Le Conflit D'Orr, Guild Wars 2

Chapitre 6 : Fort Trinité

3043 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/06/2015 19:06

Chapitre 5 : Fort Trinité

 

Ils se dirigèrent vers le nord, écrasant sans difficultés les revenants se dressant sur leur passage. La nuit, ils dormaient dans les autres camps de la région, du moins dans ceux qui n’étaient pas envahis par les morts-vivants, ou bien ils campaient dans un recoin à l’abri du vent et de la pluie tiède et salée, se relayant pour monter la garde. Ils cheminèrent en silence au début, puis les langues se délièrent peu à peu et tous racontèrent comment ils étaient arrivés à Orr. Au bout d’un certain moment, ils se mirent à parler de tout et de rien, débattant sur divers sujets, tels l’alcool, la politique, l’histoire… Ils en vinrent même à échanger des blagues plus ou moins scabreuses. Dynfaw parvint à convaincre sa compagne de leur chanter quelque chose, car il savait que cette dernière s’était beaucoup adonnée au chant quelques années plus tôt. Elle les subjugua donc avec « Fear not this night », interprétée de sa douce voix fluette, presque angélique.

Tous étaient heureux de quitter Orr, terre maudite où ils avaient vus tant de gens souffrir et mourir. Mais cela n’allait pas durer… Leur chemin allait un fois de plus croiser la route des revenants

Ils arrivèrent, au bout de plusieurs jours de marche, à fort Trinité, une forteresse du Pacte construite au nord du Détroit de la Dévastation, lui-même situé au nord du Rivage Maudit. C’était le plus gros avant-poste de toute la région d’Orr. Ils décidèrent à l’unanimité d’y passer la nuit, afin de prendre un peu de repos. Ils remarquèrent tous que le moral des soldats était au plus bas, et que tous étaient épuisés, aussi bien physiquement que psychologiquement. De plus, des dizaines de blessés criaient régulièrement de douleur dans l’hôpital de campagne, souffrant d’infection, de nécrose, ou d’une jambe ou bras amputé, atterrant d’autant plus les combattants. C’est là qu’ils réalisèrent à quel point les choses avaient mal tourné. Au début, les soldats sont parti la fleur au fusil, l’œil aussi brillant que leur lame, fiers de participer au combat qui allait sauver le monde. Mais la guerre avait pris un tout autre tournant quand les revenants ont commencé à avoir des «  champions », comme on les appelaient. Des monstres plus terrifiants, crées par le Dragon lui-même, qui les avait dotés de pouvoirs immenses. L’Œil, par exemple, en était un, mais on pouvait aussi citer l’Araignée, le Géant, et bien d’autres. C’est à partir de là que, homme après homme, bataille après bataille, défaite après défaite, ce qui devait être une quête de gloire, s’est transformé en véritable enfer .Ils se dirigèrent donc vers le centre de commandement, et demandèrent au chef de l’endroit la permission de séjourner au fort une nuit. Le Sylvaris, un dénommé Trahearne, affalé sur sa chaise, le regard vide, la leur accorda sans même demander la raison de leur présence. Ils s’installèrent à l’écart et s’allongèrent donc après avoir partagé un diner ensemble, et s’endormirent.

« CRRRAAAAC !! »

Un craquement sonore assourdissant les réveilla tous à l’aube. Au vu de la situation désavantageuse du Pacte et du risque constant d’attaque ennemie, ils avaient tous décidés, par précaution, de garder leurs armures après avoir changé de sous-vêtements. Une précaution qui ne s’avéra pas inutile, même si tous l’aurait préféré. Ils sortirent donc en trombe, armes à la main, au moment où un second projectile d’un mètre de diamètre atterrissait sur le sol, non loin de la tente voisine. Les tirs provenaient de trois galions revenants gigantesques, flottant sur la mer d’huile, à une centaine de mètre de l’embarcadère du Fort. Mais ils ne ressemblaient à aucun autre bateau, car la coque était constituée d’un agencement d’os rappelant une cage thoracique dont les pointes montaient vers le ciel. Sa proue était aussi haute que le reste, et avait la forme d’un grand crâne surmonté d’une corne. Tout cela était soudé ensemble par un mélange de chairs grises et vertes. De ce qu’ils pouvaient voir, de  monstrueux bras d’os lançaient des rochers, d’une matière indescriptible oscillant entre l’amas de pourriture verdâtres, la roche et la magie, qui explosaient dans un nuage de rejets toxiques nauséabonds.  Dynfaw, s’adressa à sa troupe, sortie de la tente et admirant le spectacle :

« Fiinbar, tu protèges Iryenna qui s’occupera d’un canon, Esapdoum, tu me couvres. »

Ils ne prirent pas la peine de répondre et se déployèrent. Il avait, durant son entrainement, appris à se servir d’un trébuchet, cette gigantesque catapulte de dix mètres de haut, et les étapes mille fois répétées s’emboitèrent dans son esprit comme les pièces d’un puzzle : charger la munition en la faisant rouler dans la nasse en cuir, armer à l’aide du levier, orienter et enfin, relâcher. Dans un fracas de tous les diables, pareil au craquement de centaines branches, le premier tir partit. Le roc enduit d’huile décrivit une longue trajectoire en cloche, laissant une traînée de feu dans son sillage. Il atterrit néanmoins dans l’eau, à une quinzaine de mètres du navire central. Il fit pivoter le trébuchet, et au bout de quelques longues minutes, le second tir partit, pour venir s’écraser sur la proue du navire, projetant des bouts d’os et de chair dans l’océan verdâtre. Mais cela ne suffit pas, et le galion continua son bombardement. Le troisième tir décolla pendant que la bataille terrestre faisait rage dans son dos, et toucha le mât qui s’effondra. Bien que l’impact eu lieu à une petite centaine de mètres, le grondement parvint jusqu’au camp, assourdissant les combattants. Le nécromancien jeta un coup d’œil derrière lui : la bataille avait tourné à la mêlée générale désorganisée lorsque des escouades d’Orriens avaient déferlé depuis l’intérieur des terres, et flèches, sorts, boules de feu, et balles volaient dans tous les sens pendant que l’acier s’entrechoquait. Les tirs de revenants touchaient autant d’alliés que d’ennemi, ce qui ne les empêchait pas de continuer leur bombardement intensif. La structure principale et les remparts du fort semblaient tenir bon, mais les tentes, ateliers et autres étaient en miettes. Esapdoum se battait contre les vagues d’ennemis avec fougue, utilisant son large fusil comme arme de corps à corps, laissant après chaque tir un revenant démembré à ses pieds. Tout autour de lui, ses tourelles abattaient sans relâche les morts-vivants : mitrailleuses, lance-flammes, lance filets, ces armes montées sur trépieds se déployaient rapidement et tiraient automatiquement sur les revenants s’approchant trop près d’elles. Encore un mystère du génie des Asuras. Il regarda ensuite en direction de Fiinbar : elle tenait, entassés contre son bouclier, cinq ou six adversaires, et en hachait un autre avec sa masse. Tout d’un coup, elle les repoussa d’un violent coup d’écu, une sorte de champ de force bleuté propre aux gardiens apparu qui envoya ses assaillants voltiger par-dessus les remparts. Tout semblait être sous contrôle. Il se reconcentra sur son tir, et au moment où le rocher partit, le galion de gauche reçu l’ultime coup de canon et sombra, laissant une marre des débris flottants à la surface. Il fut bientôt rejoins vingt mille lieues sous les mers par le bateau central, qui se coupa littéralement en deux quand le tir de Dynfaw le frappa son pont supérieur de plein fouet. Il n’en restait donc plus qu’un, mais l’arme de siège du nécromancien vola en éclats sous le coup d’une explosion toute proche, et il fut projeté à terre. Il se releva, et regarda vers la mer ; il ne restait plus qu’un bateau ennemi, mais le seul trébuchet restant était à cour de munitions. Il réfléchit à toute allure : il fallait anéantir ce galion avant qu’il ne dévaste le fort. Car l’on pouvait déjà apercevoir des brèches dans les hauts remparts de métal et de pierre, et certains murs s’effondraient sur le champ de bataille, ensevelissant hommes et matériel sous des tonnes de décombres. Déjà les premiers tirs venaient s’écraser sur le bâtiment principal, et celui-ci n’allait pas tenir. L’idée germa peu à peu dans l’esprit de Dynfaw, et il héla l’ingénieur, tentant de couvrir le tumulte de la bataille :

« Esapdoum ! T’as une bombe ? Quelque chose d’efficace ?

-Oui, dit-il entre deux exécutions, de quoi réduire le Bosquet en cendres, pourquoi ?

-Plan B !! » Lui répondit le nécromancien.

Et, sans lui laisser le temps de protester, l’attrapa par le col, le mit dans le trébuchet, monta avec lui, et coupa la corde. Ils décolèrent, voltigeant à quelques dizaines de mètres du sol vers le navire. Ils atterrirent dans l’eau salée non loin du gigantesque bâtiment de guerre, et nagèrent jusqu’à lui. Esapdoum foudroya Dynfaw du regard, mais celui-ci n’eut pas besoin  de lui expliquer le plan, car l’ingénieur s’affairait déjà sur la coque, accrochant au galion une sorte de petit disque de métal duquel dépassait une mèche à l’aide d’une corde. L’opération dura moins de trente secondes, mais il eut tout le temps d’écouter les horribles gargouillis de l’équipage revenant au-dessus d’eux, qui ne semblaient pas avoir remarqué leur présence et qui risquaient d’être surpris quand la bombe explosera. Le Sylvaris se tourna vers son acolyte :

« On a cinq minutes pour se trouver loin de ce rafiot… On y va »

Il alluma la mèche, et se mit à nager à toute allure vers Fort Trinité. L’eau verte à l’odeur méphitique les alourdissait et manquait de les faire vomir, mais ils arrivèrent tout de même aux quais du fort. Néanmoins,  la lourde porte blindée était fermée en raison de l’attaque, et ils n’avaient aucun moyen d’entrer dans le fort. Ils attendirent donc la fin de la bataille. Un bruit semblable à mille coups de tonnerre déchira la côte, un bruit semblable au roulement de centaines de tonnes de pierres, un bruit semblable à une avalanche, qui les assourdit lorsque la bombe explosa dans un flash pareil à l’implosion d’un petit soleil, fleur rouge et jaune qui devint nuage de fumée et de débris. Lorsque que la luminosité redevint normale, il ne restait du bateau que quelques débris ardents, grésillant sur l’eau verte.

« Quand tu me disais que tu pouvais faire sauter le Bosquet, je pensais que tu exagérais nom de Grenth ! fit le nécromancien à son acolyte.

-Eh bien… »

Avant qu’il finisse sa phrase, une silhouette faite d’ombre et de magie noire se matérialisa devant eux :

« Bien le bonjour, mortels » fit une voix d’outre-tombe.

Ils se regardèrent, perplexes, lorsque le nuage de ténèbres prit la forme de Grenth lui-même.  Puis ils faillirent tomber dans les pommes quand un ange blond, inondé d’une lumière immaculée et d’une beauté à faire fantasmer Zhaitan prit la parole à son tour :

« Grenth, je t’ai déjà dit d’arrêter d’intervenir dans les affaires des mortels pour un rien !

-Fiche moi la paix Dwayna, et puis zut quoi ! Nos temples à Orr sont en train de se faire détruire petit à petit par ces revenants, j’ai bien le droit de donner un coup de main !

-Et sois un peu plus sérieux ! Tu es un immortel, le Dieu de la Mort, essaie d’être plus professionnel… Qu’est-ce qu’ils vont penser si même les Dieux se comportent comme des sales gamins »

Grenth l’ignora et se tourna vers Dynfaw, qui avait du mal à contenir le fou-rire qui s’emparait de lui, posa ses yeux verts luminescent, dépourvus de pupilles sur lui et dit :

« Dynfaw…, il regarda Dwayna, ou fidèle serviteur, si la dame préfère, tu as choisi la voie de nécromancien, et je te donne ce pouvoir afin que tu sème la mort en mon nom. D’une simple pensée tu auras la possibilité de devenir la Faucheuse pendant quelques instants, invulnérable aux lames et sorts. »

Le Dieu lui toucha le front, et il sentit une énergie nouvelle s’emparer de lui. Il s’inclina… mais s’arrêta net dans son geste en entendant voix de la Déesse de L’Amour, douce et sensuelle, s’adressant à Esapdoum :

« Alors ? Toujours célibataire ? C’est étrange… T’es pas trop mal foutu pourtant »

Tous, même Grenth, la regardèrent, choqués et atterrés. Esapdoum déglutit difficilement lorsqu’elle se rapprocha de lui, collant ses jambes visibles sous sa robe ouverte à l’avant, mettant sa poitrine contre la sienne, frottant son corset serré contre lui. Elle le dépassait de quelques centimètres, perchée sur ses escarpins, et ses cheveux blonds tombaient sur les épaules de l’ingénieur. Grenth intervint enfin :

« Stoooop ! Suffit, on en a vu assez ! Il l’attrapa par le bras, la tira vers lui, désolé Esapdoum, j’espère que tu t’en remettras… »

Les dieux disparurent.

Dynfaw et son ami se regardèrent longuement, partagés entre la surprise, la consternation, la peur et l’hilarité. L’ingénieur rompit le silence, bégayant :

« Je… Tu… On… Euuuuuh…. »

Ils partirent dans un fou rire incontrôlable, qui les plia en deux pendant plusieurs minutes. Au bout d’un moment, ils se redressèrent, essuyant leurs larmes d’un revers de main, incapables de prononcer mot. Ils rirent de plus belle, puis les portes du fort s’ouvrirent lentement, et ils entrèrent, un sourire béat sur le visage, acclamés par les soldats survivants.

 

 

 

 

 

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