Sabre des Dunes I
Le Guerrier du Désert jaillit de la forêt au triple galop, le village se dessina à l’horizon, la colline de la crypte se trouvait un peu plus loin à l’ouest. Oull descendit des cieux en piqué et se reposa sur l’épaule de son maître, le Djinn ne tarda pas à se matérialiser à son tour.
« Alors ? Demanda l’Épéiste, à l’esprit.
─ Ils sont déjà dans la crypte.
Le Guerrier du Désert jura et talonna Braise, filant droit vers la colline du cimetière. Le cheval était fourbu, l’aventurier le savait, mais il l’encouragea à fournir un dernier effort et ce fut à bout de souffle que Braise déposa son cavalier à l’entrée de la crypte. Le Guerrier du Désert envoya sa monture se cacher dans la forêt loin du danger. Sans perdre une seconde, l’Épéiste s’équipa : arc et flèches, sachet d’arômes pour masquer son odeur, son cimeterre, son Katar et son bouclier, tout était là. Il alluma sa lanterne, et entra dans la crypte au pas de course, épée au clair et bouclier au bras, Oull toujours perché sur son épaule.
Au début du dédale, le Guerrier du Désert n’eut aucun mal à remonter la piste du groupe. Mais lorsque les dépouilles de gobelins se firent rares, il dut envoyer Oull et Sable en éclaireurs afin de retrouver leur piste dans ce labyrinthe sépulcral. Il avait compté quinze gobelins morts depuis l’entrée du tombeau. C’était déjà un nombre suffisant pour constituer un danger sérieux pour les aventuriers.Mais le Guerrier craignait fort que ces morts ne soient que l’avant-garde, et qu’en plus de la menace qu’il avait vu en rêve, il n’y ait une horde de peaux vertes bien trop importante pour un groupe de débutants. Le Djinn et le hibou ne mirent pas bien longtemps à revenir.
─ On les a trouvés ! S’exclama le spectre.
Le Guerrier du Désert accrocha son bouclier dans son dos, et se remit à courir à pleine vitesse. Suivant Sable avec Oull à ses côtés, le Guerrier du Désert traversa la crypte à toute allure. Il ne tarda pas à entendre les échos du combat, qui se déroulait à l’étage inférieur de la crypte. Le tournant suivant, le fit déboucher sur un couloir menant droit sur une terrasse. À présent, il distinguait clairement les cris bestiaux des gobelins des paroles du groupe d’aventuriers, apparemment, ils n’étaient pas en position de force. La terrasse était maculée de sang et de plusieurs cadavres de petits démons, le Guerrier du Désert se précipita sur la barrière de marbre, et observa la situation. Une quarantaine de gobelins encerclait les aventuriers, plusieurs peaux vertes avaient déjà trépassé, mais les monstres demeuraient en supériorité numérique. Le groupe d’aventuriers s’était placé en cercle, afin de couvrir tous les angles morts. Mais cela ne leur permettrait pas de tenir éternellement. Le Guerrier du Désert réfléchit à toute allure, mais bien vite Oull et Sable l’interpellèrent :
─ Ils vont se faire canarder, gamin ! »
S’exclama le Djinn, tandis qu'Oull tirait l’oreille de son maître afin d’attirer son attention. L’Épéiste tourna la tête et vit le problème : sur une autre plateforme, légèrement plus haute que celle des aventuriers, deux gobelins s’apprêtaient à cribler le groupe de projectiles, un avec une fronde et le second avec un arc grossier. À cette distance et sans casque les aventuriers serait mis hors-jeu avant d’être massacrés par la meute de peaux-vertes.
Sans réfléchir davantage, le Guerrier du Désert dégaina son Katar et visa les deux tireurs. Les lames en croissant de lune fendirent l’air en tourbillonnant, décrivant un arc de cercle parfait au-dessus du vide. Le Katar trancha net la jugulaire du premier monstre, avant de transpercer le crâne de son camarade. Ce dernier tomba de la plateforme et s’écrasa en contre bas sur l’un de ses comparses.
Plusieurs petits démons tournèrent alors leur regard vers la plateforme. Profitant de ce moment de surprise, l’Épéiste n’hésita pas et se jeta dans la mêlée, sabre et bouclier en main. Oull s’envola dans les airs et prit de la hauteur afin de repérer l’ennemi pour son maître. Déboulant dans l’escalier, le guerrier trancha la gorge du premier gobelin à sa portée, avant de transpercer celui à sa droite en plein cœur. Frappant et parant les coups à toute allure, le Guerrier du Désert ne tarda pas à rejoindre le groupe encerclé. Les aventuriers très surpris de voir le débutant débarquer dans la crypte, n’eurent cependant pas le temps de poser de question.
Quatre Hobgobelins venaient de sortir du couloir tous armés d’armes d’acier et équipés de côte de maille.
Le premier fut pour la Combattante, le monstre haut de presque deux mètres chargea de son pas lourd et l’Amazone fondit sur son ennemi avec l’agressivité d’une bête sauvage. Elle lui décrocha un violent coup de pied rotatif directement dans la mâchoire. L’os du colosse verdâtre se brisa net tandis qu’il rugissait de douleur. Le second Hob voulut s’en prendre à l’Amazone à son tour, mais son élan fut stoppé net par la masse d’armes de la Guerrière Sacrée. Le coup le cueillit en pleine poitrine et le fit reculer en arrière sur deux mètres, le séparant de son groupe. La Paladin ne s’arrêta pas et attaqua une nouvelle fois. Le peau-verte tenta de bloquer la masse à l’aide de son écu en chêne, il y parvint de justesse.
Cependant, l’arme de l’aventurière était de bonne qualité et sa force non-négligeable, le bois du bouclier vola en éclats et la main du gobelin fut broyée. Hurlant de douleur et de rage, le monstre repoussa l’arme de son adversaire de son bras blessé, avant de répliquer à l’aide de sa lourde hache. L’acier de l’arme fendit l’air à toute allure avant de s’écraser au sol. La Paladin s’était écartée d’un pas de côté de la trajectoire de l’attaque et d’un puissant mouvement abattit violemment sa masse d’acier sur le crâne du Hobgobelin qui se brisa comme une coquille d’œuf.
Les morceaux d’os et de chair giclèrent sur le sol dallé de la crypte. Le Hob suivant, n’ayant pas vu ses deux camarades trépasser, fonça sur le Mage et ses deux camarades. La Forestière et le Berserker ne lui laissèrent aucune chance, l’Elfe faucha son bras armé d’un coup de hallebarde bien placée avant que le Nain ne lui fende le crâne d’un grand coup de son sabre. De son côté, le Guerrier du Désert s’employait à briser l’encerclement des gobelins.
Ramassé sur lui-même, il frappait de tous les côtés, donnait des coups courts et vifs, à tel point qu’on aurait pu le prendre pour une tornade ! L’un des gobelins fonça sur lui, son javelot en avant. Le Guerrier du Désert plaqua la lance au sol d’un puissant coup de pied sur la hampe, la brisa comme une brindille à l’aide de son bouclier avant de trancher la jugulaire de son ennemi. Le monstre se vida de son sang en quelques secondes.
Les gobelins tentaient à nouveau de l’encercler, mais l’Épéiste bougeait trop vite, brisant sans arrêt leur formation et lardant la masse des peaux-vertes à coups de taille et d’estoc, les monstres finissant le crâne percé, égorgés ou encore éventrés. Face à ce spectacle, le dernier Hob encore debout se mit à bouillir de rage.
« GRAAAOORRGH !! »
Le colosse, armé d’un sabre courbé fonça sur le guerrier et abattit sa lame de toute sa force afin de le couper en deux. Le Guerrier du Désert bloqua le coup à l’aide de sa rondache, le tranchoir frappa le bouclier dans un violent choc métallique. Mais la force du monstre fit reculer l’Épéiste de plusieurs mètres et il ne conserva son équilibre qu’au prix d’une roulade maladroite. Un rapide coup d’œil sur son adversaire suffit à faire comprendre au Guerrier du Désert, que son bouclier ne lui servirait à rien face à la force brute du Hobgobelin. Alors que le peau-verte s’approchait de lui pour l’achever, l’Épéiste rangea sa rondache et fonça sur son ennemi à la vitesse de l’éclair tenant fermement son sabre à deux mains. Cette nouvelle posture de combat permettait au Guerrier du Désert d’employer toute sa vitesse et sa force. Le Hob tenta de le faucher, l’Épéiste fit un pas de côté, tournoyant sur lui-même, il passa juste sous le tranchoir de son adversaire.
Son cimeterre pivota et d’une simple poussée, il enfonça la lame dans le genou du Hob. L’articulation se brisa alors qu’un flot de sang giclait de l’estafilade. Privé de l’un de ses points d’appui, le peau-verte tomba à genoux, immobilisé. Dans un élan de désespoir et de rage, le Hob tenta une ultime attaque et abattit son tranchoir d’un puissant coup de haut en bas. Mais une fois de plus, le Guerrier du Désert esquiva et le tranchoir ne fendit que du vent.
Sans perdre une seconde de plus, le Guerrier du Désert prit appui sur l’arme puis sur le bras du Hob, avant de lui enfoncer son cimeterre dans la gorge d’un coup d’estoc bien placé. Il retira sa lame si vite qu’un simple filet de sang la macula. Tout s’était déroulé si vite que le Hob ne réalisa qu’il était mort que lorsqu’il s’écroula sur le sol glacé de la crypte.
À la vue de leurs chefs massacrés, les gobelins, aussi bien enragés qu’effrayés perdirent toute organisation et le combat tourna à la boucherie. Le son de la chair déchiquetée retentit et l’infâme odeur des boyaux et du sang se répandit dans toute la pièce. Tous les peaux-vertes cherchant à fuir furent tués d’un coup dans le dos. À la fin du combat, une trentaine de gobelins jonchait le sol et l’escalier était recouvert de leur sang et de leurs tripes baignant dans un flot cramoisi. Le Guerrier du Désert rengaina ses armes et récupéra son Katar, après une rapide addition, il compta trente gobelins en plus des quatre Hobgobelins.
Avec les gardes que les aventuriers avaient tués sur le chemin, cela élevait le nombre total à une horde de quarante individus, soit le double des pronostics de la Guilde, ce qui confirmait son rêve.
« Heureusement qu’ils n’ont laissé aucune sentinelle sonner l’alarme, souligna le Djinn. »
Il avait raison, l’Épéiste devait reconnaitre l’efficacité du groupe sur ce point-là. En tuant rapidement chaque sentinelle, ils avaient ainsi pu progresser dans le souterrain sans être repérés. Enfin, jusqu’à cette alarme.
Le Guerrier du Désert se retourna pour parler au reste du groupe et fut surpris de se retrouver nez à nez avec l’Amazone. La jeune fille à la chevelure rousse fixait intensément le guerrier porcelaine de ses yeux vert émeraude. Voulant éviter de montrer son inquiétude, il aborda un air serein avant de demander simplement à la jeune fille :
« Il y a des blessés ?
Cette question sembla faire mouche. La combattante se retourna vers son groupe. C’est alors qu’elle réalisa que le mage avait reçu un coup de dague dans la cuisse et gisait dos au mur, entouré de ses camarades, le visage pâlissant à vue d’œil. À la vue de la plaie écarlate, le Guerrier du Désert s’empressa de ramasser l’arme rouillée que la Paladin avait jetée au sol après l’avoir retirée de la jambe de son camarade.Le guerrier huma la lame. Il y décela une odeur ignoble : du poison. L’Épéiste se jeta presque sur le Drow : il l’empoigna par le col, sortit une fiole d’antidote de sa besace, la déboucha et l’enfourna dans la bouche du mage. L’elfe à la peau sombre se débattit, sans résultat. Si la puissance magique du Drow surpassait de loin celle du jeune humain, le rapport de force physique était inversé.
Il fallait faire vite, le guerrier espérait qu’il n’était pas trop tard. Les mots du Goblin Slayer sur les armes empoisonnées des gobelins lui étaient revenus assez vite, du moins l’espérait-il. Le Mage toussota un peu, mais finit par boire le liquide curatif, le Guerrier du Désert le lâcha. Les autres membres du groupe qui jusque-là étaient restés interdits face à la scène intervinrent. Le Nain et la Forestière Elfe attrapèrent l’Épéiste par les épaules et le tirèrent en arrière. Tandis que la Paladin s’assurait de l’état de son comparse lanceur de sorts.
─ Qu’est-ce que tu lui as fait boire ! Hurla le nain en agrippant le guerrier par le col.
─ Un antidote. Répondit ce dernier en montrant la dague grossière du gobelin.
L’elfe saisit l’arme et la renifla, avant de renâcler devant la puanteur de la mixture toxique la recouvrant. La Forestière attira l’attention du Berserker et lui fit une rapide explication. Quelque peu déçu de ne pouvoir frapper l’Épéiste, le Nain le lâcha avec un petit grognement.Le Drow quant à lui essuya les gouttes de sueur qui perlaient sur son front et son visage reprit rapidement sa couleur habituelle. Le Guerrier du Désert poussa un soupir de soulagement, l’antidote avait été administrée à temps.Le Mage toussota avant de se relever complétement, utilisant son bâton comme appui. Son regard ambré se posa sur le Guerrier du Désert. Bien qu’il fût reconnaissant à l’humain de lui avoir sauvé la vie, le Mage ne lui faisait pas encore confiance.
─ Que fais-tu ici ? demanda-t-il.
─ Je viens vous éviter une mort certaine au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, répondit l’Épéiste.
─ Comment savais-tu que l’on serait en difficulté ? dit l’Amazone.
Le Guerrier fixa le sol, embarrassé par la question, il ne voyait pas comment répondre à la question et il y avait plus urgent.
─ Pour le moment, je ne peux pas répondre. Il y a autre chose dans cette crypte. Et c’est beaucoup plus dangereux que des gobelins.
Interloqué, le groupe réitéra sa question. Le Drow donna une réponse :
─ Je crois savoir comment il sait tout ça.
Les aventuriers dévisagèrent le lanceur de sort surprit.
─ De quoi parles tu ? demanda le Nain.
─ Je parle de l’esprit qui l’accompagne, dit le Drow en plissant les yeux.
Le Guerrier du Désert se raidit. Le Mage n’était pas le premier à pouvoir sentir la présence de Sable, mais il ne pensait pas qu’un rang obsidienne en soit capable.
─ Un esprit ! S’exclama l’Elfe des bois. Tu parles sérieusement ?
Le Mage hocha la tête. L’équipe se mit à fixer sévèrement l’Épéiste. Le jeune homme, mal à l’aise, il se mit à transpirer.
─ Je pense qu’il vaudrait mieux que je me montre. Dit le Djinn.
Le Guerrier du Désert acquiesça avec un soupir.
─ Alors gamin, tu as perdu ta langue ? S’impatienta le Berserker Nain.
C’est alors qu’une voix ancestrale résonna.
─ Surveille la tienne le barbu.
C’était comme si le son provenait de partout à la fois. Les mots fouettaient l’air avec la force d’une bourrasque. Les aventuriers balayèrent toute la pièce du regard.
L’air sembla se distordre, un tourbillon de poussière se condensa formant peu à peu une silhouette, le Djinn se matérialisa devant les yeux écarquillés du groupe. De son corps, seul son buste était visible, ses jambes étaient remplacées par un nuage de sable. L’esprit avait l’apparence d’un humain, sa peau était de couleur ocre, son crâne était tatoué et son menton arborait une longue barbe noire.
Le Nain et la Paladin portèrent la main à leurs armes, mais l’Amazone et le Mage Drow coupèrent cour et entreprirent de tempérer leurs fougueux camarades.
─ Allons petits mortels, je ne suis pas votre ennemi.
Bien que peu rassuré, le Nain lâcha ses lames et la Paladin reposa sa masse. La guerrière sacrée lança un regard interrogateur à son camarade Drow :
─ Comment as-tu su pour cet esprit ?
─ La première fois où on l’a vu à la guilde hier. J’ai senti une présence imprégnée d’une puissante aura magique qui l’entourait, répondit l’elfe noir.
─ Pourquoi tu n’as rien dit ? demanda l’Amazone.
─ Ça ne nous concernait pas.
La chef de groupe hocha gravement al tête, elle comprenait le choix de son camarade, à ce moment-là en effet cette information concernait uniquement le Guerrier du Désert.
─ Je ne vois pas en quoi cet esprit explique le fait qu’il savait pour notre situation. Rétorqua le Nain.
─ C’est trop long à expliquer pour l’instant, il faut sortir de la crypte avant tout. C’est dangereux de rester là ! S’exclama le Guerrier du Désert.
Le Nain et l’Amazone voulurent répondre quelque chose, mais tout à coup la Forestière leva le bras comme pour couper court à la discussion. Les oreilles frémissantes, elle fixait le couloir situé à l’autre extrémité de la plateforme.
À l’exception de l’Épéiste, tous savaient ce que cette réaction signifiait : l’Elfe à l’ouïe aiguisée avait perçu un danger, des ennemis approchaient.
─ Combien sont-ils ?
Demanda l’Amazone alors que le reste du groupe se mettait en action en dégainant leurs armes.
─ Je dirais dix gobelins ordinaires et deux Hobs, et autre chose…plus grand et plus rapide
À ses mots le Guerrier du Désert dégaina son arc et encocha une flèche, se préparant au combat. Il envoya Sable en éclaireur, aussitôt l’esprit s’engouffra dans le boyau sous-terrain sous les regards inquiet des aventuriers.