Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer
Chapitre 28 : L'histoire de la famille de Carl Neely
4640 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour il y a 5 mois
12 mai 2004, 13 h 00.
Jim est à l’Université Rockland, pour suivre l’un de ses cours. Je fais la vaisselle, tout en ayant à l’œil nos fils qui jouent au salon. Tout à coup, sans aucun avertissement, un esprit errant se manifeste devant moi, de l'autre côté de la vitrine de la fenêtre. Je le détaille attentivement : un vieil homme aux cheveux blancs, au visage ridé, avec des lunettes rondes en or qui soulignent bien ses yeux noirs. Il est vêtu d’un complet noir et d’une chemise blanche. Il me fixe d’un air étonné puis disparaît quelques secondes plus tard. Je termine la vaisselle. Lorsque je range la dernière assiette, je ressens un regard sur moi. Intriguée, je me retourne. Le même esprit est à quelques centimètres du côté latéral de la table. Je m’éclaircis la gorge puis je murmure en anglais : – Monsieur, je peux vous aider…
L’esprit me coupe la parole d’une voix rauque : – Comment ?
D’un ton calme, je réponds : – En accomplissant votre dernière volonté afin que vous puissiez quitter le monde ici-bas… Mais pour cela, je dois connaître votre nom et votre raison de errer.
– Je suis Louis Whitman… Et vous ?
– Melinda Gordon.
– Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous semblez être la seule femme à me voir… J’ai essayé plusieurs fois à mes fils et mes petits-enfants de leur expliquer qu’ils ont oublié de récupérer la bague que j’avais reçue en cadeau de noces de mon beau-père…
Avec mon plus beau sourire aux lèvres, je réponds d’un ton aimable : – Je peux vous voir, car c’est un don que j’ai depuis mon enfance… Et apparemment vos enfants et petits-enfants ne peuvent pas vous voir, car ils n’ont pas un don similaire au mien… Mais permettez-moi de chercher mon calepin pour ne rien oublier…
Sans attendre sa réponse, je cours chercher mon calepin. Une fois revenue dans la cuisine, je demande : – Pouvez-vous me dire plus d’informations sur vos proches ?
– C’est-à-dire ?
– Leurs noms ?
Les sourcils levés, l’esprit errant demande pourquoi, ce à quoi je lui explique que ce n’est pas pour fourrer mon nez dans les histoires de famille, mais pour savoir à qui je dois faire part de sa dernière volonté. Il me donne les noms de ses enfants après avoir hésité pendant quelques secondes : Maxence et Nathaniel. Puis il disparaît de ma vue. Je pense : « Avec des esprits aussi avares en informations, je ne sais pas par où commencer mon enquête… Heureusement qu'Internet existe… Sinon, j’espère pouvoir compter sur l’aide des Observateurs… Ah ! Seigneur, aide-moi, comme tu l’as toujours fait ! »
Rassurée par cette pensée, je me rends au salon pour regarder Christopher et Jack jouer au salon.
Vers 17 h 30, Jim revient de son cours. Comme toujours, je l’accueille à la porte. Nous nous rendons au salon, où je lui expose mon plan pour aider l’esprit errant qu’est Louis Whitman : établir son arbre généalogique pour ensuite déterminer les descendants à contacter, afin de les aider à retrouver la bague que le défunt veut remettre. Mon époux approuve mon plan.
Le soir, mon sommeil est troublé par un rêve bizarre. Je me trouve dans une pièce dans une grande maison, apparemment une cuisine, étant donné le comptoir, l’évier et la cuisinière. Une femme s’approche de moi. J’ai l’impression qu’elle est une femme que je connais intimement. Elle est une vieille femme aux cheveux gris ramassés en chignon. Elle est sobrement vêtue d’un chandail gris foncé, d’un pull gris moyen et d’une épaisse jupe grise claire. Elle s’approche de moi et dit d’une voix enrouée : – As-tu rédigé un testament ?
Je réponds : – Oui.
Je me rends dans une pièce voisine qui semble être une chambre dans laquelle se trouve un lit de couple. Je fouille dans les tiroirs de l’un des chevets et je reviens dans la cuisine avec deux feuilles de papier. Je m’exclame : – Voilà mon testament !
Je dépose les feuilles sur la table devant la femme, qui lit avec intérêt. Une fois la lecture terminée, elle me demande : – Et la bague de mon père ? Elle n’est aucunement mentionnée !
Je me réveille, perplexe, en pensant qu’il s’agit probablement d’une vision d’après le point de vue de Louis Whitman. Ce dernier apparaît au pied du lit, ce qui confirme ma pensée. Étonnée, je murmure : – Monsieur, comment pensez-vous que je retrouve votre bague, alors que je ne sais pas de quel objet il est question ?
L’esprit errant répond d’un ton sérieux : – Pourtant, ma femme et mes enfants savent de quelle bague il est question… J’ai remarqué que j’ai oublié de la mentionner dans mon testament…
Je soupire et l’esprit s’évapore jusqu’à disparaître complètement de ma vue. Je remarque du coin de l’œil que Jim s’agite à mes côtés. Il s’est sans doute réveillé en raison de mes chuchotements avec Louis Whitman. Mon époux murmure d’une voix grave : – Qu’est-ce qui se passe, Mel ?
Je réponds d’une voix douce : – Un rêve puis une très brève conversation avec l’esprit errant qu’est Louis Whitman qui est apparu au pied de notre lit… Tu peux dormir tranquillement, je te raconterai demain matin mon rêve…
– D’accord, alors, bonne nuit !
Nous nous endormons enlacés.
Le lendemain matin, je résume à Jim mon rêve et ma conversation avec l’esprit errant. Nous concluons qu’il avait simplement oublié de mentionner dans son testament lequel de ses enfants a hérité de sa bague. Après le petit-déjeuner, je me rends directement dans ma boutique d’antiquités afin de commencer mon enquête sur la généalogie de Louis Whitman. Comme Andrea Moreno est à la caisse, je peux tranquillement faire mes recherches dans l’arrière-boutique. Je tape le prénom et le nom de l’esprit errant. Je soupire de joie lorsque le moteur de recherche affiche plus de dix résultats. Je note au fur et à mesure les informations pertinentes. Voici, en résumé, l’arbre généalogique que j’établis dans mon calepin après avoir parcourue tous les résultats : Louis Whitman (2 mai 1890-4 juin 1964) + Alison Bedford-Whitman (1er mars 1894-6 juin 1969), mariés le 3 juillet 1912 = Maxence (5 mai 1914- 19 juillet 1979) et Nathaniel (18 décembre 1915-3 février 1987).
Maxence Whitman (1914-1979) + Megan Belvedere-Whitman (7 août 1915- 28 décembre 1976), mariés depuis le 2 septembre 1935 = Dylan (né le 6 juillet 1940), April (née le 17 décembre 1942) et Owen (né le 25 octobre 1944).
Perplexe, je pense : « Impossible que l’un de ses enfants ou de ses petits-enfants aient la bague, car ils sont tous défunts… J’espère seulement qu’ils ne sont pas des esprits errants… Que Dieu ait leurs âmes ! » Je me signe par automatisme. « Je dois approfondir l’arbre généalogique des enfants de Monsieur Whitman… Ah, oui ! » je me tape sur le front. « J’ai oublié de chercher le nom de son beau-père ! »
Je reviens sur la page d’accueil du moteur de recherche pour continuer mon enquête improvisée. Je complète à partir des informations recueillies l’arbre généalogique que j’ai commencé à dresser sur deux feuilles de calepin, car en lisant ainsi les informations, je n’arrive pas à visualiser les rapports de famille.
Dylan Whitman (1940) + Brigit Peterson-Whitman (1944), mariés depuis 13 mars 1967 = Emerald (née le 3 janvier 1968) et Grace (née le 19 février 1969)
Emerald Whitman-Brown (née le 3 janvier 1968) + Pascal Brown (né le 19 décembre 1965), mariés le 4 juillet 1989 = Thierry (né le 11 novembre 1990) et Laetitia (née le 28 septembre 1991)
Grace Whitman-Johnson (née le 19 février 1969) + Xavier Johnson (né le 22 février 1962), mariés le 20 novembre 1996 = Cindy (née le 15 mai 1997) et Dylan (né le 29 août 1999)
April Whitman-Jacobs (1942) + William Jacobs (1935), mariés le 5 avril 1960 = Mary (née le 28 octobre 1960) et Francis (né le 23 septembre 1961)
Mary Jacobs-Adamson (née le 28 octobre 1960) + Hugues Adamson (né le 20 avril 1955), mariés le 27 novembre 1981 = Evelyne (née le 20 août 1982)
Francis Jacobs (né le 23 septembre 1961) + Sylvie Burberry-Jacobs (née le 3 décembre 1960), mariés le 19 septembre 1989 = Simon (né le 28 janvier 1992)
Owen Whitman (1944) + Diana Wilson-Whitman (1954), mariés depuis le 20 mars 1977 = David (né 2 juin 1979) et Joshua (né le 6 décembre 1980)
David Whitman (né 2 juin 1979) + Caroline Cantor-Whitman (née le 30 mars 1974), mariés le 3 avril 1999 = Ludivine (née le 3 mars 2000) et Simon (né le 4 mai 2002)
Joshua Whitman (né le 6 décembre 1980) + Fanny Erskine-Whitman (née le 6 juin 1985), mariés le 14 avril 2004.
Nathaniel Whitman (1915-1987) + Shawna Sutherland-Whitman (29 mars 1920- 4 avril 1995), mariés le 30 mai 1946 = Olivia (née le 15 décembre 1947) et Cécile (née le 7 novembre 1948)
Olivia Whitman-Dandy (1947) + William Dandy (1943), mariés depuis 1970 = Rudolph (1970) et Nancy (1971)
Rudolph Dandy (1970) + Evelyne Faraday-Dandy (1975), mariés le 12 décembre 1996 = Marc (né le 18 août 1997)
Nancy Dandy-Fenwick (1971) + Adrian Fenwick (1965), mariés le 3 juillet 1995 = Magali (née le 16 juin 1996)
Alfred Neely (5 mars 1938-7 janvier 2001) et Cécile Whitman-Neely (7 novembre 1948), mariés depuis le 3 février 1970 = Charlie Neely (5 février 1972) et Carl Neely (18 octobre 1973)
Je pense : « Louis est l’un des ancêtres de Carl Neely… » Je me renfrogne malgré moi lorsque je réalise ce fait : Louis Whitman est l’arrière-grand-père maternel de Carl Neely, puisque sa mère, Cécile, est la fille de son fils Nathaniel. « Pourtant, il n’a pas les yeux gris… Comment expliquer ce changement chez l’arrière-petit-fils ? À moins qu’il porte des lentilles… »
Je cherche ensuite au sujet de la femme de Louis Whitman, Alison Bedford-Whitman :
Gordon Bedford (1860-1929) + Imogen Chatfield-Bedford (1872-1945), mariés le 23 août 1890 = Marc Bedford (1892-1956), Alexander Bedford (1893-1960) et Alison Bedford (1894-1969)
Marc Bedford (1892-1956) + Marilyn Coleman-Bedford (1897-1960), mariés le 25 février 1916 = Philip (1918-1979), Yannick (1919-1989) et Tracy (1920-1997)
Alexander Bedford (1893-1960) + Dorothy Barth-Bedford (1902-1969), mariés le 2 février 1920 = Stephanie (1922-1989), Andrew (1923-2000) et Karyn (1925-2001)
Andrew Bedford (1923-2000) + Maggie Middleton-Bedford (1926-), mariés de mai 1944 à septembre 2000 = Joshua Bedford (7 juin 1946) et Peggy Bedford (5 décembre 1947)
En cherchant plus d’informations au sujet de Louis Whitman et de ses descendants, je ne peux pas être certaine au sujet des métiers exercés par eux, car de nombreux individus aux mêmes prénoms et noms exercent des métiers variés. Néanmoins, je parviens à déduire que l’esprit errant qui m’intéresse avait exercé de son vivant le métier de policier dans notre petite ville. De même pour son fils. Quant à son beau-père, Gordon Bedford, il était le fondateur puis le premier recteur de l’Université Rockland, la seule université de notre petite ville, qui a été fondée le 6 juin 1891. Son fils aîné, Marc, le succède en tant que recteur de notre université de 1929 à 1955. Ensuite, son frère Alexander de 1955 à 2000, puis, depuis 2000, le recteur est Joshua Bedford. En ce qui concerne les petits-enfants de Louis Whitman, ils avaient exercé différents métiers ; Dylan était un enseignant de mathématiques à Longview, tandis que Owen était un physicien de renommée locale. Parmi les petits-enfants, les femmes sont soit secrétaires, soit caissières, soit femmes au foyer.
Perplexe, je pense : « Qui a hérité de la bague de Monsieur Louis Whitman ? » J’essaie d’obtenir des résultats de taper dans le moteur de recherche « bague de Louis Whitman » ou encore « bague aux enchères ayant appartenue à Louis Whitman, policier de Grandview » ; aucun résultat ou des résultats qui ne présentent aucun intérêt. Je soupire d’exaspération.
À ce moment, l’esprit errant qu’est Louis Whitman apparaît à ma droite. Je tourne légèrement vers sa direction ma tête puis murmure : – Monsieur Whitman, pouvez-vous m’aider ?
Les sourcils levés, l’interpellé réplique : – Comment ?
– En répondant à ma question… ou plutôt, à mes questions…
Louis fait un geste rotatif de sa main droite pour m’inciter à développer.
Je poursuis d’un ton sérieux : – … concernant votre bague… Celle dont vous voulez savoir où elle se trouve…
Il réplique : – Celle de mon beau-père, car je ne voudrais pas qu’elle soit portée par n’importe qui…
– Je comprends… Alors, pouvez-vous me rapporter les dernières choses dont vous vous souvenez avoir fait avec cette bague ?
Mine pensive, l’esprit errant répond après quelques secondes de silence qui me semblent une éternité : – Je l’ai rangé dans une petite boîte à bijoux…
– D’accord, mais pouvez-vous vous rappeler à qui vous avez voulu donner cette bague ?
– J’ai oublié… Peut-être à personne…
– L’auriez-vous vendu chez un bijoutier ?
– Peut-être que oui, peut-être que non…
Je soupire d’exaspération en pensant : « Une telle incertitude cache forcément quelque chose… Ah ! Seigneur, aide-moi ! »
L’esprit errant disparaît de ma vue. Je reviens à ma recherche en pensant : « Réfléchissons avant de poursuivre…. Si Monsieur Whitman affirme avoir reçu une bague en cadeau de noces de son beau-père… » Je parcours les pages de la généalogie. « … de Monsieur Gordon Bedford… Et que le mariage de Monsieur Whitman est le 3 juillet 1912, ceci signifie donc que la bague peut-être de 1912 ou avant… » J’inscris ensuite dans le moteur de recherche « bague de 1912, ayant appartenu au policier Louis Whitman » ; aucun résultat. Je tape alors « Bague pour homme avant 1912 » ; trop de résultats et rien de concluant ; puis « vieille bague début du XXe siècle ayant appartenu à Louis Whitman » ; aucun résultat. Je pense : « Si seulement je savais à quoi ressemble la bague de Monsieur Whitman… Chercher de cette manière, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin… » J’éteins l’ordinateur et je rejoins mon associée derrière la caisse. Andrea me salue et quitte la boutique ; elle a terminé son quart de travail. Je regarde l’heure affichée sur l’horloge accrochée sur le mur à ma droite : 12 h 30.
Je passe le reste de l’après-midi dans ma boutique. Je ne cesse de penser à la mystérieuse bague de l’esprit errant, de sorte que je suis assez distraite. Heureusement qu’il n’y avait pas beaucoup de clients.
Tout à coup, sans aucun avertissement, voilà que je ne vois plus les rangées de ma boutique d’antiquités, mais un homme devant moi. Je le détaille : un homme aux yeux noirs, yeux qui me fixent intensément. Il porte un chapeau noir et des lunettes rondes en or sur le nez. Il est vêtu d’un complet noir et d’une chemise blanche, comme s’il était invité à un mariage. Il me tend un boîte à bijoux en or et dit : « Mon cher gendre, voici un cadeau des noces de ma part ! » Je prends la boîte en murmurant un merci. L’homme ajoute : « Ne voulez-vous pas l’ouvrir maintenant ? » J’ouvre la boîte à bijoux, qui contient une bague en or avec une pierre précieuse de couleur bleue sur son chaton. Je la mets sans hésiter sur mon annulaire droit, vierge de bague. L’homme, sourire aux lèvres, s’éloigne de moi.
Je vois à nouveau ma boutique. Perplexe, je fronce des sourcils en pensant : « Est-ce la bague de Monsieur Whitman ? » Je m’empresse de noter le maximum d’informations sur l’objet dans mon calepin, afin de ne pas oublier un détail de la vision. Remarquant qu’il n’y a aucun client dans la boutique, je reviens dans l’arrière-boutique pour chercher sur l'ordinateur de bureau « bague en or avec une pierre précieuse bleue ayant appartenue à Louis Whitman ». À ma grande déception, aucun résultat. Je me renseigne au sujet de la pierre précieuse qui peut être sur le chaton. Seul problème : plusieurs pierres précieuses sont utilisées pour les bagues, à savoir la tanzanite, le saphir, l’iolite, la topaze, le lapis lazuli, l’aigue-marine ou les sapphires. Comme je ne me connais pas en la matière, il m’est difficile d’identifier la pierre sur le chaton. Je n’imagine surtout pas demander au premier bijoutier de Grandview des photographies des différentes bagues avec des pierres précieuses dans l’espoir d’identifier celle que j’ai vu dans ma vision… « C’est très peu probable qu’une telle recherche aboutisse à quoi que ce soit… » pensé-je, perplexe. « Il ne me reste plus qu’à espérer que le Seigneur me sera clément et m’aidera à comprendre cette histoire… Surtout pour comprendre ce que l’esprit errant veut avec cette bague…. » Frustrée de trouver aucune piste de réflexion intéressante, j’éteins l’ordinateur et je reviens derrière la caisse, où je reste jusqu’à 16 h 55. Je rumine sans cesse les mêmes pensées sans aboutir à une conclusion. Il est évident que l’esprit errant ne se souvient pas de ce qu’il a fait avec la bague de son beau-père.
Vers 17 h 00, je ferme la boutique et je reviens chez moi. Le soir, lorsque nos enfants dorment dans leur chambre, je résume à Jim mes recherches. Il me fait le commentaire suivant : – Mel, la famille de Carl Neely a donc un rapport avec la mienne…
Étonnée, je réplique : – En quel sens ?
– Dylan Whitman a épousé ma tante Brigit, la sœur cadette de ma mère…
Je pense, la mine un peu assombrie : « C’est bon à savoir, mais inquiétant… »
Je murmure, pointe d’inquiétude dans la voix : – Donc, Emerald et Grace Whitman sont tes cousines maternelles ?
– Oui…
Je gémis, en enlaçant mon époux pour me rassurer : – Est-ce que dans ce cas, il faut s’inquiéter pour nos fils et pour nous, puisque tes cousines sont peut-être des complices de Carl Neely…
Jim termine ma phrase en m’enlaçant par les épaules : – … parce que ce dernier a voulu… te tuer… Mais il ne faut pas trop précipiter les choses, Mel…
Je murmure d’une voix brisée : – Je le sais… Mais la fois où…
– Tu t’es montré insouciante envers le policier, mais il ne faut pas pour autant attribuer ses sordides intentions à autrui… Il faut faire preuve de jugement…
Je pense : « Tu as raison ! »
Je l’enlace pour toute réponse, n’ayant pas assez de force pour dire un seul mot. Nous demeurons enlacés jusqu’à ce que le sommeil ait raison de nous.
Le lendemain, je suis au salon, regardant nos fils jouer. J’envisage toutes les possibilités avec la bague de l’arrière-grand-père de Carl Neely : soit l’un de ses descendants la porte, soit elle est dans sa boîte, soit quelqu’un d’autre la porte, soit elle est détruite. D'ailleurs, je me demande bien ce que l’esprit voulait faire d’elle. Mes pensées sont interrompues par l’apparition soudaine d’un esprit, ce qui me fait sursauter : l’Observateur français. Je tourne légèrement ma tête vers lui, intriguée, contente et inquiète à la fois. Je remarque son expression très sérieuse, de sorte que je ne sais pas du tout à quoi m’attendre.
Après avoir échangé des formules de salutation, il dit d’un air sérieux, le visage inexpressif : – Vous devez savoir que la bague de Monsieur Gordon Bedford était maléfique, car elle a été ensorcelée. Et Monsieur Louis Whitman l’a compris à la fin de sa vie. Il l’a donc vendu au bijoutier de Grandview…
Je l’interrompt d’une petite voix : – Excusez-moi, mais chez quel bijoutier a-t-il vendu la bague ?
– Chez le bijoutier Gold and Cie.
Je saisis immédiatement de quel bijoutier il est question. Il s’agit d’une famille de bijoutiers de père en fils, dont le petit magasin est situé sur une rue parallèle au marché de notre ville. Je hoche la tête pour manifester ma compréhension.
Mon interlocuteur poursuit d’un air aussi sérieux : – Et cette bague était longtemps restée sur le présentoir, jusqu’au jour où Carl Neely l’a achetée le 29 décembre 1999.
Les sourcils levés d’étonnement, je fais un geste rotatif de ma main gauche pour continuer.
L’Observateur : – Sauf que Carl Neely ignore qu’elle appartenait à son arrière-grand-père maternel.
Je pense, effrayé en mon for intérieur, le cœur battant la chamade : « Pauvre lui ! En tout cas, ça pourrait expliquer la présence des esprits tchèques, puisqu’ils sont des sorciers… »
L’Observateur : – Il est vrai qu’il a des problèmes depuis qu’il a acheté la bague. D’ailleurs, vous devez savoir que Monsieur Carl Neely l’a acheté alors qu’il était possédé par l’un des sorciers tchèques.
Je pense : « Et c’est pourquoi ils le suivent… »
Le Français, comme s’il n’a pas lu mes pensées, continue son monologue d’un air sérieux, sans sourciller : – De sorte qu’il me fait pitié. Disons que Monsieur Carl Neely a déjà assez de problèmes sans la malédiction de la bague…
Je l’interromps : – Quelle est cette malédiction ?
– Celle de voir sa descendance périr prématurément.
Je pense : « Oh, mon Dieu ! Quelle cruauté ! »
L’Observateur commente : – En effet, c’est cruel… Surtout quand le fils de Carl Neely et de sa seconde épouse peut encore être sauvé avant que l’irréparable ne survienne. Le pauvre innocent, que Notre Seigneur lui soit clément !
Je murmure, la gorge serrée : – J’ai compris ! Je dois en avertir Carl Neely…
Je pense : « Et sans doute que son arrière-grand-père maternel voulait qu’elle soit détruite… »
Mon interlocuteur, comme s’il a lu ma pensée, hoche la tête puis il s’évapore jusqu’à disparaître complètement de ma vue.
Le soir, lorsque nos fils sont envoyés dans leur chambre, Jim et moi sommes réunis dans la cuisine, où je lui rapporte les propos de l’Observateur. Mon époux se renfrogne à l’idée de visiter Carl Neely, mais je parviens à le convaincre de me tenir compagnie pour être certain de ma sécurité. Nous nous entendons pour y aller lundi prochain, car il n’a pas de cours et il ne travaille pas.
17 mai 2004, 9 h 00.
Jim et moi sommes devant la porte de la maison de Carl Neely. Ce dernier nous ouvre rapidement la porte, visiblement étonné de notre visite, mais il nous invite dans son salon, une charmante pièce éclairée par la lumière du jour qui entre par une grande fenêtre encadrée de rideaux beiges. Deux canapés beiges et une table basse nous accueillent. Mon époux et moi, à l’invitation de Carl, nous nous asseyons sur l'une des canapés. Je lui explique que je dois l’aider avec l’esprit errant de son arrière-grand-père maternel, qui veut qu’il se débarrasse d’une bague maudite. Le policier m’écoute attentivement, me fixant de ses yeux gris avec un visage inexpressif. Je remarque derrière lui, un peu en retrait, les deux esprits errants des sorciers tchèques. Au moins, ils nous observent en silence. Lorsque mon regard rencontre le leur, je serre la main droite de mon époux pour ne pas trembler comme une feuille, car leur vue me fait encore peur. Le policier, après mes explications, se lève rapidement, lueur d’inquiétude dans le regard, et sort du salon pour revenir avec une boîte à bijoux. Je reconnais celle que j’avais vu dans la vision d’hier, ce que je lui confirme. Il la dépose sur la table basse en ajoutant qu’il s’en débarrassera au plus vite. Il préfère ne pas avoir de témoin,ce que Jim et moi pouvons comprendre en un sens. Je remarque à ce moment l’esprit errant de Louis Whitman, qui apparaît à sa droite, le visage illuminé d’un sourire. Il me remercie de mon aide puis disparaît de ma vue. Carl nous remercie pour notre visite, nous échangeons des formules de politesse et Jim et moi revenons chez nous. Je suis contente que le policier, malgré qu’il ne me soit pas sympathique, se débarrasse de quelques malheurs supplémentaires.
Une fois rendus au salon, je murmure : « Voilà ! Un cas de plus de régler ! Il ne manque qu’à savoir si Monsieur Whitman partira bientôt… »
Je ne termine pas ma phrase, surprise par l’apparition de l’esprit mentionné en face de moi. Celui-ci affiche un air joyeux. Je tourne ma tête vers lui en murmurant : – En parlant du loup, le voilà ici…
Je remarque du coin de l’œil que Jim hoche la tête pour confirmer sa compréhension. Je m’adresse à l’esprit d'une voix rassurante : – Monsieur Whitman, prêt à partir dans la lumière ?
L’esprit, yeux écarquillés d’étonnement, murmure : – Maintenant que je sais que la bague maléfique de mon beau-père ne peut plus nuire à personne, je suis rassuré… J’ai vu que mon arrière-petit-fils l'a jeté dans la poubelle… Et bien, je pars où, alors ?
Je réponds : – Vous partez dans la lumière, qui est le lieu où les âmes vont après avoir quitté leur corps…
Il balbutie : – Comment je dois m’y rendre ?
Mon plus beau sourire aux lèvres, je murmure d’une voix chaleureuse : – Vous ne devez pas vous retenir plus longtemps que nécessaire… Je peux vous donner le conseil suivant : penser à une action positive de votre vie, ou simplement à vos proches décédés et vous devez aspirer à les rejoindre…
L’esprit errant, front plissé, murmure : – En effet, je me sens plus léger que jamais…
Il tourne sa tête vers sa droite et s’exclame : – Qu’est-ce que cette lumière ? Elle m’éblouit ! Elle m’attire !
Je commente dans un murmure : – C’est ce que je vous expliquai… Elle est pour vous… Bon voyage !
L’esprit errant qu’est depuis peu l'arrière-grand-père de Carl Neely disparaît de ma vue. Contente, je pleure de joie et j’enlace Jim. Je murmure à son oreille droite : – Louis Whitman est enfin parti dans la lumière…
Mon époux m’embrasse pour toute réponse. Pour se changer les idées, nous regardons d’un air amusé nos fils jouer sur leur tapis bleu marine.