Un monde d'Arcs-en -ciel

Chapitre 18 : Jane

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Dernière mise à jour 02/02/2012 08:15

Chapitre 18 : Jane



         Hayami Eisuke attendait son fils dans le salon. Lorsque Masumi arriva, il lui demanda :
-Alors, ce spectacle, comment était-ce, Masumi ?
-Prodigieux, Otô-san. Nous avons vu deux authentiques princesses, interprétées par deux actrices au talent fabuleux.
-D’Ayumi-kun, ça ne m’étonne pas. Mais cette Kitajima Maya qui t’intéresse tant, est-elle si bonne ? J’ai du mal à le croire.
-Vous ne la connaissez pas. Je la crois encore plus talentueuse qu’Ayumi-kun.
-Bon, mais ce n’est pas pour ça que je voulais te voir. Tu vas avoir bientôt vingt huit ans. Ne crois-tu pas qu’il serait temps de te caser ?
-Encore une tentative de mariage arrangé ?
Eisuke lui tendit une photo.
-Regarde. Elle s’appelle Takamiya Shiori et elle vient d’avoir vingt ans. C’est la petite fille de Takamiya Hiroshi, fondateur du groupe du même nom. Tu connais sûrement. Elle est jolie, fine, intelligente et a reçu une excellente éducation. Qu’en penses-tu ?
-C’est vrai qu’elle a l’air d’une agréable personne, mais non merci. Je suis très bien comme ça.
-Tu ne comprends pas. Takamiya Hiroshi m’a proposé une fusion de nos deux groupes. Cela ferait de nous la première puissance financière et politique du Japon.
-Fort bien, mais quel est le rapport avec moi ?
-Il n’y met qu’une condition : que tu épouses Shiori-san. Son fils est une chiffe molle, un incapable. Aussi compte-t-il sur toi pour prendre la relève quand le moment sera venu.
-Si je comprends bien, vous me « vendez » à lui ?
-Nous n’avons pas le choix. Et puis, avoue que c’est un bon parti, non ?
-Bon, j’accepte de la rencontrer, mais je ne vous promets rien !
         Le lendemain de la première, Maya trouva dans sa loge un bouquet de roses pourpres avec ce mot :
 « Kitajima Maya-sama
Votre princesse Aldis était sublime. Elle m’a “
cloué”  sur mon fauteuil. Je suis impatient de vous voir jouer dans votre prochain rôle. Encore merci pour ce moment de pur bonheur que vous m’avez donné.
Votre dévoué admirateur.
»
« Cloué sur son fauteuil » ? Ça me dit quelque chose… Non ! Ça ne peut pas être lui ! C’est sûrement une coïncidence. Au fait, je devrais remercier Hayami-san. Après tout, c’est lui qui m’a dirigé vers le théâtre Nittei.
Dès le lendemain, elle se rendit à l’immeuble Daito pour y accomplir ce pénible devoir. Remercier cet homme sans cœur lui était pénible, mais la politesse l’exigeait. Au moment où elle arrivait près de la porte, elle vit Masumi sortir de voiture en compagnie d’une ravissante jeune femme et entrer dans l’immeuble. Elle sentit son cœur s’arrêter de battre, et elle se retourna pour fuir. En se retournant, elle faillit percuter Saeko qui venait d’arriver.
-Tiens, Maya-chan, quel bon vent t’amène ?
-Mizuki-san, qui est cette jeune femme que je viens de voir en compagnie d’Hayami-san ?
-Ah, c’est Takamiya Shiori-san, une éventuelle fiancée pour un mariage arrangé. Mais rien n’est encore décidé.
Maya devint livide, et, s’étant excusée auprès de Saeko, elle partit en courant.
Qu’il se marie, grand bien lui fasse. Qu’est-ce que ça peut bien me faire ! Cette pauvre Shiori-san, je la plein d’avance ! Mais… Pourquoi je ressens un tel vide dans mon cœur ?
         La pièce touchait à sa fin, et les articles dans les journaux saluaient la performance des deux actrices. Certes, les louanges adressées à Ayumi étaient bien plus nombreuses que celles que reçut Maya. Mais les producteurs qui avaient vu la pièce ne s’y trompèrent pas, et les propositions de rôles affluèrent chez Maya. Mais c’étaient des rôles assez semblables à celui d’Aldis. Maya ne savait lequel choisir.
-Ne te trompe pas, Maya. Ces rôles sont bien, mais ils ne te mèneront pas loin. Si tu veux gagner ce prix d’interprétation, choisis un rôle digne de toi, qui te permette de donner toute la mesure de ton talent.
-Je veux bien, mais où vais-je trouver un tel rôle ?
Le ciel dut l’entendre, car au même moment, Kuronuma Ryuuzo, un metteur en scène considéré comme un génie, cherchait désespérément une actrice pour le rôle principal de la nouvelle pièce qu’il voulait monter. Pour cela, il regardait les enregistrements de toutes les pièces jouées récemment. C’est ainsi qu’arrivé à une scène des Deux Princesses où Maya et Ayumi figuraient, il sursauta.
-C’est elle. Aucun doute, ce sont ces yeux que je recherche depuis si longtemps. Je vais la contacter tout de suite.
Maya et Rei rentraient à l’appartement lorsqu’un homme s’avança vers elles.
-Tu es bien Kitajima Maya-kun, n’est-ce pas ? C’est toi qui as joué Aldis ?
-Oui, mais à qui ai-je l’honneur…
Rei le reconnut aussitôt. Elle n’en croyait pas ses yeux.
-Vous êtes… Kuronuma Ryuuzo, le célèbre metteur en scène ?
-Oui, c’est bien moi. Et je viens de trouver ce que je cherche depuis très longtemps. Tes yeux… Ils sont parfaits. Veux-tu jouer dans ma prochaine pièce ? C’est le rôle d’une fille élevée par des loups. Une fille-louve. Prends ce script, lis-le, et si tu te décides à interpréter ce rôle, retrouve-moi à cette adresse.
Lorsqu’elles furent seules, Rei laissa éclater son enthousiasme.
-Tu te rends compte, Maya, Kuronuma Ryuuzo, un vrai génie ! Lorsqu’Ayumi saura ça, elle va en être verte de jalousie.
Effectivement, lorsque Rei lui apprit la nouvelle, Ayumi en fut toute retournée.
-Quelle chance elle a ! À côté de Kuronuma Ryuuzo, cette vieille baderne d’Onodera n’existe même pas. Oh, je la déteste ! Rei, j’ai tant de peine… dit-elle avec une petite voix.
-Viens dans mes bras, je vais te consoler.
Ayumi se blottit dans les bras de Rei, et, levant le visage vers elle, elle lui dit d’un ton plaintif :
-Sois très, très tendre avec moi. J’ai tellement de peine !
-Tendre comme ça ?
Rei se penchant et embrassa Ayumi avec une infinie tendresse.
         Maya ne réfléchit pas trop longtemps. Une fille qui vit comme une bête sauvage, puis qui finalement retrouve son humanité, ce rôle lui plaisait. Elle sentait qu’il lui ferait dépasser ses limites. Elle décida de l’accepter. Dès que la pièce Les Deux Princesses fut finie, elle se rendit à l’adresse que lui avait donnée Kuronuma.
-J’étais sûr que tu viendrais. Montre-moi comment tu vas jouer Jane.
Maya se mit à quatre pattes et commença à grogner. Kuronuma agita un mouchoir en lui disant que c’était de la nourriture qu’elle devait essayer d’attraper. Maya bondit, mais Kuronuma l’évita à plusieurs reprises. Au dernier bond, Maya alla s’écraser contre le mur.
-Pardonne-moi d’être aussi dur, mais je voulais voir jusqu’où tu pouvais aller.
-Ne vous en faites pas. J’ai l’habitude avec Tsukikage-sen’seï, j’en ai vu de bien pires !
-Ah, Tsukikage Chigusa ! Voila une actrice que j’aurais aimé diriger…
Maya eut un sourire malicieux et lui dit :
-Avec Sen’seï, je me demande qui aurait dirigé l’autre !
         Comme il l’avait promis, Masumi sortit à plusieurs reprises avec Shiori. La jeune femme était plaisante et d’agréable compagnie. Mais pour autant, il n’avait aucune envie de l’épouser. Il allait le lui dire quand elle le prit de vitesse.
-Masumi-sama, êtes-vous vraiment d’accord pour ce mariage arrangé ?
-À dire vrai, non, pas du tout. Ne vous vexez pas, vous êtes tout à fait charmante, mais je n’ai nulle intention de vous épouser.
-Ouf ! Vous me rassurez, car moi non plus je n’en avais pas l’intention.
Masumi est étonné. Ayant l’habitude de voir toutes les femmes se pâmer devant lui, il ne s’attendait pas à cette réaction. Que voulait-elle dire ?
-Comprenez-moi. Vous aussi, vous êtes très charmant, et j’aurais pu facilement tomber amoureuse de vous. Mais cela fait vingt ans que je suis la fille gentille, bien élevée, obéissante et… et maintenant j’étouffe ! J’ai envie de profiter pleinement de ma jeunesse, avoir autant d’aventures qu’il me plaira avec tous les hommes qui seront à mon goût, avant de devenir l’esclave du mari qu’on finira par m’imposer. J’espère que je ne vous choque pas.
-Non, du tout. Je vois bien ce que vous voulez dire et votre désir de liberté est légitime. Cela me rassure de voir que nous sommes d’accord pour refuser ce mariage. Mais je ne crois pas que nos parents apprécieront.
-Faisons traîner les choses, jusqu’à ce qu’une opportunité se présente. D’accord ? Maintenant, si le cœur vous en dit, vous pourriez être le premier à… vous voyez ce que je veux dire…
-Euh… J’apprécie votre offre, mais non merci. Vous voyez, mon cœur est déjà pris et je suis plutôt du genre monogame.
-Dommage. Cette femme a bien de la chance… Bon, alors, amis ? On pourrait s’appeler par nos prénoms et se tutoyer, qu’en pense Masumi ?
-Masumi est d’accord si c’est le vœu de Shiori.
Masumi était soulagé. Il resterait libre pour Maya.  Mais oserait-il un jour lui avouer les sentiments qu’il avait pour elle ?
         Depuis quelques temps, Chigusa ne se sentait pas bien. Jouer dans Les Deux Princesses l’avait épuisée. Elle avait eu plusieurs malaises cardiaques qu’elle avait soigneusement cachés à ses élèves. Malgré ce que lui disaient les docteurs, elle sentait que son temps était très limité et qu’elle rejoindrait bientôt son âme sœur Ichiren. Il lui faudrait mettre ses affaires en ordre au plus vite.
-Genzo, nous allons partir pour la maison de la Nymphe Écarlate, dans la Vallée des Pruniers. J’ai besoin de me reposer un certain temps.
Pour ses deux héritières, elle laissa ce petit mot :
« Je pars me reposer dans un endroit tranquille. Ne vous inquiétez pas, je reviendrai dès que je me sentirai mieux. En attendant, continuez à progresser toutes les deux. Votre interprétation des deux princesses était fabuleuse, mais je suis sûre que vous pouvez faire mieux. À bientôt. »
Maya et Ayumi étaient inquiètes. Elles avaient bien remarqué la fatigue de Chigusa, mais elles ne pensaient pas que c’était à ce point.
-J’ai un mauvais pressentiment. J’ai très peur que Sen’seï…
Ayumi prit Maya dans ses bras et tenta de la rassurer.
-Ma chérie, ne t’en fais pas. Je sais à quel point tu l’aimes, mais je suis sûre qu’elle nous reviendra en pleine forme. Allez, raconte-moi plutôt comment est Kuronuma-sen’seï, je meurs de curiosité, petite veinarde !
-Ah, c’est vraiment quelqu’un ! Aussi dur et exigeant que Sen’seï. Il n’hésite pas à mettre plus bas que terre les acteurs dont il juge le jeu médiocre. Une vraie terreur !
-Et avec toi, comment est-il ?
-Il ne me ménage pas non plus, mais avec Sen’seï,  je n’ai pas été non plus ménagée ! Par contre, je ne sais pas encore qui va jouer le premier rôle masculin, Stewart.
La curiosité de Maya ne tarda pas à être satisfaite. Quelques jours plus tard, elle vit entrer dans la salle de répétition… Yuu.
-Je vous présente l’acteur qui jouera Stewart : Sakurakouji Yuu-kun. C’est un jeune homme de grand talent que j’avais remarqué dans plusieurs des pièces qu’il a joué. Bienvenue parmi nous.

 

À suivre...
 

 

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