Le Conflit D'Orr, Guild Wars 2
CHAPITRE 4 : Nouveau départ
Ils ne retrouvèrent jamais son corps. Seulement sa dague, gisant près du tentacule de l’Œil, non loin d’un petit rocher. Dynfaw ne fit le chemin retour qu’à moitié conscient : à ses yeux, tout n’était qu’ombres, entités floues sur lesquelles étaient posé un mot, un nom, sans réelle signification. Il voyait plus gris encore le ciel ombrageux d’Orr, plus rouge encore le sang qui tachait ses vêtements. Sang, qui était la seule chose qu’il ne vit pas en noir et blanc lors de ces vingt minutes de marche, qui lui semblèrent durer de longues heures. Ses cotes et son bras le faisaient toujours souffrir et du sang s’écoulait toujours du coin de sa bouche, descendant sous son menton et sur sa gorge. Ils longèrent les parois de roche abruptes donnant sur la mer. Il s’éloigna du groupe, se mit au bord de la falaise, prit a dague de son frère et voulu la jeter au loin, au fond de ce gouffre, dans les eaux vertes de l’Océan Infini. Il tituba… arma son bras…mais se retint. Il ne savait pas pourquoi. Il la rangea, les yeux emplis de larmes. Le temps d’un instant, la tristesse fit place à la rage et il hurla :
« Zhaïtan ! Si jamais je te chope ! Je t’éclate !! T’entends? Je te fracasse !! »
Une ombre gigantesque passa à toute vitesse sur lui…Un corps, deux ailes, une queue divisée en plusieurs extrémités… Un dragon. Un hurlement ébranla la terre, fissura les rochers, fit trembler le sol, s’agiter les feuilles puis mourut. La bête disparut dans les nuages d’orage, et le calme mortuaire du Rivage Maudit revint.
Il rentra au camp, comateux. Il se dirigea en tremblant et en crachant du sang à l’infirmerie, en état de choc. Il s’affala sur une couchette de fortune.
Les jours passèrent. Il se remit progressivement de ses blessures, oubliant au fil des combats la mort de son frère, se battant pour survivre. Car malgré la chute l’Œil et de la cathédrale de Verdance, le Pacte avait subi de très lourdes pertes, et les revenants restaient toujours plus nombreux et contrôlaient la majeure partie de la région. Lorsque deux revenants succombaient, trois autres arrivaient : la lutte était inégale. Même les héros de la guerre, dont les récits des combats étaient connus de tous, tombaient les uns après les autres sous le nombre écrasant de forces ennemies. Darkwolfking, un guerrier ayant tenu un camp entier à un contre quatre-vingt, était mort alors qu’il escortait un convoi d’artillerie. Deux cents cadavres de revenants avaient étés retrouvés près de son corps. Amadraian, un envouteur, s’était sacrifié afin de conquérir la cathédrale d’Arah. Cent cinquante revenants massacrés. Nightae, une autre nécromancienne, avait résisté héroïquement, puis avait péri, emportant plus de quatre cent Orriens dans sa tombe. Des chiffres hallucinants, mais pourtant vrais… Les histoires de ces soldats de légende avaient galvanisés les combattants du Pacte. Leur mort avait fait tomber leur moral au plus bas, et c’était un massacre de grande ampleur qui attendait la Tyrie si une solution n’était pas rapidement trouvée. Cette situation désespérée rappelait à Dynfaw une histoire qu’il avait lue, écrite par un écrivain de renommée. Une histoire de guerre interstellaire entre les humains et une Alliance de fanatiques religieux extraterrestres, où l’humanité combattait vainement un ennemi mieux armé et plus nombreux. Ils étaient ces humains, et combattaient un ennemi bien plus fort qu’eux. En ce début d’après-midi, le camp était calme, chose extrêmement rare au vu de la situation. La veille, ils avaient essuyé une attaque poussée de revenants, et ne devaient la victoire qu’à un groupe de voyageurs de passage leur ayant servi de renforts. Les infirmiers étaient dépassés par le nombre de blessés et de mourants, et presque la moitié de leurs effectifs gisaient au lit. Les commandants des différents camps restants s’étaient réunis afin de trouver une stratégie. La réunion avait lieu dans la tente de SombreLame, et le nécromancien y assistait. Depuis leur victoire contre l’Œil il y a un mois, le commandant avait pris Dynfaw comme lieutenant, son prédécesseur ayant péri lors de la bataille. Le nécromancien, heureux de ce privilège, mais lourdement chargé de diverses tâches, et régulièrement en combat, était exténué. Le chef prit la parole :
« Messieurs, la cathédrale de Verdance même fortifiée, a des risques d’essuyer un assaut dans les prochains jours. Le camp Nord vient d’essuyer une attaque, le camp Ouest se remet de celle de la semaine dernière. Plus de nouvelles du camp Sud, tout porte à croire que les types là-bas ont servi de repas aux revenants. Vingt hommes escortent en ce moment même six Dolyaks transportant des vivres, des médicaments, des armes, et des pièces de trébuchet, plus à l’intérieur des terres. Ils sont en retard de vingt minutes, et j’ai envoyé une patrouille afin de vérifier qu’ils ne sont pas immobilisés ou morts. Je vous passe les escarmouches constantes qui réduisent nos effectifs à petit feu… Bref, il nous faut plus de moyens en hommes… Avez-vous des solutions »
Un lourd silence s’abattit…
« Demander des renforts aux capitales ? »
Clark avait parlé. Il commandait un camp plus à l’Est
« J’ai déjà essayé, mais ils n’ont plus rien, et doivent tout de meme s’assurer un minimum de troupes sur place. Je ne vous cache pas que sans renforts, on ne tiendra pas trois semaines de plus… »
Dynfaw réfléchit un instant. Plus de soldats aux capitales… Il fallait aller les chercher là où ils étaient : sur le champ de bataille. Il pesa méticuleusement ses mots et intervint :
« La menace de Zhaitan n’est pas la seule qui menace la Tyrie. C’est pour cela que nous manquons d’effectifs. Il faut éliminer un autre danger, et ainsi transférer les soldats le combattant à Orr. Néanmoins, il ne faut pas prendre des soldats fatigués et démoralisés. »
Tous réfléchirent à ces paroles. SombreLame rompit le silence :
« L’idée est intéressante, à quelle menace penses-tu ?
-Eh bien, j’en ai plusieurs en tête… Mais seules quelques-unes pourraient être éliminées sans trop de difficultés. Je pense notamment aux Catacombes d’ Ascalon… »
Un silence de mort s’abattit…
« Dynfaw, les catacombes d’Ascalon sont une peine perdue…
-…dans laquelle sont engagés plusieurs vingtaines de soldats, soixante plus exactement, en comptant l’arrière garde. Et je ne parle pas du matériel.
-Je ne risquerai pas la vie de mes hommes pour ce trou à rat remplit de fantômes, c’est hors de question !!!
-Et s’il y a des volontaires ? »
SombreLame resta silencieux, consultant du regard les autres, débout autour de la carte de la région. Tous semblaient vouloir dire la même chose : nous n’avons plus rien à perdre.
-Bon… Tu as déjà prouvé que tu sais ce que tu fais… Et puis nous sommes perdus… Autant essayer… Si tu trouves des volontaires, équipes toi et pars sur le champ.
-Merci Commandant. »
Dynfaw s’esquiva et réfléchit. Il était sûr qu’Iryenna le suivrait, mais il fallait plus de personnes pour augmenter les chances de succès de l’opération… Il commença par s’assurer qu’il avait le soutien de sa compagne. Après une brève discussion, il repartit avec une réponse positive, et partit voir Esapdoum. Il le trouva près des canons, en train de réparer le générateur. Couvert de cambouis, à genoux dans la poussière, on aurait aisément pu le confondre avec un revenant. Depuis le combat contre l’Œil, ils s’étaient liés d’amitié, notamment grâce aux nombreuses batailles qu’ils avaient menées ensemble. Le Sylvaris à la peau rouge et jaune se leva, l’ayant entendu arriver.
« Tiens, dit-il, Dynfaw ! Ça va ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
-Oui ça va… Enfin aussi bien que l’on peut se porter dans un camp entouré de cadavres ambulants dans un pays où même les orties refusent de pousser. »
Esapdoum esquissa un sourire.
Dynfaw lui expliqua la situation. A la fin du briefing, l’ingénieur se leva :
« Ça peut être drôle… Surtout que je donnerais n’importe quoi pour combattre autre chose que des morts-vivants. J’en suis !
-Super ! Je suis content d’avoir un allié comme toi à mes côtés !
-C’est toi que je remercie de me donner une excuse pour quitter cet endroit. On part quand ?
-Dès qu’Iryenna est prête et que j’ai trouvé une autre personne pour nous accompagner
-Ca marche… Et si tu veux, j’ai une amie qui pourrait peut-être nous accompagner, une Charr du nom de Fiinbar, elle manie la masse et le bouclier comme personne. Elle est gardienne, et utilise tellement de sorts de soin qu’elle te maintiendrait en vie dans un bain de lave…
-Ce sera parfait ! Où est-elle ?
- Suis-moi »
Ils traversèrent le camp et se dirigèrent vers l’établi du forgeron d’armes et d’armures. Fiinbar était là, occupée à polir son bouclier. C’était un grand écu d’acier sombre, de grandes pointes dépassaient sur toute la partie supérieure. Quelques stries dorées donnaient un peu de couleur à l’ensemble A côté de la Charr, sur la table de bois était posée une masse du même acier que le bouclier. Elle mesurait une soixantaine de centimètres et le bout avait la forme d’un parallélogramme, la partie fine vers le bas. D’énormes piques en ressortaient et l’arme brillait d’une étrange aura bleue, rappelant une sorte de fumée. Esapdoum prit la parole :
« Salut !
-Esapdoum ! Salut ! Qu’est ce qui t’amène tête de poireau ? »
Elle jeta un bref regard vers Dynfaw.
« On est là pour te proposer une mission, il va t’expliquer. » Dit-il en montrant son compagnon.
Le nécromancien et la Charr échangèrent une poignée de main, et après quelques banalités, il lui expliqua la situation. Quand il eut fini, elle resta muette, pensante. Il en profita pour la regarder : elle avait la fourrure gris clair, presque blanche. Quelques taches noires, notamment sur la truffe et le bout de la queue, perlaient çà et là. Elle portait une armure bleue glace et noire, faite de mithril et d’orichalque, métaux réputés pour leur légèreté et leur résistance. Elle avait une longue queue qui ondulait légèrement à quelques centimètres du sol. Son visage était plus clair que le reste de son corps. Ses yeux d’un bleu à la fois clair et profond vous transperçait de part en part tel un pic de glace. De petites cornes élégantes sortaient de son crâne : recourbées vers l’arrière, elles avaient la forme d’un tranchant de hache. Sa crinière blanche-grise retombait en une petite mèche sur son front et était nouée par de petits morceaux de fer gravé tout le long de son cou. Deux crocs ressortaient au bout de son museau, lui donnant un air félin. Il se dit qu’elle devait être, pour un Charr, très agréable à regarder, mais qu’avec ses crocs, ses yeux, les lames retenant sa crinière et son armure, elle devait être très impressionnante au combat. Ce serait un allié de taille, au sens propre comme figuré. Elle donna sa décision :
« J’en ai marre de ce trou paumé, et je commence à avoir le mal du pays. Et puis j’ai quelques problèmes à régler avec les Ascaloniens. En plus, si ça peut permettre de sauver la situation… Je viens avec vous!
-Super ! Merci de ton soutien !
-Oui… oui…, on part quand ?
-Je vais chercher Iryenna, et on s’en va.
-Ça marche, rendez-vous dans cinq minutes devant le camp. »
Ils se mirent en route trois minutes plus tard suivant un sentier en terre sèche qui allait les mener au nord, vers Fort Trinité, où ils pourraient voyager par portail jusqu’à Ascalon. Au bout de quelques mètres, Fiinbar se retourna, s’adressant au Camp de la Crète Indiscrète, derrière elle :
« A jamais !! »
Elle ne crut pas si bien dire…