Les Premiers Chasseurs

Chapitre 16 : XV Questions et Réponses

4135 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/07/2022 03:28

CHAPITRE XV : QUESTIONS ET RÉPONSES


Le geste, pourtant simple, lui parut prendre toute son énergie. Mathias avait tendu la main et s’était saisi de la pierre rouge qui pendait au cou de Nicolas Flamel. Ce dernier, surpris de ce geste, ne bougea pas, attendant que le convalescent s’exprime, s’il le pouvait.

— Qu’est-ce que cette pierre représente ? demanda-t-il.

Sa main retomba mollement sur les draps alors que Nicolas Flamel se redressait, affichant un air d’incompréhension.

— Cette pierre ! Rien en particulier, répondit l’alchimiste. Pourquoi cette question ?

Mathias aurait préféré qu’il continue de parler, il se sentait si faible que le moindre mot était un effort incommensurable pour lui.

— Pourquoi portez-vous ce collier ? Par coquetterie ?

— Non, je ne suis pas du genre à faire attention à mon apparence outre mesure, tout comme vous. Disons que je préfère garder ce collier avec moi.

— Taran… souffla difficilement Mathias. Il a la même pierre autour du cou. Vous le connaissez ?

— Non, je peux vous jurer que non. Et je ne souhaite pas le rencontrer.

— Alors… Pourquoi cette pierre… ?

— Vous devriez vous reposer, Mathias.

— Et vous devriez répondre à sa question, lança Philippe qui se trouvait derrière Nicolas Flamel. Je ne me souviens pas avoir vu une pierre de ce genre en possession de Taran, mais je ne l’ai certainement juste pas remarqué, contrairement à monsieur Corvus. Et maintenant qu’il a soulevé ce détail, j’aimerais, tout comme lui, connaître votre réponse.

Nicolas Flamel posa ses yeux successivement sur les deux hommes. Il ne voyait pas de raison de leur cacher quelque chose. Puis il s’arrêta sur Charlotte, restée figée près du lit depuis le début de l’échange.

— Mademoiselle Lehel, pouvez-vous nous laisser, s’il vous plaît ? demanda-t-il.

La jeune femme regarda d’abord Mathias, mais celui-ci continuait de fixer l’alchimiste. Lorsqu’elle se tourna vers le comte d’Estremer, ce dernier acquiesça d’un hochement de tête pour lui intimer de sortir, ce qu’elle fit sans protester.

— Vous souhaitez que ça reste secret ? questionna Philippe.

— Je préfère, effectivement, que le moins de personnes possible connaissent la nature de cette pierre, répondit Nicolas Flamel. Voyez-vous, cette pierre est à l’origine de ma longue vie.

— Vous voulez dire qu’il s’agit de la Pierre Philosophale ! s’exclama le comte.

— Un éclat du moins, que je garde au cas où je ne pourrais accéder à la vraie pierre. Vous devez reconnaître qu’on n’est jamais trop prudent. Mon épouse en possède un identique.

— Alors pourquoi Taran possède-t-il un collier dont la pierre ressemble à celle-ci ? souleva Mathias. Vous êtes le seul au monde à connaître le secret de la Pierre Philosophale, vous aurait-il volé vos secrets sans que vous ne le remarquiez ? Ou a-t-il simplement réussi à en recréer une ?

— C’est peut-être simplement une pierre qui y ressemble, fit remarquer Philippe. Il faisait sombre et nous nous battions, vous n’avez peut-être pas vu les différences entre les pierres.

— La seule différence est la monture et la nature du métal de celle-ci. La pierre, elle, est de même essence, j’en suis certain.

Nicolas Flamel savait qu’il ne pourrait rien cacher plus longtemps. Au moins, c’étaient des hommes d’honneur qui se trouvaient face à lui, il savait qu’ils ne lui arracheraient pas le secret de la Pierre Philosophale. Il soupira, il devait leur dire la vérité.

— J’ai découvert et créé la Pierre Philosophale il y a à peu près trois siècles, raconta l’alchimiste. Ce fut le fruit de longues recherches et d’une série de découvertes diverses. J’y ai consacré quarante ans de ma vie. Cela peut paraître peu au regard de ma longue existence actuelle, mais à l’époque, je me demandais si je survivrais jusqu’à la fin de mes recherches. Mourir était encore pour moi un évènement auquel, comme tout le monde, je m’attendais et que je voyais se rapprocher. D’ailleurs, j’ignorais totalement que j’obtiendrais la vie éternelle au bout de mon parcours. Je suis allé d’échec en échec, j’ai douté souvent. Et finalement, j’ai découvert quelque chose. Ce n’était pas encore la Pierre Philosophale dans sa forme telle que vous la voyez, mais c’en était proche.

— Et finalement, vous avez réussi, conclut Mathias à sa place. C’est une bien jolie histoire, mais ça ne répond pas à nos questions.

— Un peu de patience, jeune homme, le rabroua Nicolas Flamel. Je n’en étais plus très loin, comme je disais, mais il manquait quelque chose d’essentiel et je n’arrivais pas à découvrir quoi. J’ai cherché et expérimenté durant des années. Et quelqu’un m’est venu en aide. Il ne m’a pas donné la solution, il m’a juste aiguillé dans la bonne direction.

— Qui ? Taran ?

— Non, absolument pas. Je vous rappelle que je n’aie jamais vu ce Taran, et je sais que l’individu dont je parle est totalement différent, déjà ce n’est pas un fou. Il avait les connaissances les plus étendues que je puisse concevoir, ça ne se limitait pas à l’alchimie. C’est lui qui m’a offert ce collier, après que j’ai découvert et créé la Pierre Philosophale, comme pour me récompenser. Quand il me l’a offert, j’ai tout de suite remarqué que la pierre qui le sertissait était la même que celle que je venais de fabriquer. J’ai donc compris que je n’étais pas le premier à la découvrir.

— Donc… réfléchit Philippe. Quelqu’un d’autre que vous a découvert la Pierre Philosophale… Mais y a-t-il un lien avec Taran ?

— Au vu de la ressemblance entre les deux colliers, je dirai que oui, avança Mathias. Si comme il le dit, Taran et celui qui l’a aiguillé ne sont pas la même personne, ils doivent se connaître quand même. Taran a peut-être lui aussi découvert le secret de la Pierre Philosophale et l’homme dont parle maître Flamel lui a offert ce bijou, comme un signe d’appartenance à une sorte de groupe partageant cette connaissance rare. Ai-je tort, maître Flamel ?

— Oui et non, tempéra l’alchimiste. Je crois que je suis le seul à mettre vu offrir ce collier parce que j’avais fait cette découverte. Dans mon cas, oui, c’était une récompense, mais pas mon entrée dans un colloque secret de sorciers vivants depuis des siècles.

— Ah ! Parce qu’ils sont nombreux ?

— De ce que je sais, nous sommes cinq à posséder un tel collier.

— Et un éclat de cette taille permet de générer l’élixir de longue vie ? demanda Philippe.

— En effet, il est largement suffisant, répondit Nicolas Flamel.

— Parlez-nous de ces sorciers qui possèdent la Pierre, exigea Mathias en essayant de paraître ferme malgré la lassitude qui le gagnait.

— Vous devriez vous reposer, Mathias. Je vous promets de vous en parler, mais ça risque d’être long. Nous attendrons votre réveil pour continuer cette conversation.

Mathias Corvus soupira en lâchant un :

— Vous avez intérêt…

Puis il s’assoupit de nouveau. Philippe s’assura qu’il était confortablement installé pendant que l’alchimiste vérifiait son pouls et d’autres détails sur son corps.

— Quand il se réveillera, il faudra aussi s’assurer qu’il mange un peu, ajouta-t-il en sortant de la chambre. Son corps va en avoir besoin. Et votre épouse est en train de préparer des potions que je lui ai apprises pour le fortifier. Je vais aller voir où elle en est.

— Vous lui avez appris beaucoup ! fit remarquer Philippe.

— C’est qu’elle veut apprendre ! C’est agréable de partager son savoir avec quelqu’un qui veut s’enrichir de cette connaissance. Et elle est douée ! Si je continuais quelques années à lui enseigner, elle pourrait postuler à la Guilde Royale des Alchimistes et Potionnistes. Elle en a les capacités, plus que certains qui en font partie.

— Les femmes n’y sont-elles pas interdites ?

— Vous avez malheureusement raison. J’ai toujours trouvé ça idiot, mais malgré toute mon influence, je ne suis jamais parvenu à faire changer ça. C’est dommage… Tant de talents qui ont sûrement été étouffés à cause de la pathétique soi-disant supériorité intellectuelle que certains hommes pensent avoir sur les femmes. Notre société, que ce soit du côté moldu ou du notre, doit encore beaucoup évoluer, pour comprendre que les femmes ne sont pas que bonnes à faire le ménage ou à être jolies.

— Votre épouse vous aide-t-elle dans vos recherches ?

— Elle n’a aucun intérêt pour l’alchimie ! Cela ne l’empêche pas, quand je stagne, de faire une remarque anodine qui me permet ensuite d’avancer. Et c’est la meilleure joueuse d’Échecs que je connaisse ! Ça fait trois siècles que j’essaye en vain de la battre !

— Excusez-moi… interrompit Charlotte timidement. Monsieur Corvus va bien ?

— Oui, mademoiselle Lehel, sourit Nicolas Flamel. Il vient de se rendormir. Si vous voulez bien veiller sur lui et nous prévenir quand il se réveillera, s’il vous plaît.

La jeune femme ne se le fit pas dire deux fois et entra silencieusement dans la chambre.

— Je ne comprends pas son comportement, dit Philippe lorsque la porte se referma sur elle.

— Oh ! Il n’y a pas grand mystère pourtant ! Si j’ai bien compris, Mathias l’a sauvé d’un sort peu enviable. Elle veut simplement l’aider en retour. Et puis, elle a peut-être aussi un petit penchant pour lui, encore une fois, sûrement dû à ce qu’il a fait pour elle.

— Je ne sais pas si elle doit s’attendre un retour sentimental de sa part.

— Ça, cher comte, nous ne pouvons qu’attendre pour le voir.

Les deux hommes continuèrent de discuter en se dirigeant vers le salon. Philippe avait convaincu l’alchimiste de prendre un rafraîchissement avant qu’il ne rejoigne Isabelle. En chemin, ils croisèrent la silhouette arrondie de Rose Corvus.

— Madame Corvus ! salua Philippe. Ne devriez-vous pas vous reposer ?

— Marcher me fait du bien, monsieur le comte, répondit celle-ci. Désirée m’a dit que Mathias s’était réveillé et je souhaitais aller le voir.

— Il vient malheureusement de se rendormir, renseigna Nicolas Flamel. C’est normal avec les dégâts que le poison lui a occasionnés.

— Puis-je tout de même me rendre dans sa chambre ? Je souhaiterais veiller sur lui.

— Je n’y vois aucun inconvénient, dit Philippe en se tournant vers Nicolas Flamel qui acquiesça d’un signe de tête. Vous pourrez ainsi tenir compagnie à mademoiselle Lehel, elle veille sur lui.

Rose se demanda un instant qui était cette mademoiselle Lehel, puis elle se dit que ce devait être une employée du comte et se dirigea vers la chambre qu’occupait son beau-frère. Elle trouva la jeune femme rousse assise sur un siège à côté du lit, ne le lâchant pas des yeux. Elle se releva vivement quand elle perçut sa présence.

— Bonjour, vous êtes mademoiselle Lehel, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.

— Oui, madame.

— Je vais veiller sur mon beau-frère, vous pouvez retourner à vos autres taches. Merci d’avoir veillé sur lui.

Rose s’avança pour prendre la place qu’occupait Charlotte, mais celle-ci n’avait pas bougé, demeurant interdite après ses dernières paroles.

— Puis-je ? questionna Rose en désignant le fauteuil.

Charlotte s’écarta vivement pour lui laisser la place. Elle resta debout derrière le siège, ne sachant comment se comporter.

— N’avez-vous pas autre chose à faire ? interrogea la future mère en remarquant qu’elle restait.

— Non, répondit simplement Charlotte.

— Quelles sont vos attributions au service du comte ?

— Je… je ne travaille pas pour le comte d’Estremer.

— Que faites-vous là alors ?

— Je fais partie de ceux que monsieur Corvus et monsieur le comte ont sauvés dans le monastère abandonné. Je voulais veiller sur lui durant sa convalescence. Il m’a sauvé alors que deux sorciers allaient sûrement me…

Sa voix s’étrangla et son regard se perdit dans la contemplation de l’homme dormant paisiblement. Rose y perçut quelque chose qui ne lui plut qu’à moitié, mais se reprenant, elle invita la jeune femme à approcher un autre siège à côté d’elle… et de lui.

Après un long moment de silence, Rose adressa de nouveau la parole à Charlotte, et elles débutèrent une discussion à voix basse qui leur permit de faire connaissance.

 

Plusieurs heures plus tard, Mathias se réveilla de nouveau. Il trouva Charlotte assoupie sur un fauteuil près de son lit. Il chercha des yeux une trace de Nicolas Flamel, mais il n’y avait personne d’autre. Il essaya de se relever pour s’asseoir. L’effort lui en coûta, ses muscles étaient endoloris et courbaturés comme s’il s’était battu durant des heures, voire des jours, sans prendre la moindre pause. Il serra les dents et parvint à s’adosser à l’oreiller.

Il reprenait son souffle comme après avoir couru longtemps. La jeune femme remuait sur son siège, et finalement, elle émergea. D’abord dans l’incrédulité du réveil, elle ne se rendit pas compte que le jeune homme était éveillé alors qu’elle s’étirait. Puis, elle ouvrit grand les yeux et sourit de voir Mathias conscient, affaibli, mais vivant.

— Monsieur Corvus ! s’écria-t-elle en se levant d’un bond pour se porter à son côté. Comment vous sentez-vous ?

Mathias leva ses mains devant lui et fit jouer ses doigts et tourner ses poignets. Il se sentait raide, mais il était conscient que cet état ne perdurerait pas.

— Ça ira mieux dans quelques jours, répondit-il. Je pourrais me mouvoir comme avant. Où sont monsieur Flamel et monsieur le comte ?

— Ils dorment, je suppose. Nous sommes au milieu de la nuit.

Comme pour confirmer les dires de la jeune rousse, une pendule sonna deux fois, indiquant bien que la nuit en était à son apogée.

— Et vous ? Vous devriez rejoindre votre lit, vous y serez plus à l’aise. Car je n’imagine pas le comte d’Estremer ne pas vous fournir une place où vous reposer.

— Oui, mais je voulais veiller sur vous. Je ne comptais pas dormir, mais… j’ai dû m’assoupir.

— Merci de m’avoir veillé. Je pense que je ne risque plus rien maintenant, donc allez vous coucher.

— Vous… vous êtes sûr ? balbutia-t-elle.

Charlotte se sentit comme repoussée, alors qu’elle était bien consciente qu’il n’en était rien. Elle voulait rester près de lui, bien qu’elle sût qu’il avait raison de vouloir qu’elle aille se coucher.

— Oui, allez-y. Je pense que je ne vais pas tarder à me rendormir moi-même, mon corps et mon esprit sont très fatigués.

La jeune femme sortit lentement de la chambre, non sans souhaiter une bonne nuit au convalescent et en lui lançant un dernier coup d’œil avant de refermer la porte.

Une fois seul, il se laissa aller en s’allongeant confortablement. Le sommeil ne referma pas sa prise sur lui immédiatement, il passa un long moment seul avec ses pensées. Il repensa à sa famille anéantie. Il regrettait d’être parti pour ce petit travail. Certes, il n’était pas parti longtemps, à peine deux mois, et jamais il n’aurait pu imaginer découvrir ses proches tous morts ou enlevés en revenant, mais il ne pouvait s’empêcher de se dire que tout aurait été différent s’il n’était pas parti pour gagner une petite bourse.

Ses pensées dérivèrent ensuite sur Taran et ses fidèles. Il comptait bien les retrouver et s’occuper d’eux. Même si ça devait lui prendre des années, et même s’il était conscient que la mort se trouverait certainement au bout de cette quête, il ne pouvait en être autrement. Il devait venger les siens tombés, et sauver ceux qui pouvaient l’être encore.

Et une fois de plus, il s’endormit d’un sommeil lourd…

 

— Maintenant, je vous écoute, dit Mathias entre deux bouchées des mets que le comte lui avait fait porter.

Le jour était levé. La servante du comte d’Estremer, Désirée, était ressortie après avoir déposé le plateau, Philippe refermant la porte derrière elle. Nicolas Flamel s’était installé dans un siège et faisait face au lit qu’occupait Mathias.

— Le sorcier qui m’a offert ce collier après que j’ai découvert le secret de la Pierre Philosophale se nomme Hermès, conta Nicolas Flamel. Sans jamais entrer dans les détails, il m’a avoué avoir trouvé, il y a des siècles, une pierre tombée des étoiles. Il était déjà un érudit dans les arts magiques, et a senti qu’elle était spéciale. Il l’a étudié durant longtemps, jusqu’à découvrir ses secrets.

— Et donc, c’est ainsi qu’il a acquis l’immortalité… en conclut Philippe.

— Je ne vois pas d’autre raison. Il est parvenu à reproduire la Pierre quelques siècles plus tard. Pour cela, il fut aidé par une autre sorcière, une Égyptienne s’appelant Néféri, elle aussi est toujours de notre monde. La troisième personne que je connais possédant ce collier est une sorcière chinoise se nommant Chan Xen. J’ignorais qu’il y en avait un autre jusqu’à ce que Hermès me l’avoue après votre empoisonnement.

— Vous l’avez revu ! s’exclama Mathias, se relevant brusquement.

— Quand je suis allé à la Guilde chercher des ingrédients pour votre antidote, indiqua l’alchimiste. Il était accompagné de Chan. Et avant ça, c’est lui qui m’a dit où vous vous rendiez et il me parla vaguement du danger qui vous menaçait. À ce moment-là, il ne m’a rien dit sur Taran, mais les quelques renseignements qu’il me donna m’incitèrent à prévenir le comte d’Estremer. La suite, vous la connaissez.

— Et quand vous l’avez croisé à la Guilde, il vous a parlé de Taran ?

— Oui, surtout que je sais que peu de sorciers connaissent la méthode pour fabriquer le Gu, le poison qui vous a frappé, son secret s’étant perdu avec le temps. Le fait de croiser deux fois mon vieil ami Hermès en l’espace de quelques jours – alors que je ne l’avais plus revu depuis trois siècles – m’a mis la puce à l’oreille. Mes doutes l’ont incité à m’en dire un peu plus. Taran était des leurs. J’ignore son âge et son origine, mais on peut dire qu’il a plusieurs siècles, il est certainement bien plus vieux que je ne le suis. Ils se seraient séparés suite à des désaccords sur la voie à suivre.

— Quelle voie ? questionna Philippe.

— Hermès, Néféri et Chan ont choisi de rester à l’écart de la société, se contentant d’observer et de n’intervenir que si le monde était en proie à un danger apocalyptique. De ce que j’en sais, ils n’ont pas eu à se dévoiler très souvent jusqu’à maintenant, et ils ont toujours pu retourner dans l’anonymat ensuite. Taran, lui, a décidé d’utiliser ses capacités et ses connaissances, acquises durant sa longue vie, pour un usage totalement opposé.

— Il cherche à dominer… souffla le comte.

— Et à se venger, compléta Mathias. C’est le sentiment qui prédominait dans ses mots lors de notre confrontation avec lui. Il veut se venger des Moldus, je me demande ce qu’ils lui ont fait.

— Maintenant, on sait que ce n’est pas une affaire récente. Il va falloir chercher plus loin dans le passé pour le découvrir. Cela va compliquer les choses pour comprendre ses motivations.

— Pas besoin de comprendre ou même de connaître ses raisons pour le combattre et le mettre hors d’état de nuire ! lança avec hargne Mathias.

Il retomba lourdement sur son oreiller, pris d’un vertige. Philippe voulut se porter à ses côtés pour l’aider, mais il leva la main pour lui signifier que c’était inutile.

— Vous devriez rester calme, reprit Nicolas Flamel. Pour le moment, votre état ne vous permet pas un nouveau face à face avec Taran. Personnellement, je vous conseillerai de l’éviter, on ignore jusqu’où vont ses pouvoirs, il a eu des siècles pour s’entraîner et apprendre là où vous n’avez eu que quelques années. Vous allez au-devant d’une mort certaine.

— Et vous croyez que ça va m’arrêter ? cracha Mathias avec moins de virulence qu’il aurait souhaitée.

— Non, j’en suis conscient. Tout comme je sais que monsieur le comte ne peut rester impassible non plus. Vous êtes des hommes d’honneur avec des principes solidement chevillés au corps. Je pense que vous devriez vous associer dans cette entreprise. Et je vous aiderai du mieux que je peux. Mais pour le moment, vous devez vous reposer.

Prétextant quelconque tâche à effectuer, l’alchimiste sortit de la chambre, laissant les deux hommes seuls. Philippe attendit quelques secondes avant de briser le silence.

— Il a raison.

— À propos de quoi ? demanda Mathias.

— Que vous devez vous reposer, et que l’on doive s’associer. Nous aurons plus de chance à deux. Nos raisons diffèrent sur certains points, tout comme nos méthodes, j’en suis conscient. Mais si la vengeance vous anime, je sais qu’elle ne vous aveugle pas. Je sais que vous voulez avant tout sauver les vôtres qui ont été enlevés. Et je pense que si vous aviez été mêlé à cette affaire d’une tout autre façon, moins tragique et personnelle, vous auriez agi quand même. Vous n’êtes pas de ceux qui détournent le regard et passent leur chemin, ai-je tort ?

Mathias ne répondit pas, se contentant de hocher la tête pour confirmer au comte qu’il avait raison.

— Concernant nos méthodes, comme je disais, elles sont différentes, mais pas incompatibles. Ça peut nous aider à surprendre notre ennemi par des tactiques qu’il n’attend pas.

— Je me range à votre avis, monsieur le comte, acquiesça Mathias. Je dois d’abord vous prévenir : je n’ai pas vraiment l’habitude de faire équipe.

— Moi non plus, nous apprendrons ainsi l’un de l’autre. Pendant que vous reprenez des forces, je vais essayer de réunir des renseignements et de débusquer Taran et ses hommes.

— N’attaquez pas sans moi, sauf si vous n’avez pas le choix ou que des vies sont en jeu.

— Voilà une des raisons pour lesquelles je sais que nous arriverons à travailler ensemble ! Je vous le promets.

Le comte d’Estremer se dirigea vers la porte pour quitter la chambre et laisser le convalescent se reposer. Il s’arrêta au moment de poser la main sur la poignée.

— Une dernière chose, comme nous allons faire équipe, vous pouvez m’appeler Philippe, personnellement, je préfère.

— Bien, monsieur le comte, obéit Mathias en lui souriant d’un air mutin.

Et sur un dernier sourire amusé, le maître des lieux sortit.


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