Le Parfum du Air Salonpas

Chapitre 2 : Nishinoya, Yamamoto, Ukai

1574 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 13/10/2020 19:06

Quand Nishinoya était stressé, le meilleur moyen de le calmer était qu'Asahi le laisse toucher ses cheveux. Au début, Tsukkishima s'était surtout demandé ce qu'un Nishinoya plus agité que d'habitude pouvait bien donner. Il eut rapidement sa réponse, au camp d'été. Le premier jour avait été rude et Karasuno avait perdu tous ses matchs. Certes, ce n'étaient que des entraînements mais se faire laminer à répétition leur avait mis un coup au moral.


Ce fut dans ces conditions que Tsukkishima, en allant se coucher, tomba, dans la salle de classe qui leur servait de chambre, sur ses deux coéquipiers. Nishinoya était agenouillé derrière Asahi, une dizaine de barrettes et autres élastiques entre les dents et entreprenait de lui sculpter une étrange choucroute ornée de moult nattes. Le regard sombre, l'air concentré, Nishinoya ne disait pas un mot et n'accorda pas la moindre attention à Tsukkishima, qui s'assit sur son futon et les observa du coin de l'oeil, curieux. Jamais il n'avait vu Nishinoya dans un tel état.


Une fois la choucroute achevée, une nouvelle étincelle naquit dans les yeux de Nishinoya. Il défit son oeuvre avec soin, rangeant tout son matériel dans une trousse Hello Kitty. Tsukkishima songea à ce moment-là qu'il l'avait sûrement empruntée à Yachi et qu'il n'avait pas sur lui en permanence tout le nécessaire en cas d'urgence coiffure. Il s'en trouva rassuré. Un peu.

Une fois ceci terminé, il entreprit de brosser les cheveux d'Asahi jusqu'à ce qu'ils retrouvent une forme acceptable et passa tendrement ses doigts entre les mèches, un sourire serein aux lèvres.


— Ça va mieux ? demanda Asahi d'une voix douce.

— Beaucoup mieux.


Nishinoya dégagea les cheveux sur le front d'Asahi et y posa un baiser. Baiser qui, comme Tsukkishima s'en doutait un peu, se transforma vite en intense séance de pelotage.


— Eh ! Je suis là !


Les deux autres, rappelés soudain à son existence, s'échangèrent un regard gêné avant de se tourner de nouveau vers lui.


— Tu… nous laisses une minute ? demanda Nishinoya.

— Bien sûr que non !


Ils finirent par s'éclipser tous les deux et Tsukkishima préféra ne pas se demander ce qu'ils étaient partis faire.



Kuroo montait au local du club en compagnie de Lev quand il entendit des éclats de voix. La porte de la salle avait été laissée entrouverte, laissant entendre toute la conversation, qui semblait pour le moins peu cordiale. Il n'eut aucun mal à reconnaître les hurlements de Yamamoto mais eut plus de mal à identifier l'autre. Il finit par comprendre qu'il s'agissait de Fukunaga. Pas étonnant qu'il ait eu du mal à le reconnaître : Kuroo ne l'avait pour ainsi dire jamais entendu crier. D'ordinaire, en tant que capitaine, il serait intervenu pour mettre tout de suite fin à ce conflit, mais quelque chose lui disait qu'il ferait mieux de s'abstenir pour le moment. Depuis quelques jours, la tension était palpable entre ces deux-là et ce serait sans doute une bonne chose qu'elle explose une bonne fois pour toutes. D'autant plus que, si son instinct ne le trompait pas, il se doutait de comment se terminerait tout ça et avait envie de rigoler un peu.

Il retint in extremis Lev, qui se précipitait dans le local, puis s'accroupit et avança à tous petits pas. Lev l'observait, confus.


— Chuuut ! Baisse-toi, pas un bruit, murmura Kuroo, l'index sur les lèvres. Je vais t'apprendre une technique secrète, jeune padawan.


Il s'avancèrent en toute discrétion, jusqu'à arriver au niveau de la porte, aux premières loges pour assister au spectacle. Kuroo ne connaissait pas l'objet précis de la dispute, ni ce qui avait mis le feu aux poudres, mais il arriva à deviner que Fukunaga en avait finalement eu assez que Yamamoto l'asticote à longueur de journée pour le pousser à parler plus, à se lâcher. En tout cas, il devait être drôlement remonté pour en arriver à hurler comme ça.


— Tu peux pas me laisser être moi-même, non ?! cria Fukunaga. Si j'ai pas envie de discuter, j'ai pas envie de discuter, point !

— Je veux juste être amical !

— Sois amical avec quelqu'un d'autre, alors.


Un grand silence s'ensuivit, puis Lev et Kuroo sentirent le mur contre lequel ils étaient appuyés se secouer. Sans pouvoir les voir, difficile d'en être certain, mais Kuroo aurait mis sa main à couper que Yamamoto venait de plaquer Fukunaga contre le mur. Jusque-là, tout se passait exactement comme il l'avait prévu.


— Alors, c'est comme ça… cracha Yamamoto, les dents serrées. Toi et moi, on est pas potes, c'est ça que tu veux dire ? On est rien…

— Qu'est-ce que tu racontes ?! répliqua Fukunaga. Bien sûr que je veux qu'on soit amis ! Je voudrais même qu'on soit plus qu'on soit plus qu'amis, mais ça n'arrivera pas si tu ne m'acceptes pas comme je suis !


Une exclamation choquée de Fukunaga indiqua à Kuroo qu'il savait que ces mots venaient de sortir sans qu'il puisse les contrôler. Yamamoto lui, ne répondit pas, mais le froissement du tissu et les soupirs qui émanèrent bientôt du local ne trompaient pas. Kuroo sourit. Ils avaient ciblé leur proie, maintenant venait le moment de bondir. Il se tourna vers Lev.


— A mon signal, chuchota-t-il le plus bas qu'il put, on passe nos têtes par la porte et tu fais...


Il lui montra sept doigts. Lev hocha la tête pour lui signifier qu'il avait compris et Kuroo attendit encore quelques secondes pour lancer l'assaut. Encore une petite seconde… Maintenant !


— Règle numéro sept : fricotage interdit dans le local du club.


Yamamoto hurla, mais Fukunaga, lui, resta muet. Il se recoiffa tant bien que mal, referma sa veste et se précipita hors de la pièce, toujours vêtu de ses affaires de sport. Yamamoto ne tarda pas à suivre, non sans un : « Merci, hein ! » à l'adresse de Kuroo qui lui répliqua qu'ils n'avaient qu'à aller faire ça au bosquet, comme tout le monde.


— C'est quoi, les autres règles ? demanda Lev tandis qu'ils se changeaient.

— Alors, énonça Kuroo, règle numéro un : ce qui se passe au camp d'été reste au camp d'été.



Si Tsukkishima pensait qu'un dîner tranquille dans l'izakaya du coin avec son frère serait le moment rêvé de s'éloigner de toutes ces pénibles histoires du club, il se trompait lourdement. Il mit un moment à se rendre compte de leur présence tant la voix du coach Ukai lui était devenue familière. Il s'entretenait avec un autre homme. De toute évidence, quelqu'un de plus âgé que lui, à qui il s'adressait certes avec une certaine déférence, mais aussi une indéniable familiarité.


Ils étaient installés à la table voisine, séparés par un mince paravent qui les empêchait de se voir mais pas de s'entendre. Tsukkishima se rendit vite compte qu'Akiteru faisait la même tête que lui, celle qu'on fait en croisant inopinément un prof en dehors de son milieu naturel, et ne tarda pas à comprendre : l'autre homme était aussi le coach Ukai, mais senior, cette fois. Ils s'efforcèrent tous deux de poursuivre leur conversation le plus naturellement du monde, mais il leur apparut vite évident qu'ils n'arriveraient pas à faire longtemps illusion.


De ce qu'en savait Tsukkishima, Ukai senior souffrait de problèmes de santé qui l'avaient conduit à arrêter de coacher l'équipe de Karasuno. Pourtant, de ce qu'il en entendait, le vieil homme semblait en forme. Était-ce possible qu'il souhaite reprendre son rôle, même à temps partiel ? Tsukkishima frissonna. Il avait entendu beaucoup de choses à propos d'Ikkei Ukai et de ses méthodes. Il devait en apprendre plus.


— Tu fais une erreur, dit Ukai senior d'un ton sévère.

— Qu'est-ce que tu en sais ? répliqua son petit-fils. Tu crois que c'est facile, d'assumer ce genre de choses ?

— J'en sais plus que tu ne le crois.


Comme le plus jeune ne répondait pas, Ukai senior continua. Tsukkishima commençait à se douter qu'ils ne parlaient pas volleyball.


— C'était il y a longtemps. On vivait à une autre époque, où ce n'était même pas envisageable. J'ai eu une femme merveilleuse, de beaux enfants et de beaux petits-enfants. Mais il ne se passe pas un jour sans que je me demande ce qui se serait passé si on avait eu la chance que vous avez aujourd'hui.


Non, définitivement, ils ne parlaient pas de l'équipe. Tsukkishima réprima un profond soupir. Jamais ils ne le laisseraient tranquille avec leurs histoires à l'eau de rose. Il aurait au moins pensé que les Ukai auraient la bonté de l'épargner, mais non.


— Je pense à lui, à son boulot… bafouilla le petit-fils.

— Je pense que t'es une chiffe molle. Et t'as peut-être bien raison, il serait beaucoup mieux sans toi.


Nouveau silence. Tsukkishima imagina le coach de Karasuno penché au-dessus de son assiette ou de son verre, tout penaud et ne put s'empêcher de sourire.


— Au fait, j'aimerais que tu donnes ça au coach Nekomata la prochaine fois que tu le verras.

— Un bouton ?

— C'est le deuxième bouton de mon gilet. Il comprendra.


Après cela, ils ne tardèrent pas à payer leur repas et partirent. Tsukkishima et Akiteru terminèrent le leur dans le plus grand des silences, ne sachant pas trop que faire de ces nouvelles informations.

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