Le Parfum du Air Salonpas
Chapitre 3 : Kageyama, Ohira, Aoba Johsai
1616 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 14/10/2020 12:05
Des cris avaient réveillé Kuroo au milieu de la nuit. Après la séance d'entraînement supplémentaire en compagnie de Bokuto, il était tombé, complètement vidé de toute son énergie et avait cru qu'il serait parti pour une nuit complète, pleine de beaux rêves. C'était sans compter sur Karasuno.
— Hinata Shōyō !
Redressé sur son futon, il se demanda d'abord s'il n'avait pas rêvé. Mais en voyant que tout le monde autour de lui était réveillé aussi, il comprit qu'il n'en était rien. Kenma, complètement ensuqué, lui lança un regard perplexe.
— C'était Kageyama, ça, non…?
Kuroo haussa les épaules. Il ne le connaissait pas assez bien pour identifier sa voix du premier coup quand il s'égosillait au loin à presque trois heures du matin.
— T'es un crétin, un crétin, un crétin ! hurla une autre voix depuis le milieu de la cour.
— Oh, ça, c'était Shōyō, remarqua Kenma, toujours à moitié-endormi.
Sur ce point-là, Kuroo lui faisait confiance. Après tout, c'était lui l'expert.
— C'est tout ce que t'as comme vocabulaire ?!
— C'est parce que t'es rien d'autre qu'un crétin !
Bien trop fatigué pour ces conneries, Kuroo se leva et se traîna jusqu'à la fenêtre, suivi par quelques braves. On ne voyait pas grand chose dans la pénombre, mais après que leurs yeux se furent habitués à l'obscurité, ils arrivèrent à discerner dans la cour deux silhouettes l'une à côté de l'autre, qui se débattaient dans le noir. Ils semblaient autant chercher à s'attirer qu'à se repousser, comme deux aimants fous.
— C'est quoi, ton problème à la fin ?! cria Hinata.
— Le problème, c'est que je t'aime ! répondit Kageyama sur le même ton. Je t'aime et ça me terrifie de te voir t'éloigner de moi !
Kuroo se demandait s'il ne devrait pas sortir le pop-corn quand une fenêtre de la salle voisine s'ouvrit. Daichi en surgit, les cheveux en bataille, furieux.
— Ça suffit maintenant, le mélodrame ! Revenez vous coucher !
Kuroo n'eut pas le fin mot de l'histoire, mais le lendemain, Hinata et Kageyama utilisèrent de nouveau leur courte miraculeuse contre Fukurodani.
—
Arriver au tournoi de printemps était une chose mais Kuroo songea, en entrant dans l'immense gymnase, qu'y rester ne serait pas une mince affaire. Il essaya de se dire qu'en tant que deuxième année, il aurait encore sa chance l'année suivante et qu'il n'en était qu'à son galop d'essai. Pas de pression.
Pour le premier tour, Nekoma affronterait Itachiyama. Ensuite, s'ils sortaient vainqueurs, ils se mesureraient soit à Shiratorizawa soit à Mujinazaka, ce qui donnait un peu le vertige à Kuroo. Certes, il avait confiance en son équipe et encore plus en Kenma, qui avait su faire ses preuves depuis le début de l'année, mais ça ne l'empêchait pas de se sentir comme un chaton au milieu d'une meute de lions. Ces trois équipes-là comptaient dans leurs rangs certains des meilleurs joueurs du pays. Avoir le dessus sur eux ne serait pas chose aisée.
Shiratorizawa et Mujinazaka se faisaient face sur le terrain juste à côté du leur. Kuroo laissa son regard vagabonder parmi les joueurs, s'arrêta sur Kiryu puis passa du côté de Shiratorizawa. Il avait prévu de s'attarder sur Ushijima, de le jauger un peu mais son attention fut d'abord captée par le vice-capitaine, Reon Ohira. Lui aussi regardait le terrain voisin et plus particulièrement Sakusa, mais Kuroo devina tout de suite que ce n'était pas pour les mêmes raisons que lui. Il connaissait bien ses yeux-là. C'était la façon dont Bokuto regardait Akaashi, dont lui-même regardait Kenma. C'était un de ces regards qui disent : « Tu es si beau que j'en viens à douter que tu sois réel ». Mais Ohira se renfrogna bien vite quand Komori surgit à côté de son coéquipier et le couvrit de toute l'amicale attention dont il faisait habituellement preuve. Kuroo le plaignit un peu, mais le match commençait et il trouva vite bien mieux à faire.
Ils avaient gagné. Kuroo n'en revenait toujours pas mais ils avaient gagné. Le lendemain, ils affronteraient Mujinazaka. C'était avec l'impression de flotter dans un rêve que Kuroo se rendit aux toilettes après le match. Sakusa et Komori en sortaient quand il entra. À l'intérieur, Ohira les regarda partir, un air amer peint sur le visage, avant de disparaître dans une des cabines. Kuroo le croisa de nouveau alors qu'il se lavait les mains. Il lui faisait un peu de peine, à vrai dire.
— Ils sont cousins, glissa-t-il en se dirigeant vers le sèche-mains.
Ohira lui renvoya un drôle de regard, du style : « C'est à moi que tu parles ? » et Kuroo lui répondit d'un haussement de sourcils suggestif. Il savait que l'autre savait parfaitement de qui il était question.
— Qui donc ?
Ushijima venait de surgir entre eux, sans que Kuroo l'ait vu arriver.
— Sakusa et Komori, d'Itachiyama.
Ushijima hocha la tête, confirmant ses dires, et une lueur d'espoir naquit dans le regard d'Ohira.
— Je reviens !
Il disparut et Kuroo ne le retrouva que près d'une heure plus tard, assis sur les marches à l'extérieur, plus sombre que jamais. Kuroo s'assit à côté de lui, l'air de rien.
— Ils étaient déjà partis… expliqua Reon à mi-voix.
Kuroo lui passa une main amicale dans le dos et lui adressa un sourire compatissant. Il ne connaissait ce type ni d'Adam ni d'Eve mais sa situation le touchait. Et puis, avec Nekoma, il avait fini par prendre l'habitude de s'occuper des histoires d'amour de tout le monde.
— Tu le reverras l'année prochaine. Itachiyama se qualifie tous les ans et c'est pareil pour vous. Avec un peu de chance, vous jouerez même l'un contre l'autre.
— Tu as raison, dit Ohira avec un sourire rassuré. Je le reverrai l'année prochaine.
—
Tsukkishima commençait à comprendre la crainte des toilettes qu'éprouvait Hinata. Si son coéquipier semblait systématiquement tomber sur les types les plus flippants du volleyball lycéen en se rendant aux vespasiennes, Kei Tsukkishima, lui, était frappé d'une toute autre malédiction. À croire que l'intégralité des joueurs de volley du Japon avaient décidé de se câliner en sa présence, toujours de la façon la plus gênante possible. Il revenait justement des autres toilettes de l'autre côté du gymnase, après avoir vu Satori Tendou de Shiratorizawa pousser Ushijima à l'intérieur d'une cabine, sans doute pas dans le but d'y jouer aux mikados.
Ce fut ainsi, que quelques minutes à peine avant le début de leur match contre Aoba Johsai, pressé de répondre à l'impérieux appel de la nature, il tomba sur les numéros 2 et 3 de l'équipe adverse enlacés près des lavabos. Le plus petit des deux, aux cheveux plus clairs, secoué de sanglots, avait le visage enfoui dans le cou de l'autre, qui lui caressait doucement la tête. Le grand brun, numéro 2 de son état, fusilla Tsukkishima du regard quand il le vit.
— C'est bon, je fais que pisser.
Depuis sa cabine, il pouvait entendre leur conversation, à laquelle il prêta une oreille distraite :
— Allez, ne t'en fais pas, c'est juste une chute, disait Numéro 2 sur un ton rassurant. Je la connais, ta grand-mère, c'est pas ça qui va l'arrêter. Tu sais quoi ? Je vais appeler mon père et il nous emmènera la voir ce soir.
L'autre répondit d'un sanglot que Tsukkishima interpréta comme un signe d'approbation. Une fois son affaire terminée, il se lava les mains en s'efforçant de ne surtout pas tourner le regard dans leur direction et partit au plus vite. En revenant près du gymnase, il croisa deux autres membres d'Aoba Johsai. Assis sur un banc, Kindaichi et Kunimi étaient appuyés l'un contre l'autre, main dans la main. Kunimi somnolait doucement tandis que Kindaichi lisait ses messages. Un spectacle d'une tranquillité idyllique, bien vite interrompu par Iwaizumi, qui surgit derrière eux.
— Allez les filles, on arrête les mamours et on va s'échauffer !
Après les protestations d'usage, les deux amoureux partirent rejoindre le reste de l'équipe. Iwaizumi en profita pour se tourner vers Tsukkishima.
— Il m'en manque deux, tu les aurais pas vus ?
— Ils sont en train de se faire des câlins dans les toilettes.
Iwaizumi se figea, puis inspira et expira profondément quatre fois, le temps de se calmer.
— J'en ai tellement marre de tous ces gays…
— Je compatis sincèrement.
Il se dirigeait vers les cabinets, marmonnant entre ses dents, bien décidé à ramener ses ouailles par la peau du cou, quand Oikawa fondit sur lui, lui bloquant le passage.
— Iwa-chan !
— Hmm ?
Tsukkishima se retint de rire. « Iwa-chan » semblait au bord de l'implosion et il ne voulait manquer ce spectacle pour rien au monde. Oikawa avança ses lèvres vers lui, le regard implorant.
— Je peux avoir un bisou ?
— Va t'échauffer.
Mais il en fallait plus pour décourager un Tooru Oikawa déterminé à obtenir la dose d'affection nécessaire à sa survie. À force de « S'teu plaîîît » et d’œillades larmoyantes de chiot triste, il parvint à le faire céder. Iwaizumi lui colla un rapide baiser sur les lèvres et, immédiatement, ce fut comme si l'atmosphère s'était chargée de paillettes.
— Je t'aime, susurra Oikawa, des étoiles plein les yeux.
— Je t'aime aussi, aboya Iwaizumi. Maintenant va t'échauffer !
Alors qu'il allait partir chercher ses deux joueurs manquants, Iwaizumi ne put que remarquer l'air moqueur qu'affichait Tsukkishima.
— Oh, ça va, hein…