Tombé du Ciel~Le Second Avènement

Herculanum~An 79

Crowley séjournait dans la Province de Neapolis depuis une petite semaine. Il était venu accomplir quelques menues tentations et avait décidé de prolonger son séjour devant la qualité du vin de Campanie ! Depuis, il passait le plus clair de son temps à faire la tournée des vignobles… 

Cette journée du 24 octobre ne faisant pas exception, le démon était rentré ivre mort pour s’étaler sur son klinai au petit matin. Il fut réveillé, aux alentours de midi par l’odeur d’un autre démon, qui le sortit de son sommeil.

— Mgnnk… S’quisspasse ? Qui s’est ké là ? 

— Crowley… Décidément, tu ne vaux pas mieux que ces pitoyables humains… 

— Duc Dagon ? Un petit verre ?

— Il n’y a que toi pour t’abaisser à ça, serpent… 

— Tu… Pourquoi tu viens ? hésita Crowley, inquiet à l’idée que le Duc ait été envoyée par Satan pour le ramener en Enfer, subir le Diable sait quel châtiment.

— Je suis juste venue te prévenir de dégager du secteur ! Il n’y a, tout compte fait, aucune tentation nécessaire à accomplir ici… Changement de plan !

— Ah bon ? Tu développes un peu ?

— Non ! Certains d’entre nous ont de véritables missions, serpent ! De plus grande envergure que les tiennes… 

Aussitôt, Dagon disparut, le laissant perplexe et toujours à moitié ivre. Transit par la visite inhabituelle du Duc, Crowley se miracula une sobriété pour se préparer à vider les lieux. Dagon, comme tous les Ducs de l’Enfer, évitait le plus possible toute interaction avec les humains ; aussi sa venue sur Terre était-elle inquiétante.

Quelques minutes plus tard en effet, la terre se mit à trembler sous les pieds du démon, qui se précipita dehors juste à temps. Le spectacle qu’il vit alors le subjugua. Le Vésuve venait d’entrer en éruption, noyant toute la province dans un panache de fumée noire… Seule la lumière incandescente de la fournaise du volcan parvenait à traverser les nuées ardentes et les pluies de cendres. Un dôme de lave de cette puissance ne pouvait être un phénomène naturel, c’était le feu de l’Enfer qui s’échappait de la cheminée volcanique ! 

Pompéi~même jour, même heure

Aziraphale était venu distribuer quelques bénédictions au détour d’un séjour à Rome. Sa dernière visite dans la capitale romaine remontait à l’An 58, lorsqu'il avait rendu visite à Paul lors de son procès devant le Tribunal Impérial… Après quelques dégustations des derniers mets à la mode, il avait donc pris la direction de Pompéi pour bénir un futur docteur et rendre la vue à quelques aveugles… 

Aux alentours de 13h, la terre se mit à trembler et l’instant que la Principauté ne comprenne ce qui se passait, le volcan se déchaîna. Il aurait pu s’enfuir à tire-d’ailes naturellement, mais il n’en fit rien ! Sa nature angélique ne put se résoudre à abandonner tous ces malheureux à un sort si terrible… Il fit autant de miracles que possible pour sauver les humains qu’il croisait sur son chemin, se rapprochant toujours plus près, trop près des coulées de lave démonique. Son incarnation était fragile certes, mais l’ange pouvait sans mal miraculer les blessures classiques pour guérir son enveloppe charnelle ! 

Quelques sauvetages plus tard néanmoins, il trébucha dans une coulée de lave et lorsqu’il voulut s’enlever le feu qui rongeait ses jambes, il ne comprit que trop tard la nature démoniaque du feu en question… Le feu de l’Enfer était mortel pour un ange, aussi Aziraphale vit sa vie, sa longue vie, défiler devant ses yeux tandis qu’il luttait contre la douleur qui le ravageait. A la limite de l’inconscience, il songea à Crowley ; au vin qu’il avait bu avec lui à Rome en 41 ! Il aurait tellement aimé boire un dernier verre avec le démon, le seul ami qu’il eût jamais eu…    

— Crowley… bredouilla-t-il, juste avant de perdre connaissance.

*~*

Le démon s’était, lui aussi, rapproché du Vésuve pour aider le plus d’humains possible, en espérant que Dagon ne se soit pas éternisée dans les environs. Les quelques humains qu’il croisait encore étaient toutefois déjà morts. Avec désolation, il fermait sur son passage de trop petits yeux, encore figés de terreur… 

S’apprêtant à partir, constatant qu’il n’y avait plus personne à sauver par ici, quelque chose le retint. Une intuition. Une présence. Une odeur… Celle d’un ange, qu’il connaissait par cœur ! Se précipitant, pieds nus dans la lave démonique de laquelle il était immunisé, il cherchait son ami à l’odeur, toute vue étant complètement impossible désormais, dans les cendres et la fumée. Lorsqu’il le trouva enfin, la Principauté était inconscient. Crowley se pencha pour ramasser son corps et l’emporter le plus loin possible du Vésuve ! 

Il se hâta de trouver une domus dans une province éloignée, en chassa les habitants d’un claquement de doigts et allongea rapidement le corps de l'ange dans le lit le plus proche : 

— Aziraphale ? Aziraphale, tu m’entends ? Pourquoi, de tous les endroits de la Terre, fallait-il que tu te trouves précisément ici aujourd’hui ?

La Principauté ne répondit rien, son visage gris était ruisselant de sueurs et de cendres mêlées. Son corps était bouillant et ses jambes… Ses jambes étaient tellement brûlées que la peau avait craqué, dévoilant les muscles, les tendons et les ligaments, rongés eux aussi par le feu ! Crowley s’épuisa à tenter miracle démonique sur miracle démonique, mais il ne parvint pas à soigner les blessures causées par le feu infernal, l’énergie qu’il drainait de l’Enfer ne pouvant soigner un ange… 

— Allez, allez, ALLEZ ! 

Sans surprises, l’état d’Aziraphale ne s’améliora pas ! Le démon constata même avec effroi qu’il empirait… Sa respiration se faisait de plus en plus laborieuse, tout comme les battements de son cœur. Sa mort semblait aussi inévitable qu’imminente désormais ! Désemparé par la situation, sachant que le démon n’avait jamais eu à endurer le deuil de qui que ce soit ; il réalisa soudain qu’il lui était impensable d’imaginer continuer à vivre sur Terre sachant que l’ange ne croiserait plus jamais son chemin. 

Désespéré, Crowley s’agenouilla : 

— Hey… D… Dieu ! Tu m’entends ? Je sais que… Que je Tu m’as renié et que Tu ne veux plus entendre parler de moi ! Mais là, si je Te parle… C’est… C’est pas pour moi ! J’ai

sollicité Ta clémence une fois et Tu me l’as refusée… J’ai tant prié devant Ton Autel, cherchant le pardon, mais n’en attendant aucun… C’est pas grave… Cette fois-ci, c’est pour Ton ange que… Que je Te prie… Lui, il ne mérite pas de disparaître, il ne mérite pas de souffrir ! Il est si pur… Sauve-le, je T’en supplie. Si… Si Tu le sauves, je Te promets qu’à partir de maintenant, c’est moi qui veillerais sur lui ! Tu n’auras plus à le sauver parce que c’est moi qui le ferai… Pitié… Pitié… Je T’implore… 

Crowley continua ses suppliques jusqu’à s’effondrer d’épuisement et de désespoir au pied du lit où reposait le corps inerte de l’ange.

*~*

Aux premières lueurs du jour suivant, Crowley fut réveillé d’un sommeil sans rêves par le contact délicat d’une main, passée dans ses cheveux, suivie par le son d’une voix éraillée : 

— Crowley ? 

Le démon ouvrit enfin ses yeux aux pupilles serpentines pour les braquer sur ceux, clairs, de l’ange qui s’était penché au bord du lit : 

— Tu… Tu m’as sauvé Crowley ? 

Le démon s’agenouilla au bord du lit pour mettre ses yeux au niveau de ceux d’Aziraphale : 

— Mon ange ? C’est impossible… Tu étais brûlé par le feu de l’Enfer ! 

— Je sais, je me rappelle… La douleur… Le Vésuve, c’était… C’était toi ? 

— Non ! Je te le jure devant Satan ! C’est Dagon qui… Mais… Tes jambes ? 

Aussitôt, il souleva les pans de la toge d’Aziraphale pour inspecter les blessures, mais il n’y avait plus rien. Rien d’autre que sa peau immaculée et douce. Crowley caressa longuement l’endroit où se trouvaient les effroyables brûlures la veille, mais pas même une cicatrice ne témoignait des ravages causés par le feu infernal ! Lorsqu’il regarda enfin l’ange, celui-ci avait les joues rosies et semblait embarrassé par la situation. Immédiatement, Crowley suspendit ses gestes : 

— Il n’y a plus rien ! 

— J’aurais dû mourir ! Qu’as-tu fait, mon cher ? 

— Peu importe… Tu es en vie, c’est la seule chose qui compte ! 

Aziraphale ne su jamais rien de l’Arrangement passé entre Dieu et le démon, mais pendant qu’il fermait les yeux pour savourer le fait d’avoir survécu, Crowley, lui, baissa la tête avec soulagement et murmura : 

— Merci, Seigneur…

***** Le titre de ce minisode est, bien sûr, un hommage à l'épisode du même nom de Dr Who. Deux fanarts commissionnés pour ce chapitre côté forum *****