Morsmordre
Chapitre 2 : Celui qui avait un secret (corrigé)
2184 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 15/11/2020 10:12
Le regard enjoué, le sourire avec les clients. Ses longs cheveux d’un rouge orangé ne tournaient pas dans le vide à chaque fois qu’elle changeait précipitamment de direction pour rejoindre une autre commande. Sa bonne humeur étant si présente qu’elle ne passait pas inaperçue aux yeux de la clientèle. Elle se permettait même par moment de faire une pause en discutant avec eux quand elle n’avait rien d’urgent à faire. Cette jeune demoiselle était une douce lumière aux yeux de Jasper qui la regardait discrètement du haut de son toit d’immeuble. Le café où la fille travaillait se situait dans un coin de rue sans passage pour les voitures. L’enseigne affichait avec ses grandes lettres vertes « Au grand café, pâtisserie, boisson, espace de travail ». Sur l’une des grandes vitres, qui donnait une vue sur l’intérieur, on pouvait y lire toute la carte de pâtisserie, divers croissants nature en passant à celui chocolat-vanille, une partie montrant les variétés de boissons, de cafés, de milk-shakes et marqué en lettres d’or « Wi-Fi gratuite ! ». Chaque fois que des gens s’arrêtaient par curiosité, il y avait toujours une chance qu’ils y entrent histoire de prendre une pause bien méritée. Mais contrairement à Jasper, il était sûr que jamais il oserait rentrer n’était-ce juste pour respirer l’odeur sucrée des macarons qu’il apercevait sur les tables de la terrasse. Le jeune sorcier était assis sur le toit du bâtiment juste en face du café. Tout en restant discret, il lisait son journal « Quotidien malin » en lançant des regards vers la serveuse qui la fascinait. C’était une gazette qu’il recevait tous les 3 jours, racontant des choses provenant du monde des sorciers. Les articles étaient pratiquement tous les mêmes à chaque numéro. Des exploits de certains, la hausse des prix des balais, le retour à la mode des Grenouilles, manger équilibré selon les conseils du docteur Estéban Francisochoix. Rien d’alarmant, ou de fascinant, qui inciterait un minimum d’action dans le monde des sorciers. Jasper replia son journal en soupirant devant ces nouvelles furtives[1]. Il se contenta de profiter de cette fin de journée en regardant en bas, les passants aux alentours, les bâtiments qui se coloraient à la lumière du soleil d’un teint pastel. Puis au-dessus des toits pour apercevoir au loin la Tour Eiffel. Perdu dans cette pensée de contemplation de cette grande dame de fer, il retourna son regard aussitôt sur la demoiselle qui s’était mise à débarrasser une table. Il pensait à toutes sortes de scénarios qui pourraient lui permettre de rentrer en contact avec elle. D’abord comme simple client. Puis sur un bête accident devant le café. Ou demander son chemin. Pourquoi pas faire semblant de travailler à l’intérieur, histoire que ça soit elle qui fasse le premier pas avec ses conversations qui ont l’air de ravir toutes les personnes qu’elle croise ? Mais après ? Que se passera-t-il s’ils se rapprochaient ? L’idée d’avoir une romance avec cette personne ne lui déplairait pas, non, loin de là, mais comment lui dire la vérité ? À moins qu’il ne doive cacher sa véritable nature ? Mais combien de temps avant qu’elle ne se rende compte de quelque chose ?
Jasper soupira devant tant de soucis. Le monde des sorciers possédait tellement de règles qu’il s’était mis à ne retenir que les plus mauvaises. Il avait choisi de vivre dans le monde de ceux qu’on appelle communément des non-magiques pour leur simplicité au quotidien. Sauf quand il s’agissait de prendre les bus, métros, et autres transports pour lesquels Jasper éprouvait un terrible ennui. Depuis son enfance, on lui avait appris à cacher ses pouvoirs aux yeux des non-magiques. Mais jamais il n’aurait cru avoir un coup de foudre pour l’un d’entre eux. Il rattrapa ses jambes qui pendaient dans le vide pour se mettre en tailleur, s’étira un instant et s’allongea délicatement sur le dos en regardant les étoiles qui commençaient à apparaître. Il n’y avait aucun nuage. Le soleil couchant donnait un ton rosé dans cette grande robe de nuit qui commençait à s’installer au-dessus de Paris. Cette grande nape obscure lui rappelait le toit de ce qui était jadis une maison pour lui. Le son d’ambiance du café qui se faisait entendre s’interprétait différemment pour Jasper. Les rires qu’il entendait devenaient un peu plus enfantins. La lueur des réverbères était pour lui des lumières de bougies. Et puis l’air de la ville se changea en un léger courant d’air qui se faufilait entre les briques épaisses des murs. En un instant, il se revoyait quand il avait onze ans. À l’école de magie, Poudlard.
– Laisse-moi deviner. Ton chat s’est lâché durant ton absence et du coup tu as la flemme de rentrer chez toi pour tout nettoyer, alors tu viens dormir à la belle étoile ?
Ces paroles ramenèrent Jasper à la raison. Marchant dans sa direction, tenant un balai par son manche, une jeune fille qui paraissait aussi grande que le sorcier qui se remit dans son ancienne position tout en prenant soin de ne pas glisser.
Elle s’appelait Judith Bousquet. Elle était une sorcière, tout comme Jasper. Ayant fait ses études en France, à la grande école de magie de Beauxbâtons, le duo s’était rencontré une première fois lors d’un match de Quidditch, rencontre entre écoles, où tous deux à l’époque avaient le rôle de poursuiveur dans son équipe respective. Ce ne fut qu’à la fin de l’année précédente que Jasper reconnut Judith dans un coin de rue de Paris. Elle l’avait aidé à s’installer parmi les non-magiques en lui trouvant un petit logement situé juste en dessous de leurs pieds. Et par moment, elle lui rendait visite. Mais par moment, il était très souvent en déplacement. Pour la famille, qu’il disait.
Elle n’était pas au courant que Jasper utilisait sa magie pour voler d’autres sorciers et non-magiques à travers le monde. Il se disait que c’était mieux ainsi. Que jamais elle n’aurait accepté d’aider un gars qui passait son temps à vagabonder sur les toits pour voler, vendre, survivre et recommencer le cycle. Mais il se demandait comment il pouvait lui mentir facilement, alors qu’il pourrait faire la même chose avec la serveuse du café. Il se pencha en arrière pour voir la sorcière qui s’adossa contre un petit muret de cheminée. Elle portait un long manteau vert comme ses yeux. Le teint bronzé. Ses cheveux crépus d’un noir de jais étaient coiffés comme si elle s’était rasé un côté de la tête. Elle possédait toujours le même regard entre la lassitude et la moquerie.
– Je viens à peine de rentrer et tu me parles déjà des problèmes que je vais devoir affronter quand je vais vraiment rentrer chez moi, ce n’est pas cool ça, répondit le sorcier en s’appuyant sur son coude pour mieux discuter avec sa partenaire derrière lui.
– Comment était ta petite balade ?
– Mouvementée, mais rigolote. Mon oncle Charlie a voulu faire le fort en lançant un sort de pluie mais ça s’est vite transformé en ouragan. Et toi ? Je ne t’ai pas trop manqué ?
– Tu parles, si tu crois que je base mes journées sur toi je ne suis pas près d’avoir une vie sociale, lança Judith en se retenant de rire. Tu dors le jour et la nuit tu t’échappes jusqu’à ce que tu reviennes. Je parie même que les vampires de Suède ne prennent pas autant de plaisir que toi.
– Hé bien ça va changer ! répondit le jeune homme en se relevant pour rejoindre son amie. Je suis rentré tôt exprès pour pouvoir dormir et donc demain, en plein jour, je t’invite à faire ce que tu veux pour m’excuser pour toutes ces fois où je t’ai laissée toute seule.
– Donc tu vas venir m’aider à la boutique ?
À ces mots, Judith réussit à donner un coup de fouet à l’esprit de Jasper. La boutique ! Comment ai-je pu oublier cette foutu boutique ! Pourquoi j’ai parlé !? pensa le sorcier en crispant son visage. La boutique de Judith, pour les non-magiques, était une vieille boutique d’antiquaire. Personne ne s’y attardait vraiment au vu des prix sur les meubles dans les vitrines. Mais même pour les plus curieux, ou avec la bourse pleine à en être dépensée, les articles qui se trouvaient en intérieur ne se faisaient pas plus désirer entre la poussière ou les prix à plus de cinq chiffres. Mais pour le monde des sorciers, Judith pouvait faire son commerce de produits en tout genre. Idéal pour les potions, rafistolages de balais, quelques fournitures pour travailler sur les pierres précieuses et autres articles qui se rapprochaient un peu plus de ce qu’était la chasse aux créatures magiques. Une boutique discrète qui avait son petit charme, mais d’un ennui pour Jasper, comparée à ses activités extra-magiques. Il s’était déjà proposé une fois pour aider Judith à la boutique, par simple curiosité. Mais c’était d’une telle lenteur que le jeune homme avait fait semblant d’être pris d’un mauvais sort, l’obligeant à s’enfuir de la boutique en laissant en plan la jeune fille qui était en train de vendre des griffes de rinhocornus.
– Tu ne veux pas plutôt qu’on aille, je ne sais pas, faire quelque chose d’un peu plus motivant ? Tu n’as pas envie de manger dans un bon endroit où ils servent de la nourriture encore plus grasse que la tarte à la mélasse ? Juste toi et moi. Sans les clients. Pas de clients. Je n’aime pas les clients.
La jeune fille se braqua en arrière en rapprochant ses jambes de son torse.
– C’est un rencard que tu me proposes ? dit-elle en souriant avec ironie.
– Hé bien… On va dire que oui ? lui répondit Jasper en glissant les mains dans les poches.
Il ne savait vraiment pas ce qu’il venait de dire. Du moment que ça marchait, et que ça lui permettait de ne pas mettre les pieds dans cette foutue boutique.
– D’accord… Mais alors on va manger dans ce petit café en face non ? Regarde comme il a l’air sympa.
Judith savait ce qu’elle disait. Elle savait que Jasper ne venait pas de temps à autres sur le toit par pur hasard mais bien pour quelqu’un. Et elle visait juste. Le jeune sorcier se remit à regarder en direction du café en soupirant puis en regardant dans le vide.
– Oh allez je te charrie. Merci de ta proposition, dit la jeune fille en se relevant d’un bon. Repose-toi juste, demain je vais être occupée avec une grosse commande. Du coup, faudra qu’on se donne une nouvelle date pour notre… rencard.
– Tu vas devoir chasser ?
– Je vais devoir surtout livrer quelque chose pour chasser oui. Un client a commandé plus de trois cents coquilles vides de tortue de feu. Je vais devoir faire des petits allers-retours discrets, heureusement que demain le temps est brumeux. Allez, bonne nuit, la Mèche.
– Comme tu veux. Bonne nuit, Judith. Au moindre souci, tu envoies un hibou et je rapplique.
La jeune sorcière lâcha un sourire discret en regardant Jasper qui s’était mis à ranger son journal correctement dans sa veste.
– Jasper… Tu sais que c’est qu’un rencard ?
Le sorcier s’arrêta en gonflant ses joues. Il regardait dans toute la rue comme s’il cherchait une réponse à tout prix pour éviter de dire une bêtise. Mais au final, il se retourna légèrement en expirant l’air qu’il avait bloqué.
– Je n’en ai aucune idée. C’est un menu qui se déguste à deux dans un restaurant de non-magique ?
Judith explosa de rire. Il était vrai que Jasper ne savait pas du tout ce que signifiait un rencard. Il n’avait jamais eu de relation sentimentale. Quand on venait à lui proposer de sortir avec une personne, Jasper se contentait seulement de refuser poliment pour ne pas dire qu’il trouvait ça sans intérêt. Pour lui, rencard, n’était vraiment pas dans son vocabulaire.
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Un merci à BakApple pour la correction et à son soutien pour la suite de l'aventure !