Dans le nid des Serpents

Chapitre 1 : Alyandra Bowsmith

4347 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/04/2022 23:00

Assise sur son lit en bois, une petite fille aux cheveux noirs d’une dizaine d’années relisait une fois de plus une lettre qu’elle avait reçue quelques jours auparavant, et qu’elle avait tellement pliée et dépliée que le parchemin commençait à se déchirer par endroit. Elle l’avait lue tant de fois le soir, avant de s’endormir, qu’elle la connaissait presque par cœur. C’était la première fois qu’une lettre lui était adressée, à elle, Alyandra Bowsmith, et à elle uniquement. Sa mère n’avait pas apprécié. Cela voulait dire que quelqu’un était au courant de son existence et, plus grave encore selon sa génitrice, de sa « particularité ». Particularité qui semblait d’ailleurs, aux dires de l’expéditeur de cette lettre, avoir un nom bien précis. Sorcière. Lorsque la fillette avait lu sa missive à haute voix, assise sur une chaise dans la cuisine, la réponse de sa mère avait été sans appel :

—Cet homme raconte n’importe quoi ! La magie n’existe pas dans le monde réel. Je te l’ai dit et redit, Alyandra. J’en ai assez de me répéter !

Pourtant, Alyandra voulait croire à ce que racontait ce monsieur qui avait un nom si étrange. Est-ce que beaucoup de personnes dans le monde portaient le nom de Dumbledore ? Lorsqu’elle avait posé la question, Cassie Bowsmith s’était contentée de répondre qu’il existait beaucoup de noms dans le monde, mais que cela importait peu qu’elle les connaisse. Ce genre de phrase, l’enfant en avait l’habitude. C’était la réponse de sa mère à toutes les questions qu’elle pouvait poser sur le monde extérieur. Comme si cela n’enthousiasmait pas la fière citadine que sa fille se montre curieuse. En fait, quoi que fasse Alyandra, sa mère ne paraissait jamais heureuse de la voir faire. Ni de la voir tout court, en réalité.

Ce constat, que la fillette avait fait dès qu’elle avait été capable de penser par elle-même, aurait pu la rendre malheureuse. Mais Alyandra Bowsmith ne se jugeait pas comme une enfant malheureuse. Parce que, malgré tout, elle se souvenait. Sa maman, aussi froide soit-elle aujourd’hui, l’avait aimé quand elle était encore toute petite. Et peut-être l’aimait-elle encore un peu ? Alyandra gardait au fond d’elle le souvenir de sa mère lui chuchotant de cette voix si douce que ce n’était pas de sa faute si son père n’avait jamais voulu la connaître et que ses grands frères prendraient soin d’elle. Elle gardait précieusement en mémoire les histoires que Cassie Bowsmith lui racontait, toutes les deux blotties dans le petit lit, à la lueur tamisée de la lampe de chevet. Alyandra n’avait jamais vraiment cherché à savoir pourquoi elle ne pouvait ouvrir ses volets, ni jouer dehors avec les autres enfants et aller à l’école avec ses frères. Sa mère lui faisait l’école à domicile et ça lui suffisait. Elle avait sa propre chambre, alors que les jumeaux, Simon et Lewis, se partageaient la deuxième chambre de l’étage. Elle savait que sa famille n’était pas riche mais, pourtant, ses proches avaient toujours veillé à ce qu’elle ne manque de rien. Oui, la fillette avait été aimée.

L’attitude de Cassie Bowsmith changea lorsque sa fille atteignit ses sept ans. Des manifestations étranges commencèrent à se produire en sa présence. Lorsqu’elle rentrait dans une pièce, les lampes s’allumaient automatiquement, la table se mettait toute seule lors du déjeuner et, lorsque le moral de sa fille baissait, il y avait toujours quelque chose qui se cassait. Alyandra faisait de son mieux pour contrôler ces étrangetés qui arrivaient sans qu’elle ne le désire, mais la fillette ne put stopper l’éloignement de sa mère, dont les attentions cessèrent du jour au lendemain. Elle devint de plus en plus dure, ne s’adressant plus à elle que par monosyllabes. Et Alyandra prit l’habitude de se sentir transparente aux yeux de sa mère. Elle accepta, sans aucune émotion apparente, les regards horrifiés de ses frères face aux phénomènes surnaturels qui survenaient. Dans son cœur de petite fille, qui se meurtrissait et se refroidissait de jour en jour, elle gardait néanmoins l’espoir de recevoir un jour à nouveau l’amour dont chaque enfant rêvait. En attendant ce jour béni, elle se renferma sur elle-même, et l’enfant rieuse et souriante qu’elle était laissa place à une fillette au regard de glace, qui ne connaissait personne du monde extérieur, et que personne ne connaissait.

Aussi, quand une lettre lui parvint, d’un certain lieu nommé Poudlard, Alyandra fut d’abord perplexe. Comment une lettre avec l’adresse « Sur son lit en bois au 49 Wood Street, Rye, Sussex » avait-elle pu être livrée chez elle, arrivant étrangement sur le paillasson et non dans la boîte aux lettres ? Mais très vite, la curiosité propre aux enfants l’avait emportée. Que lui voulait-on ? Qui était ce mystérieux être humain qui, quelque part, connaissait son existence, celle-la même que sa mère prenait tant soin de cacher ? Elle avait donc précautionneusement décachetée la lettre, puis l’avait lue. Une fois. Puis deux. Puis trois. Elle s’était rendue dans la cuisine pour la lire à sa mère. Elle avait écouté en silence cette dernière maugréer, encaissant une fois de plus des regards glaciaux et furieux. Au final, elle était montée dans sa chambre et avait caché sa lettre sous une latte de son parquet, dans sa cachette secrète. Et depuis ce jour, chaque soir, elle la relisait, et l’espoir gonflait en elle. L’espoir qu’elle n’était peut-être pas un monstre, comme sa famille semblait le penser depuis des années. L’espoir qu’il existait des enfants, des adultes, comme elle, dotés de « pouvoirs magiques ». Et que Poudlard était en réalité une école de sorcellerie, où elle pourrait apprendre à devenir et apprécier celle qu’elle était réellement. Et si c’était vrai ? Et si elle, Alyandra Bowsmith, était une sorcière ?

C’était donc désormais avec espoir qu’elle attendait la venue d’un professeur, comme spécifié dans le courrier. Elle peinait à s’imaginer la personne qui se présenterait face à elle. Serait-ce une sorcière comme on en voyait dans les livres d’images, avec un chapeau pointu, et des verrues partout sur le visage ? Discrètement, pour ne pas énerver sa mère plus qu’elle ne semblait déjà l’être, Alyandra avait cherché, parmi toutes les sources à sa disposition, le plus d’informations possibles sur le monde magique et cette communauté. A son plus grand désappointement, elle n’avait pas trouvé grand-chose et comptait sur cette journée avec l’un d’entre eux pour en apprendre plus sur ce monde qu’elle découvrait.

Le premier août, elle se leva donc aux aurores et se prépara avec grand soin, ignorant superbement les regards perplexes de ses frères à peine réveillés. Avec le temps, la fillette était devenue pour eux une connaissance plus qu’un membre à part entière de leur famille. Parfois, ils regrettaient le temps où ils riaient tous les trois, avant de se rappeler que leur sœur était devenue une monstruosité créant des phénomènes paranormaux. Alyandra avait toujours été une enfant extrêmement calme, qui ne disait jamais un mot plus haut que l’autre, et qui préférait des jeux de réflexion et de stratégie aux jeux d’actions. Elle n’avait jamais protesté contre l’interdiction de sortir que lui imposait leur mère, ne s’était jamais plainte des blagues relativement douteuses qu’ils pouvaient lui faire depuis l’apparition de son anormalité. Comme si leur petite sœur ne ressentait plus aucun sentiment. Aussi s’étonnèrent-ils de la voir passer quasiment en courant lorsque la sonnette retentit ce matin-là. Plus étrange encore, leur génitrice ne courait pas après elle pour l’empêcher d’ouvrir la porte, elle qui avait toujours veillé à ce qu’Alyandra ne sorte pas sans son autorisation.

Alyandra avait attendu toute la matinée, prenant son mal en patience, et essayant d’ignorer les regards critiques de sa mère. Elle était bien trop excitée à l’idée de découvrir enfin ce fameux monde sorcier de ses propres yeux pour remarquer que ceux de Cassie Bowsmith étaient plus cernés que d’habitude. La femme jetait elle aussi de fréquents coups d’œil par la fenêtre, attendant avec anxiété une rencontre qu’elle savait de toute façon inévitable. Aussi, lorsque la mère et la fille entendirent un son strident retentir, l’une comme l’autre se redressèrent. Alors que la plus jeune courait en direction de l’entrée, Madame Bowsmith lissa nerveusement ses cheveux de jais. Elle ne pouvait plus reculer devant la confrontation qui allait suivre, et en était parfaitement consciente.


Severus Rogue transplana dans un jardin qui ressemblait plus à un terrain vague qu’à autre chose. Il pesta quand des orties lui frôlèrent la main, faisant apparaître des rougeurs sur son poignet. Il faudrait qu’il se mette du baume de Pompom en rentrant au château, chose qu’il détestait car sa main collait ensuite pendant plusieurs heures. Nul doute que s’il lui prenait l’idée de se plaindre à Albus, ce dernier aurait les yeux qui pétilleraient derrière ses lunettes en demi-lune. Après tout, il était ici sur ordre du vieux sorcier. Qu’est-ce qui lui avait pris d’ailleurs, au Grand Manitou Suprême ? Pourquoi l’envoyer lui, Severus Rogue, la Terreur des cachots, annoncer à une fillette qu’elle était une sorcière ? C’était un travail qui convenait parfaitement aux autres professeurs, mais certainement pas à lui !

Soupirant, il prit deux minutes pour observer l’endroit où il se trouvait et se demanda brièvement s’il ne s’était pas trompé d’adresse. Quel sorcier digne de ce nom accepterait de vivre dans un taudis pareil ? Il se rendit compte qu’il avait probablement pensé tout haut lorsque la réponse lui fut donnée par le chat perché sur la boîte aux lettres.

—N’oubliez pas Severus. Nous nous rendons chez des moldus. Jusqu’à il y a quelques jours, Miss Bowsmith ignorait qu’elle était une sorcière. Sa famille n’a probablement pas les mêmes habitudes que nous autres.

—Tout de même Minerva. Vous n’allez pas me dire que les moldus sont incapables de prendre soin de leur jardin, ni même de réparer sans magie la marche de leur terrasse ? La sonnette est en bon état, c’est déjà ça.

A peine avait-il appuyé sur le bouton qu’une cavalcade de pas se fit entendre. Puis la porte s’ouvrit sur une fillette au visage pâle mais au sourire jusqu’aux oreilles. Le professeur Rogue la trouva immédiatement mignonne, même s’il ne l’avouerait jamais. Et il était rare que lui, Severus Rogue, directeur de la fière maison Serpentard, trouve quelqu’un de mignon. La petite avait des cheveux noirs comme la nuit, de beaux yeux verts, et une peau si pâle qu’on devinait aisément qu’elle n’avait pas souvent dû profiter du soleil. Ni elle, ni lui, ni le chat qui accompagnait toujours Severus n’eurent le temps de dire un mot qu’une femme aux cheveux aussi noirs que l’enfant apparu à son tour.

—Entrez vite. Si quelqu’un du village vous voit, on va encore jaser. Simon et Lewis n’ont pas besoin d’entendre encore plus de commérages.

Sans prendre la peine de lui répondre, l’austère professeur passa l’entrée et se dirigea sans aucune hésitation vers la cuisine, suivit du chat tigré. Cassie Bowsmith haussa un sourcil quand elle vit l’animal mais n’osa pas faire de commentaires. Il faut dire que l’homme qui venait d’entrer chez elle était assez impressionnant, avec sa cape noire qui flottait derrière lui et son regard glacial. Prenant sa fille par les épaules, premier geste d’affection qu’elle lui témoignait depuis des années, elle suivit le professeur jusqu’à la pièce ensoleillée.

En s’asseyant sur sa chaise, Alyandra dévisagea discrètement les nouveaux arrivants. L’homme ne ressemblait pas vraiment aux sorciers qu’elle avait pu voir dans les livres. Il avait certes les cheveux un peu gras, mais pas de nez crochu ou de verrues. Son regard froid lui fit baisser les yeux et même elle, du haut de ses onze ans, ne put que le trouver imposant. A n’en pas douter, il devait être quelqu’un de respecté. Impressionnée malgré elle, Alyandra ne pipa mot, malgré sa curiosité, et attendit qu’il prenne la parole.

—Bien. Ne perdons pas de temps en explications inutiles, puisque vous savez pourquoi je suis là. Je suis le professeur Rogue, j’enseigne les potions à l’école de sorcellerie Poudlard. Il s’agit du collège où vont tous les jeunes sorciers et sorcières pour apprendre à canaliser leur magie. Vous y êtes inscrite depuis votre naissance Miss Bowsmith, et pour les sept années à venir vous y étudierez. Sur place, il vous sera demandé de la rigueur, de la discipline et du respect. Le moindre manquement au règlement intérieur entraînera une punition et des conséquences. Est-ce bien clair ?

—Oui professeur.

—Avant de faire votre rentrée à Poudlard, il vous sera demandé d’acheter des fournitures spécifiques, comme vous avez pu le voir dans votre lettre. Bien évidemment, vous vous doutez que ce matériel ne se trouve pas dans n’importe quel magasin. C’est pour cela que je reviendrai dans quelques jours, afin de vous mener sur le Chemin de Traverse, pour que vous puissiez acheter vos affaires. Des questions ?

—Excusez-moi. Quand vous parlez de fournitures scolaires spécifiques, savez-vous environ le prix que cela coûtera ? C’est que nous ne sommes pas riches, voyez-vous…

Severus Rogue se retint difficilement de lever les yeux au ciel devant la mauvaise volonté de cette femme. Certes, elle n’était pas aussi aisée que certaines connaissances du professeur, mais cette famille semblait loin d’être pauvre. La fillette qu’il avait en face de lui portait une robe, certes simple, mais coupée dans un tissu de bonne qualité. Les objets moldus qu’il voyait dans la maison étaient de bonne facture. Le professeur n’avait pas besoin des dons de voyance de sa collègue Trelawney pour comprendre que Madame Bowsmith ne souhaitait simplement pas trop dépenser pour l’éducation sorcière de sa fille. Le regard glacial qu’il lui lança la fit déglutir, mais Cassie Bowsmith n’avait jamais été le genre de personne à s’effacer devant quelqu’un. S’ensuivit un duel de regards que la jeune femme finit par perdre quand le chat tigré attira son attention en bougeant. L’animal avait un regard bien trop intelligent pour un simple félin. Mais la moldue n’eut pas le temps d’approfondir la question que le professeur Rogue reprenait déjà la parole, d’une voix doucereuse mais pleine de venin.

—Rassurez-vous Madame. Poudlard possède son propre fond pour fournir ce qu’il faut aux élèves qui ne sont pas familiers avec la magie

Sans un mot de plus, l’austère personnage se leva et se dirigea vers la porte d’entrée. Sans qu’il ne la touche, cette dernière s’ouvrit pour lui permettre de passer. L’entrevue avec sa future élève avait à peine duré plus de cinq minutes. Sur le seuil, néanmoins, il consentit à s’arrêter, sans se retourner.

—Je viendrais vous chercher dans une semaine Miss Bowsmith. Nous irons sur le chemin de Traverse acheter vos fournitures scolaires. Soyez prête à dix heures précises. Je ne tolèrerai aucun retard.

—Oui professeur.


Une semaine plus tard, Alyandra attendait avec impatience l’arrivée de son futur professeur de potions. A l’excitation de découvrir enfin ce nouveau monde se mêlait l’angoisse de ne pas le comprendre et de ne pas y avoir sa place. Durant les jours précédents, elle avait montré encore plus d’acharnement à chercher des réponses avec tous les moyens à sa disposition. Mais rien. Pas la moindre bribe d’information sur la communauté sorcière, l’école de sorcellerie Poudlard ou le Chemin de Traverse. Elle s’était donc résolue à patienter. Le jour J, elle se leva aux aurores, la boule au ventre certes, mais prête à faire ses premiers pas dans le monde sorcier. Assise près de la fenêtre qui donnait sur le portail, sa lettre à la main, elle attendait. Elle ne voyait pas ses frères, qui passaient et repassaient derrière elle dans l’espoir d’attirer son attention. Quand, après ce qui lui parut une éternité, elle vit enfin apparaître l’austère personnage, son cœur fit un bond. Elle se précipita vers la porte et l’ouvrit à la volée, tout en criant à sa mère qu’elle partait.

—Bonjour professeur !

Sans répondre, Severus Rogue tendit son bras à la fillette, lui intimant d’un geste de s’y accrocher. Dès qu’il sentit la petite main se poser sur son bras, il ferma les yeux et pensa très fort à sa destination. L’instant d’après, l’adulte et l’enfant avaient disparu.

Ils réapparurent sur une rue pavée, bordée de boutiques qui semblèrent toutes plus magiques les unes aux autres à la fillette. Elle ne savait plus où donner de la tête tellement de phénomènes se produisaient sous ses yeux. Ici, une enseigne en forme de ciseaux bougeait comme si elle découpait un tissu. Là-bas, un livre placé au-dessus d’une porte tournait ses pages. Au loin, un grand bâtiment supporté par des colonnes antiques scintillait. Au-dessus de la majestueuse entrée, Alyandra déchiffra le mot « Gringotts ». Elle se tourna vers le professeur afin de savoir quelle était cette boutique mais s’aperçut qu’il avait avancé sans l’attendre. Aussi vite que son jeune âge et sa petite taille lui permettaient, elle le rejoignit.

—Professeur ? Toutes ces boutiques sont-elles réservées aux sorciers ?

Avec une toute autre personne, Severus Rogue se serait contenté de répondre par un regard glacial. Mais devant le regard curieux et émerveillé de l’enfant, il ne put s’y résoudre. Quelque part, l’innocence de cette petite fille lui rappelait son enthousiasme quand il avait fait sa propre entrée à Poudlard.

—Le Chemin de Traverse est inaccessible pour tout moldu qui n’est pas accompagné par un sorcier.

—Moldu ?

—C’est comme ça que la population sorcière appelle ceux qui n’ont pas de pouvoirs magiques. Assez discuté ! Sortez votre liste de fournitures. Nous allons commencer par les livres et les ustensiles de potions.

Sagement, Alyandra obtempéra. Durant l’heure qui suivit, elle acheta ses premiers biens de sorcières, accompagnée de l’austère personnage. Ce dernier accorda un soin particulier à son chaudron pour les potions, au grand dam du vendeur. On ne négociait pas avec Severus Rogue.

Alors qu’il ne lui manquait plus que sa baguette magique, Alyandra fut interpellée par une enseigne devant laquelle s’entassaient de nombreuses cages. Levant les yeux, elle découvrit qu’elle se trouvait devant la Ménagerie Magique. Sur sa liste de fournitures, elle se souvenait qu’il était spécifié que les élèves pouvaient amener avec eux un chat, un hibou ou un crapaud. Dans la vitrine, un magnifique félin noir lui faisait de l’œil, deux billes vertes la fixant sans relâche. Presque hypnotisée, elle ne sentit pas le professeur Rogue s’arrêter à côté d’elle. Voyant l’objet de la convoitise de sa future élève, il poussa un profond soupir.

—Si je ne me trompe pas, votre mère vous a confié un peu d’argent moldu. Donnez-le-moi, je vais aller le changer en monnaie sorcière. Attendez-moi ici, j’en ai pour quelques minutes.

La fillette se retrouva donc seule sur le pavé, regardant avec fascination les sorciers passer, nonchalants ou pressés, drapés dans des habits moldus ou habillés de robes probablement typiques de leur monde, un peu médiévales et dans des couleurs relativement sombres.

Alors qu’elle patientait, elle aperçut au loin une famille qui se distinguait des autres, de par sa prestance aristocratique. Des cheveux blonds platine, des robes de sorciers qui semblaient de la meilleure qualité. Alyandra ignorait de qui il s’agissait, mais en les voyant – et en voyant les manières que certains faisaient sur leur passage – elle pouvait aisément dire que l’argent ne devait pas être un problème. Le garçon, qui devait avoir son âge, jetait un regard dédaigneux sur tout ce qui l’entourait. Ses yeux croisèrent un court instant ceux d’Alyandra avant qu’il ne se détourne pour rentrer dans un magasin de robes à la vitrine très chic. A cet instant, le professeur Rogue se matérialisa à nouveau à ses côtés, une bourse en cuir à la main.

—Voilà Miss Bowsmith.

Devant le sourire enchanté de la fillette, l’austère professeur se retint d’ajouter qu’il avait discrètement glissé quelques gallions supplémentaires pour que l’enfant ait la somme nécessaire à son achat. Il pouvait faire preuve de bonté une fois de temps en temps, ça n’allait pas le tuer…

Alyandra fit donc l’acquisition d’une jolie fléreur noire, âgée de quelques mois. Une fois en possession de sa nouvelle compagne, elle suivit le professeur Rogue jusqu’à une boutique sombre et pleine de poussière. On ne voyait que des étagères à tiroir et le propriétaire paraissait absent. Seulement, dès que la fillette eut passé la porte – son accompagnateur l’attendant à l’extérieur – un homme d’un certain âge apparut de derrière les rayonnages.

—Miss Bowsmith ! Je me demandais si vous passeriez dans ma boutique aujourd’hui.

Intimidée, l’enfant ne sut que répondre. Bien que ce lieu paraissait vieux et misérable, il l’impressionnait plus que tout ce qu’elle avait vu durant la journée. Elle pouvait sentir l’importance et la puissance de chaque boîte présente sur les étagères.

—Vous devez savoir que c’est la baguette qui choisit son sorcier et non l’inverse. Allons, commençons.

Alors que le vieil homme l’observait, tout en marmonnant ses suppositions dans sa barbe, Alyandra sentit quelque chose l’attirer inexplicablement. Comme hypnotisée, elle contourna le comptoir et commença à s’enfoncer dans les rayonnages, sourde aux protestations du vendeur, qui lui criait qu’il s’agissait d’une partie de la boutique interdite aux clients.

Elle finit par s’arrêter au fond de l’arrière-boutique, devant l’étagère la plus poussiéreuse. Monsieur Ollivander s’arrêta derrière elle, prêt à lui demander une explication, quand lui aussi fut attiré par un étui de baguette. Situé sur la dernière planche du meuble, il luisait d’une douce lumière. Stupéfait, le fabricant ne put qu’être le témoin silencieux de l’étrange phénomène qui se produisit dans son arrière-boutique ce jour-là. Il vit l’étui léviter doucement jusqu’à la fillette – alors que cette dernière n’avait pas esquissé le moindre geste – puis l’enfant prendre la baguette en main. La lumière caractéristique à la création d’une appartenance les entoura alors, et la petite parut revenir à la réalité. Elle sembla immédiatement gênée.

—Je suis désolée monsieur, je…

—Ce n’est rien mon enfant. Je n’avais encore jamais vu ce phénomène, mais il faut bien une première à tout, n’est-ce pas ? Il semblerait que vous ayez été choisie par votre baguette. 21.25 centimètres, en acacia, avec une plume d’Oiseau Tonnerre. C’est une association extrêmement rare et très puissante Miss. Vous deviendrez sûrement une brillante sorcière. Cela fera 11 gallions s’il-vous-plaît.

Alors que la petite fille sortait de la boutique après avoir réglé, le marchand dû s’appuyer quelques instants contre son comptoir. Il était très perturbé. Devait-il prévenir le chef de la Lumière de cet étrange revirement de situation, que même cet homme n’avait certainement pas prévu ? Il décida que non. Quelles que soient les raisons de ce choix, la magie des baguettes était quelque chose contre laquelle personne ne pouvait aller. Toutefois, il ne pensait pas que cette baguette trouverait preneur après tout ce temps. Quand il l’avait récupéré chez son confrère, on lui avait certifié qu’elle prendrait la poussière pour l’éternité. Alors comment se faisait-il qu’elle ait reconnu cette petite fille comme maîtresse ?


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