Sabre des Dunes I
Il était plus de midi, lorsque l’Épéiste franchit à nouveau la porte de la guilde. Il n’avait pas vu le temps passer et il avait fallu que Sable remonte à la surface pour qu’il réalise qu’il était sous terre depuis plus de quatre heures. Entretemps, le guerrier du désert avait tué une trentaine de rats géants ainsi qu’une dizaine de cafards géants, répugnants. Bien sûr son épée était restée propre, mais son armure et sa cape étaient tachées de l’immonde sang des créatures souterraines. Il allait devoir les laver et se laver lui-même.
Oull battait des ailes et poussait des cris de mécontentement, à cause de l’odeur de son maître. Ils ne devaient pas trop s’attarder.
Les quelques aventuriers présents à cette heure tardive à la taverne, étaient peu nombreux. Il n’y avait que deux groupes massés autour d’une table. Le premier était entièrement composé de rangs argent. Il y avait un guerrier lourd humain, une femme chevalier et deux Réahs (hobbit) une druidesse et un éclaireur. Le second comportait deux rangs porcelaine, un apprenti guerrier au cheveux blond foncé et une prêtresse novice à la chevelure rouge.
Alors que le guerrier du désert s’avançait vers le comptoir, les deux rangs porcelaines s’aperçurent de sa présence. N’ayant pas fait attention à lui le matin, ils découvraient tout juste le nouveau venu. À la vue de son équipement et de Oull juché sur son épaule, ils demandèrent qui était cet étranger aux autres aventuriers. Le guerrier lourd leur expliqua brièvement qu’il s’agissait d’un nouveau rang porcelaine, s’étant enregistré le matin même.
Les deux novices eurent du mal à croire qu’il était au même rang qu’eux. En le voyant, la jeune prêtresse avait cru avoir affaire à un rang Acier ou Saphir, pas à un débutant comme eux. Et il y avait de quoi : l’Épéiste était nettement plus musclé que le guerrier novice et son équipement était de bien meilleure qualité que le leur. Mais son accoutrement était également d’un style peu commun, que la prêtresse n’arrivait pas à identifier, en particulier son casque.
« C’est un turban. Expliqua alors la druidesse. C’est ce que portent les habitants des pays d’orient.
─ Il viendrait de si loin ? Demanda le Guerrier.
─ Aucune idée, répondit la Femme Chevalier, personne n’a pu lui poser la question avant qu’il ne parte à la chasse aux rats géants ce matin.
A la mention de la quête sur les rats géants, le guerrier débutant regarda sa camarade.
─ Tu penses qu’il accepterait de rejoindre notre groupe ?
La jeune fille se gratta le menton, faisant mine de réfléchir.
─ Eh bien, une paire de bras en plus ne serait pas de trop.
Le jeune guerrier, souriant, se leva, suivi de sa compagne et s’avança à la rencontre du guerrier au turban.
Ce dernier, arrivant au comptoir de la guilde, tenait un petit sac en cuir. Alors que le guerrier au cheveux blonds s’approchait, talonné de près par sa compagne en tenue sacerdotale, le guerrier du désert faisait son compte rendu à la réceptionniste.
─ Avez-vous pris les oreilles de vos victimes ?? Demanda-t-elle.
En guise de réponse, guerrier du désert déposa le sac en cuir sur le comptoir et l’ouvrit. La réceptionniste manqua de pousser un cri et le Guerrier débutant, qui arrivait à son tour au niveau du comptoir voulant interpeler son confrère, ouvrit de grands yeux ronds. Une trentaine d’oreilles de rats géants s’étalaient sur le carré de cuir.
La jeune femme se racla la gorge et tâcha de recouvrer son calme avant de dire :
─ Hum. Ah oui quand même, vous n’étiez pas obligé d’en tuer autant.
─ Navré, je perds facilement la notion du temps.
Le l’Épéiste se gratta la nuque, un peu mal à l’aise, sa tactique de ne pas attirer l’attention durant ses débuts d’aventurier semblait compromise. En effet, chasser trente rats géants au lieu de seulement cinq dès sa première quête n’est pas vraiment ce que l’on pouvait appeler être discret.
La preuve : le Guerrier novice et son amie prêtresse étaient impressionnés et le groupe de rangs argent commençait à le fixer avec insistance. Le jeune homme s’appliqua cependant à conserver son calme et récupéra sa prime avant de quitter la guilde à grandes enjambées.
L’Apprentie prêtresse et son compagnon, restèrent pantois pendant plusieurs secondes devant la porte de la guilde. Finalement les deux rangs porcelaine retrouvèrent leurs esprits, et se retournèrent alors vers la réceptionniste. La prêtresse se pencha par-dessus le comptoir et parla presque d’une traite :
─ Il a vraiment tué autant de rats en une journée ? Demanda-t-elle.
─ Eh bien, comme toutes les oreilles qu’il a données sont celles de droite. Alors oui on dirait bien.
Les deux débutants ouvrirent si grand la bouche, que l’on aurait pu croire que leurs mâchoires allaient tomber.
Quelque peu désorientés, la prêtresse et le guerrier retournèrent s’asseoir. Le groupe rang argent, n’avait fait qu’observer la situation de loin, sans avoir vraiment vu quoi que ce soit. Les vétérans demandèrent donc à leur cadet ce que l’aventurier au turban avait fait pour les mettre dans cet état.
Ces derniers racontèrent donc ce qu’il s’était passé au comptoir. En écoutant les explications de leurs comparses, les quatre rangs argent eurent des réactions diverses. Le guerrier lourd se gratta le menton d’un air pensif, la femme chevalier plissa les yeux. Mais la druidesse et l’éclaireur Réahs eurent des réactions bien plus visibles :
─ Quoi ?! Il a zigouillé trente rats géants à lui tout seul ! s’exclama le réah.
─ Et en une seule matinée ?
Compléta sa camarade, avant d’ajouter :
─ Nous, pour atteindre un tel nombre, il nous avait fallu presque une semaine passée dans les égouts ! Comment a-t-il pu tuer autant de rats tout seul en si peu de temps ?!
Le Guerrier lourd garda le silence, mais la Femme Chevalier n’en fit pas de même :
─ Il faudra que l’on ait une petite discussion avec ce jeune bretteur, dit-elle, à l’attention de son imposant camarade en armure.
Le Guerrier lourd hocha la tête avec un petit sourire en coin. Pour lui, l’arrivée du Guerrier du Désert annonçait de sacrés événements à venir.
Le Guerrier du Désert, rentra chez lui aussitôt après être sorti de la guilde, et se prépara un grand baquet d’eau chaude parfumée au miel et à la rose. Une douce odeur se répandit dans la chambre.
L’Épéiste se déshabilla tandis que Oull, faisait sa toilette dans une petite bassine mise à sa disposition. Le jeune homme se plongea dans l’eau chaude et délicieuse, et poussa un long soupir de plaisir. En sentant ses muscles se détendre, le Guerrier du Désert eut envie de s’endormir.
Mais, il ne pouvait pas encore se le permettre, il lui restait des choses à faire. Il sortit, à contre-cœur, du bain et se rhabilla en vitesse. Son pantalon et sa chemise enfilés, le jeune homme acheva son installation, débutée le matin même.
Une fois ses vêtements rangés dans l’armoire, le Guerrier du Désert sortit un paquet en tissu de forme circulaire et plat. Il l’ouvrit, et en sortit un bouclier rond en fer, sur lequel on pouvait voir un soleil dans lequel se dessinait la silhouette d’une tête de lion rugissant. Le Guerrier du désert se sentit idiot de ne pas avoir emporté ce bouclier pour sa première mission. Un bouclier était très utile pour se protéger pendant les combats. Cela l’obligeait à employer un style de combat moins offensif, ce qui ne lui correspondait pas. Pourtant, il allait en avoir besoin. C’est pourquoi il saisit une trousse de matériel, son bouclier et son armure de cuir puis commença à travailler. Il découpa, assembla, cloua…Et après une bonne heure de travail, il obtint le résultat qu’il espérait.
Il enfila son équipement complet et se rendit dans la cour, son bouclier dans une main et son cimeterre dans l’autre. Il fixa son cimeterre dans le dos, ensuite son bouclier. Puis en un éclair, il dégaina son bouclier et son sabre. L’écu en métal se décrocha sans problème du harnais avec un faible bruit métallique.
L’arme du Guerrier du Désert suivit sans problème. L’Épéiste était content de son travail, il avait passé les derniers mois à travailler sur cette attache dorsale destinée à son bouclier. Le but étant bien sûr de lui permettre de le sortir le plus rapidement possible, n’importe où, n’importe quand. Si certains guerriers novices ne prenaient pas de bouclier, par pur esthétisme, le Guerrier du Désert se rappelait bien les conseils qu’il avait reçus deux ans plus tôt. L’aventurier rengaina ses armes et répéta le mouvement pendant environ une heure. Tandis qu’il dégainait et rengainait son équipement de plus en plus vite, le Guerrier du Désert se remémorait sa rencontre avec l’aventurier à qui il devait la vie.
***
Alors que le Hobgobelin allait l’achever, une lame lui avait transpercé la gorge. Le monstre s’était écroulé, pour céder la place à un homme en armure crasseuse coiffé d’un casque en acier cabossé. À son cou pendaient des plaques rouges, la preuve qu’il était un aventurier. L’étrange aventurier avait ramené le Guerrier du Désert au camp de ce dernier, où il avait pu être soigné, avant de disparaître.
Cependant, en interrogeant les habitants du village proche de l’antre des gobelins, les marchands avaient appris que la guilde d’aventurier la plus proche se situait dans une ville à environ une journée de voyage vers le sud. La caravane pris donc la direction du Sud, et arriva rapidement à la fameuse ville frontalière.
Aussitôt arrivé en ville, le Guerrier du Désert s’était rendu à la guilde. Là, il avait donné la description de son sauveur au comptoir. De fil en aiguille, il avait réussi à le retrouver et avait ainsi pu échanger quelques mots avec lui. Après lui avoir présenté ses remerciements, il avait demandé au guerrier casqué comment s’était passé sa chasse aux gobelins.
Sur un ton calme, l’aventurier avait alors annoncé que deux groupes d’aventuriers de rang porcelaine, et un de rang acier avaient été massacrés par les gobelins en essayant de réaliser la quête.
Sous le choc, le Guerrier du Désert demanda si cela arrivait souvent. L’aventurier en armure lui répondit que oui. En entendant ça, l’Épéiste avait alors réalisé qu’il avait de grande chance d’y rester. Il questionna l’aventurier sur ses méthodes pour réussir à chasser les gobelins seuls. L’homme lui transmit alors des conseils qui resteraient gravés dans son esprit pour toujours :
─ un bouclier et une épée pas trop grands pour les espaces confinés, lieu de vie classique des petits démons ;
─ un casque pour protéger l’arrière du crâne ;
─ une armure de cuir et une côte de mailles pour bouger vite et se protéger des coups de dague ;
Et quantité d’autres conseils.
Après avoir écouté tous les conseils de l’aventurier, le Guerrier du Désert fit le choix d’attendre deux ans de plus avant de devenir aventurier. Avant de repartir avec son oncle, il demanda son nom à l’aventurier casqué, il dit qu’on l’appelait Goblin Slayer, le Crève-Gobelins.
***
Le Guerrier du Désert rengaina une dernière fois ses armes, et expira un grand coup. Il transpirait à grosses gouttes, cela faisait deux bonnes heures qu’il s’entraînait à dégainer ses armes le plus rapidement possible. Son petit bricolage était au point, le bouclier se détachait sans problème de son dos et son cimeterre quittait son fourreau avec la même facilité. Il savait qu’il aurait dû emporter son bouclier pour sa première chasse aux rats géants, cependant, il craignait que cela ne le gêne avant qu’il ne fasse les réglages avec son équipement. Car s’il maîtrisait le style de combat épée et bouclier, il était beaucoup plus rapide avec son épée seul. Pour des animaux comme les rats géants, il estimait que pour sa première mission, il n’en avait pas besoin, mais contre des gobelins et des monstres plus coriaces que ces rongeurs, il allait en avoir besoin.