Les Premiers Chasseurs

Chapitre 15 : XIV La Maison en ruine

3852 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/06/2022 20:36

CHAPITRE XIV : LA MAISON EN RUINE


Le vent sec apportait l’odeur de la cendre froide. Le paysage gris et juste vallonné par quelques maigres collines s’étendait face à lui. Les rares arbres qui subsistaient étaient nus et semblaient plus tordus qu’au naturel.

Que faisait-il là ? Mathias Corvus l’ignorait et ne se posait pas la question. Comme il ne savait pas où il était. La seule vision familière qui s’offrait à lui fut celle de quelques corbeaux perchés sur les branches maigres et grisâtres. Les oiseaux le regardaient passer de leurs yeux noirs aux reflets écarlates. Pas un ne croassait. Pas un ne bougeait, si ce n’est leurs têtes qui tournaient lentement pour le suivre du regard.

Au loin, plusieurs bâtiments qui lui parurent familiers se dressaient. Ils étaient entourés d’une barrière de bois délabrée. La maison et les autres édifices étaient de pierres, noircies par les flammes maintenant éteintes. Les toits de chaume étaient tombés en cendre.

Sans hésitation, mais lentement, Mathias entra dans le domaine en ruine. Il connaissait ce lieu, il en était sûr, mais ses souvenirs refusaient de venir à lui, comme un brouillard sur sa mémoire.

Il s’approcha de la maison. La porte avait été rongée en partie par les flammes et ce qu’il en restait était noirci de suie. Il repoussa ce cadavre de porte encore accroché à ses gonds pour pouvoir passer.

Le grincement du métal lui parut familier.

Il pénétra dans ce qui devait être la pièce de vie principale avant le sinistre. De la table qui se dressait avant en son centre, il ne restait plus que les ferronneries et une partie des pieds. Les chaises avaient entièrement été dévorées par le feu.

Mathias sentit qu’il avait vécu beaucoup de choses ici, des joies, des peines, des moments importants… Il lui sembla percevoir la rumeur de rires dans le vent et entrapercevoir des silhouettes aux visages souriants et familiers. Mais tout fut si fugace qu’il ne put en être sûr.

Une silhouette parut plus consistante que les autres, celle d’un homme plus âgé que lui avec qui il partageait certains traits, lui semblait-il. Cette apparition se tenait près de la cheminée et la désignait d’un geste de la main. Mathias s’agenouilla près du foyer maintenant froid. La suie recouvrait tout d’une épaisse couche noire, il distingua à peine le contrecœur[1] par rapport à la pierre.

Il chercha dans ses poches, mais ne trouva pas sa baguette. À genoux dans l’âtre, il se servit donc de ses mains pour frotter la plaque et en dégager les reliefs. L’image moulée dans le métal représentait un oiseau aux ailes déployées. Des mots apparurent au-dessus du volatile, il les lut au fur et à mesure qu’il les mettait au jour.

Quis Iudices Diffidam.

Une devise qu’il savait importante pour lui, une philosophie qui lui avait été enseignée, mais il ne se souvenait plus par qui.

Il continua à nettoyer le contrecœur, ne remarquant pas qu’elle suintait d’un liquide poisseux. L’odeur cuivrée envahit ses narines, l’alertant. Il regarda ses mains, elles étaient couvertes de sang, il ne s’était pourtant pas blessé. Lorsqu’il releva les yeux vers la taque, le liquide ocre qui en coulait se répandait sur le sol, à ses genoux, comme si le corbeau des armoiries agonisait en se vidant de son sang.

Il bondit en arrière pour se redresser. La cheminée tomba en ruine, le sang continuant de se répandre entre les pierres déchaussées qui s’étaient étalées par terre.

Un frôlement attira son attention. La même silhouette éthérée qui lui avait désigné la cheminée semblait vouloir porter son attention ailleurs. Sans réellement savoir pourquoi, il la suivit dans la cour, jusqu’aux restes d’une grange.

Le toit s’était effondré, seuls les murs noirs tenaient encore, menaçant de tomber à leur tour. Mathias fit pivoter la porte pour y pénétrer. Le sol était jonché de cendre froide, mais l’odeur était toujours aussi âcre, râpant son nez et sa gorge. Et au milieu de cet espace gris, plusieurs squelettes gisaient, encore habillés de lambeaux de pourpoints noirs.

Les squelettes se dressèrent, le fixant de leurs orbites vides.

— Où étais-tu Mathias ? fit une voix caverneuse semblant venir de tous les côtés.

— Où étais-tu quand nous avons été tués ? lança une autre.

— Tu n’étais pas là pour nous aider… soupira une troisième.

— Tu n’étais pas là pour nous sauver… souffla une quatrième.

— Tu n’étais pas là pour mourir à nos côtés… déplora une dernière.

— Tu aurais dû être là… reprit la première voix.

— Tu aurais dû être là pour nous sauver…

— Tu aurais dû être là pour mourir…

— Pourquoi n’étais-tu pas là ?

— Où étais-tu ?

Cette dernière voix n’était pas éthérée. Il se retourna, jugeant qu’elle venait de derrière lui. Il tomba nez à nez avec un homme lui ressemblant beaucoup, en plus âgé, il le regardait d’un air morne et accusateur.

— Alors, où étais-tu ? répéta l’apparition.

— Tu sais très bien où j’étais, répondit Mathias.

— Tu aurais dû être là, parmi nous.

— Non, je ne pouvais pas savoir ce qui allait se passer. Je n’aurais jamais imaginé découvrir tout notre clan détruit en rentrant.

— Et pourtant, c’est ce que tu as découvert, car tu n’étais pas là, car tu n’es pas revenu à temps, car tu as pris ton temps.

— Je suis revenu quand je devais revenir.

— Dis-leur à eux, ordonna le fantôme en désignant les squelettes. C’était ton rôle de les protéger.

— Non, cette tâche était la tienne, tu étais le patriarche de notre famille.

— Soumets-toi à notre jugement… soupira un des squelettes.

Mathias se saisit de son épée et frappa directement dans les côtes, faisant tomber les os en un tas inerte sur le sol. Il tourna ensuite la pointe de sa lame vers le visage du fantôme.

— Est-ce un défi, père ? questionna-t-il avec un regard infaillible. Qui se permet de ma juger ? Qui me juge me défie, telle est notre devise, telle est la philosophie qui a toujours guidé nos vies et celles de nos ancêtres depuis des siècles. Certes, si j’avais été là, les choses auraient peut-être été différentes. Je ne sais pas… Et toi non plus.

Mathias baissa son arme, lançant un regard circulaire sur la propriété détruite et les squelettes qui le toisaient de leurs orbites vides.

— Ce que je sais, c’est que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous venger. Notre clan ne sera mort que quand je ne serais plus là.

Un fracas se fit entendre quand les restes de la grange volèrent en éclats autour de lui, formant une spirale s’élevant vers le ciel gris alors que le vent se déchaînait. Les squelettes et le fantôme d’Orion Corvus se volatilisèrent. Mathias regardait de tous les côtés, son épée dressée.

— Ton clan, je l’ai détruit… Et si tu veux mourir, viens à moi et je t’exhausserai…

La voix semblait venir de partout, Mathias ne parvenait pas à en repérer l’origine.

Soudain, les débris se figèrent, le vent ne gémissait plus, comme si le temps lui-même s’était arrêté. Sentant une présence dans son dos, Mathias se retourna. Il faisait face à la longue silhouette de Taran, dont le souvenir s’imposa à son esprit.

Le mage noir ne tenait aucune arme, pas même sa baguette, et pourtant, Mathias se sentait écrasé par sa seule existence, incapable du moindre mouvement.

Le druide leva une main dans sa direction, lui adressant un sourire narquois.

— Je t’attends, Corvus…

Et Mathias ouvrit les yeux…

 

La première chose qu’il vit fut le drapé du baldaquin au-dessus de son lit. Il poussa un soupir, soulagé de ne plus être face à Taran. À mesure que son esprit se rassemblait, il comprit que tout n’avait été qu’un rêve… un cauchemar plutôt…

Il se sentait comme dans du coton, les sons lui parvenaient sourds et déformés, et ce qu’il voyait était flou. Ça s’agitait autour de lui, mais il ne parvenait pas à savoir combien d’individus se trouvaient dans cette pièce. Et surtout, il ignorait où il était. En temps normal, cela l’aurait inquiété et il aurait agi. Il en était pour le moment incapable, son corps refusant de lui obéir, et son instinct lui disait qu’il n’avait rien à craindre.

À mesure que le temps s’égrenait, sa perception devenait de plus en plus claire. Il voyait les détails du baldaquin sous lequel il se trouvait de mieux en mieux. Sa vue fut bouchée par un visage entouré d’un panache de cheveux flamboyants. Ce visage se trouvait trop près de lui, il n’arrivait pas à identifier cette personne. Elle semblait parler, il se concentra pour comprendre ses mots.

— … Normal qu’il ne réagisse pas plus que ça ? questionna une voix féminine qui devait appartenir au visage se trouvant devant lui.

— Ne vous en faites pas, mademoiselle, c’est normal, assura une autre voix, plus masculine. Son corps et son esprit combattent encore le poison. Ce combat durera encore plusieurs jours, voire des semaines, mais j’ai bon espoir. Je connais les Corvus depuis longtemps, ils ne sont pas du genre à se rendre et se laisser aller.

— Il referme les yeux !

— C’est normal, il va retomber dans l’inconscience. Ce ne sera pas la dernière…

 

Mathias craignit de revenir à la maison en ruine et de revivre le même cauchemar, mais il en fut tout autre. Il n’était plus acteur de son rêve, il n’était qu’un simple spectateur. Il se revit enfant chez lui, alors que son père, Orion Corvus, lui apprenait les bases du maniement de l’épée. Il se souvenait des frustrations qu’il avait ressenties à l’époque, celle de n’avoir qu’une épée en bois, et celle de ne pas réussir à toucher son père malgré la vigueur de ses assauts.

Orion se déplaçait toujours au bon moment pour esquiver les attaques de son fils et lui asséner un contre sans appel. Le tout avec une facilité et une décontraction déconcertantes. De rage après avoir une fois de plus manqué sa cible, le jeune Mathias se jeta comme une bête sauvage en avant, son épée de bois pointée devant lui. Son père se contenta de pivoter sur lui-même au dernier moment pour le laisser passer. Déséquilibré par la manœuvre, le garçon s’étala de tout son long sur le sol poussiéreux.

Il se releva, prêt à en découdre de nouveau, mais son père avait déjà rengainé son épée.

— Ça suffira pour aujourd’hui, annonça-t-il.

— Non père ! Je veux continuer ! exigea l’enfant.

— Je sais, mais j’ai dit non. On reprendra demain. En attendant, tu vas réfléchir sur les raisons pour lesquelles tu n’as pas réussi à me toucher. Et tu t’exerceras à la magie, au sortilège d’attraction. Mais pour le moment, tu vas aller te décrasser et nous allons déjeuner.

— Ne puis-je pas plutôt m’exercer au Stupéfix ? C’est plus utile en combat.

— J’ai dit Accio. Stupéfix, ça attendra que tu maîtrises correctement celui-ci.

Mathias se souvenait des mois qui suivirent, son père ne lui fit pas travailler Stupéfix. Après Accio, ce fut Repulso, Alohomora, Amplificatum, Reducto, Impervius et bien d’autres sortilèges qu’il avait jugés inutiles au combat à l’époque. Et pourtant, maintenant, les années ayant passé, il comprenait la démarche de son père. C’était la même raison pour laquelle il s’exerçait avec une épée en bois : la progression. Il lui fallait apprendre les choses étape par étape.

Orion ne lui avait jamais expliqué clairement cette notion, il avait voulu qu’il comprenne par lui-même, ce qu’il mit des années à faire.

 

De nouveau, il ouvrit les yeux sur le baldaquin. Il faisait visiblement nuit, car seul un rayon de lune argenté fournissait un semblant de lumière en s’infiltrant entre les rideaux. Il attendit, laissant ses yeux faire le point pour ne plus voir flou. Il tenta de tourner la tête et y parvint lentement, il put ainsi détailler un peu plus la chambre dans laquelle il se trouvait.

L’endroit était visiblement luxueux. Il n’en voyait pas les couleurs, mais devinait la qualité des boiseries des meubles, de la porte et des encadrements. Un tableau accroché face au lit représentait une scène de bord de mer, avec un chariot auprès duquel se tenait un goémonier.

Sur la table de chevet se trouvaient une carafe d’eau et un verre. Il tenta de se redresser et de tendre le bras vers le récipient, mais sa main tremblait de façon incontrôlable et intense. Il préféra abandonner et laissa son membre retomber mollement sur les draps.

Il sentit la torpeur l’envahir à nouveau et il ferma les yeux en se laissant engloutir par l’inconscience…

 

Il se retrouva dans un autre souvenir, toujours au même endroit, le domaine des Corvus au Bois aux Corbeaux. Et encore une fois, il se battait contre son père.

Il était maintenant plus âgé, vers ses treize ans, jugea-t-il. Il avait gagné en force, en dextérité et en technique. Il ne maniait plus une épée en bois, et s’il n’avait pas encore la broadsword dont il se servait à présent, il avait remplacé le bois par l’acier. Il avait fini par comprendre pourquoi son père l’avait obligé à s’entraîner si longtemps avec une lame factice, le tranchant d’une vraie étant souvent plus dangereuse pour son porteur que pour son adversaire. Il se souvenait avoir passé des années à effectuer des enchaînements dans le vide avant d’utiliser une vraie arme en combat.

Il ne se contentait pas de son épée, son autre main tenait sa baguette, lui permettant de mêler le combat rapproché et le combat magique. Bien que plus légère que sa broadsword, cette arme était lourde pour son jeune âge. Selon l’intensité des assauts, son bras s’engourdissait et fatiguait, son père lui ordonnait alors d’inverser ses mains, également dans le but de le faire travailler de façon ambidextre.

Après plusieurs heures d’entraînement, Orion y mit fin en rengainant sa lame.

— Bien, ça suffira pour aujourd’hui.

Le jeune Mathias s’en montra soulagé. Il suivit son père jusqu’au puits pour y faire un brin de toilette, enlevant leurs chemises. Et alors qu’ils se rafraîchissaient, ils perçurent les pas galopants de plusieurs chevaux qui s’approchaient.

Orion reprit son épée, sans la dégainer et se dirigea vers le portail alors que sept cavaliers s’arrêtaient juste devant et mirent pied à terre. Mathias observait la scène sans comprendre qui étaient ces hommes. De la maison, de la grange et de l’écurie, ses frères, sœurs, cousins et oncle sortirent et patientaient. Tout comme eux, il garda sa baguette à la main et son épée à porter.

— Orion Corvus ! lança un des hommes qui devait être le chef de la bande. Je t’ai attendu longtemps au point de rendez-vous !

— Je pensais avoir été clair, Valmand, je ne compte pas me joindre à toi, répliqua Orion.

— Tu devrais y réfléchir encore, il y a beaucoup d’or à gagner.

— Et de l’honneur à perdre…

— Toujours ces vieilles valeurs ! soupira Valmand. Tu ne voudrais pas que ta famille puisse vivre dans un cadre un peu plus idyllique ?

— Je préfère que ma famille vive au fond de cette forêt en conservant son honneur et son intégrité plutôt que se fourvoyer pour vivre dans le luxe. La discussion est close, quittez mes terres.

— Je connais la réputation des Corvus, autant que tu dois connaître la mienne : je ne suis pas quelqu’un à qui on dit non sans en payer le prix. Tu vas venir avec moi et m’aider, sinon ce charmant endroit va devenir un tas de cendres.

Valmand et ses hommes sortirent leurs baguettes, certains dégainèrent également des rapières. Orion demeura calme et ne démontra aucune réaction.

— La seule réputation que je te connais, c’est d’être un vaurien sans honneur ni prestige prêt à vendre père et mère pour un peu d’or.

— Ouais, peut-être, moi au moins mon sang est pur.

— Non, il est entaché de déshonneur et de vilenie.

— Tu l’auras voulu. Tuez-les tous ! Et brûlez cet…

— Avada Kedavra !

L’éclair vert toucha Valmand sans qu’il ne vît le mouvement d’Orion, qui pourtant n’avait pas sa baguette en main une demi-seconde avant. Le corps s’effondra dans la poussière avec un bruit mou, laissant les compagnons de celui-ci interdit.

Orion baissa son bras tout en gardant son artefact magique à la main, bien visible.

— Quittez mes terres, répéta-t-il sans hausser le ton.

Plusieurs des hommes de main remontèrent en selle rapidement et commençaient déjà à tourner leurs chevaux vers les bois. Orion leur tourna le dos pour marcher tranquillement vers sa maison.

Deux des brigands, restés immobiles à regarder le cadavre de leur chef, se jetèrent dans sa direction en levant leurs armes. Orion se retournait à peine pour leur faire face quand Mathias s’interposa, bloquant l’assaut avec son épée. À grande peine, il parvint à dévier l’attaque et fit face à l’un des belligérants.

— Tu veux crever avant ton père, gamin ! Comme tu veux, lança son adversaire.

L’ennemi le feinta une fois. Deux fois. Trois fois, sans que Mathias ne se laisse prendre au piège. Et quand il lança finalement son attaque, ses pieds fondirent dans le sol, l’empêchant de bouger. Il bloqua avec difficulté la première technique du jeune Corvus, et parvint à le faire tomber sur son séant uniquement grâce à la différence de force physique entre eux. Il en profita pour dégager sa jambe. Il avança sur Mathias, pointant sa baguette sur lui.

— Avadargh !

Le premier mot de la formule se perdit dans un cri de douleur, un coup d’épée de Mathias venait de lui couper la main en diagonale, envoyant voler sa baguette au passage. Celui-ci en profita pour se relever, aussitôt renvoyé au sol par un puissant coup de pied au ventre.

Le brigand se plaça au-dessus de lui, lui assénant un nouveau coup de pied pour l’empêcher de se relever. Il leva haut son épée pour l’abattre sur le jeune homme. Ce dernier parvint par réflexe à dévier la lame, celle-ci ne venant que lui entailler la joue, et dans le même mouvement, planta sa propre épée entre les côtes de son adversaire.

L’homme de main cracha du sang avant de venir s’effondrer à côté de Mathias. L’adolescent ne put détacher les yeux du cadavre encore chaud qui gisait près de lui et dont les yeux le fixaient avec incompréhension.

Lorsqu’il s’en désintéressa et se remit debout, il vit que son père s’était occupé du second agresseur et que les autres Corvus tenaient en respect les cavaliers pour ne pas qu’ils interviennent. Ceux-ci échangèrent un regard et disparurent par le sentier.

Orion s’approcha de son fils. Il examina le corps un instant.

— Es-tu blessé ? demanda-t-il.

— Un peu mal aux côtes, mais ça va passer, père, répondit le jeune homme.

— Pas facile, n’est-ce pas ? De tuer un homme.

— N’est-ce pas le but de l’escrime et du combat magique ?

— Non, le but est justement de ne pas avoir à tuer, ne le faire que si nécessaire. Une épée est une arme, elle sert à tuer et à rien d’autre. Mais on peut choisir de n’user de ce pouvoir que pour défendre des innocents ou une cause juste. Et quand il n’y a plus de danger, elle peut servir alors à prévenir ceux qui voudraient commettre des actes inqualifiables que ce sera à leurs risques et périls. Je préférerais qu’elle se cantonne à ce rôle, mais le monde est ainsi fait que ça ne sera jamais le cas. Nos épées seront toujours couvertes de sang.

Sur le moment, Mathias n’avait pas compris les paroles de son père, et il savait que ce dernier en était conscient. Tout comme il savait qu’un jour, son fils comprendrait. Ce fut le cas, des années plus tard…

 

Mathias ouvrit de nouveau les yeux. Il était toujours dans le lit à baldaquin. Il faisait jour cette fois. Le visage doux de la jeune femme rousse qu’il se souvenait avoir sauvé au monastère apparut au-dessus de lui, auréolé de lumière.

— Monsieur Flamel ! Il est réveillé ! s’écria-t-elle.

Il tourna la tête de l’autre côté et vit Nicolas Flamel se pencher sur lui pour l’examiner.

Et alors que l’alchimiste s’affairait, Mathias entrevit autour de son cou un collier orné d’une pierre rouge…


[1] Plaque de fonte se situant au fond d’une cheminée, parfois décorée. On appelle ça aussi une taque, un contre-foyer ou un contre-feu.


Laisser un commentaire ?