Harry Potter et le phénix

On débarqua sur le sol rocheux et monta le long d'un passage creusé dans la montagne. Une vaste pelouse s'étendait à l'ombre du château. On monta une volée de marches. Hagrid leva son énorme poing et frappa trois fois à l'immense porte d'entrée en chêne massif. La porte s'ouvrit immédiatement. Dans l'encadrement se tenait une grande sorcière aux cheveux noirs qui n'avait pas l'air commode. 

-Professeur McGonagall, voici les élèves de première année, annonça Hagrid. 

-Merci Hagrid, dit la sorcière, je m'en occupe. 

On entra dans une petite salle réservée aux élèves de première année. 

-Bienvenue à Poudlard, dit le professeur McGonagall. Le banquet de début d'année va bientôt commencer dans la Grande Salle. Mais avant toute chose, vous allez être répartis dans les différentes maisons. Votre maison sera pour vous comme une seconde famille. Vos succès lui feront gagner des points, toute infraction au règlement lui en fera perdre. L'honneur de votre maison repose entre vos mains. 

Là, la sorcière fut interrompue par des cris qui s'expliquaient par l'apparition d'une vingtaine de fantômes d'un blanc nacré qui flottaient à travers la salle.

-Silence ! lança sèchement le professeur McGonagall. Mettez-vous en rang et suivez-moi. 

On quitta la salle, traversa le hall, franchit une double porte qui ouvrait sur la Grande Salle. L'endroit était étrange et magnifique. Tous les autres élèves de l'école étaient déjà assis autour de quatre longues tables éclairées par des centaines de chandelles suspendues dans les airs. Au-dessus de nous, un plafond parsemé d'étoiles donnait l'impression que la salle était à ciel ouvert. 

Le professeur McGonagall nous fit traverser la salle et nous aligna face à la table des professeurs. Ensuite, elle installa devant nous un tabouret sur lequel elle posa un chapeau pointu de sorcier. Enfin, elle prit sur la table derrière elle un parchemin qu'elle déroula. 

-Quand j'appellerai votre nom, vous mettrez le chapeau sur votre tête et vous prendrez place sur le tabouret.

-Abbot, Hannah !

Une fille avec des nattes sortit du rang d'un pas mal assuré. Elle alla mettre le chapeau et s'assit sur le tabouret. Après un instant de silence, le chapeau cria:

-POUFSOUFFLE !

Des acclamations et des applaudissements s'élevèrent d'une des tables et Hannah alla s'y asseoir, parmi les élèves de Poufsouffle.

-Boot, Terry ! appela le professeur McGonagall.

-SERDAIGLE ! cria le chapeau.

Les applaudissements s'élevèrent d'une autre table et les élèves de Serdaigle accueillirent Terry en lui serrant la main.

Plusieurs élèves furent ainsi répartis dans les différentes maisons. Lorsque son nom fut appelé, Malefoy s'avança d'un pas conquérant vers le tabouret. Il lui avait à peine frôlé la tête que le chapeau s'écria :

-SERPENTARD !

La mine satisfaite, Malefoy alla rejoindre ses amis Crabbe et Goyle à la table des Serpentard.

Le chapeau prenait parfois le temps de la réflexion avant de se décider. C'est ce qui se passa pour Harry. Un long moment s'écoula avant que le chapeau annonce :

-GRYFFONDOR !

Mon cousin reçut la plus longue et la plus bruyante ovation de la soirée. Il fut assez vite rejoint à la table des Gryffondor par Ron Weasley, qui se laissa tomber sur une chaise à côté de lui en poussant un soupir de soulagement.

-Wyatt, Penny !

Je m'exécutai.

-Hum, dit une petite voix à mon oreille. C'est vraiment très surprenant. Je peux voir le courage, le talent, les qualités intellectuelles, bien sûr. Mais je vois surtout le POUVOIR. Un pouvoir qui dépasse de très loin celui que peut conférer une baguette magique. Un immense pouvoir concentré en un seul être. Contenu non dans la baguette, mais dans les MAINS de cet être. Et qui n'attend que le moment propice pour s'exprimer.

J'avalai ma salive avec difficulté. Je frissonnai. Je me dis que c'était une chance que personne d'autre que moi ne puisse entendre ce que disait le chapeau. Son discours avait de quoi effrayer n'importe qui.

-Evidemment, je me dois de te donner l'opportunité d'avancer sur le chemin de la grandeur. Alors...

-SERPENTARD !

Quand le mot résonna dans la Grande Salle, j'eus l'impression que le chapeau venait de le crier au monde entier.

Je rejoignis la table des Serpentard sous les applaudissements. Le dernier élève, Blaise Zabini, fut également envoyé à Serpentard. Le professeur McGonagall emporta le Choixpeau et on commença à manger. Les plats qui étaient vides quelques secondes plus tôt débordaient à présent de victuailles. Je jetai un coup d'oeil à la table des professeurs. Hagrid était assis à l'une des extrémités. Je reconnus l'homme émotif rencontré au Chaudron Baveur, le professeur Quirrell, qui portait un grand turban violet. Au centre de la table trônait dans un fauteuil d'or massif un homme avec des lunettes en demi-lune, une chevelure argentée et une longue barbe. Je compris qu'il s'agissait du directeur de Poudlard, Albus Dumbledore.

Et celui-ci me fixait intensément.

Il me sourit mais un bref instant je crus lire dans ses yeux une sorte de crainte, alors qu'il me regardait. Et une pensée folle et ridicule me traversa l'esprit :

"Il sait. Il entend ce que dit le Choixpeau et il sait ce qu'il m'a dit."

Je fis appel à ma raison pour tenter de chasser cette pensée : il était peu probable que quiconque possède ce genre de pouvoir. Mais qu'en était-il de celui qu'Hagrid avait désigné comme "le plus grand sorcier du monde" ? Cette interrogation finit par me couper l'appétit. L'horrible fantôme assis en face de moi, aux yeux vides et aux vêtements pleins de tâches de sang, n'arrangeait pas les choses.

Le banquet terminé, on suivit le préfet des Serpentard hors de la Grande Salle. Puis on se dirigea vers l'entrée des cachots et on descendit au sous-sol. On parcourut une longue distance avant de s'arrêter devant un mur nu et humide. Le préfet dit le mot de passe "Sang-pur !" et une porte de pierre dissimulée dans le mur s'ouvrit aussitôt. On arriva dans la salle commune, une grande pièce aux murs et au plafond de pierre brute. Des lampes rondes et verdâtres étaient suspendues à des chaînes et éclairaient l'ensemble des fauteuils ouvragés. Le préfet montra les deux dortoirs qui étaient réservés aux nouveaux, celui des filles et celui des garçons.

-Vos valises ont déjà été amenées. Elles vous attendent dans vos dortoirs respectifs. Vous pouvez rester une dizaine de minutes dans la salle commune si vous souhaitez faire plus ample connaissance. Mais il va bientôt falloir regagner vos dortoirs.

Quelques instants plus tard, je me trouvai entourée de tout un tas d'élèves :

-C'est toi, la cousine de Harry Potter ?

-C'est vrai que vous avez grandi chez des Moldus ?

-Tu t'entends bien avec lui ?

-C'est nul qu'il soit à Gryffondor.

-Je m'appelle Pansy, et toi ?

Je n'avais jamais été aussi sollicitée. Seul Drago Malefoy restait dans son coin à m'observer d'un air mauvais.

-Il ne veut pas venir, me dit Pansy. Il dit qu'il faudra que tu surveilles tes fréquentations. Il dit aussi qu'il faudra que tu sois un peu plus aimable.

-Laisse-le où il est, si tu veux bien, je répondis en bâillant.

Quand je réussis enfin à m'éclipser, je tombais de sommeil. Dans le dortoir, un lit à baldaquin avec des rideaux de velours vert m'attendait. Je n'avais qu'une hâte : me glisser à l'intérieur. Et pourtant, une fois au lit, impossible de trouver le sommeil. J'avais besoin de la présence d'Harry. De me blottir contre son corps, de m'imprégner de son odeur. De fusionner avec lui et de ne faire plus qu'un. Mais il dormait dans la tour de Gryffondor, tandis que je m'étais laissée emprisonner dans les entrailles du château. Ainsi prise au piège, je n'étais plus invincible, je devenais vulnérable face au reste du monde. Comment affronter la nuit, ainsi privée d'une partie de moi ? La meilleure.