Dans le nid des Serpents

Chapitre 2 : Poudlard Express et Répartition

4919 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/04/2022 23:29

Alyandra passa les semaines qui suivirent cette sortie à parcourir les livres scolaires qu’elle avait achetés chez Fleury et Bott. La magie était une chose passionnante ! Elle avait dévoré son livre d’Histoire de la Magie, avide d’en savoir plus. Si elle était totalement honnête, elle ne trouvait pas si intéressant les diverses guerres gobelines mais le chapitre sur la création de Poudlard l’avait tenu éveillée tard dans la nuit. La Métamorphose et les Potions, quoique relativement compliquées, étaient les deux matières qui l’attiraient le plus. Elle avait dévoré les livres de cours traitant de ces sujets. L’art de la métamorphose lui paraissait extrêmement complexe, mais n’en demeurait pas moins fascinant. Elle essayait d’imaginer comment, par une simple formule et un mouvement de baguette, elle pourrait transformer un hérisson en tête d’épingle, et inversement. La fillette avait hâte de commencer les cours pratiques ! Concernant « l’art subtil des potions » (elle se souvenait avoir entendu son professeur dire ça au vendeur), elle n’arrivait pas à croire qu’il existait autant d’ingrédients mystérieux. Du crin de Licorne, des crochets de serpents, des limaces à cornes… Evidemment, il était impossible de trouver tout cela dans un magasin moldu. Ses frères lui avaient un jour « emprunté » son livre Potions Magiques, d’Arsénius Beaulitron, et ne s’étaient pas gênés pour commenter les ingrédients de la Potion contre les furoncles, à grand renfort de ricanements. Il avait fallu l’intervention de leur mère pour que la fillette puisse récupérer son bien en un seul morceau. Peut-être que le fait que Perséphone, la jolie petite fléreur, ait griffé jusqu’au sang le mollet de Lewis en entendant les cris de sa maîtresse y était aussi pour quelque chose…

L’attitude de Cassie Bowsmith avait quelque peu changé depuis le retour de sa fille du Chemin de Traverse. Elle ne lui témoignait pas plus d’affection, certes, mais elle la laissait désormais faire ses recherches sans les commenter. Elle lui avait interdit la pratique de la magie dans la demeure – bien que le professeur Rogue lui ait annoncé qu’il était prohibé pour les mineurs de la pratiquer en dehors de Poudlard – mais ne disait désormais plus rien quand elle voyait sa fille en possession de quelque chose la reliant de près ou de loin au monde sorcier. Mieux encore, elle faisait en sorte que ses fils n’embêtent pas trop leur sœur lorsque cette dernière était plongée dans ses lectures. Ces petites améliorations permirent à l’enfant de passer un mois d’août relativement serein.

Le 1er septembre, le professeur Rogue revint, ainsi qu’il l’avait promis. Il allait accompagner Alyandra jusqu’à la gare de King’s Cross, avant de la laisser pour rejoindre l’école de sorcellerie par ses propres moyens. La fillette avait, depuis la veille, terminé tous ses bagages. Ses affaires scolaires étaient enfermées dans la malle, son uniforme était prêt dans son sac de cours, et le panier de Perséphone avait été préparé avec soin. Elle avait difficilement fermé l’œil, bien trop excitée par le bouleversement imminent qui allait se produire dans sa vie. Alyandra savait que ce départ de la maison familiale signifiait qu’une page se tournait. Comme avait consenti à lui expliquer son futur professeur, elle ne pourrait rentrer chez elle que pour les vacances scolaires de Noël, pas avant. De longs mois loin de sa famille pour la fillette, qui n’avait jamais quitté sa maison près de la forêt. Mais elle était prête. Prête à découvrir ce qu’elle était, et à devenir ce qu’elle devait être. Alors, c’est avec un petit pincement au cœur, mais avec le sourire, qu’elle embrassa sa mère et fit signe à ses frères. Aucune tristesse, aucune larme sur son visage de poupée de porcelaine. La petite était sereine. Bien plus heureuse qu’elle ne l’avait véritablement été depuis longtemps.

Le trajet jusqu’à King’s Cross fut extrêmement rapide. Comme la fois précédente, le professeur les fit « transplaner » (un mot qu’elle avait appris dans ses nouveaux livres) jusqu’à une rue voisine de l’imposant bâtiment qu’était la gare. D’un geste négligent de la main qui tenait sa baguette, il fit réapparaître les bagages de sa future élève, avant de lui signifier qu’il n’allait pas plus loin.

—Une fois à l’intérieur de la gare, dirigez-vous entre les voies 9 et 10. Il vous suffira de traverser le troisième pilier entre ces deux voies pour arriver sur la voie 9 3/4. Ne soyez pas en retard, ou vous ne pourrez pas faire votre rentrée. Et ne perdez pas votre billet. Compris ?

L’austère personnage n’attendit pas la moindre réponse avant de partir à grand pas dans la direction opposée à celle qu’il venait d’indiquer. Malgré ses airs revêches, Alyandra l’aimait bien. Il ne disait pas plus de mots qu’il n’en fallait pour rendre les choses claires, et il ne se permettait aucun commentaire désobligeant sur sa personne, sa petite taille ou son teint pâle. Vraiment, il avait beau paraître antipathique aux premiers abords, la fillette se doutait qu’il ne devait en réalité pas être si méchant.

Respirant un grand coup, elle empoigna sa malle et le panier de sa fléreur avant de traverser précautionneusement la grande avenue qui la séparait de la gare principale de Londres. Une fois à l’intérieur, elle s’arrêta quelques instants pour admirer cette architecture typiquement anglaise qu’elle avait vu maintes fois dans les livres, mais qu’elle n’avait jusqu’à présent pu découvrir en vrai. Cette gare était un véritable lieu de passage. Des gens en costumes dernier cri couraient afin de ne pas manquer leur train de 10h45. D’autres au contraire flânaient tranquillement dans les allées et entre les sièges en attendant leurs correspondances. Désireuse de ne pas être en retard, Alyandra se dirigea entre les voies 9 et 10, faisant attention de ne heurter personne avec son énorme bagage.

Après avoir slalomé sur quelques mètres entre les Londoniens, la fillette atteignit le pilier désiré. Elle s’attendait à trouver une porte, ou toute autre chose lui expliquant comment passer, mais rien. Juste un banal pilier de pierre, identique à ceux qui le suivaient. Perplexe, l’enfant se demanda de quelle manière elle devait atteindre la voie 9 ¾. Alors qu’elle réfléchissait, elle vit apparaître une grand-mère, accompagnée de son petit-fils. Ce dernier poussait un lourd chariot et, encore plus étonnant, tentait de convaincre un crapaud de rester dans la corbeille posée sur l’imposante malle. Avec soulagement, Alyandra reconnut les valises de l’école de sorcellerie. Elle observa alors l’enfant se mettre à courir jusqu’au pilier, et le traverser comme si c’était du beurre, tout en disparaissant. La dame âgée fit de même quelques secondes après. Alors, respirant profondément pour se donner un peu de courage, la fillette les imita. Au moment d’entrer en collision avec le mur de briques, elle ferma les yeux, angoissée à l’idée de ne pas pouvoir le traverser.

Lorsqu’elle les rouvrit, elle ne put retenir une exclamation de surprise. Comme lors de sa sortie au Chemin de Traverse, un autre monde s’offrait à sa vue. Sur les rails, une locomotive à vapeur d’un autre temps sifflait une fumée blanche, se préparant au départ. En son centre trônait le blason que la fillette reconnut comme celui de son école. Le Poudlard Express était à quai, et des dizaines d’enfants montaient par ses portes anciennes et finement ouvragées. Sur le quai, de nombreux parents saluaient leurs progénitures, les embrassaient, leur faisaient leurs dernières recommandations. Certains portaient des robes similaires à celles qu’elle avait pu voir sur l’allée sorcière, d’autres avaient tenté de porter des vêtements moldus, avec plus ou moins de goût, Alyandra devait l’avouer. Il était drôle de voir cet homme roux bedonnant arborer une chemise jaune canari avec un pantalon vert pomme. Il lui faisait un peu penser à un tournesol.

Trop occupée à détailler son environnement, la fillette ne reprit ses esprits que lorsque un homme s’approcha d’elle pour l’aider à monter sa malle dans le train. Avec un sourire légèrement timide, elle le remercia avant de se mettre à la recherche d’un compartiment où elle pourrait s’installer tranquillement. Elle finit par en dénicher un vers le milieu du train, encore vide. Satisfaite, elle déposa sa fléreur sur la banquette et rangea sa malle dans le filet prévu à cet effet. Puis, elle s’assit à côté de la fenêtre. De là, elle pouvait observer toute l’effervescence qui régnait encore sur le quai. Les derniers arrivés se hâtaient avant la fermeture des portes. Elle vit certaines mères essuyer discrètement des larmes et son cœur se serra. Sa famille à elle n’avait pas daigné faire le déplacement pour l’accompagner. Les jumeaux faisaient leur rentrée et sa mère avait argumenté qu’elle n’avait pas sa place là-bas, ni le temps de l’y emmener. Heureusement que le professeur Rogue était venu pour remplacer sa génitrice.

Décidant de ne pas penser aux choses qui pourraient assombrir son humeur, Alyandra détourna son regard du quai pour analyser avec plus de minutie l’endroit où elle se trouvait. Le compartiment devait être fait pour cinq ou six personnes maximum. Il était bien entretenu, quoique un peu vieillot. Mais tout était fait pour que les élèves passent un bon trajet. Du rebord de fenêtre où l’on pouvait poser son coude, aux banquettes qui montaient assez haut pour reposer sa tête, tout avait été minutieusement pensé. Même le démarrage de l’imposante locomotive se fit en douceur. Le trajet allait certainement être des plus agréables.

En quelques minutes, le train avait quitté la gare, puis Londres. Une fois dans la campagne, il prit rapidement de la vitesse, et Alyandra se plongea dans la contemplation des champs. Prise dans ses pensées, elle n’entendit pas la porte s’ouvrir. Ce n’est que lorsqu’une voix fluette brisa le silence qu’elle se rendit compte qu’elle n’était plus seule.

—Excuse-moi, je peux m’asseoir avec toi ? Il n’y a plus de place nulle part.

Son interlocutrice devait avoir son âge. Une crinière brune qui semblait incoiffable, un petit nez retroussé et un livre à la main en plus de son imposante malle, l’enfant ne paraissait pas très assurée, même si elle s’efforçait de donner le change. Avec un sourire rassurant, Alyandra lui fit signe de s’installer.

—Merci beaucoup ! Je désespérais de me retrouver dans un compartiment avec des personnes beaucoup plus âgées et de ne pas savoir quoi leur dire. Au fait, je suis Hermione Granger. Je rentre à Poudlard cette année. Et toi ?

—Alyandra Bowsmith. Pour moi aussi c’est la première fois.

Sa camarade lui dédia un sourire éblouissant et complètement rassuré en réponse. Puis elle se lança dans un quasi monologue de tout ce qu’elle avait appris durant l’été. De la découverte de son don, à ses achats, en passant par ses innombrables lectures, qui allaient lui permettre « d’avoir un niveau scolaire suffisant pour pallier son manque de connaissance » espérait-elle. Très vite, Alyandra la trouva sympathique, quoique beaucoup trop bavarde. A sa manière de parler de la magie, elle comprit qu’elle aussi n’était pas issue d’une famille de sorciers.

Hermione en était à citer le nom de la plupart des fantômes qui hantaient le château – et Alyandra à l’écouter d’une oreille – lorsque le compartiment se rouvrit pour la seconde fois. Dans l’encadrement de la porte se tenait cette fois un jeune garçon, que la jeune Bowsmith reconnut comme celui qui était accompagné de la dame âgée et qu’elle avait suivi à travers le mur. Il n’était pas très grand, avec des joues rebondies, et un air un peu hagard qui ne lui allait pas vraiment. Il avait surtout l’air paniqué. Sans prendre le temps de se présenter, il leur demanda d’une voix tremblante si elles n’avaient pas vu passer un crapaud. Son air désespéré lorsqu’elles lui répondirent par la négative poussa Hermione à se lever et à lui proposer son aide. Les deux enfants quittèrent le compartiment, laissant le silence se réinstaller autour d’Alyandra.

Le reste du trajet se passa ainsi. Ni Hermione, ni le garçon joufflu ne revinrent, et la porte ne se rouvrit pas, excepté lors du passage du chariot de friandises. C’est avec appréhension que l’enfant découvrit les dragées de Bertie Crochue, les patacitrouilles et les chocogrenouilles. Bien que certaines confiseries aient des goûts étranges, Alyandra apprécia ce premier contact avec la gastronomie sorcière. Elle qui n’avait pas l’habitude des bonbons dévora en quelques minutes un paquet de plumes en sucre miniatures. Les goûts légèrement acidulés de certaines d’entre elles la ravirent au plus haut point, et elle se promit d’en acheter à nouveau dès que possible. Après avoir dégusté un bon nombre de confiseries, la sorcière somnola pendant un bon moment, alors que Perséphone, qu’elle avait sortie de son panier, s’amusait à traquer une grenouille en chocolat. La première avait sauté du paquet à la plus grande surprise de la jeune sorcière, qui l’avait laissée à sa fléreur. Depuis, cette dernière s’en donnait à cœur joie.

Lorsque, plusieurs heures plus tard, le majestueux train entra en gare de Pré-au-Lard, Alyandra était changée et avait revêtu pour la première fois son uniforme, pour le moment intégralement noir. L’enfant avait lu que la cravate prendrait par la suite les couleurs de sa maison. Elle récupéra ses affaires et descendit du train, suivant les autres premières années, et un demi-géant. Du coin de l’œil, elle vit qu’Hermione était descendue avec deux garçons qui devaient avoir, eux aussi, leur âge. Cette fillette semblait avoir la capacité de parler avec tout le monde. Néanmoins, elle rejoignit Alyandra dans la barque qui les conduisit à Poudlard. La vue du château depuis le Lac Noir était stupéfiante. L’édifice, majestueux, se détachait dans la nuit qui commençait à tomber. Ses hautes tours perçaient le ciel étoilé, et ses lanternes, qui éclairaient de nombreuses fenêtres, guidaient les embarcations vers la rive. Les jeunes sorciers paraissaient tous subjugués.

La femme qui les accueillit portait à la perfection le tartan écossais vert foncé. Avec son chapeau pointu et son regard acéré, elle avait tout l’air d’une sorcière. Lorsqu’elle annonça les consignes de ce qu’elle appela la Répartition, Alyandra sentit un nœud apparaître dans son estomac. Hermione lui avait déjà tout dit à propos de cette cérémonie, mais elle ne pouvait s’empêcher d’angoisser en traversant la Grande Salle. Les chuchotements des étudiants déjà installés le long des grandes tables ne la rassuraient pas, et c’est avec appréhension qu’elle entendit l’appel débuter. Chaque maison accueillait son lot d’étudiants, et des applaudissements retentissaient à chaque nom lancé. Lorsque son nom fut appelé, elle se glissa entre ses futurs camarades pour venir s’installer sur le tabouret. A peine la sous-directrice eut-elle posé le Choipeau sur sa tête qu’une voix retentit dans ses pensées.

—Bienvenue, bienvenue ! Mais que vois-je ? Si je m’attendais à cela ! Voilà qui change bien des choses ! Oui, oui, oui. Mais où te mettre ? Je vois du courage mais pas assez de témérité pour les lions. Une volonté de s’intégrer, mais une trop grande autonomie pour Poufsouffle… Une volonté certaine d’apprendre. Tu ferais une bonne Serdaigle. Ambitieuse aussi… Le choix est cornélien. Mais ne t’inquiètes pas, je suis là pour ça après tout. Oui voyons… Je sais !

Alors, devant la salle silencieuse, le Choipeau cria son verdict :

—SERPENTARD !

Quelques applaudissements retentirent à cette annonce, mais certains visages étaient graves. Celui d’Alyandra paraissait encore plus pâle que d’habitude. Que diable était-il passé par l’esprit du Choipeau lorsqu’il avait décidé de placer une fillette comme elle dans cette maison ? Elle avait tout lu dans l’Histoire de Poudlard sur les quatre maisons, et elle avait entendu les bruits de couloirs en arrivant. Serpentard était la maison du Sang-Pur, du traditionalisme. Elle n’y avait absolument pas sa place, elle qui était la première sorcière de sa famille. Néanmoins, elle choisit de faire confiance à ce vieux bout de tissu rabougri qu’était le Choipeau. S’il l’avait placé là-bas, c’est qu’il devait avoir une raison de le faire. Alors, courageusement, elle descendit du tabouret pour se diriger vers la longue table des verts et argents. Elle s’assit à un bout, avec les autres premiers années. Etant au début de la liste, ils n’étaient encore peu nombreux à avoir rejoint la maison, mais nul doute que certains Sang-Purs allaient arriver.

Quelques minutes plus tard, alors que la Répartition était terminée et que le professeur Dumbledore venait de conclure son discours par un bienveillant « Evidemment, la Forêt Interdite est interdite », la fillette n’avait toujours pas adressé la parole à quiconque. Elle sentait sur elle le regard de certains de ses nouveaux camarades, mais tentait de ne pas y prêter attention. Si quelques-uns avaient un mot à dire, alors ils finiraient par parler. Alyandra avait toujours été une enfant solitaire, de par son isolement. Elle n’avait jamais vraiment eu d’amis, alors rester seule ne la dérangeait pas outre mesure. Ce qui l’embêtait un peu plus était qu’Hermione avait rejoint la maison des fiers lions. Elle savait que les deux maisons ne s’entendaient pas. La brunette refuserait-elle de lui parler désormais ? Alyandra espérait que ce ne serait pas le cas. Elle avait apprécié leur moment dans le train.

Le banquet de rentrée se déroula dans la joie et la bonne humeur, les plus anciens racontant leur été à leurs amis, les nouveaux tentant d’engager la conversation. Evidemment, sur de nombreuses lèvres se chuchotaient qu’Harry Potter avait enfin fait sa rentrée à Poudlard. Le Sauveur était parmi eux. Nombreuses étaient les têtes qui se tournaient vers la table rouge et or, tentant de l’apercevoir. La table des Gryffondors était la plus animée, deux grands roux divertissant toute la maison. Celle de Serpentard était beaucoup plus calme, les Sang-Purs les plus âgés échangeaient entre eux les dernières nouvelles mondaines, tandis que les plus jeunes tenaient de saisir discrètement les sujets évoqués. Soudain, ce calme relatif fut brisé par une voix nasillarde.

—Je n’ai jamais vu ton nom de famille dans les registres de Sang-Pur. Es-tu une Sang-Mêlée ? Ne me dis pas que tu es une Sang-de-Bourbe ? Quelle honte se serait pour la noble maison Serpentard d’avoir une telle engeance en son sein.

Le silence se fit immédiatement à la table. L’élève qui venait de parler était une première année, brune, avec un visage de pékinois hautain, encadré par un carré court. Son regard dédaigneux était posé sur Alyandra, en attente d’une réponse. Si elle avait observé un peu les visages autour d’elle, elle aurait remarqué que certains anciens s’étaient crispés à l’entente de l’insulte. Mais personne n’osa la reprendre. Alyandra, quant à elle, sentit son estomac se nouer à nouveau. Elle n’ignorait pas ce que signifiaient tous ces termes. Les Nés-Moldus étaient considérés comme impurs de la part de la plupart des membres de cette maison. Il n’y en avait jamais eu auparavant. Elle était la première qui allait fouler le sol de la salle commune la plus froide de Poudlard. Elle allait côtoyer les fils et filles des grands de ce monde. Mais Alyandra n’était pas naïve. Côtoyer ne signifiait pas se lier d’amitié. Aucune chance que ces héritiers de noble lignée acceptent de la voir autrement que comme un déchet qu’ils devaient se coltiner.

—Ton silence est éloquent. Serpentard a donc une Sang-de-Bourbe à sa table. Le Choipeau devient sénile. Salazar n’aurait jamais accepté ça. Une Sang-de-Bourbe…

—Ça suffit. Gardez vos insultes pour les autres maisons. Nous ne sommes pas des charretiers. Les membres de la maison Serpentard ne se crachent pas dessus entre eux.

Vexée d’avoir été interrompue, Miss Pékinois darda son regard noir sur l’élève de troisième année qui venait de « défendre » Alyandra. Nullement impressionné, ce dernier haussa un sourcil. Ce duel visuel ne dura que quelques secondes, mais cela suffit pour que l’ambiance à la table des Serpentards devienne glaciale. Une lutte interne pour le pouvoir se jouait en ce moment même, et beaucoup en étaient conscients. Le repas se termina dans un silence des plus complets, seulement troublé par des chuchotements. Alyandra ne leva pas la tête de son assiette. L’aurait-elle fait qu’elle aurait rencontré les regards haineux de la fillette qui l’avait abordé et de ses amis. La répartition de la nouvelle sorcière n’avait pas plu à tout le monde.

Lorsque les préfets vinrent chercher les nouveaux membres de la maison Serpentard, Alyandra fut l’une des dernières à se lever. Elle préférait rester discrète et ne pas faire de vagues, surtout après ce qui venait de se passer. Elle suivit ses nouveaux camarades, tout en observant ce qui se trouvait sur son passage. Elle avait découvert durant le dîner l’existence des fantômes de Poudlard. Le Baron Sanglant, fantôme autoproclamé de la maison verte et argent ne lui avait d’ailleurs jeté qu’un regard dédaigneux. En revanche, le fantôme de la maison Serdaigle, une jolie jeune femme en robe d’un autre siècle, lui avait lancé un sourire chaleureux. Durant la descente vers sa nouvelle salle commune, Alyandra apprit en plus que les personnages des tableaux possédaient la capacité de parler et de se déplacer de toiles en toiles. C’était fascinant. La fillette se promit de parler avec nombre d’entre eux lorsqu’elle serait perdue. Car elle se perdrait, cela ne faisait aucun doute. De l’extérieur, le château lui avait paru gigantesque, et cette impression se renforçait de seconde en seconde.

Les Serpentaux descendirent un nombre incalculable d’escaliers, prirent de nombreux virages. Plus ils s’éloignaient de la Grande Salle, plus les couloirs devenaient sombres, les seules sources de lumières étant les quelques torches disséminées ici et là. Malgré cette atmosphère angoissante pour certains, la plupart des nouveaux venus ne cillaient même pas. Comme si ces enfants de onze ans avaient l’habitude d’arpenter des corridors glaciaux. Enfin, au bout de plusieurs minutes, le petit groupe s’arrêta devant un mur qui, de prime abord, paraissait totalement comme les autres. Néanmoins, deux grandes torches étaient accrochées sur ses côtés, et diffusaient une lumière verte. Le préfet qui les accompagnait prononça d’une voix claire « Nobilitatis ». Le mur s’effaça alors pour laisser les étudiants entrer dans leurs nouveaux dortoirs.

La salle commune de Serpentard était une longue pièce aux murs et au plafond de pierre. La pièce était aux antipodes de ce que l’on pourrait qualifier de « chaleureux ». Alyandra avait lu dans l’Histoire de Poudlard qu’elle se situait sous le Lac Noir. A travers les quelques fenêtres, les élèves pouvaient apercevoir le fond du lac, et son eau verte qui éclairait l’endroit de cette même couleur. De temps en temps, un poisson ou une sirène passait le long des vitres, et Alyandra crut même apercevoir le bout d’un tentacule. Au plafond pendaient des lampes rondes, qui diffusaient elles aussi une lumière verdâtre. De nombreux meubles anciens étaient posés ça et là, et donnaient à la pièce un aspect encore plus froid. Les seules couleurs présentes étaient le vert et l’argent, sur les deux grandes bannières qui s’élevaient de chaque côté de la salle. Au centre trônaient des canapés et des fauteuils eux aussi verts, regroupés autour de tables basses en bois sombres. Mais le plus impressionnant restait l’immense cheminée qui faisait face à la porte. Sur son manteau finement ouvragé, on distinguait de nombreuses figures compliquées. A côté démarraient deux couloirs qui, d’après les explications des préfets, menaient aux dortoirs. Chaque chambre comportait trois lits pour les filles et cinq pour les garçons, et les élèves garderaient leurs couchages et leurs voisins pour toute leur scolarité. A peine cette phrase eut-elle franchi les lèvres de Marcus Flint que des groupes se formèrent. Alyandra vit un garçon aux cheveux blonds platine – qu’elle reconnut comme l’enfant du Chemin de Traverse – se rapprocher de deux mastodontes, d’un métisse aux yeux perçants et d’un petit brun à l’air effacé. La fillette qui l’avait méprisée se plaça entre deux autres filles aux regards aussi hautains qu’elle. Au bout de quelques minutes, les chambrées furent formées, la plupart par affinité. Alyandra se retrouva quant à elle avec deux inconnues. Une grande perche aux cheveux bruns, qui ne lui lança pas un seul regard, et une jolie petite fille aux cheveux blonds cendrés. Cette dernière sentit son regard et se retourna, avant de lui sourire gentiment. Cela rassura un peu Alyandra, qui craignait de se retrouver avec deux personnes totalement hostiles.

Lorsque le préfet les laissa à la porte de ce qui allait devenir leur chambre pour sept ans, Alyandra était presque excitée de la découvrir. Leur chambre était du même acabit que la salle commune, sombre, avec des fenêtres donnant sur le fond du lac. Trois grands lits à baldaquin se partageaient l’espace, des tentures vertes et argentées cachant aux visiteurs le matelas en lui-même. Trois grandes commodes étaient disposées à côté, une pour chaque occupante. Les murs étaient encore nus, si ce n’étaient les lampes qui éclairaient faiblement la pièce. Chaque fille était libre de décorer l’espace autour de son lit comme elle le souhaitait. Dans un coin, une porte s’ouvrait sur une grande salle de bain en marbre. La brunette prit d’office le lit le plus proche de la porte, sans rien demander. Peu contrariée, Alyandra regarda son autre voisine afin de savoir si elle avait une préférence. Cette dernière lui sourit à nouveau avant de s’exprimer pour la première fois d’une voix douce.

—Si ça ne te dérange pas, j’aimerais prendre le dernier lit.

Timidement, Alyandra acquiesça. Elle ne voulait pas prendre le risque de la contredire. Qui sait ce qu’il pourrait se passer si ses camarades prenaient ombrage d’une de ses paroles ou actions, et se liguaient contre elle. Elle avait parfaitement compris qu’elle n’était pas la bienvenue, mais elle espérait pouvoir avoir au moins un peu de tranquillité dans son dortoir. L’autre fillette s’assit alors sur son lit, et commença à défaire sa malle. Alyandra l’imita, soulagée. Son lit était moelleux, malgré sa rudesse apparente. La commode était assez grande pour contenir plus de vêtements qu’elle n’en possédait, et avoir le lit du milieu lui permettait de bénéficier du plus de lumière possible venant du Lac Noir. Le silence régna encore quelques instants, seulement entrecoupé par le bruit de tissu que l’on manipule, de livres que l’on déplace. Puis, la blondinette reprit la parole, toujours avec une voix aussi douce, et s’adressa à la Née-Moldue :

—Au fait, je m’appelle Daphné. Daphné Greengrass. Et elle, c’est Tracey Davies

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