Morsmordre

Chapitre 1 : Celui qui sait quelque chose (corrigé)

4608 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/11/2020 10:19

Quelque part en France, de nos jours.


La soirée était à la fois calme et motivante par les paroles des invités ou de la musique ambiante qui passait dans le fond. Verre à la main, toast pour certains, les gens passaient ou revenaient devant les différentes œuvres en exposition. Des tableaux de toute sortes. Des sculptures ayant chacune leur propre style. Quelques photographies qui décoraient les murs par-ci par-là en montrant des lieux de différent pays soit en couleurs, soit en noir et blanc. Une exposition qui n’avait rien de surprenant pour ce bon vieil Edgard. La cinquantaine, chemise-cravate, il faisait un peu tâche dans ce décor et ces gens qui discutaient entre eux d’art tels des jeunes hipsters.

Peut-être était-il trop vieux jeu pour se mêler à la foule ? Qu’importe. Du moment qu’il pouvait déguster son toast au saumon en donnant un prix à chaque œuvre, rien ne pouvait le déranger. S’il était ici, c’était tout d’abord pour le travail. Il aurait bien voulu rester à la maison, devant son poste TV, mangeant un plat qu’il aurait réchauffé au micro-onde comme chaque vendredi soir, parce que c’est un soir de week-end, et donc, ne pas s’épuiser à faire de la cuisine. Mais on l’avait missionné d’assister à cette soirée. Il devait écrire un article sur l’exposition du retour du grand Charles Lumia, l’homme qui avait fait fortune en voyageant aux quatre coins du monde. Mais, selon le point de vue du vieil homme, une fois qu’on a vu une pyramide, on a vu toutes les autres. Voilà comment il résumait cette soirée. Une exposition de déjà-vu d’un narcissique qui ne savait pas quoi faire de son argent.

Edgard, posant sa flûte de champagne sur la table, examina l’heure sur son écran de portable. Déjà deux bonnes heures à regarder dans le vide. Il avait rempli son quota pour rentrer chez lui et manger ses pâtes en boîte. Zigzaguant un peu entre les personnes, évitant de demander pardon à certains pour ne pas les couper dans leurs élans de rire intensif, l’air de l’extérieur qui rentrait par la porte d’entrée tendait les bras à l’homme qui prenait son temps pour partir pour éviter d’éveiller des soupçons. Mais c’est un groupe qui lui provoqua un barrage. Ils avaient l’air tellement concentré dans leurs conversations qu’il n’avait pas fait attention à l’homme habillé sombrement de noir. Celui-ci, se redressa pour essayer d’imposer quelque chose. Mais ce quelque chose n’était pas suffisant pour marquer sa présence. Alors il se contenta de les contourner en marchant sur le côté comme s’il longeait un mur de pierres proche d’un précipice. Puis, une lumière verte.

Quelque chose, brilla dans son regard. La lumière qui commençait à partir en vrille ou un flash d’un des portables lors d’une photo qui était beaucoup trop forte, pensa-t-il. Encore une lueur. Plus intense. L’homme se frotta les yeux. Pensant que ça venait de lui, ou que le champagne lui montait vite à la tête. Mais pourtant, cherchant au hasard par-dessus les épaules des gens, quelque chose lui marqua son regard. Il semblait que c’était un objet, de grande taille. Gris au premier abord. Bah, qu’importe, ça doit être sans importance, autant vite rejoindre la sortie, pensa l’homme en essayant de détacher sa curiosité pour se concentrer vers la liberté. Mais plutôt qu’un chemin qui s’ouvrait à lui pour l’extérieur, c’était celui vers cet étrange objet qui lui tendit les bras avec les quelques invités qui se déplaçaient en parlant. L’objet, ou plutôt, cette statuette, de ce qu’il apercevait un peu plus clairement, portait en son centre quelque chose de sphérique et de noir.

Edgard, même après avoir travaillé sur divers articles d’objets contemporains, n’avait jamais rien vu de tel. Plus il se rapprochait de la statue, au plus elle l’intriguait. C’était une sorte de dragon lézard comme ceux dans le folklore chinois, mais celui-ci avait quatre grandes ailes de plumes. La créature s’enroulait autour d’une grosse sphère, noire d’apparence, mais aux reflets violets. La statue était sur un petit piédestal. Aucune vitre ne la protégeait. Et le plus étrange, c’est que personne n’y prêtait vraiment attention. Ou plutôt, c’était comme si elle n’existait pas.

Impossible de déterminer l’âge de cette étrange statue. La pierre semblait à la fois vieille et récente, comme une contrefaçon. Soudain, l’homme aperçut ce qui semblait être une ombre malgré le noir obscur dans la sphère. Au plus il la regardait, et plus une nouvelle curiosité lui prit le dessus. Il semblait que l’intérieur de la sphère était en mouvement. Il se pencha un peu plus sur le globe en verre en question. Il ne voyait rien, mais percevait pourtant quelque chose. Il se sentait comme attiré. Jamais il n’aurait cru que l’obscurité l’intriguerait à ce point-là. Il s’accroupit pour être à une meilleure hauteur dans l’espoir de mieux percevoir quelque chose. Son regard se rapprochait lentement de la sphère. Et il s’aperçut qu’il y avait bien quelque chose. Une sorte d’épaisse fumée noire. Mais il y avait quelque chose en plus. Il ne saurait le décrire, mais il sentait que cette fumée cachait quelque chose en son centre. Edgard, commença à lever sa main en direction de la statuette. Il était prêt à rompre les distances et les règles de l’art en voulant toucher une œuvre. Il était si curieux.

– C’est très intriguant, n’est-ce pas ? dit une voix grave dans son dos.

Pris de frayeur, l’homme en costume se redressa d’un bon, les mains en l’air et les yeux écarquillés. Il se rendait comme s’il avait fait le plus grand casse du siècle et qu’il était dans une impasse. Le pauvre homme se retourna pour faire face à la voix, toujours les mains en l’air. Avec un air amusé, c’était un homme vêtu de blanc qui recula par précaution.

– Hé bien mon ami calmez-vous je ne voulais vraiment pas vous faire peur, je vous vois tellement captivé par cette statue.

Les yeux légèrement plissés, les cheveux constamment plaqués en arrière, quelques regards discrets tournés vers cet homme, c’était l’hôte de la soirée, le Charles Lumia.

– Monsieur Lumia, pardonnez-moi, j’étais tellement intrigué par ce gros globe au centre. On dirait qu’il bouge, sortit Edgard en essayant tant bien que mal de baisser les mains.

Charles Lumia rigola discrètement en se mettant à côté de l’homme tout en fixant la statue.

– Hé bien c’est pour ça qu’elle est ici. Je l’ai achetée lors d’un voyage au Japon. C’était sur une des îles perdues à côté du pays. Le vendeur me l’a présentée comme étant une sorte de gardien traditionnel. Et ce qui me faisait rire, c’est que cette sphère n’est en fait qu’une sorte de farce. Vous savez, sur internet ils montrent des vidéos où on mélange un colorant avec de la poudre qui brille dans de l’eau. Quand on touille, ça fait quelque chose de « magique ». Ça amuse énormément les enfants. Et moi je l’ai achetée. Comme un enfant, raconta l’homme amusé.

– Mais alors, ce n’est pas vraiment une vraie pièce de collection ? Je pensais que vous n’exposez que ça dans votre galerie ce soir, répondit Edgard en regardant la statue et aux alentours.

– Vous savez que ce n’est pas la vraie Joconde au Louvre ? C’est une pâle copie et pourtant, personne ne dit rien. Même s’il y a deux-trois trucs qui ne sont pas très professionnels dans mon métier, j’aime montrer les choses. Comme vous, monsieur Edgard Richter, je sais que vous aimez votre métier, et pourtant il vous arrive de faire des fautes qui ne sont pas professionnelles. Et pourtant vous continuez.

– Vous me connaissez ? dit l’homme en cravate avec un petit air gêné.

– Et comment que je vous connais ! J’ai beaucoup aimé l’article que vous avez fait sur les machines expresso de demain. Vous avez totalement raison, le vrai café, c’est celui qu’on fait soi-même. Même si on doit en mettre un peu à côté lors de la préparation !

Charles Lumia avait l’air sincère dans ses propos. Assez pour persuader Edgard à écrire un bon article sur cette soirée. Celui-ci regarda la statue une dernière fois. Elle semblait encore plus banale que quand il s’en était approché, maintenant qu’il connaissait la vérité. Mais un détail lui sauta au visage. Un pantalon noir, un gilet sans manches un peu décousu, et des cheveux en bataille mais avec une grosse mèche blanche. Devant eux, un jeune homme d’apparence, regardait aussi la statue. Il avait l’air blasé. Il faisait tourner lentement le contenu de son verre sans le renverser. À croire que même le champagne ne l’intéressait pas. Charles Lumia retourna son regard sur la statue à son tour, et eut un léger étonnement en apercevant à son tour l’invité. Avait-il entendu leur petite conversation sur l’authenticité de la statue ? Ou simplement était-il blasé par cette soirée ? Il est mal habillé, tout en noir comme ça, pensa l’artiste. Jamais je n’aurais invité un tel personnage.

– Je vois que nous avons un nouvel amateur de cette pièce unique ! dit-il à haute voix pour percer le silence comme si de rien n’était.

– Vous l’avez achetée pour combien ? dit le jeune homme en continuant de regarder la statue.

Les deux hommes se regardèrent. Edgard était entre la peur et la frayeur qu’on découvre la vérité autour de cette pièce de l’exposition. Ou d’une autre. Charles Lumia, lança un clin d’œil au rédacteur.

– Comme je disais à mon ami juste ici, dit l’homme en commençant à tourner autour du piédestal pour rejoindre le jeune homme, je l’ai eue pour peu cher après avoir découvert la supercherie. Vous savez, c’est comme ces vidéos sur internet, où on prend du colorant, de la poudre à paillette et on mélange le tout pour faire quelque…

– Ce ne me dit pas pour combien vous l’avez achetée, dit le garçon en continuant à fixer le globe.

Quelle arrogance. Mais qui l’a invité ? La prochaine fois, je m’occuperai personnellement des invitations, pensa l’artiste en regardant aux alentours pour faire des coups d’œil à quelques agents de sécurité.

– Voyez-vous, dit-il, je l’ai eu pour seulement une centaine de Yen. Vraiment une pacotille.

– Oh. Excusez-moi. Je ne savais pas que la vie d’un gardien de temple valait si peu pour votre narcissisme, répondit le garçon avec un ton plus clair en regardant droit dans les yeux Charles Lumia.

Celui-ci se braqua. Que venait-il de dire ? Edgard, qui regardait la scène, se mit à froncer les sourcils aux paroles de l’inconnu. C’est grotesque, Charles n’a pas l’étoffe d’un trafiquant et assume complètement de dire qu’il fait tout ça pour son égo, pensa le rédacteur. Mais le regard de ce Charles était entré dans un état de panique. Celui-ci ouvrit la bouche comme s’il se préparait à sortir une sérénade d’excuses.

– Oh, je sais ce que vous allez me dire, reprit le jeune homme en pointant du doigt l’hôte de la soirée tout en tenant sa flûte de champagne, « Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez, je l’ai trouvée sur une île et je l’ai eue pour pas cher en arnaquant un arnaqueur ». Monsieur Edgard ?

– Ou… Oui ? répondit l’homme à la cravate avec un air étonné alors que le jeune homme continuait de regarder l’artiste.

– Veuillez noter dans votre article que, ce soir, monsieur Charles Lumia, le grand voyageur, blablabla fin – vous marquez des titres qui accrochent ça va de soi – s’est fait voler une de ses œuvres qu’il avait rapportée lors d’un de ses voyages, en pleine exposition, donc entouré de témoins. Et qu’après cet acte, une révélation croustillante mit fin à sa carrière car, en plus d’être un mauvais arnaqueur, il est aussi un mauvais tueur.

Charles Lumia serra les dents, faisant des grands gestes à ses hommes pour venir au plus vite discrètement, mais la panique de ses gestes tourna le regard de certains sur la scène.

– Messieurs, qu’on fasse un peu prendre l’air à ce gamin, je pense que celui-ci à un peu trop pris le goût de l’alcool à son goût et qu’il est juste jaloux de ma réussite. À ton âge, dit-il plus discrètement pour que seul le jeune homme n’entende, j’escaladais des montagnes pour toucher la réussite. Alors oui, j’ai dû me salir un peu les mains par moments, mais qui le saura ? Une petite merde dans ton genre serait capable de tout dévoiler sans rien savoir de ma vie ?

La tension était énergisante. Charles Lumia avait bel et bien fait des choses dans sa carrière mais tout n’était encore que des secrets. Son visage exprima un sourire entre la colère, la haine mais aussi la satisfaction avant tout que personne ne sache quoi que ce soit sur cette histoire ou sur une autre. Le jeune homme sourit, hésita un instant à dire quelque chose, puis dit « J’espère que ça ne risque rien si ça prend l’eau » en regardant la tenue de l’artiste qu’il considérait comme son ennemi.[1] Celui-ci se braqua en arrière comme s’il allait prendre un élan et envoyer un coup en pleine figure de l’adolescent. Mais, tout en gardant le sourire, le garçon fit un geste rapide de la main, lançant sa flûte de champagne, qui se changea d’un simple mouvement en une baguette blanche avec une sorte de dégradé rouge à la pointe. Il l’attrapa en son manche, faisant jaillir une légère étincelle dans les airs, qui toucha un des dispositifs du système de sécurité incendie. L’alarme incendie retentit dans toute l’expo, déclenchant au passage le système d’arrosage. Tout le monde, pris de panique, se mit à courir dans tous les sens pour vite rejoindre la sortie. Le jeune homme s’accroupit en glissant sa baguette sous son gilet. Il mit la main sur la statue et regarda l’eau qui tombait en murmurant quelque chose d’inaudible avec tous les cris que l’on pouvait entendre. L’eau tomba de plus belle, comme si une tempête s’était abattue dans l’expo. Il rangea sa baguette et attrapa la statue pour s’enfuir avec dans l’autre sens.[2] Charles ne savait plus où poser son regard. Il tournait dans tous les sens pour essayer de comprendre la situation.

– Retrouvez-moi ce petit enfoiré ! hurla-t-il.

Edgard, qui n’avait pas perdu une miette de la scène, était encore sous le choc d’une telle action. Il se mit à courir dans la direction du jeune homme. Celui-ci portait tant bien que mal la statue contre son torse avec ses deux mains, tout en évitant de glisser à cause de l’eau. Mais un des hommes de Charles Lumia se mit en travers de son chemin. Tout juste derrière, Edgard se cacha discrètement derrière une table à buffet.

– On est vraiment obligé de se battre ? dit le garçon en essayant d’agripper la baguette qu’il avait rangée dans son gilet.

L’homme de main, s’élança en avant pour frapper le jeune homme, mais en réponse à son coup, celui-ci lui présenta la statue de sorte que le poing frappe la partie en pierre. Son ennemi arrêta net son coup, pour en envoyer un autre. Pareil, le jeune homme présentait la statue à chaque coup. Comme si ça allait toujours le protéger. Mais il avait loupé ce coup bas dans le ventre. Au choc, il lâcha prise d’une main la statue. En tombant, son poids entraina la chute du garçon. La douleur le faisait rire. Il se mit à plat ventre tout en toussant contre le sol. L’homme de main prit un malin plaisir en s’approchant du garçon pour lui mettre une seconde raclée. Mais celui-ci se pencha sur le côté pour faire apparaître sa baguette. Une puissante lumière poussa l’homme de main loin en arrière en lui faisant faire quelques loopings au passage. Le jeune homme se mit à nouveau sur le ventre pour mieux se relever. Mais il remarqua que la statue était brisée. Mais pas sa sphère. Celle-ci paraissait en mouvement. L’épaisse fumée noire à l’intérieur tournait si vite qu’on aurait pu avoir l’impression qu’elle s’apprêtait à exploser.

– Faut que je fasse vite, dit le garçon en se mettant à genoux.

Il enleva son gilet pour y glisser la sphère. Il reprit aussitôt sa course en tenant fermement son gilet tel un sac avec une boule de bowling et sa baguette dans l’autre. Edgard était encore stupéfait de ce qu’il voyait. Comment était-ce possible que le garde ait pu voler aussi loin avec une simple lumière ? Comme par magie. Il avait passé l’âge de croire en ces bêtises. C’était un drôle de personnage, ce jeune homme. Mais au moins, la soirée était plus que captivante ! Edgard se mit à son tour à lui courir après tout en restant discret. Le jeune homme enfonça une porte qui menait à un escalier pour vite monter aux étages suivants, suivi de près par Edgard, prêt à découvrir le secret de ce jeune homme. Il essaya tant bien que mal de le poursuivre en restant discret. Il montait en suivant seulement les traces d’eau du vagabond. Il était monté jusqu’au toit. Sans issue, c’était une opportunité pour lui pour avoir des réponses et donc d’avoir un superbe article. Il traversa la porte, essoufflé, mais n’eut le temps d’éviter le coup de poing sauvage qui le renversa en arrière.

– Oh mon dieu, monsieur Edgard je suis vraiment désolé ! Je croyais que c’était un des gars de l’autre qui me poursuivait, s’écria le jeune homme paniqué.

– Ce n’est rien, ce n’est rien, ne vous en faites pas, lui répondit l’homme en titubant, vous êtes prodigieux. Vous avez un vrai don, c’est incroyable, d’où vient cette force ?

Malgré le coup en plein visage, il était encore en pleine admiration pour son nouveau sujet.

– Qui êtes-vous ? Vous êtes quoi au juste ?

Trop de questions. Le jeune homme soupira. Faisant une boucle dans le vent avec sa baguette, l’homme se retrouva suspendu par les pieds.

– Non non non ! s’écria l’homme. Je ne vous veux pas de mal et je ne dirai rien à personne ! Je vous le jure je ne dirai que la vérité, un homme a déclenché un incendie et a volé une statue ! Rien que ça !

– Ho mais je vous crois Monsieur Edgard que vous allez dire que ça. Et que vous allez balancer cette ordure à la police pour assassinat et violation de lieu de culte privé.

– Comment ça ? Il a vraiment tué quelqu’un ?

– Sachez monsieur Edgard, même si vous n’allez plus vous en souvenir, que si j’interviens, ce n’est que pour une bonne raison. Je ne me manifeste et expose ma magie non pas par plaisir, mais par précaution. Parce que oui, monsieur Edgard. Je suis ce qu’on appelle un Sorcier.

Un sorcier. L’homme n’en revenait pas. Ce n’était pas une sorte de super-héros comme dans les bandes dessinées, ni un agent super entraîné avec divers gadgets, ou bien même un homme de l’espace. Non, c’était un sorcier. Ça existe. Mais quelque chose l’interrogea.

– Comment ça que je ne vais plus m’en souvenir ?

À ces mots, le jeune homme se mit accroupi, plaçant le bout de sa baguette contre le front de l’homme à l’envers. Il avait peur qu’il le tue. Il ferma les yeux si fort qu’il n’arrivait presque plus à entendre quoi que ce soit. À part des murmures. Quand il rouvrit les yeux. Il ne fixait plus le ciel étoilé, mais le plafond de la salle d’expo. Quand il se redressa pour constater la situation, il se rappela un violent coup sur le visage. Mais de qui ? Que s’est-il passé ensuite ? Il y a eu l’alarme incendie. Tout le monde a paniqué. Puis, plus rien. Il avait dû se prendre un coup durant la fuite des autres invités. Mais, quelque chose le dérangeait dans sa veste. Une feuille pliée. Jamais il n’aurait mis une feuille pliée de cette façon dans cette poche-là. Quand il la déplia, il ne pouvait qu’être perdu dans sa lecture.

« Monsieur Edgard, vous vous êtes assommé durant une bonne quinzaine de minutes, le temps que la police arrive. Quand ils vous interrogeront, donnez-leur la photo qui se trouve dans votre autre poche. Vous me remercierez plus tard. Le corbeau. »

Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? À la fin de sa lecture, il se rappela qu’il se trouvait devant une statue, et que Charles Lumia était en colère après quelqu’un. Mais ce passage restait flou dans sa mémoire. Il fouilla dans son autre poche, et attrapa ce qui semblait être une photo. Dessus, on pouvait clairement voir l’artiste de la soirée, pointant une arme sur deux pauvres gens. Avec une date sur le côté. Quand il retourna la photo, il était marqué « preuve criminelle de Charles Lumia. Victime : Hanzo Uzua. Qui lui avait donné cette information ? D’où sortait cette photo ? Mais surtout, qui était ce Corbeau ?


Ce fut non loin de la soirée, dans une ruelle, que le jeune homme attendait assis sur un conteneur à poubelles. Il était encore trempé de sa petite escapade. Il avait entre ses mains, la sphère. L’épaisse fumée noire s’était calmée et tournait au ralentit. Puis, un vrombissement lui changea les idées. Son regard était tourné vers le bruit en question. Une dame portant un long manteau rouge marchait en sa direction, elle était sortie de nulle part. Un autre vrombissement se fit entendre à l’opposé du regard du jeune homme, puis derrière la dame, faisant apparaître quelque chose qui prit vite la forme de quelqu’un. D’autres sorciers.

– Désolé, j’ai pris un peu d’avance sur notre rendez-vous.

– Elle a été touchée ?

– Oui, merci, moi aussi je suis content de vous voir, dit le jeune homme en sautant de sa poubelle tout en tenant la sphère dans sa main.

Il se rapprocha de la dame pour la lui donner, mais les deux autres membres qui la suivaient s’étaient déjà armés de leurs baguettes.

– Ça va, les gars, relax, je ne vois pas ce que j’en ferais de ce truc toute façon. Ça sert à quoi ?

– Moins vous en savez, plus longtemps vous serez en vie, dit la dame en s’inclinant avec respect avant de prendre la sphère dans ses mains.

– Bah au moins vous avez le sens de la discussion c’est bien.

– Ma famille vous remercie de votre geste, sorcier. Ça a été notre première et dernière collaboration.

À ces mots, l’homme qui se trouvait derrière la dame, s’avança, et donna une enveloppe verte au jeune homme. Celui-ci l’attrapa, puis hésita à se remettre en place afin de vérifier le contenu. Des billets en remplissaient l’intérieur.

– Vous savez, je pense que c’est quelque chose qui est important pour votre vie, mais la laisser sur une île avec si peu de défense, c’était une très mauvaise idée. Pour que vous en veniez à me contacter, c’est bien qu’il y avait un gros souci.

– La tradition est qu’il doit rester à l’écart de toute forme magique, et être au cœur de la nature pour qu’il puisse grandir en sérénité.

– Oui, ‘fin, vous en avez eu la preuve. Deux personnes sont mortes pour défendre votre truc.

– Je donnerai ma vie s’il faut la protéger, répondit la femme sèchement avec un regard menaçant. Ces gens ne sont pas morts pour rien. Ils sont morts avec honneur.

À ces mots, la femme rapprocha la sphère contre elle pour se retourner et marcher en direction du garde qui se trouvait derrière elle. Le jeune homme la regarda, gêné de ne pas avoir pu trouver les bons mots pour la convaincre. Le second garde, qui se trouvait derrière lui, rejoignit la dame en percutant au passage le jeune homme qui s’était laissé faire.

– Si c’est votre honneur que vous voulez prouver, alors faites plus attention la prochaine fois et ne cherchez pas à me joindre comme une gamine qui pleure parce qu’elle a cassé son nouveau jouet, lâcha le jeune homme en râlant.

– Je ne pense pas que vous êtes très bien placé pour parler d’honneur, Corbeau. Ou devrais-je dire Jasper Clockwork, lui répondit la femme, avant de disparaître dans un vrombissement comme les autres gardes.

Le jeune homme se redressa en pliant soigneusement l’enveloppe pour la mettre dans sa poche. Il avait l’air embêté et perdu à la fois. Soupirant légèrement, il attrapa son gilet qui était encore posé contre la poubelle avant de sortir sa baguette. Il se mit à marcher dans la ruelle tout en se retournant par moment pour regarder l’emplacement où la transaction s’était tenue, comme s’il attendait qu’une information surgisse. Il passa sa main d’abord sur son visage, puis dans ses cheveux, comme s’il voulait faire disparaître ses souvenirs et passer à autre chose en un clin d’œil. Mais rien. Le fait qu’elle connaissait son identité l’avait dérangé plus qu’autre chose.

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