Le Parfum du Air Salonpas

Chapitre 1 : Saeko, Ennoshita, Lev

1668 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 13/10/2020 19:04

Comme leur match contre Nekoma n'allait pas commencer avant un moment, Tsukkishima s'était dit qu'il irait faire un tour dehors. Il n'avait aucune envie de se coltiner toute l'équipe, surtout quand il lui faudrait retrouver toute sa concentration. Nekoma serait un adversaire coriace, à n'en pas douter, chacun des membres de l'équipe était une plaie, tous dans leur propre genre. Et en parlant de plaie, il ne tarda pas à tomber sur leur roi. Assis sur les marches devant le hall du gymnase, Kuroo tenait à la main une bombe de froid, plongé dans la liste des ingrédients.


— Passionnante lecture ? demanda Tsukkishima en s'asseyant à côté de lui.

— Tu crois qu'ils mettent un truc là-dedans qui rend tout le monde homosexuel ?


Tsukkishima le dévisagea longuement. Qu'est-ce qu'il racontait ?


— Mon autre hypothèse, c'est que d'une façon ou d'une autre, le volley attire les gays comme des papillons de nuit attirés par un lampadaire.

— Est-ce que tu as cogné ta tête quelque part ? demanda Tsukkishima, en détachant bien toutes les syllabes comme s'il s'adressait à un enfant.

— Me dis pas que t'as pas remarqué que tout le monde ici est de l'immeuble d'en face ? À Nekoma, Karasuno et dans les autres équipes aussi. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est… statistiquement improbable.


Tsukkishima souleva ses lunettes pour se pincer l'arête du nez. Le stress du match devait lui avoir grillé le cerveau, il ne voyait aucune autre explication. Ou bien c'était la fatigue accumulée. Ou bien il s'était vraiment cogné.


— Tout le monde, n'exagérons rien…

— Tout le monde. Tout. Le. Monde.


Il s'apprêtait à répliquer qu'il délirait quand une main se posa sur son épaule. Il se retourna pour apercevoir un des jumeaux Miya. Il n'avait pas fait l'effort de retenir leurs prénoms après que le match eut été terminé. Celui-ci était le blond et, de ce qu'il s'en souvenait, le plus pénible des deux aussi.


— Excuse-moi, je peux te poser une question ?


Tsukkishima l'invita à poursuivre d'un « hmm », mais redoutait ce qui allait suivre.


— Votre numéro 10, il est célibataire ?


Tsukkishima s'apprêtait à rétorquer qu'il n'était pas un pigeon voyageur et que s'il voulait le savoir, il n'avait qu'à le demander à l'intéressé, mais fut devancé par un toussotement sonore. Derrière eux, le capitaine d'Inarizaki les observait et le moins qu'on pouvait dire, c'était qu'il n'avait pas l'air content du tout. Dès qu'il le vit, le blond Miya se tendit, une terreur innommable peinte sur le visage.


— Attends, non ! C'est pas du tout ce que tu crois, c'était qu'une simple curiosité… intellectuelle ! De la curiosité scientifique ! Tu es le seul homme de ma vie, juré !

Visiblement insensible à cette plaidoirie, le capitaine tourna les talons et retourna dans le bâtiment, Miya à sa suite, hurlant des excuses à grands renforts de : « Attends, Shin ! Je peux tout t'expliquer ! S'il te plaît ! Shin ! Je t'aime ! ».


Dès qu'ils ne les entendirent plus du tout, Kuroo se tourna de nouveau vers Tsukkishima, l'air de dire : « Tu vois ? J'ai raison ».


— Ça ne veut rien dire…

— D'accord, alors pense à toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans le volley que tu connaisses. Je te mets au défi d'en trouver une seule qui soit hétérosexuelle. Et si tu manques d'exemples, j'en ai plein à te donner.


Tsukkishima se mit à réfléchir. Maintenant qu'il le disait…



Toute cette réflexion avait débutée quelques minutes auparavant. Kuroo était en pleine discussion avec Alisa qui, en plus d'être esthétiquement intelligente avait toujours une anecdote embarrassante à raconter sur Lev et ça, ça n'avait pas de prix. Cette jeune femme, d'une petite vingtaine d'années, aux cheveux blonds coupés au carré s'était arrêtée devant eux alors qu'elle se précipitait vers les gradins. Elle était plutôt jolie, mais rappelait étrangement quelqu'un à Kuroo, sans qu'il arrive à savoir qui.


Elle dévisagea Alisa pendant une longue minute, les yeux écarquillés, les lèvres légèrement entrouvertes.


— Je peux vous aider ? demanda Alisa.

— Vous êtes la plus belle femme que j'aie jamais vue, articula l'inconnue. Vous faites quelque chose ce soir ?


Le menton pincé entre ses doigts parfaitement manucurés, Alisa réfléchit un instant.


— Je crois que j'avais prévu de vous payer un verre, répondit-elle avec un sourire.

— Super !


Puis, la blonde disparut dans les escaliers qui menait à l'étage supérieur d'un pas léger, laissant Kuroo dans une confusion telle qu'il en avait rarement connue.



C'était un spectacle des plus rares, et l'équipe de Karasuno le regardait comme on admire une aurore boréale. D'habitude, ces deux-là se montraient des plus discrets et, si Sugawara ne les avait pas surpris un soir main dans la main, alors qu'il rentraient chez eux après l'entraînement, personne n'auraient pu deviner qu'ils étaient ensemble. Tsukkishima, lui, ne se plaignait pas de cet état de fait. Eux au moins avaient la décence de ne pas tartiner leur bonheur au vu et au su de tout le monde. Pas comme certains.


Ils avaient fait une exception cette fois-ci, semblait-il. La première journée de compétition avait été rude pour tout le monde. Chacun cherchait le repos et le réconfort où il le pouvait, tâchant de ne pas trop penser à la journée du lendemain, qui serait la plus éprouvante de toutes. Ce fut ainsi, qu'oubliant la règle immuable qui stipulait qu'ils auraient assez de pudeur pour ne pas se câliner en public, Tanaka et Ennoshita s'étaient réfugiés dans un coin, le second tête posée sur les genoux du premier. Du bout des doigts, Tanaka effleurait les mèches sur le front d'Ennoshita, tandis que celui-ci sombrait dans le sommeil. Ils finirent par tous les deux piquer du nez, toujours dans la même position, parfaites victimes pour les dizaines de photos que prirent Nishinoya et Sugawara.


Avant de les réveiller, Tsukkishima en alla lui aussi de sa petite série de clichés et mitrailla les deux amoureux qui ronflaient la bave aux lèvres. L'occasion était trop belle, il pourrait avoir besoin de les faire chanter un de ces quatre.

Kuroo fulminait. Déjà parce qu'il faisait beaucoup trop chaud. Ensuite, parce qu'il avait grandi en un an et que son yukata se retrouvait désormais ridiculement court et trop étriqué à des endroits fort inconvenants. Mais surtout, surtout parce qu'il suivait ces deux idiots depuis des plombes, qu'il les surveillait du coin de l'oeil à l'affût du moindre rapprochement et qu'il ne se passait rien. Il s'était arrangé pour disperser toute l'équipe — certes, lâcher Inuoka et Yamamoto dans les allées de la matsuri sans surveillance comportait des risques, mais c'était pour le bien commun — pour toujours laisser ces deux-là ensemble, mais rien. Rien, rien, rien.


Depuis le temps que Kuroo les surveillait, ni Yaku ni Lev n'avait tenté quoi que ce soit. Pourtant, il ne faisait aucun doute que ces deux-là se plaisaient, leur petite guéguerre ne trompait personne. Et puisque leur attirance était mutuelle, il fallait qu'il se mettent ensemble au plus vite et dans les meilleures conditions. Kuroo, en sa condition de capitaine, se devait de veiller à ce que l'ambiance de l'équipe ne se dégrade pas, ce qui pouvait se relever compliqué quand tout le monde sortait avec tout le monde. Quand Shibayama et Inuoka s'étaient mis à se tourner autour, sans réussir à confesser leurs sentiments ni à se parler sans bafouiller, la communication au sein de l'équipe s'en était retrouvée bouleversée. Il n'y avait rien de pire qu'un caillot dans le sang de Nekoma. Conclusion : pour éviter de reproduire cette fâcheuse erreur, il fallait que Yaku et Lev s'avouent leur attirance mutuelle au plus vite et ce, dans des conditions optimales. Il était du devoir de Kuroo, en tant que capitaine, de leur faciliter la tâche ; pour le bien de l'équipe. Et aussi parce qu'ils feraient un couple adorable.


Toute la soirée, Kuroo s'était arrangé pour les pousser dans les bras l'un de l'autre. Il avait regardé Lev apprendre à Yaku à tirer à la carabine sur des ballons puis lui offrir la grosse peluche qu'il avait gagnée — le tout pour que Yaku s'énerve à l'idée qu'il le traite comme un gamin —, les avait vu se partager une grosse barbe à papa et se toucher du bout des doigts à travers le nuage de sucre collant, leur avait fait choisir un masque assorti et écrire des voeux sur un tanzaku qu'ils avaient ensuite accroché côte à côte sur les bambous, dans l'espoir que l'un d'entre eux ait eu la jugeotte de souhaiter se rapprocher de l'autre. Mais non, leurs deux voeux avaient un rapport avec leurs prochains tournois. Kuroo, dépité, avait écrit sur le sien : « Je voudrais que mes coéquipiers soient moins cons ».


— Est-ce que je dois vraiment aller leur chanter la sérénade comme Sébastien le crabe pour qu'ils se bougent, ces deux là ? maugréa-t-il tandis que Yaku essayait tant bien que mal de dissuader Lev de courir aider à porter le mikoshi.

— Si tu fais ça, préviens-moi, répond Kenma, qui hésitait entre un masque Pikachu et un Carapuce. Histoire que je puisse te filmer.


Il n'avait encore vu aucun résultat à ses fines tactiques quand toute l'équipe se rassembla dans le parc pour le feu d'artifice. Ils étaient tous assis dans l'herbe, dans une ambiance des plus romantiques, chacun collé à son petit ami respectif. Kuroo tâcha de ne rien laisser paraître mais au fond, il jubilait. Submergés par tant d'amour, ils ne pouvaient que craquer eux aussi. Et quand il les vit, tout doucement, se prendre la main pensant que personne ne les remarquerait, il ne put s'empêcher de laisser échapper un « Yes ! » triomphant.

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