Un monde d'Arcs-en -ciel

Chapitre 12 : La lumière céleste

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Dernière mise à jour 08/11/2016 07:07

Chapitre 12 : La lumière céleste


          Rei choisit son plus beau costume. Habillée ainsi, tout le monde la prendrait pour un homme, ce qui leur permettrait de passer pour un couple “normal”. Ayumi sentit son cœur bondir. En femme, Rei était déjà superbe, mais habillée en homme, elle paraissait encore plus belle. Maya sourit en les voyant côte à côte.
-Vous savez, si je ne savais pas que Rei est une fille, je dirais que vous formez un couple magnifique. Allez, amusez-vous bien. Et… soyez sages, d’accord ?
Elles allèrent d’abord au restaurant. Aussi intimidée l’une que l’autre, elles se dirent des banalités à faire pleurer pendant le repas. Ayumi sentit que leur rendez-vous allait s’enliser. Le cœur battant la chamade, elle posa sa main sur celle de Rei. Ce simple contact de leur peau leur donna un délicieux frisson à toutes deux, et le regard qu’elles échangèrent en disait bien plus long que toute leur banale conversation. En sortant du restaurant, elles entrèrent dans le premier cinéma venu, sans même prendre la peine de regarder quel film il passait. Elles ne perdaient pas grand-chose : un film d’essai estonien en version originale mal sous-titré en anglais. Dès qu’elles furent installées, Rei se pencha vers Ayumi et lui donna son premier baiser. Ce fut un choc pour toutes les deux. Elles n’auraient jamais imaginé que ce serait si doux et si plaisant. Pour s’en assurer, elles en échangèrent aussitôt un second, avec le même plaisir. Une violente vague de désir les envahit alors et elles quittèrent précipitamment le cinéma. Les parents d’Ayumi étaient encore une fois absents, et elle savait qu’elle pouvait compter sur la discrétion de sa nourrice Baya, qui lui était toute dévouée. Elles allèrent donc en taxi chez Ayumi. Rei fut impressionnée par la taille et le luxe de la résidence. La chambre seule d’Ayumi aurait pu contenir au moins deux appartements comme celui qu’elle partageait avec Maya. Elles allèrent prendre un bain ensemble, et elles ne se contentèrent pas de se laver mutuellement le dos et les cheveux.
 Par égard pour les âmes sensibles, je passerai sur ce bain torride.
Puis, une fois séchées, elles se couchèrent sans prendre la peine de passer une chemise de nuit. Leur première étreinte fut pour elles une véritable découverte. Aussi inexpérimentées l’une que l’autre, elles réinventèrent les baisers et les caresses les plus délicates, avec chaque fois de nouveaux plaisirs. Enfin, épuisée mais heureuse, Ayumi se blottit dans les bras de Rei, qui la serra amoureusement contre elle, et s’endormit. Dans le ciel de lit, la Dame à la Licorne en rougit et la Licorne, symbole de chasteté, détourna pudiquement les yeux. Rei était perplexe. Ce qu’elle venait de vivre lui parut irréel. C’était une expérience vraiment unique.
Je n’aurais jamais cru que faire l’amour avec une femme puisse être aussi agréable.
Le matin, lorsqu’elles s’éveillèrent, Ayumi embrassa Rei avec fougue. Celle-ci lui dit :
-Dis-moi, Ayumi chérie, c’est quoi cette horreur au dessus de nos têtes ?
Ayumi sentit une douce chaleur l’envahir. Être appelée « chérie » par Maya était seulement agréable, mais l’être par Rei… lui procura un délicieux frisson.
-Ah, elle est hideuse, n’est-ce pas ? Mais comme Maman l’aime beaucoup, je n’ai jamais osé le lui dire.
-Alors, pour toi, je la supporterai.
 Elles se virent souvent les semaines suivantes, et, ce qui au départ n’était qu’une attirance physique se transforma peu à peu en véritable amour. Ayumi en prit rapidement conscience et décida de se confier à Maya.
- Tu sais, je crois… Je crois que je suis vraiment tombée amoureuse de Rei.
- Ah bon. Et c’est maintenant seulement que tu t’en rends compte ? Alors c’était quoi avant ?
-  Ne te moque pas de moi, s’il te plaît. Dis, tu ne voudrais pas essayer de savoir…
-  Ah, vous n’allez pas recommencer ! Tu l’aimes, alors dis-le lui. Qu’est-ce que tu risques ?
- Oui, mais… et si elle ne partage pas mes sentiments ? J’aurais vraiment trop honte…
-Honte, toi ? Tu rigoles ! Tu ne l’as jamais vue quand elle rentre après t’avoir rencontrée. Elle est rayonnante et je ne l’avais jamais vue aussi heureuse. D’ailleurs, comment pourrait-on ne pas t’aimer dès qu’on te connait un peu mieux ?
- Vraiment ? Bon, je vais tenter ma chance.
La nuit suivante, Rei alla dormir chez Ayumi, comme elle le faisait parfois. Après qu’elles eurent fait l’amour avec une intensité particulière, Ayumi regarda Rei dans les yeux et lui dit :
- Rei, Je crois… Non, j’en suis sûre… Je t’aime, Rei.  Et je voudrais… Rei, voudrais-tu rester avec moi pour toujours ?
Rei poussa un profond soupir. Puis, après avoir passionnément embrassé Ayumi, elle lui dit :
- Ayumi, ma chérie, moi aussi je t’aime. Mais… je n’osais pas te le dire. Et c’est avec bonheur que je passerai le reste de ma vie avec toi.
La façon dont elles scellèrent leur engagement faillit mettre le feu à la tapisserie du ciel de lit.
Maya était ravie. Ses deux meilleures amies, qu’elle aimait tendrement, seraient heureuses ensemble, elle en était sûre. Elle était très heureuse pour elles. Elle sentit son cœur se serrer et elle soupira.
Et moi ? Aurais-je un jour le bonheur de connaître mon inconnu aux roses pourpres ? Je l’aime tant, et je suis sûre qu’il m’aime aussi. Pourquoi ne veut-il pas se faire connaître ?


********************


Chigusa avait bien réfléchi et avait pris une terrible décision. Mais il n’y avait pas d’autre solution. C’était pour le bien de Maya.
Maya, tu vas sans doute souffrir. Peut-être même vas-tu me haïr. Mais il le faut.
Elle se rendit à l’immeuble Daito et demanda à voir Masumi.
- Tsukikage-sen’seï, que me vaut le plaisir de votre visite ?
-  Masumi-kun, j’ai quelque chose à te demander.
- Vous venez m’offrir les droits de La Nymphe Écarlate ?
- Ne plaisante pas, veux-tu ? Je voudrais que tu prennes Maya en charge. Fais-lui signer un contrat avec la Daito.
-Mais elle ne voudra jamais ! Elle a juré de ne jamais travailler pour la Daito. Et puis, vous savez à quel point elle vous aime !
- Crois-tu que je fasse cela de gaité de cœur ? Moi aussi, je l’aime comme si elle était ma fille. Mais elle doit me quitter dans son propre intérêt. Avec moi, elle risque de stagner. Je n’ai quasiment plus rien à lui apprendre.
Elle se tut un instant, sentant les larmes lui monter aux yeux.
-Elle doit élargir son horizon, faire de nouvelles expériences, et seules les productions Daito pourront le lui permettre. Elle doit avoir les mêmes chances que sa rivale.
- Alors, vous confieriez votre meilleure élève à votre pire ennemi ?
-  Il est vrai que tu m’as joué de bien vilains tours. Mais je sais que tu as assisté à tous ses spectacles, et quelque chose me dit que l’intérêt que tu lui portes dépasse largement le cadre professionnel et que tu feras tout pour assurer sa carrière, n’est-ce pas… Masumi-kun ?
Aurait-elle deviné, elle aussi ? Non, ce n’est pas possible… et pourtant…
         Ce soir là, Maya attendait Rei dans leur appartement lorsqu’on frappa à la porte.
Qui cela peut-il bien être à cette heure-ci ? Peut-être Sen’seï, ou encore Ayumi ?
Lorsqu’elle ouvrit, elle eut la surprise de voir Saeko.
- Kitajima-san, prépare tes affaires, tu vas déménager.
-Déménager ? Où ça ?
-Tu vas t’installer dans l’une des résidences Daito.
- Mais. Tsukikage-sen'seï ne le permettra jamais !
-Crois-tu ? C’est elle-même qui nous a proposé cet arrangement.
-Je ne vous crois pas ! Vous mentez !
-Tu te fais des illusions, ma pauvre. Crois-tu que ça lui  plaît de vivre dans ce taudis et de te materner ? Grâce à nous, elle va pouvoir enseigner à nouveau à des acteurs professionnels.
- Alors, Sen'seï m'a vendue contre l'occasion d'enseigner le théâtre à nouveau ?
-Je m’occuperai de toi jusqu’à ce qu’on te trouve un manager convenable.
La société Daito possédait plusieurs immeubles d’habitation, et Saeko emmena Maya dans l’un d’eux. On lui avait attribué un studio comprenant un salon aussi grand que son ancien appartement, une chambre, une salle de bain et une petite cuisine. Le lendemain, elle fut conduite dans l’immeuble Daito au bureau de Masumi. Il lui demanda alors de signer le contrat qui la liait à la Daito. Maya était hors d’elle.
-Il n’en est pas question ! Je ne signerai rien tant que je n’aurai pas vu Tsukikage-sen’seï !
-Eh bien, allons la voir tout de suite. Comme ça, tu seras fixée.
Ils allèrent ensemble à l’école où Chigusa avait commencé à enseigner le théâtre.
-Cette école est indépendante de Daito. Il leur manquer un professeur, et nous leur avons simplement suggéré d’engager Tsukikage-sen’seï.
Ils arrivèrent dans la salle où se trouvait Chigusa.
-Sen’seï, pourquoi ?
-Masumi-kun, prends soin de cette fille. Je peux compter sur toi, n’est-ce pas ?
-Sen’seï, je… je voulais rester avec vous et les filles…
- Ne sois pas si naïve, Maya. Tout le monde est seul. Que crois-tu qu’Ayumi-san, ta rivale, fait en ce moment ? Tu dois à présent trouver ton chemin par toi-même.
Ces paroles blessèrent Maya. Tristement, elle repartit avec Masumi.
Me pardonneras-tu un jour, Maya. J’en souffre autant que toi, mais c’était le seul moyen de te faire progresser jusqu’à l’éclosion de tout ton talent.
De retour à la Daito, Maya signa le contrat.
-À partir de maintenant, tu vas évoluer dans un autre milieu. Tu deviendras vite une vraie star. Aussi, il vaut mieux que tu ne voies plus tes amies.
-Puis-je au moins leur dire au revoir ?
-Bien sûr. Saeko, accompagne-la au théâtre en sous-sol, puis ramène-la chez elle.
Le cœur lourd, Maya fit ses adieux à ces filles qu’elle avait côtoyées  depuis plus de trois ans. Rei en particulier était désemparée. On lui enlevait sa petite sœur ! Lorsqu’elle vit Ayumi le lendemain, elle lui en parla, les larmes aux yeux.
-Je l’aime comme ma petite sœur, tu sais. Elle est si gentille et naïve que j’ai très peur pour elle.
Ayumi la prit dans ses bras et l’embrassa tendrement.
-Ne t’en fais pas, ma chérie. Nos studios d’enregistrement sont voisins et je te promets de veiller sur elle et au besoin de la protéger. Plus que ma rivale, c’est ma seule amie et je l’aime beaucoup.
-Hé ! Et moi alors ?
-Toi ? Tu n’es pas mon amie… tu es mon amour, mon seul, mon grand amour.
-Merci, chérie. Et tu pourras aussi me donner de ses nouvelles.
Deux jours plus tard, les répétitions commencèrent. Les autres acteurs, qui ne connaissaient pas Maya, doutaient qu’elle puisse correctement incarner le rôle de Satoko.  Tanuma Satoko était la fille d’un aristocrate japonais vivant à l’époque où le Japon commençait à s’occidentaliser. Le rôle n’était pas très compliqué et Maya put rapidement saisir le personnage. Cependant, elle manquait de souplesse et avait des difficultés dans les scènes d’action. Pour y pallier, Mizuki lui fit prendre des cours de danse traditionnelle japonaise. Quelques temps plus tard, les tournages commencèrent et tout le monde put voir que le talent de Maya n’était pas surfait. Par contre, ce qui la troublait un peu était le fonctionnement particulier de la télévision, très différent de celui du théâtre. Elle avait à peine le temps de se concentrer sur une scène que le réalisateur criait « coupez ! » et qu’on passait à une scène différente, dans un ordre non chronologique et où l’humeur des personnages était complètement différente. Utako, qui jouait dans la même série qu’elle lui expliqua pourquoi c’était ainsi.
-C'est très différent de la scène, n'est-ce pas ? La télévision se fait minute par minute, le jeu étant en deux temps, contrairement au théâtre où on répète la scène entière avant d’aborder la suivante. Mais ne t’inquiète pas, Maya-chan, tu t’y feras très vite.
         Une semaine plus tard, un certain remue-ménage se fit devant le studio. Un jeune acteur était arrivé, entouré d’un troupeau de groupies. Il eut quelque mal à s’en débarrasser avant d’entrer dans le studio.
-Ah, Shigure, viens que je te présente. Maya-kun, voici Satomi Shigure qui sera ton partenaire à partir de l’épisode six.
-En-Enchantée, je m’appelle Kitajima Maya.
-Kitajima… Oh, c’est toi qui as remporté dernièrement le prix du meilleur second rôle féminin ?
-Euh… Oui, mais…
-Je joue le rôle de Takeshi, qui apparemment est l’ennemi de ton personnage. Ne m’en veux pas, d’accord ?
-Euh… Ne m’en veux pas toi non plus.
Pourquoi je me sens aussi intimidée ? Il est beau gosse, c’est vrai, mais ce n’est pas le seul. Alors pourquoi lui… ?

 

À suivre...
 

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