Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer
Chapitre 39 : Le retour de l'oublié.
2146 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour il y a environ 2 mois
20 mars 2006, 13 h 00.
Je suis au salon, en train de tricoter une écharpe pour mon fils aîné. Christopher et Jack jouent avec leurs petites voitures sur le tapis bleu marine. Jim est au travail et ne reviendra que tard le soir.
Tout à coup, sans aucun avertissement, un esprit fait son apparition du côté latéral de la table basse. Intriguée, je tourne la tête vers lui et je le reconnais aussitôt : mon père.
Je laisse de côté mon tricot de côté et je le fixe en pensant : « Père, qu’est-ce que tu as à me dire ? Quelles nouvelles m’apportes-tu ? »
Je remarque du coin de l’œil que mes fils tournent leurs têtes vers l’entité. Et comme toujours lorsque mon père apparaît, peu présentable comme il est avec sa toge noire et avec ses ecchymoses sur son visage, ils pleurent. Jack, un adorable gamin de trois ans, demande : – Maman, qui est-ce ?
Avec mon sourire maternel le plus rassurant, je tourne légèrement ma tête vers mon benjamin et je murmure :
– C’est ton grand-père…
Les yeux agrandis par la peur, mes deux fils, tournent leur tête de moi à mon père, puis, rapides comme l’éclair, ils courent se cacher dans leur chambre.
Je soupire en pensant : « Sérieux, papa, tu devras peut-être songer à être plus présentable la prochaine fois que tu viendras… »
Les sourcils levés, les yeux écarquillés, il balbutie :
– Ma petite Melinda, comment est-ce possible ?
Je lui adresse mon plus beau sourire. Les propos du l’Observateur au sujet du changement d’apparence de Peter Harrison me reviennent en mémoire.
Je m’éclaircis la gorge puis je réponds d’un ton doux :
– Bien sûr que c’est possible… Selon les explications de l’Observateur français dont j’oublie le nom, un esprit errant peut, par sa seule pensée, changer son apparence lorsqu’il se manifeste… J’ai rencontré un tel esprit qui paraissait plus jeune que son vrai âge. Il n’avait donc pas du tout l’apparence de son dernier moment… En fonction de la manière dont il s’était senti après avoir quitté son corps… C'est comme si les sentiments, les émotions et l’image de soi pouvaient modifier l’apparence d’un esprit errant…
Mon père murmure :
– Cette explication est en effet curieuse… Mais si c’est pour éviter les pleurs de mes petits-enfants, je changerai mon apparence avec plaisir… Ah, mon Dieu ! J’espère être plus présentable que dans cette toge noire !
Et voilà comment, en un clin d'œil, il a une apparence beaucoup plus présentable, simplement vêtu d’une chemise bleu moyen et d’un pantalon de complet bleu marine.
Il me sourit alors d’un air très gentil et paternel, comme il savait si bien le faire lorsque j’étais petite.
Je soupire de joie.
Mon père affirme d’un ton sérieux :
– Mel, sais-tu qui j’ai rencontré ce matin, à l’entrée de la ville ?
Je tourne ma tête en un mouvement négatif.
Il répond : – Kevin McCall…
Je pense : « Ce nom me rappelle vaguement quelqu’un… de très ennuyant, avec ses tentatives de séduction à peine voilées… Des bouquets de fleurs, des propositions de sorties au restaurant, des compliments de lèche-bottes et que sais-je encore… J’ai fini par attraper en grippe cet homme… »
Je termine la phrase du revenant d’un ton courroucé :
– Le prétendant pot de colle qui était parti depuis je ne sais combien d’années à Toronto…
– Oui, c’est lui que j’ai rencontré… Il s’était établi au Canada neuf ans…
Je m’éclaircis la gorge pour me ressaisir puis je demande d’un ton amer :
– Tu l’as vu comment ? Vivant ou esprit errant ?
– Il est un esprit errant…
D’un air intéressé, je demande, perplexe :
– Que lui est-il arrivé ?
D’un ton neutre, mon père répond :
– Lorsque je lui ai demandé ce qu’il fait ici, il m’a affirmé vouloir faire ses adieux à une femme chère à son coeur…
Je l'interromps d’une voix vibrante :
– Qui ?
Il soupire puis murmure :
– Toi…
J’explose, rouge de colère :
– Comment il ose encore m’aimer !
Mon père réplique d’un ton neutre :
– Ne t’énerve pas, ma petite Melinda… Ça ne sert à rien de s’emporter pour un esprit… D’ailleurs, tu peux t’attendre à tout d’un tel homme…
Je murmure, en clignant des yeux :
– C’est vrai, tu as raison…
Pour me calmer, j’inspire et j’expire profondément.
Avec un petit sourire chaleureux, il poursuit :
– Par contre, je dois te rassurer en te disant que je l’ai intercepté à la porte de notre ville… À croire que même d’outre-tombe, il a toujours peur de mes yeux bleus…
Je pense spontanément : « Ils sont tellement glaciaux qu’ils dissuadent n’importe qui… »
Moue renfrognée au visage, l’esprit errant réplique :
– Très drôle ! Mais tu as raison !
Il fait une courte pause puis reprend d’un ton neutre :
– Que je reviens à ce que je voulais dire… Ah, oui ! Le prétendant pot de colle !... Il est venu car il t’a vu à la télévision…
Je l'interromps :
– C'était hier, lorsqu’un journaliste de la Fox News m’a demandé ce que je pense de l’écrasement de l’avion, ce à quoi, bien élevée que je suis, j’ai répondu…
Petit sourire amer aux lèvres, mon père réplique :
– Merci du détail… Je comprends mieux alors comment il t’a vu à la télévision… Kevin a ensuite retrouvé ton adresse et a pensé te faire une visite… Il était alors vivant…
Je pense, en soupirant d’exaspération : « Ce qui aurait rendu Jim jaloux pour rien ! »
Comme s’il ignore ma pensée, il continue :
– Sauf qu’une voiture l’a happé à la frontière alors qu’il a voulu traverser la rue pour chercher son passeport qu’il a laissé dans son véhicule, stationné à un endroit prévu à cet effet. Il réalise qu’il est défunt lorsqu’il a vu son corps immobile et qu’il flottait au-dessus de lui. Et le voilà aussi un esprit errant ! Et il voulait te voir…
Je murmure d’une voix blanche :
– Et alors ?
Mon père bombe son torse et s’écrie d’un air enjoué :
– Je l’ai dissuadé de venir chez toi en tant qu’esprit, sinon, il aura affaire à moi… Comme il ne m’a point cru, je l’ai saisi par les poignets et je lui ai dit qu’il se tient loin de toi. Je l’ai foudroyé du regard et j’ai ajouté qu’il sera mieux pour lui de t’oublier, s’il ne veut pas encourir ma colère… Et tu sais que je suis un bon père qui veut protéger sa fille…
Je réplique d’une voix émue :
– Merci, papa…
Je pense : « Je ne suis plus une petite fille depuis longtemps… J’ai vingt-sept ans, je suis mariée et mère de deux enfants… »
Avec un sourire paternel, l’esprit errant réplique à ma pensée :
– Melinda, je sais très bien que tu n’es plus une fillette, mais ça ne change pas le fait que tu restes ma fille, surtout depuis que nous avons perdu ta sœur…
Je baisse mon regard, attristée par la pensée de la perte de Mary. Je cligne des yeux pour que mes larmes ne coulent pas.
Mon père murmure d’une voix douce :
– Désolé, je ne voulais pas te faire pleurer… Mais enfin, tu as compris où je voulais en venir…
Je confirme en secouant ma tête de haut en bas. Je m’empresse de sécher du dos de mes mains les larmes qui commencent à couler sur mes joues.
Je lève ma tête vers l’esprit errant, qui me sourit gentiment.
Nous demeurons silencieux pendant je ne sais combien de temps.
Il est brisé par mon père, qui murmure :
– Ma petite Melinda, je dis bien que tu es petite, pour mesurer à peine un peu plus d’un mètre et demi…
Froissée, je réplique :
– Très drôle !
Il m’adresse un petit sourire coupable puis dit d’une voix neutre :
– Ça va… Je vais arrêter de faire des blagues ! … Que je revienne à ce que je voulais dire… Devant mon regard foudroyant, il a pris la fuite…
Il enchaîne d’un ton enjoué, les yeux brillant d’une joie maligne :
– Que le Seigneur me pardonne mon arrogance ! L’important n’est-ce pas qu’il m’a pris au sérieux ?
Je confirme ses propos par un mouvement de tête positif.
Il continue :
– Je peux t’assurer que je suis sérieux !
Je souris furtivement, vraiment touchée de sa protection bienveillante, même par-delà la mort.
Mon père poursuit d’un ton sérieux :
– Dans tous les cas, comme je l’ai suivi lorsqu’il a pris la fuite, je peux t’assurer qu’il est à Toronto et qu’il n’osera plus te rendre visite même en esprit errant… J’ai ri devant son expression de frayeur lorsqu’il a compris que je l’ai suivi… Au moins, tu as la paix avec ce prétendant.
D’une voix émue, je murmure :
– Merci, papa…
Il me sourit gentiment puis s’évapore lentement dans les airs jusqu’à ce qu’il disparaisse de ma vue.
J’appelle mes fils pour les inviter à sortir de leur chambre. Ils accourent aussitôt. Je les caresse maternellement puis leur dis qu’ils peuvent sans crainte reprendre leurs jeux au salon. Je dois les rassurer au sujet de l’apparition de mon père. Après mes explications, le visage rieur, les yeux brillants d’une joie enfantine, ils tiennent un jouet en forme de voiture dans chaque main et les laissent glisser sur le tapis. Moi, je reviens à mon tricot jusqu’à l’heure du souper. Lorsque la faim se fait sentir, je me rends dans la cuisine pour réchauffer nos portions de soupe aux légumes. Ensuite, la vaisselle, le tricot, puis lorsque je ne peux plus garder mes yeux ouverts en raison de l’heure tardive, je me mets au lit. Évidemment, comme tous les jours, j’ai déjà envoyé Christopher et Jack dormir dans leur chambre. Une fois allongée dans le lit, je récite trois fois la prière du soir puis je m’endors. Je n’ai pas remarqué quand mon époux s’est glissé à mes côtés.
Le lendemain matin, je me réveille. Remarquant Jim dormir à mes côtés, je le regarde amoureusement. Il est vraiment mignon ! Je n’ose pas me dégager de son étreinte, pour ne pas le réveiller. Je jette un coup d’œil rapide à l’heure affichée sur le réveil : 5 h 45.
Je pense : « Je dois lui expliquer ce qui s’est passé hier… Mais un peu plus tard… »
J’attends alors 6 h 15 pour câliner doucement son bras droit qui enlace ma taille. Ceci le réveille immédiatement. Il murmure d’une voix ensommeillée :
– Qu’est-ce qui se passe Mel ? Encore un mauvais rêve ?
Je réponds d’un air chaleureux :
– Non, mon amour…
Jim se relève à moitié pour me regarder puis il fait un geste rotatif de sa main pour m’inviter à poursuivre.
Je lui adresse mon plus beau sourire puis murmure :
– C’est à propos d’hier…
Et je lui résume les événements de la veille, sans lui cacher ma joie ni envers l’intervention de mon père auprès de mon ancien prétendant, ni envers le changement de son apparence.
Mon époux m'écoute attentivement, comme toujours depuis que nous nous connaissons, puis il m’embrasse sur les lèvres en signe d’encouragement. Une nouvelle journée débute.