/2022 10:05

– Approchez ! Approchez ! Demandez le bulletin exceptionnel de La Gazette du sorcier ! s'égosillait un jeune garçon au milieu du Chemin de Traverse. L'Homme-Serpent a encore frappé ! Quatre moldus assassinés cette nuit, dans le sud de Londres, selon le même mode opératoire sordide ! Mais surtout, à la une, le rebondissement spectaculaire de l'affaire du Collier d'Opale : Piscus Crabbe accuse Cygnus Black !

– Prenez plutôt Le Hibou Jacasseur, messieurs-dames ! Du rire, de la joie ! Et en exclusivité, une superbe caricature de Cygnus Black !

Alors que les hiboux sortaient tout azimut des bureaux du Hibou Jacasseur et de La Gazette du Sorcier, portant ledit bulletin spécial ainsi qu'une petite sacoche accrochée à la patte pour permettre aux destinataires d'y placer les quelques noises correspondant au prix des journaux, les sorciers plus pressés se ruaient sur le vendeur ambulant pour connaître les derniers potins avant leurs voisins.

Sur la couverture du bulletin exceptionnel de La Gazette du Sorcier figurait une grande image en noir et blanc, sur laquelle on pouvait voir remuer Cygnus Black dans sa grande robe de juge, en train de se défendre férocement contre les membres de la Police Magique qui essayaient de lui passer des menottes aux poignets. Celui-ci résistait avec tant d'ardeur que les lecteurs avaient l'impression d'entendre sa voix de tonnerre sortir du cliché.

À côté de l'immense photographie, le journal titrait, en lettres aussi grosses que la taille du journal le permettait :

Cygnus Black, tête pensante du trafic d’objets magiques ?

Les déclarations de Piscus Crabbe n’en finissent pas de nous surprendre. Alors que le procès semblait pour lui mal engagé, il aurait déclaré ce matin même avoir agi à la solde de Cygnus Black, un des ténors du Magenmagot. Cela pourrait bien expliquer l’empressement de l’illustre juge Black à classer cette affaire et à envoyer Crabbe à Azkaban au plus tôt, avant que celui-ci ne dévoile le pot aux roses. Ces déclarations ont été balayées d’un revers de main par Cygnus Black, visiblement embarrassé ; mais ils n’ont pas échappé aux quelques membres de la Brigade de la police magique présents lors du procès, qui ont immédiatement dépêché quelques hiboux et ont mené dans l’heure une perquisition au domicile du juge. Dans sa chambre, où se trouvait sa femme, Druella Black, deux valises contenant un nombre incalculable d'amulettes et d'objets ensorcelés ont été retrouvées – des objets bien inoffensifs comparés à la puissance du Collier d'Opale, mais qui sont un indice de taille quant à son implication dans l'affaire.

La théorie la plus plausible serait le besoin d’argent, car nous apprenons à l’instant que sa femme, Druella Black, est atteinte d’une maladie mystérieuse dont l’unique remède est la cure de Croculus Sativus, un remède extrêmement coûteux. Après enquête auprès du personnel de la clinique Ste Mangouste, Mrs Black serait contrainte de s'en procurer plusieurs fois par semaine. ‘Ceci représente donc un coût considérable, loin d’être couvert par un simple salaire de juge’, nous confirme un des guérisseurs de ce prestigieux établissement.

En revanche, Piscus Crabbe a nié toute implication dans les meurtres sordides ayant été directement perpétrés aux quatre coins de Londres à l'encontre de Moldus. D'après lui, « Cygnus n'a certainement pas voulu la mort de ces Moldus, il cherchait simplement à s'enrichir facilement. L'Homme-Serpent est un barbare sanguinaire, avec qui Cygnus et moi n'avons rien à voir... »

***

Dans la chambre de Cygnus et Druella Black, Narcissa et sa mère essayaient vainement de se remettre de leurs émotions. La Brigade de la Police Magique savait parfaitement où chercher : malgré les protestations de Narcissa, ils étaient montés directement au deuxième étage, avaient immédiatement ouvert les deux valises, et étaient partis comme ils étaient venus, sans même jeter un regard dans les autres pièces.

Au premier étage, dans le salon aux murs vert olive, Walburga massait ses tempes endolories, tout en regardant fixement la cheminée grossièrement sculptée, sans vraiment la voir. Au-delà de la grande fenêtre encadrée par de longs rideaux de velours qui donnait sur la rue, elle entendait la rumeur des journalistes enfler progressivement. Walburga s'était réveillée juste après le passage de la Brigade de Police Magique, en même temps que Kreattur, avec un mal de tête épouvantable, et elle soupçonnait sérieusement son mari d'y être pour quelque chose.

En réalité, elle savait parfaitement ce qu'Orion avait manigancé. Depuis bien longtemps, son désir le plus cher était de nuire à Cygnus, et cette affaire de Collier d'Opale lui avait manifestement donné l'ingéniosité nécessaire pour passer à l'acte. Il avait donc fait parvenir des instructions précises à Piscus Crabbe – sans doute par la menace et la corruption, comme d'habitude – puis avait impeccablement orchestré la suite. Il avait fait disparaître tous les objets précieux et dangereux de la maison, pour ne laisser que ceux, sans valeur aucune, qui suffiraient à faire accuser Cygnus, et avait ensuite discrètement caché ceux-ci dans leur chambre, pendant que cette pauvre Druella dormait à poings fermés. Et, afin que la Police Magique ait le champ libre à leur arrivée, sans que personne n'ose se mettre en travers de leur chemin, Orion avait dû également lui lancer à elle, Walburga, et à Kreattur, un Sortilège de Sommeil, ce qui expliquait pourquoi elle avait dormi plus de quatorze heures d'affilée, et pourquoi elle se sentait si engourdie. De la même manière, Walburga n'aurait pas été étonnée d'apprendre que le personnel de Sainte-Mangouste avait reçu sa part de récompense pour témoigner dans le sens de Piscus Crabbe...

Walburga resta dans le salon toute l'après-midi, bien décidée à attendre Orion. Elle entendit Druella et Narcissa s'interroger sur ce qui avait bien pu se passer, puis Druella dut s'endormir car elle entendit les pas légers de Narcissa sortir de la chambre.

Après avoir longuement arpenté du regard le tapis précieux, le piano à queue et le divan aux motifs anciens, Walburga jeta un coup d’œil à l'horloge murale, décorée de plumes de corbeaux et d'enluminures argentées : celle-ci affichait dix heures du soir. Cela faisait donc plusieurs heures qu’elle attendait Orion. Mais Walburga avait l’habitude de prendre son mal en patience. Après tout, c’était tout ce qu’on lui avait appris à faire, depuis sa plus tendre enfance : attendre, obéir. Se tenir droite. Être seule.

Au-dessus de sa tête, le parquet émit un craquement discret, ce qui signifiait que Narcissa s’était postée dans l’escalier, afin de ne pas manquer une miette de la discussion qui allait avoir lieu. Walburga avait surpris plusieurs fois sa tête blonde appuyée contre la rambarde de l’escalier, en train d’écouter Orion et Cygnus se disputer. Elle ne l’avait jamais grondée, ni dénoncée : elle faisait exactement la même chose, lorsqu’elle avait l’âge de Narcissa. C’était le seul avantage qu’elle avait trouvé à occuper cette chambre minuscule, pendant que ses deux frères et ses parents se prélassaient dans les lits à baldaquin du dernier étage.

Walburga embrassa du regard les murs recouverts de tapisseries, entre lesquels elle avait toujours vécu. Elle, Walburga Black, n’était rien, elle en avait bien conscience, on le lui avait suffisamment martelé pour qu'elle intègre cette idée. Contrairement à son frère, elle n'avait aucune ambition de changer la face du monde, elle laissait cet objectif flou aux hommes qui ne demandaient que ça. Mais grâce à la noble famille Black, elle faisait partie d’un tout, d’une lignée immortelle qui avait résisté aux guerres, aux révolutions, aux pires trahisons. Les royaumes se disloquaient, les empires s’effondraient sur eux-mêmes, mais la famille Black perdurait, envers et contre tout, et Walburga entendait bien perpétuer la tradition. En fait, c'était la seule chose qui donne un sens à sa triste vie.

Vers dix heures et demie, le son clair de la cloche de l'entrée l'extirpa de ses pensées : Orion venait de rentrer, et chantonnait gaiement, ravi du tour qu'il avait joué à son beau-frère. Il accrocha sa cape de velours noir à une patère, et entreprit de monter les escaliers.

– Viens ici, Orion, dit Walburga lorsqu'il passa devant le salon.

Son mari continua son ascension, indifférent.

– Plus tard, grogna-t-il.

– Tu préfères que nous discutions dans l'escalier ? Tu as raison, Druella serait ravie d’entendre ce que j’ai à te dire.

Quelques secondes plus tard, Orion reparaissait dans l’encadrement de la porte, renfrogné.

– Assieds-toi, dit Walburga.

Seules ses lèvres avaient bougé. Orion marcha vers le canapé, en trainant derrière lui sa jambe vexée.

– J’espère que tu as une bonne raison pour…

– Tu es allé trop loin, Orion. Malgré tous ses défauts, il s'agit de mon frère.

– Allons, allons ! s'énerva aussitôt Orion. Toi, tu me prends par les sentiments ? Et puis quoi encore ?

– Ne cherche pas à m'éviter, dit Walburga en se levant pour lui faire face. Je sais bien que tu ne respectes rien, si ce n'est l'argent, mais aujourd'hui, tu as dépassé les limites ! J'exige que Cygnus soit libéré, ou bien je ferai de ta vie un enfer – et tu sais très bien que j'en suis capable.

– Tu crois vraiment que tu as le pouvoir de m'obliger à faire quoique ce soit ? s'esclaffa Orion en levant la tête vers elle, car Walburga le dépassait d'une bonne dizaine de centimètres. Ma chère, tu te fourres le doigt dans l'œil si profondément que tu risques de te chatouiller le cœur – si un jour tu as eu un cœur, bien évidemment.

Walburga eut un de ces petits rires mesquins dont elle avait le secret. Il y eut un silence, puis un grésillement sinistre. Et soudain, l'oncle Orion poussa un hurlement de douleur et de colère, et se mit à secouer sa main droite, comme s'il essayait d'écraser une mouche le plus rapidement possible.

– Ah ! Sorcière ! Mais qu'est-ce que tu fabriques ?

– À quoi crois-tu que j'occupe mes journées, quand je suis seule dans cette maison ? Il y a ici assez de livres de magie noire pour m'occuper encore plusieurs décennies... Que crois-tu que j'en fais ? Des cocottes en papier ?

– Arrête ça tout de suite ! tempêta Orion. Je n'apprécie pas du tout ces manières de faire ! Je te rappelle que tu es mon épouse, et que tu me dois obéissance... Ah ! Je n'arrive pas à l'enlever !

Walburga rit à nouveau.

– Mon pauvre ami, ce genre d'intimidation ne fonctionne pas avec moi... Décidément, tu aurais dû te choisir une femme plus docile.

Elle se rapprocha d'Orion, et lui enserra le poignet entre ses longs doigts.

– Quoi qu'il en soit, je t'en fais la promesse : moi vivante, je ne laisserai aucun Black croupir à Azkaban, et encore moins Cygnus. J'exige donc que tu répares tes erreurs et qu'avant la fin de l'été, il soit de retour ici.

Orion sembla se calmer, et une vive odeur de chair brûlée se répandit dans la pièce. Autour de l'anneau des Black, qu'Orion portait autour de son doigt, sa peau avait pris un aspect noirâtre et cartonné.

– Les preuves sont trop lourdes, déclara Orion, la voix mauvaise.

– Les preuves peuvent disparaître... Tu te souviens avec qui Cygnus travaillait au Ministère ? Il avait de puissants alliés, me semble-t-il. Peut-être que certains d'entre eux ont encore le pouvoir de l'aider.

Orion poussa un long soupir.

– Je vais voir ce que je peux faire, maugréa-t-il en sortant.

– Mais j'y compte bien, mon ami.

Walburga l'entendit descendre les escaliers, puis remettre sa cape en ronchonnant, et claquer violemment la porte derrière lui. Manifestement, il ne s'attendait pas à une telle résistance, et Walburga se félicitait d'avoir déjoué ses plans.

Elle se rassit sur le canapé et resta encore quelques minutes dans la pièce, les mains jointes sous son menton, le sourire aux lèvres. La dernière fois qu'elle avait défié quelqu'un dans cette pièce, il s'agissait de son père, qui souhaitait envoyer son petit frère Alphard en camp de redressement à l'autre bout du monde, en raison de ses résultats scolaires qui laissaient à désirer. Lorsqu'il avait évoqué cette possibilité, Walburga s'y était opposée ouvertement, et pour toute réponse, son père l'avait giflée si fort que sa joue était restée violette pendant plusieurs jours.

Et ce soir-là, en entendant la jambe vexée d'Orion traîner dans l'escalier, Walburga se sentit un peu vengée.

***

Pendant que Narcissa reprenait espoir, tout en attendant impatiemment qu'Andromeda revienne pour lui raconter ce qu'elle venait d'entendre, cette dernière n'avait absolument aucune envie de rentrer chez elle. Elle avait passé la soirée avec Ted Tonks, celui qui avait été initialement son collègue, puis son ami, et depuis quelques mois, son amant. Après leurs premiers échanges houleux, Ted et elle avaient finalement sympathisé, et Ted avait décidé de lui faire explorer les environs du Chemin de Traverse.

Andromeda avait alors découvert la douceur des promenades à ses côtés. Elle s'était émerveillée de tout, du bruit des verres qui s'entrechoquaient dans les bars, des pailles colorées laissées sur les tables, des gens qui riaient à gorge déployée, des corps qui se touchaient sans complexe, partout – de tout ce que sa famille jugeait ridicule, indécent, et en conséquence, proscrivait formellement ; puis elle s'était émerveillée des paysages époustouflants et des époques lointaines que Ted lui faisait découvrir à travers les Livres Voyageurs qu'il avait confectionnés. Andromeda avait toujours eu l'intuition qu'elle vivait dans une grotte, et après toutes ces découvertes, ce sentiment fut largement confirmé.

Un jour, Andromeda avait lu un livre romantique que Ted était en train de confectionner ; en se plongeant dans les scènes qu'il avait imaginées, elle avait trouvé que les deux personnages ressemblaient à Ted et à elle de façon saisissante. Le soir même, ils s'étaient embrassés ; et ainsi, après avoir exploré ensemble des dizaines de récits, comparé leurs différentes interprétations pour les enrichir, débattu sur la place des fictions dans la réalité, ils avaient tous les deux découvert avec émerveillement une nouvelle histoire, bien plus belle que toutes celles qu'ils avaient pu lire, puisque cette fois-ci, cette histoire leur appartenait pleinement, et ils ne pouvaient se contenter de l'interpréter, puisque c'était à eux de l'écrire.

Le jour de l'arrestation de Cygnus Black, Ted déploya tous ses efforts pour la consoler dans l'atelier du Chat qui souris, et le soir venu, pour la première fois, Ted lui avait proposé de venir visiter son humble chez-lui.

Comme ils avaient pris l'habitude de le faire à chaque fois qu'ils partaient se promener ensemble, Ted partit le premier de la librairie du Chat qui souris, et Andromeda le rejoignit à l'adresse qu'il lui avait donnée. Il habitait un vieil immeuble vétuste, dans un quartier moldu, non loin du Chemin de Traverse. Andromeda adorait se promener dans les endroits moldus : elle s'y sentait libre et normale, surtout lorsque Ted l'aidait à se fondre dans le paysage.

– Et voilà, c'est chez moi, dit Ted en allumant la lumière après avoir grimpé six étages dans un escalier en colimaçon.

Le studio de Ted était minuscule. Le plafond était incliné, si bien qu'ils ne pouvaient se tenir debout que dans la moitié de la pièce. Une ampoule blafarde accrochée au plafond suffisait à éclairer les murs blancs, le lit simple et défait, les étagères remplies à craquer de livres et de vêtements mêlés, le réchaud minuscule parsemé de coquillettes séchées, et le bureau le plus désordonné qu'Andromeda ait jamais vu. La seule ouverture vers l'extérieur était une lucarne de toit, dont le store cassé pendouillait lamentablement. Mais aux yeux d'Andromeda, ce désordre avait quelque chose de merveilleux : il signifiait que dans cet endroit, on était autorisé à vivre.

– Tu ne ranges jamais ? s'enquérit Andromeda avec malice.

Elle n'aurait jamais osé faire une telle remarque à qui que ce soit d'autre. Mais Ted était différent : elle aimait son air surpris lorsqu'elle le taquinait. De manière générale, chaque expression qui animait le visage de Ted donnait à Andromeda l'envie irrésistible de l'embrasser.

– Tu plaisantes ? demanda-t-il, désespéré. J'ai fait le ménage de fond en comble !

Ce que Ted appelait « ménage » consistait en réalité à ramasser tout ce qui se trouvait sur le sol et à l'entasser sur son bureau – dont le moindre centimètre était recouvert de chaussettes sales et d'emballages de gâteaux. Devant son expression contrite, Andromeda éclata de rire, ébouriffa ses cheveux blonds et l'embrassa tendrement, tout en se penchant légèrement car Ted était plus petit qu'elle.

Andromeda n'avait jamais éprouvé un tel sentiment de bien-être et de liberté. Même sur la Colline d'Émeraude, elle gardait le souvenir d'une atmosphère oppressante, où elle avait détecté, derrière la fierté de ses congénères à propos de leur statut de sorcier, une exaltation malsaine et un mépris crasseux qui n'avaient absolument rien de légitime. Elle se souvenait de l'expression embarrassée de ses parents, lorsque, timidement, après avoir pris son courage à deux mains, elle avait osé les interroger plus en profondeur sur les raisons de la haine que leur famille et leurs voisins entretenaient à l'égard des Moldus. Le sermon que son père lui avait servi ce soir-là à propos de son impertinence et de sa curiosité mal placée était venu confirmer ses doutes : le tableau qu'on lui avait toujours présenté comme une vérité unique était loin, très loin de dépeindre la complexité des relations sorciers-moldus. Et avec le temps, ce sentiment de tromperie n'avait fait que s'amplifier, d'autant plus désagréable que ses deux sœurs ne paraissaient pas s'en soucier.

Aux côtés de Ted, à l'inverse, tout devenait simple et léger. Il n'y avait personne à haïr, aucun endroit à éviter. Leurs gestes s'accordaient, leurs rires se répondaient, et chaque jour apportait son lot de tendresse et de gaieté.

Tout en remerciant sa bonne étoile d'avoir mis Ted sur son chemin, Andromeda se mit à l'embrasser avec plus d'ardeur, et sans même s'en rendre compte, ils roulèrent sur le lit, et se glissèrent sous les draps. Là, dans le frottement de leurs peaux moites, Andromeda goûta à un plaisir d'autant plus intense et surprenant qu'elle n'avait jamais entendu parler de ce plaisir-là.

Après de longues caresses dans ce petit nid, Andromeda se décida à rentrer chez elle, gonflée de courage. La nuit était douce et calme, à tel point qu'on avait du mal à croire aux nouvelles alarmantes qui avaient été annoncées dans la journée. Sur le chemin, Andromeda se demanda combien de temps Ted accepterait encore de rester dans la clandestinité. Il faisait preuve d'une patience angélique, mais Andromeda craignait que, si la situation n'évoluait pas, Ted décide de lui préférer une jeune femme qui accepterait de l'aimer au grand jour. Cette idée lui était tout simplement insupportable, et la peur de le perdre la rattrapait un peu plus chaque jour.

Lorsqu'elle arriva devant la façade austère du 12, square Grimmaurd, Andromeda avait pris une ferme résolution : avant la fin de l'année, elle avertirait sa famille de sa relation avec Ted. Cela leur ferait un choc, bien sûr, eux qui ne juraient que par cette maudite « pureté du sang », mais Andromeda espérait que leur amour pour elle serait plus fort que les œillères qui leur étriquaient l'esprit.

***

Le lendemain, Orion rentra au 12 square Grimmaurd dans la matinée, et fit comprendre à Walburga par un petit signe de tête que tout était arrangé. Aussitôt, Walburga décida de se rendre au Ministère afin de s'en assurer. Elle revêtit donc une robe de dentelle noire au col étroit, ses gants de cuir, ses bottines à talons hauts, une canne dont le pommeau était sculpté en forme de corbeau, et sa longue cape de velours noir. Après avoir vérifié qu'aucune mèche de ses longs cheveux noirs ne s'échappait de son chignon serré, elle posa son chapeau sur sa tête, et fut prête à partir. Elle décida de se faire accompagner par Kreattur, d'abord parce que sa faculté à transplaner facilitait grandement les déplacements, mais aussi parce que la présence d'un elfe de maison à ses côtés lui donnait de l'importance.

Arrivée au Ministère, elle se rendit immédiatement au bureau de Mr Bartemius Croupton, en espérant pouvoir faire libérer son frère dans les plus brefs délais. Les employés du Ministère se retournaient sur son passage, bien conscients qu'elle était ici pour plaider la cause de la famille Black. Walburga surprenait de temps à autre des regards moqueurs, suspicieux, et encore d'autres, intimidés. Elle trouvait la plupart des gens insignifiants, et devoir se confronter à une telle quantité de cette plèbe méprisable lui donnait la nausée. Pour se donner du courage, elle pensa à son frère en train de croupir en cellule, et en poussant la porte de la salle d'attente de Mr Croupton, elle se promit de le sortir de là, quoiqu'il en coûte.

En entrant dans le vestibule de Mr Croupton, elle constata avec agacement que quelqu'un d'autre y patientait, et avec encore plus d'agacement qu'il s'agissait de Vera Goyle, l'amie d'enfance de Druella, que Walburga ne pouvait pas voir en peinture.

Vera, à l'inverse de Walburga, avait manifestement voulu réunir toutes les couleurs de l'arc-en-ciel dans la même tenue, et cet objectif était presque atteint : elle portait une cape jaune poussin avec un col gigantesque, une robe brillante et violette, des collants rouge vif, des bottines vertes en écailles, un sac à main en forme de nuage bleu ciel, un chapeau bordé de plumes indigo, un collier orange et de grosses boucles d'oreille roses en forme... d'oreilles.

Cette tenue pour le moins pétulante était complétée par la présence d'une petite créature ailée au pelage vert pomme, accroupie sur les genoux de Vera. Celui-ci montrait ses dents à sa maîtresse, et elle lui nettoyait à l'aide d'une minuscule brosse à dents. Walburga grimaça en voyant la bestiole : il s'agissait d'un ravluk, un petit singe ailé venu d'Amérique centrale connu pour les longues touffes de poils verts qui poussaient sur ses joues, et pour sa capacité à faire pousser à une vitesse stupéfiante les végétaux qui se trouvaient sous ses pattes. Les Goyle en possédaient des dizaines, ce qui permettait à leur immense jardin d'être luxuriant en toute saison ; et Vera aimait beaucoup se promener avec l'un d'eux sur son épaule, ce que Walburga jugeait complètement ridicule.

– Bonjour, Wal, la salua chaleureusement Vera Goyle.

L'agacement de Walburga augmenta encore d'un cran.

– Que fais-tu ici ? demanda Walburga avec la plus grande froideur.

– La même chose que toi, dit Vera sans cesser d'astiquer la dentition de son ravluk. J'essaie de sortir Cygnus de là. Mais contrairement à toi, je ne le fais pas pour cet imbécile de Cygnus, mais pour Lulu.

– Essaie de ne pas utiliser ce surnom ridicule devant Mr Croupton, répliqua Walburga en levant les yeux au ciel.

Vera montra ses dents à son ravluk, et celui-ci l'imita. Satisfaite du résultat, Vera lissa et entortilla les longs poils verts qui couvraient les joues du petit animal, et releva son visage constellé de taches de rousseur vers Walburga.

– Si seulement tu consacrais un dixième de ton énergie à prendre soin de Druella, soupira-t-elle.

– Druella est une petite dévergondée, et l'accueillir sous mon toit est déjà la preuve de mon immense indulgence, rétorqua sèchement Walburga.

Vera soupira, résignée ; puis elle se renversa dans son fauteuil, et posa ses bottines vertes sur la table basse du vestibule, dérangeant au passage les piles de lettres soigneusement alignées.

– Vera...

– Oh ! s'exclama Vera en apercevant Kreattur qui s'agrippait aux jupons de sa maîtresse. Tu as amené un camarade de jeu pour Albert !

– Albert ?

En entendant son prénom, le ravluk sauta sur le sol, et se jeta sur Kreattur avec un petit couinement réjoui, afin de le chatouiller affectueusement. À l'inverse, Kreattur poussa des grognements excédés, et tout en essayant de se débarrasser du ravluk, il roula sur le sol et heurta la table basse, renversant un vase rempli de fleurs sur les piles de courrier.

– Vera ! siffla Walburga. Si nous voulons obtenir quelque chose de Mr Croupton, nous ferions mieux de ne pas saccager son vestibule !

Vera eut un petit rire, porta son index et son pouce gauches à ses lèvres, et siffla bruyamment. Aussitôt, le ravluk s'arrêta de chatouiller Kreattur, rejoignit Vera en quelques sauts et s'envola pour venir se poser sur ses épaules.

La porte du bureau s'ouvrit presque immédiatement sur Mr Croupton, visiblement furieux d'être dérangé pendant une journée aussi importante – tellement furieux qu'Albert se cacha derrière le dos de sa maîtresse, apeuré. Croupton était habillé avec soin, mais son teint verdâtre et ses joues creuses indiquaient qu'il n'avait pas dormi de la nuit, et qu'il n'avait pas mangé depuis un certain temps.

– Qu'est-ce que c'est que ce vacarme ! AH ! Mon courrier ! rugit-il en voyant Kreattur se relever au milieu des lambeaux de fleurs et de lettres détrempées.

– Mr Croupton, dit Vera en se levant d'un bloc.

– Nous devons nous parler, dit Walburga en se rapprochant de lui.

– Ne m'approchez pas ! J'ai à faire ! POUSSEZ-VOUS ! Vous, rangez donc tout ce fouillis ! lança-t-il à quelqu'un qui se trouvait dans son bureau.

Il écarta sans ménagement les deux femmes et traversa le vestibule pour se rendre dans le couloir. Sa cape volait derrière lui en ondulant de façon menaçante, et même de dos, Walburga devinait que sa fine moustache frémissait de détermination.

– La première audience de Cygnus Black aura lieu dans une heure, les informa sèchement Croupton. Vous avez le droit d'y assister, mais en attendant, fichez-moi la paix, je suis débordé !

– Mr Croupton, mon frère est innocent, dit Walburga.

– Vous allez voir s'il est innocent ! Tiens, je vais justement récupérer les pièces à convictions que nous avons trouvées chez lui, vous n'avez qu'à me suivre ! Quand vous verrez les horreurs que votre frère s'apprêtait à vendre à des Moldus, vous ferez moins la fière !

Walburga jeta un regard en biais à Vera, et remarqua que, si elle aussi s'efforçait de suivre le pas pressé de Mr Croupton, elle souriait sereinement. Puis, Walburga remarqua qu'Albert avait disparu ; et quand elle reporta son attention sur Bartemius Croupton, elle vit le petit animal vert sortir de la poche de sa veste, tenant entre ses pattes quelque chose d'étincelant...

Stupéfaite, Walburga vit le ravluk sauter sur le sol, une petite clé entre les pattes, et détaler dans la direction inverse. Elle interrogea Vera du regard, et celle-ci lui fit un clin d'œil.

Ils parcoururent les couloirs carrelés du Département de la Justice Magique pendant un long moment, à tel point que Walburga dut se résigner à tirer Kreattur par la main, car il peinait à les suivre ; et au moment précis où Croupton s'arrêtait devant une porte imposante flanquée du panneau « DÉFENSE D'ENTRER - DANGER DE MORT », Walburga vit Albert reparaître sous les pieds de Mr Croupton, voleter jusqu'à sa poche pour y reposer la clé dorée. Alors que Croupton s'apprêtait à plonger sa main dans la poche, où se trouvait encore le ravluk, Vera lui chatouilla discrètement la nuque avec une des plumes qui ornait son chapeau ; Croupton s'interrompit alors et passa une main dans son cou. Albert eut ainsi tout le loisir de sortir de la poche et de sautiller jusqu'à Vera, qui le fit grimper sur son épaule et sortit une petite cacahuète bleue de son sac à main pour la donner en récompense à son fidèle compagnon.

Enfin, Croupton mit la main dans sa poche, et en sortit la clé que le Ravluk venait de remettre à sa place. C'était une petite clé dorée, avec un anneau finement sculpté, une tige forée et un panneton particulièrement complexe.

– Ah ! La voilà ! Une clé forgée par Gringott's, absolument inimitable ! dit-il avec une fierté presque démente.

Tout en jubilant, il glissa la petite clé dans la serrure, fit au moins dix tours, puis, lorsqu'il entendit un déclic, il se tourna vers ses interlocutrices pour savourer leur réaction, et poussa violemment la porte sans regarder à l'intérieur.

– HA ! Voilà ! Vous voyez ?

Walburga regarda à l'intérieur de la pièce, amusée. Kreattur poussa un petit cri étonné, Vera éclata de rire, et Albert se mit à sautiller sur son épaule, surexcité.

– Voilà une bonne plaisanterie, Mr Croupton, dit Vera.

Outré par ce manque de respect, Croupton se retourna vers l'entrepôt des pièces à conviction.

– HA ! cria-t-il à nouveau en sautant en arrière, soudain beaucoup plus pâle et beaucoup moins triomphant.

Dans la pièce immense, les murs nus et les étagères vides semblaient se moquer ouvertement de Mr Croupton. Il n'y avait plus de trace du Collier d'Opale, ni de la moindre amulette, même si on pouvait encore voir leur empreinte dans la poussière qui recouvrait le sol.

– C'est impossible ! dit Croupton en secouant la tête, faisant frissonner sa fine moustache et trembloter ses joues. Impossible ! Je suis venu vérifier ce matin même ! Et la clé est restée dans ma poche depuis !

– Mr Croupton, j'ai bien peur que vous n'ayez été victime d'une grosse farce, rit Vera. Tous ces objets étaient, de toute évidence, des leurres destinés à disparaître, et donc à vous ridiculiser... À mon avis, le Collier d'Opale n'était qu'un gadget !

– Non ! Nous l'avons étudié ! J'ai senti moi-même l'aura puissante de ce collier !

– Alors comment expliquez-vous qu'il ait pu disparaître aussi facilement ? Mr Croupton, vous savez comme moi qu'il faut de grands pouvoirs pour s'emparer d'un tel objet... Ça n'est pas quelque chose qui se fait en quelques heures... Et puis, vous l'avez dit vous-même, la clé est restée dans votre poche ! Comment un sorcier, si puissant soit-il, aurait-il pu forcer cette porte blindée et saturée de Sortilèges de Protection ?

Avant que Croupton n'ait pu répondre, un de ses assistants déboula dans le couloir et accourut vers eux. Walburga remarqua qu'il avait des petits morceaux de papier dans les cheveux.

– Mr Croupton, vous avez reçu une dizaine de Beuglantes dans votre bureau, dit le jeune homme, essoufflé et décoiffé. Elles sont en train de tout saccager... Il y en a trois des Crabbe, mais aussi des Rosier, des Nott, des Parkinson, des Selwyn... Ils exigent que Cygnus Black et Piscus Crabbe soient libérés...

– Peu importe ! s'entêta Croupton.

– Mais... Mr Croupton...

Le jeune assistant jeta un regard embarrassé à Vera et Walburga : ce qu'il avait à dire semblait confidentiel.

– QUOI, ENCORE ? rugit Croupton.

Effrayé, l'assistant eut un mouvement de recul.

– PARLEZ ! le houspilla Croupton. Ou bien je ne donne pas cher de votre carrière au Ministère !

– C'est que... Les Rosier et les Selwyn, Mr Croupton... Ils menacent de retirer le prêt qu'ils vous ont fait pour financer... Vous savez...

La moustache de Croupton frémit, et son assistant parut se ratatiner sur lui-même.

– Peu importe, s'entêta Croupton après un instant d'hésitation. Allez chercher Maxence Cain, l'inspecteur qui a attesté que la mort des Moldus avait été causée par le collier ! Et Margo Grapetou, l'experte en magie noire qui m'a confirmé l'authenticité de toutes les pièces à conviction ! VITE !

– Je venais vous voir justement à ce propos, continua l'assistant. Ce matin, Maxence Cain et Margo Grapetou ne sont plus vraiment sûrs de leurs affirmations... Ils disent vouloir revenir sur leurs déclarations, et admettent avoir commis des erreurs dans leurs expertises...

Alors que Croupton essayait de ne pas s'étouffer de rage, Walburga aperçut un troisième jeune homme apparaître à l'autre bout du couloir, lui aussi très agité. Walburga comprit qu'il essayait de retenir – sans franc succès – une jeune femme à la chevelure beaucoup trop blonde et aux ongles beaucoup trop roses, accompagnée par un photographe. Celle-ci repoussa sans ménagement l'employé du Ministère, et rejoignit le petit groupe qui s'était formé devant la porte de l'entrepôt vide.

– Bonjour, bonjour, dit la jeune femme d'une voix fluette. Je suis Rita Skeeter, de La Gazette du Sorcier. J'ai reçu un courrier anonyme me disant que les pièces à convictions de l'affaire du Collier d'Opale s'étaient volatilisées... Ah ! Fantastique ! Walter, prenez vite une photo !

L'assistant de Rita Skeeter brandit son appareil, et le flash illumina les murs vides de l'entrepôt destiné aux pièces à conviction, ainsi que le visage défait de Bartemius Croupton, toujours sidéré.

– Parfait ! s'exclama Rita Skeeter. Mr Croupton, avez-vous une déclaration à ce sujet ?

Croupton remua vainement les lèvres, sans parvenir à articuler la moindre parole intelligible.

– ...Non ? Bon, dommage...

Elle se pencha vers sa plume à papote, qui grattait déjà furieusement un bloc-notes suspendu dans les airs, et murmura en s'éloignant :

– Titre : l'incompétence du Ministère démontrée une fois de plus... Premier paragraphe... Non, en conclusion : Mr Croupton totalement dépassé par la situation...

Et Rita Skeeter disparut aussi rapidement qu'elle était apparue. Croupton et ses assistants affichaient une mine d'enterrement, contrairement à Vera, qui arborait un sourire éclatant.

– Eh bien, je ne vois pas ce qui retient encore Cygnus Black entre vos murs, dit-elle. Si j'étais vous, je le libérerais avant que l'édition matinale de la Gazette du Sorcier ne soit expédiée à travers toute l'Angleterre.

La moustache de Croupton frémit à nouveau, et il s'adressa d'une voix sourde à ses trois assistants qui attendaient ses ordres avec appréhension.

– Vous, dit-il au premier, vous pouvez classer l'affaire sans suite. Vous, dit-il au deuxième, allez libérer Cygnus Black, et permettez-lui de rentrer chez lui.

Walburga poussa un discret soupir de soulagement. Mais Croupton donna ses instructions au troisième assistant, avec une colère à peine contenue :

– Quant à vous ! éructa-t-il. Écrivez un ordre de mise à pied de Maxence Cain, de Margo Grapetou ! Et surtout, surtout, de Mr Cygnus Black ! Qu'il nous rende sa robe rouge et son chapeau, et qu'il ne remette plus jamais les pieds au Ministère ! JAMAIS !

Alors que Walburga s'apprêtait à protester, Croupton l'arrêta d'un geste de la main.

– Non ! On ne conteste pas mes ordres ! Je ne veux plus jamais entendre parler de Cygnus Black, ni de sa famille de cinglés ! Allez tous au diable, vous m'entendez ?

Les trois assistants rougirent en entendant des paroles si grossières sortir de la bouche du digne Mr Croupton, et ils se dispersèrent en regardant leurs pieds.

Walburga voulut protester à nouveau, mais Croupton s'éloigna à grands pas, et Vera l'empêcha de le suivre.

– Allons chercher Cygnus, dit-elle doucement.

Walburga la toisa froidement.

– Petite sotte, cracha-t-elle. À cause de toi, Cygnus ne sera jamais Ministre de la Magie ! Nous aurions dû laisser le procès se dérouler normalement, et Cygnus aurait été innocenté !

– Si tu en es si sûre, pourquoi as-tu ordonné à Orion de faire disparaître les preuves qui l'accablaient ?

Walburga tressaillit, même si elle essaya de ne pas le montrer.

– Comment...

– Orion est allé voir un de mes amis, qui a fait appel à moi pour récupérer la clé, dit calmement Vera. C'est lui qui a organisé à l'instant la disparition de toutes les preuves. Nous avons fait tout ça sur tes ordres. Wal, écoute-moi, le procès aurait duré des mois, Cygnus ne s'en serait jamais remis... Et de toute manière, même s'il avait été innocenté cette fois-ci, Croupton l'aurait évincé d'une manière ou d'une autre, pour accéder à son tour au poste de Ministre. Allez, ravale ton venin, et allons chercher ce pauvre Cygnus, il doit être dans un triste état.

Conformément aux ordres de Bartemius Croupton, Cygnus Black fut relâché immédiatement. Ursula Crabbe vint à son tour faire pression sur le malheureux Bartemius Croupton, encadrée par ses deux colosses de fils et leurs deux énormes pitbulls ; et de la même manière, Piscus Crabbe fut relâché.

En revanche, la sentence du Magenmagot était sans appel : Cygnus Black n'y avait plus sa place. Il fut dépossédé de sa grande robe rouge, et on le pria de ne plus jamais remettre les pieds au Ministère. Il rentra donc chez lui, la tête basse, essayant tant bien que mal de défroisser sa chemise et de camoufler les meurtrissures qu'il portait autour des poignets.

– N'y vois rien de personnel, Cygnus, lui dit Orion en le voyant arriver. Les affaires sont les affaires, voilà tout.

Cygnus haussa les épaules, indifférent.

– Jolie manucure, en tout cas, ironisa-t-il en voyant la main noircie d'Orion.

Narcissa, encore plus que son père, fut anéantie par ces nouvelles. Le sentiment d'impuissance qui l'étreignait depuis longtemps, mais qui avait accepté de sommeiller quelques temps pendant qu'elle badinait avec Lucius, revint à la charge avec une violence inouïe. Elle avait l'impression d'être clouée au mur, et de voir sa famille partir en lambeaux, sans rien pouvoir faire, à part remercier humblement sa tante Walburga pour avoir tiré son père de là – ce qui était loin d'être réconfortant.

Et le coup de grâce lui fut porté quelques jours plus tard, sur le quai du Poudlard Express, lorsqu'Andromeda lui annonça la grande nouvelle.

– Cissy, j'ai quelque chose à te dire, annonça-t-elle innocemment, avant que Narcissa ne monte dans le train.

– Oui, je t'écoute, répondit pensivement Narcissa, les yeux dans le vague. Il s'agit de Papa ? De Bellatrix ? De Maman ?

– Non, il s'agit de moi, dit Andromeda, un peu pincée.

Narcissa leva la tête, soudain plus attentive.

– Je... Je suis amoureuse.

– Mais non ? Andromeda, c'est génial ! Alors c'était ça, tes sorties nocturnes... Moi qui m’inquiétais !

Soudain ragaillardie, Narcissa lui sauta au cou, ravie, et l'embrassa avec force.

– Oui, c'est merveilleux, affirma Andromeda. Tu verras, il est incroyable, je suis sûre qu'il te plaira.

– Je suis si heureuse ! En en plus, tu as bien choisi ton moment ! Un beau mariage, ça va remettre les parents d'aplomb !

Andromeda se mordit la lèvre, embarrassée.

– En fait, je... Je ne suis pas sûre que ça leur plaise.

Le sourire de Narcissa s'évanouit aussitôt.

– Comment ça ?

– C'est un Né-Moldu, asséna Andromeda.

Tout leur enthousiasme retomba. Narcissa devint encore plus pâle qu'elle ne l'était déjà, et Andromeda se sentit aussitôt submergée par la culpabilité.

– Un... Un Né-Moldu ? balbutia Narcissa, catastrophée. Mais comment...

– Nous nous sommes rencontrés au Chat qui souris. Il s'appelle Ted. Et je suis amoureuse de lui, Cissy.

– Andromeda, tu ne peux pas faire ça, gémit Narcissa, qui commençait à manquer d'air. Pense aux parents ! Tu vas les achever !

– Je leur annoncerai en douceur, ne t'en fais pas. Maman me soutiendra, j'en suis sûre.

– Oh non, je t'en prie, Andromeda... Papa, il... Il est déjà au fond du trou ! Il nous tient déjà pour responsables de tous ses malheurs, tu ne peux pas lui donner raison !

– Je pensais leur dire pendant les vacances de Noël, poursuivit Andromeda, implacable. Je voudrais que tu sois là. Tu... Tu m'aideras à les convaincre, n'est-ce pas ?

Le Poudlard Express donna le signal du départ, et empêcha Narcissa de répondre. Andromeda l'enlaça, et Narcissa se laissa faire, hébétée. Daisy et Regulus durent venir la tirer par le bras et porter sa valise pour qu'elle monte dans le wagon avant le départ du train.

– Bonne rentrée, petite sœur, dit tout de même Andromeda alors que le Poudlard Express démarrait.



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