Sabre des Dunes I
Le Guerrier du Désert, sortit des égouts, alors que le soleil commençait à descendre à l’horizon, son hibou sur l’épaule. D’après son estimation, il devait être 17h00 passé. Il était entré dans le souterrain entre 9h00 et 10h00 du matin. Il venait de passer environ 8h00 d’affilée dans les égouts, et cela n’avait pas été infructueux : il avait tué cinquante-cinq rats géants, un nouveau score d’extermination !
Tandis qu’il prenait le chemin de la guilde, il fit le bilan de ce qu’il avait vécu dernièrement. Cela faisait une semaine qu’il était devenu aventurier, et c’était sa septième chasse aux rats géants d’affilée. Compte tenu qu’il tuait à chaque fois, entre trente et quarante rats à lui seul, la guilde lui versait un bonus en plus de la récompense habituelle. Ainsi, ses économies grossissaient à vue d’œil, il avait récolté plus de 20 pièces d’or en une semaine, une fortune pour un rang porcelaine.
Bien entendu ses actions n’échappaient pas aux autres aventuriers. Cependant aucun n’était venu à sa rencontre, ce qui, pour l’instant, l’arrangeait bien, car il appréhendait la façon dont ses méthodes et son succès seraient accueillis par les autres baroudeurs.
Au bout d’un quart d’heure de marche, le Guerrier du Désert franchit l’entrée de la Guilde. Oull, perché sur l’épaule de son maître, poussa un hululement, exprimant sa profonde fatigue. L’Épéiste le comprenait : lui-même était épuisé, ses muscles le faisaient souffrir comme jamais ! Rien d’étonnant après avoir tué cinquante-cinq ennemis d’affilée !
Le jeune homme, avait hâte de rentrer chez lui et de savourer un repos bien mérité. Mais, avant cela, il devait faire son rapport à la Guilde. Il s’approcha du comptoir. Une fois la surprise habituelle passée et les formalités remplies, il empocha son dû et tourna les talons. Mais au même moment, la Réceptionniste, qui l’avait reçu le premier jour, lui fit signe d’approcher.
Juste à côté d’elle se tenait un groupe d’aventuriers. Intrigué, le Guerrier du Désert s’approcha afin d’écouter ce que la jeune femme avait à lui dire.
─ Vous m’avez demandé de vous prévenir lorsqu’un groupe tenterait une chasse aux gobelins. Eh bien, le groupe juste là vient justement d’en prendre une, et je pense qu’ils auraient besoin d’un membre supplémentaire.
Tout en parlant, la Réceptionniste désigna le groupe que l’Épéiste avait aperçu quelques secondes plus tôt. La troupe d’aventuriers, était composée de cinq aventuriers : une humaine Combattante martiale à la courte chevelure rousse et aux yeux verts.
Sa peau était couverte de tatouages et son corps était musclé. Son équipement se composait d’un pourpoint en cuir et de gantelets de pugilat, renforcés aux articulations et aux poignets. Son pourpoint ne protégeait que le haut de son buste, le reste était couvert par une tunique rouge.Le second membre était un nain Berserker, en armure de plates de la tête aux pieds. Il était armé de deux sabres effilés, et sa barbe, brune comme la bière, était tressée et ses cheveux coiffés en queue-de-cheval. L’aventurière suivante, était une elfe, elle portait une armure faite en partie de plaques et de mailles par-dessus, un gambison, son arme était une hallebarde dont la lame n’avait qu’un seul tranchant. Ses pieds nus étaient bandés. Ses cheveux étaient d’un noir tirant sur le violet, et ses yeux étaient bleus. Un cerf était dessiné sur sa cape à capuche. Le quatrième équipier était un elfe noir, chose rare parmi les aventuriers. À la vue de sa robe mauve, et du sceptre en bois gravé qu’il avait en main, le Guerrier du Désert en déduisit qu’il s’agissait d’un mage. Le bout du bâton était courbé et une pierre violette de forme sphérique y était attachée. Les cheveux argentés du drow ressortaient sur sa peau d’ébène. La cinquième et dernière membre du groupe, était une humaine en armure, armée d’une masse d’armes à deux mains, arborant l’emblème du dieu de la lumière. Le Guerrier du Désert devina qu’il avait face à lui une aspirante Paladin. Ses cheveux étaient noir charbon et ses yeux d’un bleu électrique.
Durant son observation, l’Épéiste réalisa que la Combattante portait une plaque d’acier et le reste du groupe des plaques en obsidienne. Les membres du groupe avaient plus d’expérience que le jeune homme, et la Combattante s’en rendit vite compte :
─ Navrée, mais on ne peut pas s’encombrer d’un débutant pour cette quête, dit-elle, sans pour autant paraître condescendante. La Paladin intervint :
─ Je te rappelle que l’on est tous des débutants dans ce groupe, et je pense qu’un rôdeur, ou un guerrier, de plus, ne serait pas de trop.
Mais la cheffe de groupe n’en démordit pas.
─ Venez, dit-elle, on doit se préparer pour demain.
La Combattante tourna les talons et son groupe la suivit. Juste avant de sortir du bâtiment, le mage se retourna et dévisagea le Guerrier du Désert avec une expression que le jeune homme ne sut déchiffrer. De la peur ? de la colère ? Il ne sut dire… Cela dura moins d’une seconde, avant que l’elfe ne franchisse le seuil de la guilde.
─ Navré que ça n’ait pas marché, dit doucement la Réceptionniste visiblement très gênée.
─ Ce n’est rien, affirma le jeune homme.
Pour lui, effectivement, cela ne posait pas de problème, mais il se faisait surtout du souci pour le groupe. Il avait relevé plusieurs détails qui l’inquiétaient : aucun des membres du groupe ne portait de casque, la Combattante et le Mage ne portaient pas de côte de mailles.
─ Ils ont plus d’expérience que nous, souffla Sable, et pourtant aucun n’a les réflexes qu’a le Crève-Goblin. Tu as conscience qu’ils risquent d’avoir des problèmes.
─ Je sais Sable, je peux simplement espérer qu’ils savent se battre mieux que des rangs porcelaine.
N’ayant plus rien à faire à la Guilde, le Guerrier du Désert rentra chez lui. Une fois arrivé, l’aventurier passa la fin de son après-midi à nettoyer son équipement puis prit un bain. À la tombée de la nuit, son oncle et lui dînèrent ensemble, après quoi, il retourna dans sa chambre, le lendemain était un jour de repos pour lui et il comptait bien en profiter. Il sombra rapidement dans un profond sommeil.
Il flottait, ou plutôt il volait. Il voyait la ville depuis le ciel, il n’arrivait pas à savoir si c’était le matin ou le soir. Le monde était plongé dans une lumière grise, tout était en noir et blanc, sans aucune couleur, que ce soit dans le ciel ou la végétation environnante. Tout-à-coup, son corps fila comme le vent vers un autre lieu. À présent, il se tenait au-dessus d’un chariot, puis à l’intérieur, il y reconnut le groupe d’aventuriers rencontré hier.
Il voulut leur parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Une fois de plus, il s’envola et cette fois fila droit vers le sud. Il survola un petit village de campagne, entouré de forêts et de champs. Et juste à l’ouest de celui-ci, sur une colline, un vieux cimetière s’étalait sur plusieurs kilomètres.
Il s’approcha, de l’entrée d’une crypte en ruine, et en franchit le seuil. Au début, il ne vit rien, les ténèbres étaient totales. Puis, il vit des yeux rouges briller dans l’obscurité, des dents pourries et des oreilles pointues, des peaux vertes : des gobelins. Des petits, et des Hobgobelins. Le Guerrier du désert plana quelques secondes au-dessus de la horde grouillante de créatures, avant d’être aspiré dans le dédale délabré, des couloirs de la crypte.
L’obscurité se fit de plus en plus épaisse. Il était à présent dans le noir complet : pas un bruit, pas un son. Il ne voyait rien, pourtant il sentait une présence : il n’était pas seul ici, il n’y avait pas que des gobelins dans cette nécropole. C’est alors, que toute la noirceur du lieu, se rassembla en une seule masse compacte. Des bras et des pattes griffues se formèrent, et des yeux blafards se mirent à briller. La silhouette noire tourna ses yeux vides vers l’Épéiste, et soudain une voix stridente retentit :
─ DISPARAIS !!!
Le cri résonna dans le crâne du Guerrier du Désert avec la force d’une cloche qui sonne, l’instant d’après il se réveilla en sueur, dans un cri de surprise.
─ Sable ! Sable !
Appela, le jeune homme encore haletant. Son ami, spectral ne se fit pas attendre : il se tenait juste devant le lit.
─ Pas besoin de m’appeler gamin, répondit le Djinn, je suis là.
─ Tu l’as vu ? demanda, le Guerrier du Désert
Le spectre acquiesça, et répondit :
─ Pas besoin de me le dire, il n’y a pas que des gobelins dans cette crypte. Ils sont en grand danger.
Le Guerrier du Désert, sortit de son lit en trombe, et ouvrit grand les volets de sa chambre. Le soleil était déjà haut, il était presque 10 h du matin. Le jeune homme jura, les aventuriers partaient tôt, quand ils avaient de la route à faire pour accomplir une mission.
Le groupe devait déjà être parti. Sans prendre le temps de se débarbouiller, l’Épéiste s’équipa le plus vite qu’il le pouvait, il enfila son armure et rassembla ses armes. Il prit avec lui plusieurs petits sacs, remplis d’une substance à l’odeur très forte : un objet indispensable, pour masquer son odeur à l’odorat développé des petits démons. Il emporta également son arc et un carquois rempli de flèches.
Son attirail empaqueté, il se précipita aux écuries, Oull volant à ses côtés. Il sella son cheval Braise, un étalon à la robe rousse, et partit au galop à la Guilde, son hibou toujours sur ses talons. En quelques minutes il était devant le bâtiment en question. Aussitôt, il sauta de son cheval, intima à ce dernier de ne pas bouger et entra dans le bâtiment, tandis que Oull se posait sur l’encolure du destrier.
Il se dirigea directement vers le comptoir derrière lequel se tenait l’Hôtesse de la Guilde. La jeune femme, afficha son sourire habituel, et demanda :
─ Bonjour ! Vous n’étiez pas censé vous …
L’Épéiste la coupa.
─ Désolé, mais je n’ai pas beaucoup de temps, le groupe que vous m’avez présenté hier est en danger ! Ils vont avoir besoin d’aide. J’aimerais prendre la même quête qu’eux.
Prise au dépourvu par le discours du Guerrier du Désert, l’Hôtesse mit quelques secondes avant de répondre :
─ Eux…Qu’est que vous voulez-dire ?
─ Il y a quelque chose d’autre dans l’antre des gobelins ! Quelque chose de beaucoup plus dangereux y est caché ! Ils vont mourir !
─ Mais comment savez-vous…
─ Je n’ai pas le temps de vous expliquer ! Combien d’aventuriers débutants meurent dans des traques aux gobelins, parce qu’ils sont mal préparés ? Ou parce qu’ils sous-estiment ce qui les attend ? Je sais que c’est le Crève-gobelins qui gère ce genre de quête d’habitude mais là il est absent, demanda-t-il à son tour, en regardant l’Hôtesse droit dans les yeux.
Ces mots, eurent l’effet d’un coup de tonnerre dans l’esprit de la jeune femme. Ce débutant savait pour les gobelins, il était conscient des dégâts qu’ils provoquaient et de ce qui arrivait au débutant qui ne les prenait pas au sérieux. Réalisant, que le l’Épéiste était très sérieux, l’Hôtesse lui remit le formulaire de la quête et s’occupa le plus vite possible des formalités. Cela fait, le Guerrier du Désert lut rapidement le document, le plia avant de le glisser sous sa cuirasse et sortit du bâtiment au pas de course.
Le jeune homme, enfourcha Braise et le lança au Galop, direction plein ouest, là où se trouvait la crypte. Oull volait bas aux côtés du cheval, tout comme le Djinn.
─ Sable, j’ai besoin que tu me guides, on va devoir couper par la campagne pour arriver à temps, ils ont au moins 3 heures d’avance sur nous. Oull partira en éclaireur dès que l’on aura l’itinéraire.
L’esprit s’exécuta et se dissipa en un nuage de sable, avant de revenir quelques minutes plus tard.
─ Prends ce sentier, dit-il en désignant un sentier coupant par la forêt, puis continue plein ouest. On en a pour 5 ou 6 heures de voyage.
Le Guerrier du Désert s’exécuta. Il bifurqua dans la direction indiquée, et intima à Oull d’ouvrir la voie. Le rapace comprit la demande de son ami, et monta comme une flèche dans les airs, avant de filer vers l’horizon.
Braise, s’engouffra à travers les bois à pleine vitesse, soulevant un nuage de poussière à son passage sur le chemin de terre. La végétation, se densifia rapidement, le Guerrier du Désert dû baisser la tête pour ne pas être fauché par la branche basse d’un arbre.
Après 2 heures de chevauchée dans les broussailles, le Guerrier du Désert et Braise, débouchèrent dans une large plaine herbeuse et vallonnée. Selon les conseils de Sable, l’Épéiste fila droit vers l’occident. Il devait faire vite, chaque minute passée réduisait les chances de survie du groupe. Le Guerrier du Désert ne pouvait qu’espérer arriver à temps.
***
Dans l’obscurité de la crypte, la Paladin abattit sa masse sur le crâne du peau-verte, armé d’une lance à la hampe raccourcie. La tête du monstre éclata comme une pastèque. Son casque ne lui fut pas d’un grand secours et plia comme du papier. La Combattante, assena un violent coup de poing au gobelin qui lui faisait face, lui broyant la trachée. La gorge du petit démon se remplit aussitôt de sang, le tuant par asphyxie. Sans souffler, l’Amazone frappa un second ennemi, d’un coup de pied circulaire bien placé. La tête du peau-verte, armé d’une petite masse d’armes, et équipé d’une cotte de maille, opéra un demi-tour sur elle-même, et sa nuque se brisa dans un craquement sinistre. Cet enchainement de coups illustrait parfaitement la maîtrise des arts martiaux de la jeune femme, justifiant son statut de chef du groupe.
De leur côté, le Berserker et la Forestière elfe, mirent en pièces les trois derniers gobelins, à grands coups de hallebarde et de sabre. Leur tâche était de couvrir le Mage Drow, et ils s’en acquittaient à merveille. En quelques secondes, les six gobelins étaient tous occis, gisant sur les dalles de pierre érodées de la crypte. Le groupe, n’en était pas peu fier et reprit son avancée dans la crypte. Même si le groupe n’en était pas à sa première chasse aux gobelins et encore moins sa première aventure, aucun des aventuriers ne releva le fait l’équipement des gobelins qui était d’une qualité élevée.
S’enfonçant toujours plus dans l’obscur caveau, le groupe progressait en file indienne, éclairé par 3 lanternes. L’une portée par le nain, la seconde par le Mage Drow et la dernière par la Paladin, offrant ainsi au groupe une luminosité optimale. L’obscurité était l’alliée des gobelins, ils y voyaient comme en plein jour. Qu’ils l’aient compris ou non, ces aventuriers avaient fait le bon choix. Ils continuèrent d’avancer, avec assurance, certains d’achever cette quête aisément. Les habitants du village voisin, les avaient mandés après qu’une partie de leur bétail ait été tuée. Mais avant que la guilde n’ait le temps de les envoyer, une jeune fille avait disparu, sans-doute enlevée par les monstres. Les villageois, n’avaient pas mis longtemps à trouver le repère des gobelins et l’avaient indiqué aux aventuriers.
L’Amazone et ses comparses, étaient entrés dans la crypte à l’approche de midi, soit en plein milieu du sommeil des petits démons. Un choix censé, au premier abord, mais que certains vétérans n’auraient pas approuvé. Tout se passa bien pendant encore quelques minutes, mais en arrivant sur une grande terrasse, l’Amazone Combattante sentit qu’elle marchait sur un fil. Elle retira précipitamment son pied, pensant marcher sur un piège, mais c’était une erreur. Le fil de pêche se cassa, et un grand fracas métallique résonna en contrebas de la plateforme.
« Merde ! S’exclama le Berserker. Une alarme ! »
À peine avait-il prononcé ces mots, qu’une cacophonie de cris aigus et de pas se fit entendre de tous les côtés. En bas des escaliers de multiples yeux rouges brillèrent, les ennemis approchaient.
Réagissant comme un seul homme, les aventuriers se mirent en formation défensive, arme au poing. Ils allaient vendre chèrement leur peau, les gobelins allaient devoir se battre férocement pour les vaincre, après tout ce n’était que des gobelins. Tandis que les peaux vertes se ruaient vers la terrasse, tout au fond de l’antique sépulture, un sarcophage orné d’étranges symboles trembla. Puis son couvercle bougea, et de l’ouverture de la boîte de granite, jaillit une griffe obscure.