Sea, Six and Sun - Ineffable summer 2024
Décidément, ces vacances sur une magnifique plage des Southdowns se déroulaient merveilleusement. Ils pouvaient enfin être eux-mêmes, c'est à dire leur groupe de deux, loin du Paradis et de l'Enfer aussi toxiques l'un que l'autre qui les avaient si longtemps empêchés de savourer l'existence comme il se doit.
Here comes the sun, doo doo doo doo
Here comes the sun, and I say it's alright, *
fredonnait parfois l'ange, au grand étonnement du démon, surpris de ces connaissances musicales insoupçonnées :
- De la musique moderne, mon ange ?
- Tant que ce n'est pas du be-bop...
Crowley avait insisté pour tester au bar de la plage un cocktail différent chaque fin d'après-midi (à des fins d'étude du comportement et des habitudes des humains, assurait-il). Aziraphale s'était un peu fait tirer l'oreille mais, comme souvent, il avait marchandé face à son insistance :
- D'accord pour le cocktail, mais alors on s'offre une glace au goûter.
Cette divine routine lui permettait d'engloutir vers 16 heures une gargantuesque glace à l'italienne coiffée d'une indécente quantité de crème chantilly, qu'il dégustait avec force gloussements ravis.
Ils avaient déjà expérimenté l'Angel Face, l'Old Fashioned, le French 75, le Dark and Stormy, le Harvey Wallbanger. Ce soir-là, ils sirotaient un Sex on the beach : vodka, jus d’orange, de cranberry, de melon et crème de pêche. Décontractés et sereins, ils profitaient de cette douce fin de journée dans la chaude béatitude que procure une après-midi au soleil de l'été, les doigts de pied en éventail sur le sable chaud – en fin de compte nettement moins brûlant que le sol consacré d'une église. Et ce cocktail était fabuleusement frais.
Les doigts de l'ange jouaient à déployer et replier les baleines du petit parasol en papier coloré qui décorait leur breuvage, faisant glisser négligemment l'anneau le long du mât en un lent va-et-vient précautionneux. Le démon le regardait faire, l'air hébété et, perdant d'un coup toute décontraction, il se mit à aspirer le contenu de son verre dans la paille à une vitesse dangereusement proche de celle de la lumière. Aziraphale s'en aperçut et haussa les sourcils :
- Crowley, c'est inutile de boire si vite ! Si tu en veux un autre, il suffit de le dire, mon cher !
- Ngk... non, ça suffira je crois...
- Alors si nous rentrions dîner ? Tu as faim ?
- Je pense bien !
*Here comes the sun, des Beatles