Un monde d'Arcs-en -ciel

Chapitre 14 : Complot

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Dernière mise à jour 01/02/2012 12:34

Chapitre 14 : Complot

 
         Maya était tétanisée. L’esprit complètement vide, elle s’accrochait désespérément au mat de la grand-voile. Shigure, malgré l’interdiction du metteur en scène, grimpa aussitôt sur le grand mat. Arrivé au niveau de Maya, il lui dit :
-Je vais rééquilibrer le mat. Quand il sera à l’horizontale, reviens vers moi.
-O-Oui, mais fais vite… Je ne pourrai pas tenir longtemps.
Une fois le mat horizontal, Maya se hâta de se déplacer vers Shigure. Elle y était presque lorsque sa main glissa. Shigure eut juste le temps de lui saisir le bras et de l’attirer vers lui. À ce moment-là, toutes les lumières s’éteignirent et le système électrique d’ouverture de la porte se bloqua. Entre temps, Masumi, accompagné de Saeko arrivait à la porte du studio, en même temps que Yuu, venu voir Maya. Lorsque le courant fut rétabli, ils ouvrirent la porte et virent en haut du mat Maya dans les bras de Shigure. Masumi devient livide et crut que son cœur s’était arrêté. Il reprit vite le contrôle de lui-même, mais pas suffisamment pour que Saeko ne s’aperçoive pas de sa réaction. Quant à Yuu, il détourna la tête et quitta aussitôt le studio.
Qu’est-ce que je m’imaginais ? Qu’elle m’aurait attendu ? J’ai pu me tromper au sujet de Majima-san, mais là, il n’y a aucun doute. Ils n’étaient pas en train de jouer…
Un technicien, après avoir examiné le mat, comprit ce qu’il s’était passé. Il en parla aussitôt à Masumi.
-C’est la vis fixant le mat qui a été enlevée. Ce n’est pas un accident, mais du sabotage !
Masumi était très inquiet. Les incidents précédents étaient de méchantes blagues, mais sans danger réel. Tandis que là…
-Saeko, quelqu’un cherche à détruire Maya. Garde un œil sur elle, veux-tu ? Je vais faire enquêter sur tous les gens qui l’entourent.
-Tu peux compter sur moi. Je la suivrai comme son ombre.
Effectivement, elle ne quitta plus Maya, du matin où elle allait la prendre chez elle jusqu’au soir où elle la raccompagnait. De même, elle assistait aux répétitions et au tournage des épisodes.
Shigure avait pris sa décision. Il allait se déclarer. L’occasion lui en fut donnée lors d’une soirée donnée pour la sortie du film que Maya avait tourné durant les vacances d’été. Lorsqu’il pénétra dans la salle, tous les journalistes flairèrent un possible scoop.
-Satomi-kun, venez-vous pour déclarer vos sentiments à Kitajima-san ?
-Effectivement. Maya-chan, je t’aime et je voudrais sortir avec toi. Tu veux bien ?
-O-Oui. Je crois que je t’aime aussi.
En entendant cela, Masumi faillit faire exploser le verre qu’il avait à la main.
-Mizuki-san, permettez-vous à Maya de sortir avec moi lorsqu’elle a du temps libre ?
Refuser devant cette assemblée et devant les journalistes lui aurait fait perdre la face et aurait gravement nui à la réputation de la société Daito.
-B-Bien sûr. Maya-chan est une grande fille maintenant et elle peut sortir sans chaperon.
Elle vit à quel point ces paroles faisaient souffrir Masumi et en eut le cœur serré.
         Durant les semaines qui suivirent, Maya et Shigure passèrent ensemble les rares moments de liberté qu’ils avaient. Ses groupies, qui avaient fini par remarquer que chaque fois qu’elles s’en prenaient à Maya, cela leur retombait dessus, n’osèrent rien dire et se tinrent tranquilles. Lorsque la première fois Shigure essaya de l’embrasser, Maya détourna la tête.
-Ne m’en veux pas, Shigure-kun. Je ne me sens pas encore prête pour ça.
Elle n’osa pas lui avouer qu’elle s’était juré de n’appartenir qu’à son inconnu aux roses pourpres. De plus, elle ressentait encore la douceur de son premier baiser et voulait préserver intact  ce souvenir. De bonne grâce, Shigure accepta cette restriction. Auprès de Maya, il pouvait se montrer tel qu’il était vraiment, un jeune homme simple, bien élevé et de compagnie très agréable. Il découvrit en Maya des qualités qu’il ne soupçonnait pas et le simple fait d’être en sa compagnie le rendait heureux. Cela dura ainsi jusqu’à ce que survienne le drame.
         Dans le petit hôpital de Nagano, le directeur, acheté par l’émissaire de Masumi, avait suivi ses instructions. Tous les journaux et revues qui parlaient de Maya disparurent et la télévision du salon tomba subitement en panne. De plus, l’infirmière en chef veillait à ce que Haru n’ait aucun contact avec les autres malades. Malgré toutes ces précautions, Haru surprit un jour une conversation entre deux infirmières qui ne l’avaient pas vue.
-Tu as vu Kitajima Maya dans Lumière céleste ? Elle est fabuleuse. C’est vraiment une grande actrice !
Maya ? Ma Maya, une grande actrice ? Moi qui croyais qu’elle n’avait aucun talent. Alors Tsukikage-san avait raison ! Il faut absolument que je la revoie avant de perdre complètement la vue.
Dans la nuit, elle quitta l’hôpital sans être vue par personne et se rendit à Tokyo. En chemin, elle fut prise en stop par un aimable camionneur qui lui parla longuement de Maya, dont il était un fan inconditionnel. Arrivée sans encombre à Tokyo, elle déambula dans la rue, ne sachant où elle pourrait trouver sa fille. En traversant à un passage pour piétons, elle fut renversée par un chauffard qui, bien entendu, prit la fuite. Elle se releva péniblement, sans avoir conscience de la gravité de ses blessures. Elle entendit des passants parler du film dans lequel jouait Maya. Elle se trouvait alors justement devant l’entrée du cinéma qui passait son film. Elle y entra et prit une place pour le voir. Les images étaient troubles, mais elle reconnut parfaitement la voix de sa fille.
Mon Dieu ! Si je pouvais voir son visage, même un court instant !
Le ciel dut l’entendre car sa vue s’éclaircit quelques secondes et elle put enfin voir le visage de Maya.
Elle a l’air si rayonnante, si heureuse… Maya… ma chér…
Elle venait de succomber à son hémorragie interne.
Maya était en train de répéter sa nouvelle pièce lorsque Saeko vint lui annoncer la nouvelle.
-Ka-san… Ce n’est pas vrai, dites, Mizuki-san… Ce n’est pas vrai… Ka-san… Ka-san…
Elle tombe à genoux et se met à sangloter. À la morgue de l’hôpital, elle retrouve sa mère entièrement recouverte d’un drap. Elle découvre son visage, lui caresse les joues et les cheveux, puis elle commence à lui raconter ce qu’avait été sa vie depuis qu’elle s’était enfuie de la maison. Mizuki, qui l’a accompagnée, lui dit que c’est le moment de partir. Elle ne le montrait pas, mais elle avait le cœur serré devant la souffrance de Maya.
-NON ! Non, je viens à peine de la retrouver après plus de trois ans. Laissez-moi ! Laissez-nous seules…
-Maya-chan, n’oublie pas que tu es une actrice. Montre à ta mère quelle grande actrice tu es devenue.
Et elle commence à lire une réplique de la pièce Shangri La. Sans hésiter, Maya lui donne les répliques suivantes. Elle connait par cœur toutes les répliques de tous les personnages.
-Rappelle-toi que dans quelques jours, c’est la première. Ta mère doit sûrement être fière de toi. À présent, il faut rentrer.
Maya finit par céder et elles retournèrent à son studio. Pour ne pas la laisser seule, Mizuki resta avec elle cette nuit-là et dormit sur le canapé du salon. Les funérailles d’Haru eurent lieu le lendemain.
Otobe Norie était l’une des onze candidates au rôle d’Helen Keller évincées lors de la présélection. Elle n’avait pas digéré d’avoir été éliminée avant même d’auditionner et ne désirait qu’une chose : se venger. Elle n’avait pas eu le cran de s’attaquer à Ayumi, trop célèbre et dont les parents avaient de puissantes relations. Maya, par contre, lui semblait la cible idéale. Son plan était simple : se débarrasser de Maya et récupérer tous ses rôles. Son sponsor avait fait son enquête sur les circonstances de la mort d’Haru et apprit à Norie qu’elle avait été séquestrée à l’hôpital sur les ordres d’Hayami-san. Elle vit aussitôt le parti qu’elle pouvait tirer de cette information et lui demanda de faire venir l’infirmière en chef à Tokyo.
Saeko était furieuse après Masumi. Pourquoi ne l’avait-il pas avertie de son projet ?
-Te rends-tu compte de ce que tu as fait ? Tu savais à quel point elle désirait revoir sa mère, la seule famille qui lui restait !
-Crois-tu que je ne sais pas tout ça ? Je me le reproche suffisamment. Mais le mal est fait et on ne peut pas revenir en arrière. Je ne me le pardonnerai jamais…
La veille de la première de Shangri La, l’infirmière étant arrivée à Tokyo, Norie mit son plan à exécution. Elle entra dans la loge de Maya en larmes.
-Maya-sama, c’est terrible ! J’ai rencontré l’infirmière de votre mère, et elle m’a fait de terribles révélations ! Vous devriez écouter ce qu’elle a à vous dire.
Elle emmena Maya dans un café proche des studios où l’attendait la femme. Elle lui expliqua alors comment sa mère avait été isolée du reste du monde sur ordre d’Hayami Masumi de la société Daito.
-Et vous allez laisser passer ça ? Vous allez monter sur scène comme si de rien n’était pour la gloire et le bénéfice de la Daito ? Rappelez-vous qu’ils ont tué votre mère !
Maya avait blêmi. Elle se sentait étouffer et un soudain accès de rage obscurcit son esprit. Non, elle ne laisserait pas passer ça ! Non, elle ne jouerait pas pour la Daito.
Hayami-san, je vous détestais déjà, mais maintenant je vais vous haïr de toutes mes forces !
Pendant la nuit, tandis que Saeko dormait sur le canapé, elle quitta le studio. Elle avait laissé sur la table du salon ce petit mot :
« Désolée, je ne peux plus rester. Pardonnez-moi, Mizuki-san, je sais que vous n’y êtes pour rien. Adieu. »


À suivre…
 

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