Double boucle temporelle

Chapitre 3 : Répétition, prise deux

1601 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 7 jours



7 novembre 2008, sauf que Jim Clancy et Carl Neely pensent qu’il s’agit du 8 novembre 2008.



120, près du lac Morton, dans les environs de Grandview, 19 h 15.


Jim Clancy, un homme vers la trentaine, yeux bleus brillant de joie à l’idée d'éviter à son amie d’enfance un mariage avec un escroc, range les chaises pliantes louées pour l’occasion. Il est simplement vêtu d’une chemise bleue à carreaux – dont il a retroussé les manches longues par le réchauffement des muscles de ses bras sous l’effet de la même action machinale de plier les pattes des chaises pour ensuite en apporter plusieurs dans le coffre de sa voiture – et d’un pantalon jeans. Il arrête son geste lorsqu’il aperçoit du coin de l’œil une petite lumière dans la petite cabine en bois à quelques mètres de lui. Jim fronce des sourcils, intrigué.

Qui a bien pu se cacher dans cette cabine à une heure si tardive ? Il me semble que tout le monde a quitté le chalet…

L’ambulancier s’approche à pas de loup de la petite cabine. 

Je ne dois pas entrer dans la cabine ! Hunter Clayton s’y trouve, ivre et armé…

Il s’éloigne aussitôt, étonné lui-même de savoir que quelqu'un est dans la cabine.

Mais d’où me vient cette certitude ? C’est vraiment bizarre d’avoir l’impression d’avoir déjà vécu cet événement… Ne l’aurais-je pas rêvé hier soir ? Redoublons alors de prudence, pour éviter d’être blessé… Et je devrais penser à demander à Carl de m’apprendre certaines techniques policières de maîtrise…

Par prudence, l’ambulancier revient vers son véhicule. Il remarque que sa femme l’a appelé. Il prend son cellulaire et dit : – Mel, rappelle-moi plus tard, je dois téléphoner à Carl !

Étonnée, la brunette proteste : – Jim, c’est pour te dire…

Il lui coupe sèchement la parole : – Hunter Clayton est dans la cabine, ivre et armé.

Étonné, l’ambulancier pense, les sourcils froncés. Comment expliquer cette sensation bizarre d’avoir déjà vécu ce moment ? C’est déconcertant que de revivre une partie de sa vie, comme une répétition… Est-ce réel ? Ou bien un rêve ? Je ne pourrai pas le dire…

Il soupire, dépassé par ce qu’il vient de réaliser. Il interrompt sa conversation avec sa femme puis téléphone rapidement à Carl Neely.

Melinda, inquiète pour son époux, les mains tremblantes, raccroche le téléphone. La brunette téléphone à Carl Neely, mais elle tombe sur sa boîte vocale. Elle raccroche encore une fois le combiné, les yeux agrandis par la peur, le cœur battant la chamade, en se tordant d’effroi les mains, car elle imagine les pires scénarios. L’antiquaire prend en vitesse les clés, sort de la boutique, la barre à double tour puis embarque dans sa voiture et se rend au chalet de Tricia.




Pendant ce temps-là, département de police de Grandview, bureau B 123, 19 h 20.


Carl Neely, détective policier depuis plusieurs années, est assis sur la chaise de son bureau. Il doit faire son quart de nuit. Pour passer le temps, il lit à la lumière d’une ampoule le rapport qu’il a rédigé la veille, sur une enquête de la semaine passée sur un homicide à Grandview. Carl joue avec son stylo qu’il tient entre les doigts de sa main droite, penché sur son rapport, corrigeant de-ci de-là quelques fautes d’accord. Il veut s’assurer d’écrire un texte impeccable. 

Il est vraiment bizarre d’avoir déjà lu le rapport… C’est correct… Il n’y a plus de fautes… À moins que je l’ai vraiment déjà lu, seulement je suis fatigué… Ah ! Ces quarts de nuit monotones !

Le silence de la pièce est brisé par la sonnerie du téléphone. Le détective sursaute, en pensant Déjà entendu ! C’est sans doute Melinda… Pour me dire que Jim est en danger, menacé par un homme armé dans une petite cabane perdue au 120, près du lac Morton, à l’est de Grandview…

Il lâche son stylo pour saisir le combiné : – Bonsoir, le détective Carl Neely…

Une voix sérieuse au bout du téléphone répond : – C’est Jim…

C’est une bonne surprise… Au moins, ce n’est pas le soir de la marmotte… Et c'est très rassurant… Il a survécu…

Front plissé, le détective l’interroge d’un air sérieux ; – Que se passe-t-il ?

– Un homme armé est seul dans une cabane…

Le policier termine sa phrase : – Et il est ivre… Au 120, près du lac Morton, à l’est de Grandview…

Suis-je vraiment sûr de ne pas avoir vécu tout cela en rêve ? À moins que ce soit moi qui soit fatigué de faire deux quarts de soir de suite… Ou bien les attaques armées se répètent systématiquement au même endroit ?

Jim approuve en criant : – Exactement ! Et dépêche ton derrière policier !

L’ambulancier est perplexe. Comment Carl peut-il savoir ce qui se passe sans y être présent ? À moins qu’il ait développé Dieu sait quelle capacité paranormale qui lui permet de voir à distance… Voilà que je découvre un aspect insoupçonné de Carl… Mais je lui demanderai de m’enseigner des techniques policières de maîtrise…

Les deux hommes raccrochent leurs appareils respectifs. 

Je n’irai pas seul ! J’arriverai avec du renfort… Sam, tu viendras avec moi ! Mais avant, prenons une tasse de café !

Ainsi pense Carl, qui se sert aussitôt une tasse de café (heureusement qu’il a une machine à café dans son bureau) puis se rend d’un pas rapide vers le bureau voisin pour demander à Samantha Blair, une grande femme au teint hâlé, aux yeux et cheveux noirs, vêtue d’un complet brun moyen et d’une chemise blanche, de venir avec lui. Elle termine rapidement sa tasse de café et le suit jusqu’à un véhicule de fonction. Les deux détectives se rendent au plus vite près de la cabine, Carl conduit le véhicule en activant les sirènes. Voyant Jim en train de ranger les chaises, il le salue d’un geste de sa main droite et s’avance, suivi de Samantha Blair, jusqu’à la cabine. Melinda est déjà arrivée, front plissé d’inquiétude pour son mari, ses mains tremblantes dans les poches de sa veste. Remarquant que Jim vient de fermer le coffre de son véhicule, elle court vers lui, se jette dans ses bras en pleurant de joie. Jim la calme en la câlinant doucement le dos. Il murmure d’une voix rauque : « C’est correct, Mel… » 

Une fois sa femme calmée, l’ambulancier lui propose de revenir dans sa boutique, question de ne pas déranger les deux policiers. Il lui ouvre la porte du véhicule du côté du co-conducteur, puis il embarque lui-même du côté du conducteur. Il pense, en tambourinant sur le volant : Zut ! J’ai encore oublié de demander à Carl de m’enseigner des techniques policières de maîtrise… La prochaine fois ! 


Les deux détectives, qui affichent une expression de marbre malgré qu’ils soient quelque peu attendris par la scène du jeune couple qu’ils ont vu du coin de l’œil, sont devant la porte de la cabane. Carl l’ouvre sans plus tarder et y entre, suivi par sa collègue. Hunter Clayton, étonné, pointe d’une main tremblante le fusil de chasse vers leur direction, mais Carl le maîtrise sans difficulté. Sa collègue ramasse avec des gants en nitrile sur ses mains l’arme. Puis les policiers reviennent à la station de police, pour laisser d’autres collègues procéder à l’interrogatoire de l’ex-fiancé de Tricia. Puis Sam et Carl reviennent à leur bureau respectif. L’ami détective de Jim est perplexe de son impression d’avoir déjà vécu une intervention dans la cabine. Peut-être que c’est une illusion ? À moins que le café ne soit un expresso, mais un irish coffee ? Et si c’est le cas, qui a saboté ma machine à café ? Pense-t-il en clignant des yeux.



Saint Luc, sous l’apparence d’un homme d’âge mûr, vêtu d’un sarrau de docteur, tenant dans sa main droite une pince de chirurgien et dans sa main gauche un livre, passe derrière Jim au moment où ce dernier entre dans la boutique d’antiquités en murmurant : « Monsieur Clancy, vous répéterez le même événement, en agissant de la meilleure manière possible ! » Puis le saint disparaît de la vue du mortel. 



L’Archange Michel, sous l’apparence sous d’un jeune homme blond aux yeux bleus, vêtu d’un complet blanc, arrive devant la porte du bureau du détective et murmure : « Monsieur Carl Neely, que le Seigneur vous éclaire ! Vous répéterez votre intervention dans la cabine, mais en agissant de la meilleure manière possible ! » Puis le protecteur des policiers disparaît aussitôt avant que quelqu’un ne le remarque.


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