Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer
8 mai 2004, 13 h 00.
Après le repas de midi, Jim part au travail. Je le rejoindrai dans quelques minutes, le temps de faire la vaisselle et de s’assurer que l’un des Observateurs surveille nos fils. Ainsi, je pourrai passer voir mon mari et voir qui est Peter Harrison qui hante l’hôpital. Une fois la vaisselle faite, je me dirige vers le salon, où Christopher et Jack s’amusent bien avec leurs jouets. Rendue près du passage vers le salon, je sursaute, surprise par l’apparition soudaine de l’Observatrice. Cette dernière me sourit puis commente d’un ton affable : – Désolé de ne pas vous avoir averti… Pour vous dire que je veillerai sur vos fils le temps que vous réglez le cas de Peter Harrison… Je vous avertirai si votre présence est nécessaire… Bonne enquête !
Je balbutie : – Merci beaucoup, Madame…
– Il n’y a de quoi !
Laurie Gibeau disparaît de ma vue pour apparaître derrière le canapé, la tête tournée vers la direction de Christopher et Jack, sur leur tapis bleu marine. Je souris devant cette scène. Je pense : « Alors, je sais ce que je dois faire : aider Peter Harrison ! » Contente de mon idée, je prends mon sac à main beige, en vérifiant que mon calepin est à sa place. Rassurée, je reviens au salon et je dis à mes fils en russe : – Mes anges, je dois aller voir votre père…
Christopher et Jack s’exclament à l’unisson, les yeux écarquillés : – Quoi !?
J’ajoute aussitôt : – Ne vous inquiétez pas de mon absence, je reviendrai bientôt… Car je dois aider un esprit errant…
Je fais une courte pause avant d’enchaîner d’un ton joyeux, en tournant ma tête vers l’Observatrice : – D’ailleurs, votre amie est là… Donc, aucun souci…
Mes fils regardent rapidement la Française, qui les salue d’un geste de tête, puis reviennent à leurs jeux. Moi, je sors de ma maison et je me rends d’un pas rapide à l’hôpital Mercy, qui est le seul hôpital dans notre petite ville. Une fois dans la salle d’attente, j'aperçois Jim en uniforme qui me fait des grands gestes de ses mains, comme pour signaler sa présence. Je me rapproche de lui. Il murmure en russe : – Mel, j’ai trouvé quelques informations sur Peter Harrison…
Il file dans une autre pièce, sans doute le salon du personnel, pour revenir quelques minutes plus tard avec une chemise de classement beige qu’il me tend. Je la prends et je l’ouvre : il contient plusieurs feuilles imprimées. Mon époux commente à mi-voix : – Il s’agit de l’ensemble des informations qui figurent dans son dossier dans les archives… Si des éléments sont manquants, tu peux toujours demander à l’un des Messieurs…
Je saisis l’allusion : soit à l’esprit errant, soit à l’Observateur. Je confirme ses propos d’un mouvement de tête positif en pensant : « J’espère bien que je parviendrai à comprendre rapidement l’histoire de Monsieur Peter Harrison… Seigneur, aide-moi ! »
Je murmure en russe : – Merci !
– Il n’y a de quoi ! Je m’oblige de t’aider, comme toujours !
– Tu es génial !
– C’est toi qui est géniale !
Jim, après une courte pause silencieuse, ajoute d’un air sérieux : – Mel, je te propose de lire les documents dans le salon du personnel… Tu seras plus tranquille…
Il m’accompagne jusqu’au salon du personnel, qui est une salle bien accueillante avec une grande table en bois en son centre, plusieurs chaises et un téléviseur sur un meuble à roulettes dans un coin et une grande fenêtre qui laisse entrer la lumière naturelle du jour. Les murs, comme tous les autres murs de l’hôpital, sont blancs.
Je débute la lecture des documents, assise sur une chaise à la grande table. Peter Harrison est né le 2 mai 1919 à Longview et est mort le 5 décembre 1999 à l'hôpital Mercy de Grandview.
Je remarque du coin de l’œil qu’une entité fait progressivement son apparition du côté opposé de la table. Sans doute un esprit errant. Je lève mes yeux des documents pour le détailler : un jeune homme blanc aux cheveux et aux yeux bruns, vêtu d’une sorte de peignoir gris sous lequel se voit un chandail blanc. Lorsque mon regard rencontre le sien, il s’exclame, visiblement étonné, les yeux écarquillés et les sourcils levés : – Vous me voyez ?
Je hoche la tête.
L’esprit ajoute : – Alors, pourquoi les autres m'ignorent ?
Mon plus beau sourire sur les lèvres, je réponds d’un air affable : – Parce qu’ils ne peuvent pas vous voir… Tandis que moi, j’ai un don depuis mon enfance de voir les esprits errants…
– D’accord, je comprends…
– Et bien, à moi de vous poser une question…
– Allez-y…
– Êtes-vous Peter Harrison ?
– Oui.
Je pense en jetant un coup d’œil rapide aux papiers pour relire la date de décès : « Il est né en 1919 et est mort en 1999… » Je fronce des sourcils. « Ce qui signifie qu’il avait quatre-vingt ans… Comment peut-il apparaître comme un jeune homme ? À moins qu’il s'agisse d’une blague et d’un autre esprit qui se présente comme Peter Harrison… »
Je chasse mes pensées en me raclant la gorge.
L’esprit errant, comme s’il a lu mes pensées, me lance un regard noir.
Je me ressaisis pendant quelques secondes, le temps de me concentrer sur les prochaines questions à poser à Peter Harrison.
D’un ton sérieux, je demande : – Pourquoi vous hantez l’hôpital ?
Mine pensive, l’esprit demeure silencieux avant de répondre d’un ton courroucé : – C’est le lieu de mon décès !
– Pouvez-vous me dire les dernières choses dont vous vous souvenez ?
– J’étais allongé dans un lit d’hôpital, avec différentes machines autour de moi et des tubes. J’étais immobile, allongé sur le dos. La docteur s’approche de moi et me demande d’une voix douce si je veux mourir, car je suis incurable. Je la regarde droit dans les yeux et je pense que non. Seulement, je n’avais pas assez de force pour le dire clairement tellement je me sentais faible. Malgré mon refus, elle me pique avec l’une de ses satanées aiguilles dans le bras droit et plus aucune douleur. Je flotte au-dessus de mon corps. La docteur vérifie sans doute mes signes vitaux puis sort de la chambre pour avertir la secrétaire de ma mort. Celle-ci en informe d’autres membres du personnel de l’hôpital. Ensuite, un médecin et un coroner font irruption dans la chambre et transportent mon corps dans la morgue.
– Merci de votre réponse… Mais je voudrais vous demander quel est le nom de la docteur qui s’était occupée de vous ?
Les yeux de Peter brillent d’une lueur de colère. Il s'exclame en un souffle d’un air courroucé : – Son putain de petit nom est Nora Sutherland !
Je fronce des sourcils, perplexe : « Il me semble avoir déjà entendu ce nom… Pourtant, il me semblait qu’une infirmière s'appelait Sutherland… Qui est une complice de Carl Neely et qui a empoisonné un docteur qui a pris sa retraite… À moins qu’il s’agisse de deux sœurs, l’une qui est docteur, l’autre infirmière… Je demanderai à Jim pour être certain… »
Peter commente d’un ton courroucé : – Il ne s’agit pas de deux personnes différentes ! C’est d’une seule et même personne !
Perplexe, je balbutie : – Êtes-vous certain de l’information ?
– Oui !
– Pouvez-vous préciser ?
– Que voulez-vous que je précise, Madame ?
– Comment une docteur peut se cacher comme infirmière ?
La mine pensive, l’esprit errant réponds d’un ton aigre : – En changeant son nom et en déménageant dans une autre ville…
Encore plus étonnée des propos de Peter, je fais un geste de ma main droite pour l’encourager à développer son idée.
Il poursuit d’un ton mi-aigre mi-courroucé : – Le docteur Nora Sutherland travaille comme infirmière sous le nom de Jennifer Quinlan…
À ce moment précis, un esprit fait brusquement son apparition à ma droite : l’Observateur français. Il affiche une mine très sérieuse qui m'effraie quelque peu.
Je demande d’une voix tremblante : – Qu’avez-vous… à… dire ?
Jean Bude de Guébriant répond d’un ton désincarné qui sied bien à son visage de marbre : – En effet, Jennifer Quinlan et Nora Sutherland sont une seule et même personne. Seulement personne n’est au courant du changement de son identité.
Les mains tremblantes, je m’écriai d’une voix chevrotante : – Comment… est-ce… possible ?
– Cherchez les informations les plus révélatrices sur ces deux femmes et n’oubliez pas les éléments communs.
L’Observateur disparaît quelques secondes plus tard. Je soupire, je griffonne les deux noms sur une ligne d’une page de mon calepin et je tourne mon regard vers Peter Harrison, qui me regarde d’un air étonné. L’esprit murmure : – Pour qui il se prend, celui-là ?
Mon plus beau sourire aux lèvres, je réponds d’un air assuré : – Il est un Observateur, ce qui signifie qu’il sait tout ce qui s’était passé et tout ce qui se passe…
Peter marmonne d’une voix rêveuse : – Ça expliquerait comment je l’ai remarqué… Seulement je ne comprenais pas ce qu’il faisait…
D’un ton sérieux, après un bref sourire, il enchaîne : – Merci, Madame, pour la précision.
Je réplique d’un air aimable : – Il n’y a de quoi.
Pendant quelques secondes nous demeurons silencieux. Je soupire pour ramasser mon courage à deux mains. Je demande dans un souffle : – Monsieur Harrison, avez-vous une famille ?
D’une mine triste, l’esprit secoue lentement sa tête en un geste positif. Il murmure : – Oui, j’en avais une, seulement, j’étais le dernier à mourir. Ma femme et mes enfants sont morts avant…
Émue, je cligne rapidement des yeux pour ne pas commencer à pleurer. Je l’enjoins d’un geste de ma main droite à poursuivre.
Peter continue d’une voix étranglée : – Ma femme,... ma chère Judith,... est morte… à l’hôpital de Longview, un peu après avoir accouché de notre deuxième fille… C’était le 7 décembre 1944…
Des larmes perlent ses yeux. Il continue d’une voix éteinte : – Nos deux adorables filles, Emmy et Suzanne, sont mortes respectivement à l’âge de quatre et de trois ans…
Je griffonne les informations sur une feuille de papier de mon calepin d’une main tremblante.
Je lève mes yeux vers l’esprit pour demander d’une voix tremblante malgré moi : – Pouvez-vous… précisez… au sujet… des circonstances de… leur mort ?
D’un ton triste, les yeux mouillés de larmes, il s’exclame : – Elles ont été enlevées en décembre 1947. Leurs corps ont été retrouvés… dans la forêt près de Grandview…
Je le regarde d’un air ébahi, les yeux écarquillés en pensant : « Que Dieu nous évite une telle tragédie ! »
Peter continue : – Les policiers avaient affirmé que… qu'elles… se sont perdues dans les bois… Sauf…. que je ne crois pas du tout à cette version….
Les larmes se pointent dans mes yeux. Ma gorge est tellement nouée par l’émotion que je ne trouve pas la force de dire un seul mot. Je fais un geste de ma main droite pour l’inviter à développer sa pensée.
L’esprit poursuit d’une voix grave et un peu tremblante : – Je soupçonne… que des salauds… de médecins… les ont enlevé… pour prendre… leurs organes… ou… pour… les violer…
Les yeux agrandis de peur, je me signe par réflexe en pensant : « Ah ! Quelle cruauté ! Que Dieu ait leurs âmes ! Et alors, vous vous attendez à ce que je trouve la cause du décès de vos filles ? »
Peter hoche imperceptiblement la tête puis disparaît de ma vue. Je fixe la direction vers laquelle il se trouve. Je soupire en pensant : « Toute cette histoire sent mauvais ! Encore une histoire sordide ! » Je ramène mon attention sur le document, que j’ai déposé sur la table. J’adresse une courte prière à la Vierge, me signe puis saisis de ma main droite les feuilles. Je me concentre pour lire. Voici à peu près en résumé les informations les plus pertinentes que je note rapidement sur plusieurs pages de mon calepin : Peter Harrison avait été un patient de l’hôpital de Longview, sauf qu’il a été transféré à l’hôpital Mercy à Grandview depuis mars 1990 sur le conseil de son docteur, un certain Peter Forrest. Il avait été atteint d’un mal incurable inconnu. Je me signe par automatisme, les yeux agrandis de peur. Mais j’inspire et j’expire profondément pour poursuivre ma lecture de son dossier. Je découvre avec une certaine curiosité que le patient avait été pris en charge par différents docteurs, à savoir Morgan Forrest, Alfred Neely et Nora Sutherland. Je parcours rapidement du regard les différentes prescriptions et signatures desdits médecins en pensant : « Il n’y a rien à comprendre ! J’espère que Jim n’écrira pas d’une écriture aussi illisible… » Je soupire et je passe aux documents relatifs à l’autopsie de Peter Harrison : le texte est dactylographié, ce qui me permet de prendre des notes. Ainsi, j’apprends que des médicaments, tels le diazépam et le midazolam ont été trouvés dans son organisme. Une feuille précède ce document. Je n’ai pas le temps de lire un seul mot.
Je lâche d’étonnement la feuille, car voilà que de mes yeux d’esprit, je vois un vieil homme aux cheveux blancs allongé dans un lit d’hôpital, simplement vêtu d’une sorte de peignoir gris sous lequel se voit un chandail blanc. Il semble immobile et très fatigué. Une jeune femme vêtue d’un sarrau blanc est assise sur une chaise en bois laqué à sa droite. Elle murmure d’une voix douce : « Monsieur Harrison, vous savez ce qui vous reste à faire… » Comme l’homme ne réagit pas, elle continue : « … mourir… Car votre vie est réduite à rien… Je vous suggère une dose létale et c’est fini ! » Le patient demeure aussi inexpressif, la docteur se lève de la chaise pour se diriger vers une petite table basse un peu à l’écart du lit, pour prendre une seringue propre et une petite fiole qui contient un poison. D’un geste sûr, elle verse quelques gouttes du produit dans la seringue, se retourne vers le patient. Elle pense – ce que je comprend comme si elle parle mentalement – « Je ne dois surtout pas oublier le papier ! Il ne faut surtout pas que l’on m’accuse d’homicide ! » La femme dépose la seringue sur la table puis sort une feuille de papier du tiroir, qu’elle place sur une machine à dactylographier. Elle regarde rapidement vers le patient, qui est toujours immobile sur son lit puis elle apporte doucement sa chaise de bois devant la machine à dactylographier. Elle écrit un texte.
Je revois à nouveau le document que je voulais lire. Perplexe, le cœur frappant très fort dans ma poitrine, je cligne des yeux en pensant : « Encore une vision mystérieuse ! Ah ! Seigneur, éclaire-moi sur la vérité de cette histoire ! » Je sursaute malgré moi lorsque l’Observateur français apparaît brusquement, sans aucun avertissement devant moi. Il affiche un air très sérieux. Je comprends immédiatement qu’il ne me dira que ce qui est important.
Jean Bude de Guébriant affirme d’un ton sérieux, sans sourciller : – Madame, vous avez vu les derniers moments de Monsieur Peter Harrison, qui se trouvait alors avec le docteur Nora Sutherland.
Je pense, perplexe : « Si je comprends bien, elle est responsable de sa mort… »
– Exactement… Elle a écrit ce texte que vous lirez maintenant.
Étonnée, je lis attentivement la feuille de papier. Le texte est bien structuré et dactylographié. En en-tête est mentionné l’Hôpital Mercy, suivi d’une date, à savoir le 5 décembre 1999. Je lis la suite avec intérêt : « Par la présente, Monsieur Peter Harrison déclare vouloir mettre fin à sa vie, après plusieurs années de traitements sans succès, en raison de l’incurabilité de sa maladie. Cet acte est accompli par la docteur Nora Sutherland à la demande expresse du patient, Monsieur Peter Harrison. » En bas de la page, une signature illisible.
L’Observateur commente : – Madame Gordon, vous avez compris que Monsieur Peter Harrison n’était nullement consentant…
Je hoche la tête en pensant : « Comment il pouvait l’être ? »
– Très bien !
Perplexe, les yeux agrandis de peur, je pense, car je ne trouve pas assez de force pour parler : « Comment ses collègues n’ont douté de rien ? »
L’Observateur, comme s’il a lu ma pensée, répond d’un air sérieux : – Soit ils ne veulent pas voir, soit ils sont complices, soit ils ignorent complètement que leur collègue peut ainsi être une meurtrière. Il n’y a pas cinq options possibles…
Je murmure d’une voix tremblante : – Je comprends…Mais… Puis-je vous poser une question ?
– Oui.
– Pourquoi la docteur Nora Sutherland a tué Peter Harrison ?
– C’est vrai, vous ne pouvez pas le savoir. Les archives sont silencieuses à ce sujet. Et Monsieur Peter Harrison ne le sait pas non plus. Dans ce cas, je dois vous le dire…
L’Observateur fait une courte pause avant de poursuivre d’un ton sérieux, ce qui accompagne bien son visage inexpressif. Il dit sans aucune hésitation : – La docteur Sutherland a tué Monsieur Harrison parce qu’elle a été payée par un agent ennemi, l’agent Matthew Mallinson, car ce dernier considérait Monsieur Harrison comme un homme dangereux…
Je l'interrompt brusquement en hurlant d’étonnement : – Comment ?
– Il était considéré comme dangereux simplement parce qu’il s’était lié d’amitié avec une veuve, une certaine Karina Müller, qui avait émigré de l’Allemagne…
Sans doute je ne peux pas cacher mon étonnement en pensant : « Depuis quand une amitié peut être considérée comme dangereuse ? »
Je m’éclaircis la gorge puis je murmure : – Excusez-moi, mais comment j’écris son nom ?
– Karina, c’est K, A, R, I, N, A… Müller, c’est M, U avec tréma, L, L, E, R.
Je murmure d’une petite voix : – Merci beaucoup…
Jean Bude de Guébriant s'éclaircit la gorge puis poursuit d’un air aussi sérieux sans sourciller : – Cette amitié était considérée dangereuse par le Federal Bureau of Investigation en raison du fait que les deux amis se sont encouragés mutuellement à croire en leur don. Monsieur Harrison pouvait entendre les esprits et Madame Müller avait des visions prémonitoires. Voilà pourquoi le Federal Bureau of Investigation les avait mis sur la liste des personnes sous écoute puis sur la liste des personnes à éliminer…
Et mon interlocuteur disparaît avant que je puisse ajouter un seul mot. Je fixe pendant quelques secondes la direction vers laquelle l’Observateur se trouvait. Je soupire puis je referme mon calepin en pensant : « Pour mieux comprendre cette histoire, je dois trouver le maximum d’informations sur la docteur Nora Sutherland et sur l’infirmière Jennifer Quinlan… » Je soupire. La porte du salon du personnel s’ouvre : Jim entre et me salue d’un signe de tête. Je lui rends un salut de la main droite. Il s’assied sur une chaise en face de moi et murmure en russe d’un ton chaleureux : – Mel, comment avance ton enquête sur l’esprit ?
Je soupire et le regardant droit dans les yeux, je gémis d’une voix presque tremblante malgré moi : – C’est un cas compliqué ! Il y a beaucoup trop d’éléments à considérer et plusieurs qui sont sous-entendus…
D’une voix douce, Jim commente : – Es-tu certaine de ne pas avoir des indices ou des pistes de recherche ?
– Ouais… Peter Harrison est mort d’une maladie incurable, probablement tué par la docteur…
Je fouille rapidement dans mon calepin puis je poursuis d’une voix tremblante : – … par la docteur Nora Sutherland… Je l’ai compris à partir d’une vision… dans laquelle j’ai vu une femme vêtue d’un sarrau de docteur… qui met une substance dans sa seringue pour l’injecter au patient qui n’a clairement pas accepter de mourir ainsi… Il était seulement impuissant… Une fois sa mort constatée, la docteur a écrit une lettre dans laquelle elle affirme que Peter Harrison a accepté de mourir… Ainsi, elle ne peut pas être accusée de sa mort… Ah, quelle cruauté !... D’ailleurs,... selon les propos… de Peter Harrison… et de l’Observateur français,... la docteur Nora Sutherland… est la même… que… l’infirmière Jennifer Quinlan… As-tu déjà rencontré ce docteur et cette infirmière ?
Mine pensive et lueur d’inquiétude dans son regard, Jim demeure silencieux pendant plusieurs secondes avant de répondre d’un ton qui se veut rassurant : – Mel, pour être honnête, je ne me souviens pas d’une docteur Sutherland… Par contre, je peux te confirmer que Jennifer Quinlan est une infirmière qui travaille à Mercy depuis décembre dernier…
Je murmure, après avoir griffonné les informations sur une feuille vierge de mon calepin : – Merci… Heureusement que tu connais les membres du personnel de l’hôpital… Dans ce cas, je te laisse chercher au sujet de ces deux femmes, car l’Observateur m’a précisé qu’il y a un rapport… entre elles, et c’est aussi l’avis de Peter…
Jim murmure : – Ne t’inquiète pas ma chérie, je m’occuperai dès que j’ai le temps de faire cette petite recherche. Ainsi, tu peux te concentrer sur le cas de Peter…
Je commente en jetant un coup d’œil rapide à mes notes : – Son cas paraît plus complexe que ce que je pensais au début…
Mon époux m’enjoint d’un geste de sa main droite à poursuivre.
Je gémis d’une voix tremblotante : – Il est mort seul, car sa femme et ses filles sont décédées beaucoup plus tôt… Selon lui, ses filles ont été enlevées…. dans la forêt de Grandview,... sans doute… violées,.... ou… Dieu-sait-quoi…
Il saisit ma main droite de sa main gauche en signe d’encouragement. Je poursuis d’une voix encore tremblante : – Il veut que… je lui… confirme ses doutes…
Jim murmure d’une voix émue : – Tu sais alors que tu dois rassurer Peter…
Je hoche lentement la tête puis serre la main qui serre la mienne. Des larmes silencieuses coulent librement sur mes joues, comme deux sillons. Il s’approche par derrière la chaise sur laquelle je suis assise pour m’enlacer de ses deux bras. Je m’appuie contre lui. Il murmure d’un air rassurant : – Mel, ressaisis-toi… Tu es capable de faire cette enquête… Il faut seulement y aller une étape à la fois… Et n’oublie pas que je t’aiderai du mieux que je peux…
Émue de son soutien inconditionnel, je pense : « Ah, mon Dieu ! Merci de m’avoir destinée un époux si attentif ! » Je pleure de joie, mais je m’empresse de sécher mes larmes du dos de ma main droite. Je regarde Jim, qui m’adresse son plus beau sourire. Il me libère de son étreinte lorsqu’aucune larme ne coulait de mes yeux. Il m’embrasse sur le front, les joues et les lèvres pour m’encourager. Je l’embrasse sur les lèvres pour lui faire comprendre que je suis soulagée.
Je reviens dans notre maison, afin de regarder nos fils jouer au salon. Je dois me reposer de cette enquête. En entrant, je remercie l’Observatrice, qui disparaît aussitôt de ma vue. Le soir, Jim revient du travail. Nous nous sommes enlacés après avoir récité la prière. J'ai passé une nuit tranquille, sans aucun rêve.
Le lendemain matin, après le petit-déjeuner, je me rends dans ma boutique d’antiquités afin de faire une recherche sur Peter Harrison. sa femme et ses filles. J’essaye d’inscrire dans le moteur de recherche « Peter Harrison », « Judith Harrison », « Emmy Harrison », « Suzanne Harrison » et « Karina Müller ». Je prends note des informations les plus intéressantes sur des feuilles vierges de mon calepin. Ainsi, je découvre que Peter Harrison a été admis comme patient à l’hôpital de Longview le 5 mai 1995. Il avait été plusieurs fois opéré, car les docteurs pensaient qu’il avait une tumeur à l’estomac. Cependant, son mal présentait des symptômes tellement bizarres (céphalées violentes, perte d’équilibre, douleurs dorsales et abdominales) qu’ils l’avaient déclaré incurable et l’avaient transféré sur le conseil du docteur Peter Forrest à l’Hôpital Mercy à Grandview le 7 mars 1990, afin d’obtenir de soins plus appropriés pour son état. Je décide alors de faire une recherche sur le docteur en question. En établissant son arbre généalogique, je découvre qu’il est le frère aîné du docteur Morgan Forrest, qui travaille dans l’hôpital de notre ville. « Ça explique pourquoi Peter Harrison a été transféré… » pensé-je, « en espérant qu’ils ne font pas partie du réseau de connaissances de Carl Neely… » Je poursuis ma recherche pour chasser mes inquiétudes. Selon l’avis de décès, Peter Harrison n’avait personne pour assister à ses funérailles. En approfondissant son arbre généalogique, je découvre qu’il était en effet le fils unique de Meredith Harrison et de Richard Harrison, tous les deux décédés respectivement le 3 novembre 1950 et le 4 janvier 1951. En ce qui concerne sa femme, Judith Harrison, elle est morte le 7 décembre 1944 peu après son accouchement. Quant à leurs filles, Emmy et Suzanne, elles sont portées disparues depuis le 19 décembre 1947 dans la forêt de Grandview. Cinq jours plus tard, l’agent du Federal Bureau of Investigation (FBI) John Mallinson a mené l’enquête sur leur disparition et a retrouvé le corps des fillettes dans la forêt, avec des vêtements déchirés et salis de boue et de sang. Selon le rapport d’enquête, Emmy et Suzanne Harrison sont mortes d’inanition et d’hypothermie. En ce qui concerne Karina Müller, elle était une Allemande née le 20 février 1925 à Dresde, alors la République de Weimar. Elle était la fille de Margaret et Bruno Müller. Elle s'est mariée à Burkhard Scheller le 4 juillet 1943 à Dresde. Leur mariage se terminait avec la mort du mari, le 5 août 1944. Aucun enfant n’est mentionné. Karina avait quitté Dresde, qui avait été bombardé par les forces de l’aviation britanniques et américaines en février 1945. Elle est arrivée à Longview en mars 1945. Elle meurt en 1989 à l’hôpital de Longview d’une crise cardiaque.
Une fois mes recherches terminées, je jette un coup d’œil rapide à l’heure : 10 h 05. Fatiguée de cette enquête improvisée, j’éteins l’ordinateur de bureau, je m’étire et je range mon calepin dans mon sac à main beige.
À ce moment-là, un esprit apparaît devant moi : l’Observateur français. Je soupire en pensant : « Qu’avez-vous encore à ajouter ? »
Il répond brièvement : – Des informations complémentaires.
Je sors à nouveau rapidement mon calepin et mon stylo pour pouvoir prendre des notes.
L’Observateur me sourit gentiment puis continue d’un air sérieux : – La mort de Madame Judith Harrison a été planifiée…
Les yeux écarquillés d’étonnement, je fais un geste de ma main droite pour continuer.
Il affirme d’un ton sérieux, avec une expression de marbre : – Car la sage-femme qui l’a aidé à accoucher lui a administré une seringue de substances mortelles en lui faisant croire qu’il s’agissait d’une anesthésie péridurale.
D’étonnement, je fixe mon interlocuteur en pensant : « Mais, ça ne peut pas être vrai ! »
Il poursuit d’un air sérieux, sans sourciller : – Pourtant, c’est la vérité, Madame Gordon… Je dois préciser que la sage-femme a été payé d’une somme de cinq-cent dollars pour administrer cette seringue fatale…
Je murmure tellement je ne trouve pas la force de parler normalement : – Par qui ?
Sans hésiter, l’esprit Observateur répond : – Par le docteur Albert Steinweg, un collaborateur du Federal Bureau of Investigation… Pour l'orthographe de son prénom Albert, c’est A, L, B, E, R, T. Pour son nom, c’est S, T, E, I, N, W, E, G… Ce docteur obéissait aux ordres de l’agent John Mallinson, celui-là même qui avait enquêté sur la mort d’Emmy et de Suzanne Harrison… D’ailleurs, vous devez savoir que ce même agent a été responsable de l’enlèvement des fillettes…
Je cligne des yeux d’étonnement en pensant : « Comment est-ce possible ? »
Mon interlocuteur poursuit d’un ton sérieux : – L’agent John Mallinson a enlevé Emmy et Suzanne Harrison, pour les violer puis les tuer sauvagement dans la forêt de Grandview, ce qui explique pourquoi il les a rapidement retrouvé.
Les yeux agrandis par la peur, je lâche mon stylo et je me signe en vitesse en pensant : « Que le Seigneur évite de telles tragédies aux familles ! »
Je murmure d’une voix tremblante, en prenant à nouveau mon stylo : – Mais… Pourquoi tant de… cruauté… envers… les Harrisons ?
Jean Bude de Guébriant, dont le visage est aussi inexpressif, répond directement : – En raison du don de Monsieur Peter Harrison. Les agents du FBI voulaient à tout prix qu’il travaille pour eux. Seulement, il a fermement refusé. Le premier avertissement était la mort de sa femme. Comme il n’a pas compris, ils ont tué leurs filles, car ils pensaient qu’elles ont hérité le don de leur père. C’est exact, sauf qu’ils n’en étaient pas certains. Mais Monsieur Peter Harrison, fidèle à lui-même, avait refusé de travailler pour les espions, c’est pourquoi ils l’ont peu à peu affaibli pour finalement le tuer, car les docteurs qui l’ont soigné étaient des complices plus ou moins directs du FBI…
L’Observateur fait une courte pause de quelques secondes, le temps de s’assurer d’avoir pris le maximum de notes, puis enchaîne sur un ton aussi sérieux : – Aussi, vous devez savoir que John Mallinson est le grand-père de Matthew Mallinson, l’agent pour lequel Carl Neely travaille…
Les yeux écarquillés d’étonnement, le cœur battant la chamade, je pense : « Quoi ? Ils sont espions de père en fils ? Quel machiavélisme ! »
Mon interlocuteur commente : – En effet, le fils de John Mallinson, prénommé Arthur, est aussi un agent du Federal Bureau of Investigation. De même pour son petit-fils…
Il fait une courte pause, sans doute pour me laisser le temps de digérer l’information. Le silence est brisé par le ton sérieux de l’Observateur : – En ce qui concerne Madame Karina Müller, je dois ajouter que la crise cardiaque fatale a été la conséquence de l’administration de force de médicaments par des docteurs complices, parmi lesquels se trouve Albert Steinweg…
Je pense perplexe : « J’ai oublié de demander pour les docteurs Morgan Forrest et Alfred Neely ! »
Jean Bude de Guébriant me fixe, comme s’il attend que je pose ma question.
Le souffle court, je dis à mi-voix : – Est-ce que les docteurs Morgan Forrest et Alfred Neely sont aussi des complices du FBI ?
D’un ton sûr, il répond : – Heureusement que non.
Après une courte pause de quelques secondes, un sourire chaleureux aux lèvres, l’Observateur dit : – Voilà, maintenant, vous savez toute l’histoire de Monsieur Peter Harrison…
Je murmure une formule de remerciement et mon interlocuteur s’évapore jusqu’à disparaître complètement de ma vue. Je range mon calepin et mon stylo dans mon sac à main puis je reviens chez moi. Mon époux m’ouvre la porte et nous nous rendons au salon pour regarder nos fils jouer avec beaucoup d’insouciance. Jim me serre la main droite et murmure en anglais : – Mel, puisque tu as pris beaucoup de temps pour ta recherche, j’irai après le midi chercher les informations sur l’infirmière et la docteur… Et nous échangerons plus tard les informations trouvées… Es-tu d’accord ?
Je hoche la tête pour approuver son plan en pensant : « J’espère seulement sans trop de mauvaises surprises… »
Pour le midi, des pelmeni au chou. Ensuite, Jim et moi faisons la vaisselle puis il s’habille en vitesse pour être plus convenable qu’en pantalon de jogging. Il prend son sac à dos puis m’embrasse sur les lèvres. En attendant son retour, je regarde nos fils jouer avec leurs petites voitures sur leur tapis bleu marine. Je suis presque jalouse de leur insouciance. Mais bon, en tant qu’épouse et mère, je dois être plus sérieuse et responsable, ce que j’essaie du mieux que je le peux.
Quelques heures plus tard, Jim est revenu de son enquête. Lorsqu’il franchit le seuil de la porte, je pense malgré moi : « Jim, tu es vraiment très efficace ! »
Le soir, après avoir envoyé Christopher et Jack dormir dans leur chambre, mon époux et moi sommes allés dans la cuisine pour discuter du cas de Peter Harrison. Nous sommes assis face à face, avec nos calepin et feuilles de notes. Je murmure en russe : – L’histoire de Peter Harrison est plus terrible que ce que je pensais…
Je continue d’une voix brisée après avoir feuilleté rapidement mes notes : – Il est mort,... tué sur l’ordre d’un sordide agent du FBI,... un certain John Mallinson… qui est le grand-père de Matthew Mallinson…
Jim, le front plissé, me coupe la parole et demande d’un ton sérieux : – Il me semble que tu m’as déjà mentionné ce nom… Ne serait-il l’agent pour lequel le salaud de Carl Neely travaille ?
Je confirme d’un geste positif de tête. Je poursuis d’une voix brisée : – Peter Harrison est tué… pour la simple raison qu’il pouvait entendre les esprits,... mais qu’il a refusé de collaborer avec le FBI… C’est aussi pour le menacer que les espions,... avec des médecins complices,... ont tué sa femme et leurs filles… Ces dernières ont même été violées par John Mallinson…
Je remarque que mon mari fait une moue.
Je poursuis : – Ce qui explique pourquoi il a mené rapidement l’enquête sur leur disparition… De plus, certains médecins qui ont soigné Peter l’ont en réalité empoisonné… Il a donc été transféré dans l’hôpital de notre ville, où il a connu la mort de la main de la docteur Nora Sutherland… Ah, mon Dieu ! Quelle cruauté !
Je pleure silencieusement. Jim s’approche de moi pour m’enlacer tendrement. Je me laisse bercer le temps de me remettre de l’émotion qui m’a saisi. Il revient à sa place, sur la chaise en face de moi. Je poursuis d’un ton neutre : – De plus, comme si ce n’est pas suffisant, ils ont tué Peter Harrison, car le docteur qui s’occupait de lui à Longview était un complice avec le FBI et il l’a transféré dans l’hôpital de notre ville, où il a été pris en charge par un autre docteur complice, Nora Sutherland. L’Observateur français m’a précisé que le docteur Peter Forrest était complice. Heureusement, son frère benjamin, le docteur Morgan Forrest…
Jim, lueur d’inquiétude dans ses yeux bleus, m’interrompt d’un ton sec : – Celui qui a accepté ma candidature pour faire mes études en médecine ? Il travaille en effet dans l’hôpital de notre ville… Serait-il par hasard aussi un complice du FBI ?
– Heureusement que non. De même pour le père de Carl Neely…
Je fais une courte pause le temps de jeter un coup d’œil à mes notes. Je m’éclaircis la gorge puis je poursuivis d’un ton neutre pour ne pas commencer à pleurer : – En gros, il est mort pour deux raisons, à savoir son refus de travailler pour les espions et son amitié avec une Allemande qui avait des visions prémonitoires. Comme ils se sont encouragés avec leurs dons respectifs, les espions se sont arrangés pour les faire mourir… En faisant passer leur mort comme étant d’une cause naturelle…. La seule chose que je trouve bizarre, c’est le camouflage systématique de ces meurtres apparemment prémédités… Je ne comprends pas comment personne n’a douté de rien…
Jim, d’un ton affable, murmure : – Mel, il ne faut pas s’inquiéter trop de ces cas… Il est certain que si les morts de Peter Harrison et de son amie ont été planifiées, les espions et leurs salauds de complices se sont arrangés pour camoufler leur mort… Tu peux seulement remercier le Seigneur qui t’a permis de comprendre le coup monté de leur mort… Ensuite, il ne te reste qu’à convaincre Peter Harrison de partir dans la Lumière, n'est-ce pas ?
Je demeure silencieuse. Je pense : « Comme tu es adorable, Jim ! Et tu as raison… »
Je m’éclaircis la gorge puis réponds à mi-voix : – Oui…
Jim serre mes mains entre les siennes. Nous sommes silencieux pendant je ne sais combien de temps. La voix de mon époux brise le silence d’un ton sérieux : – Mel, je dois partager avec toi les informations que j’ai trouvées au sujet de la docteur Nora Sutherland et de Jennifer Quinlan…
Il lâche mes mains pour jeter rapidement un coup d’œil sur les feuilles qu’il a déposées sur la table devant lui. Il continue d’un ton aussi sérieux : – En ce qui concerne la docteur Nora Sutherland, elle a fait des études en médecine à l’Université Rockland de 1991 à 1999. À peine est-elle diplômée qu’elle obtient un poste en décembre 1999 à notre hôpital, poste qu’elle a occupé jusqu’en mai 2002… Ensuite, elle est partie à Longview… En cherchant un peu sur sa généalogie, il semblerait qu’elle est la fille d’un docteur, John Sutherland… En tout cas, c’est l’information la plus probable, étant donné que plusieurs personnes se prénomment Nora Sutherland dans les environs de Grandview… C’est tout pour la docteur Sutherland… Pour l’infirmière Jennifer Quinlan, elle a fait ses études au Collège de Grandview de septembre 2000 à décembre 2003. Depuis décembre 2003, elle travaille à Mercy…
Il fait une courte pause puis continue après s’être éclairci la gorge : – Si je me rappelle bien ce que ton ami l’Observateur t’a dit, il fallait se concentrer sur les points en commun entre la docteur et l’infirmière, n’est-ce pas ?
Je confirme d’un geste de tête positif.
Jim murmure d’un ton sérieux, le front plissé : – Pourtant, les deux femmes ne semblent avoir rien en commun, sauf celui d’avoir l’hôpital de notre ville comme lieu de travail…
Je pense, perplexe : « Oui, mais en quoi ça nous avance de savoir cette information ? »
Je fais un geste rotatif de ma main droite pour l’inciter à développer sa pensée.
Mon époux murmure : – La seule chose frappante, c’est la disparition soudaine du docteur Sutherland. J’ai fouillé tous les registres possibles, mais je n’ai rien trouvé après décembre 2003… Comme si elle s'était évaporée…
Je réplique, perplexe : – En effet, c’est bizarre… Ça me revient en mémoire… L’Observateur m’a mentionné qu’il y a eu un changement d’identité…
Jim s’exclame, les yeux brillants : – Ce qui peut expliquer pourquoi la docteur Nora Sutherland a disparu, puisqu’elle est probablement revenue à Grandview sous le nom de l’infirmière Jennifer Quinlan…
Je confirme ma compréhension d’un geste d’un tête positif.
Il poursuit d’un ton étonné : – Pourtant, le seul élément qui ne semble pas concorder, c’est la date de naissance des deux femmes, car Nora Sutherland est née le 3 février 1973, tandis que Jennifer Quinlan est née le 7 juillet 1982… Ce qui fait neuf ans, cinq mois et quatre jours de différence… Je ne pense pas qu’il soit possible à une femme de se faire passer pour plus jeune que son âge, surtout pour un tel écart…
Nous demeurons silencieux pendant quelques minutes. Je pense : « Je me demande bien comment un tel changement d’identité puisse être possible sans que les autres membres du personnel de l’hôpital n’ont rien remarqué… »
Jim murmure d’une voix songeuse, la mine pensive : – … À moins qu’il soit tout à fait possible que Nora Sutherland paraît plus jeune que son vrai âge… À vrai dire, je ne l’ai jamais vu…
Je m’éclaircis la voix pour commenter : – Moi, ce qui m’étonne le plus, c’est le fait qu’aucun de ses anciens collègues docteurs n’ont rien remarqué du changement d’identité…
Jim termine ma phrase : – … À moins qu’ils soient tous complices… Et que l'agent pour lequel elle travaille a arrangé le changement d’identité…
Je murmure : – Dans ce cas, ça voudrait dire que l’histoire est vraiment très complexe et qu’elle implique plus d’individus auxquels nous n’avons pas penser…
Je me tais, le temps de comprendre ce que je viens de dire et ce que je viens d’entendre. Je suis simplement dépassé par toute cette histoire. Je pense, en soupirant d’exaspération : « On dirait une histoire aussi compliquée que la relation entre Carl Neely et les esprits tchèques… À la différence que l’Observateur est plus collaboratif… »
À ce moment précis, un esprit apparaît à la droite de Jim : l’Observateur français.
Je tourne légèrement mes yeux vers lui, puis je murmure à mon époux : – Jim, voilà notre informateur infaillible !
Mon mari confirme sa compréhension d’un hochement de tête. Je tourne mon regard vers l’esprit, attendant qu’il prenne la parole.
L’Observateur commente d’un air sérieux qui glace le sang dans mes veines : – Madame Gordon, vous devez savoir que la docteur Nora Sutherland et l’infirmière Jennifer Quinlan sont en effet une seule et même personne…
Les yeux écarquillés, je tourne mon regard vers mon époux et je murmure d’une voix blanche : – Jim, l’Observateur français affirme que la docteur Sutherland et l’infirmière Quinlan sont une seule et même personne…
Je ramène mon attention vers l’esprit, qui poursuit d’un ton aussi sérieux : – La docteur Sutherland est la nièce du Lieutenant Jack Sutherland, le supérieur du supérieur de Carl Neely…
Je m’adresse à mon mari : – Jim, notre informateur précise que la docteur Sutherland est la nièce du Lieutenant Jack Sutherland, le supérieur du supérieur de Carl Neely…
Une lueur d’inquiétude se laisse apercevoir dans les yeux de mon époux. Il commente : – Ça annonce rien de bon…
Je murmure d’une voix blanche, la gorge nouée : – Je le pense aussi… Mais laisse-moi entendre la suite des explications de l’Observateur…
Jim hoche la tête. Je tourne ma tête vers Jean Bude de Guébriant. Je murmure : – Désolé, Monsieur, de vous faire patienter…
L’Observateur, sourire furtif aux lèvres, réplique : – Ce n’est pas grave, Madame Gordon-Clancy… Je ne me presse pas du tout…
Il fait une courte pause pour reprendre d’un air sérieux, voire glacial : – Nora Sutherland a été docteur à l’hôpital Mercy puis à l’hôpital de Longview. Elle a quitté Grandview après la mort de Monsieur Peter Harrison. Après Longview, elle revient à Mercy sous le nom de Jennifer Quinlan, l’infirmière que votre époux connaît… Cette identité a été construite par l’agent Matthew Mallinson. Si sa date de naissance est falsifiée, c’est en raison qu’elle paraît plus jeune que son âge réel, afin d’être certain qu’elle ne soit pas reconnue. En plus d’une chirurgie esthétique pour changer son visage, des lentilles et des cheveux teints d’une autre couleur et elle est méconnaissable. Si elle quitte Longview, c’est en raison de la mort de plusieurs patients sur l’ordre de l’agent Matthew Mallinson… D’ailleurs, vous devez savoir que Monsieur Peter Harrison n’a pas été sa première victime…
Les yeux écarquillés, la bouche entr’ouverte d’étonnement, je fais un mouvement de ma main droite pour continuer.
L’esprit Observateur affirme d’un ton toujours sérieux : – Nora Sutherland fournit à Gabriel Lawrence des médicaments pour empoisonner des gens indésirables, selon les ordres de l’agent du FBI Matthew Mallinson. De sorte qu’elle a tué de nombreux innocents… Sur ce, je vous dis tout ce qui est pertinent pour comprendre le cas de Monsieur Peter Harrison…
Je griffonne quelques mots sur une feuille de mon calepin puis je dépose mon stylo à côté. Je lève la main droite comme une écolière gênée et je balbutie : – Monsieur, puis-je vous poser une question ?
– Oui, je vous écoute.
Je tourne légèrement ma tête vers mon mari, qui me regarde d’un air insistant, comme s’il attendait que je dise quelque chose. Je murmure : – Jim, je te rapporterai les propos de l’Observateur après…
Mon époux hoche la tête pour me faire savoir qu’il comprend mes propos. Je rapporte mon attention vers l’Observateur français, qui attend que je dise quelque chose.
Je m’éclaircis la voix puis je demande : – Pouvez-vous m’expliquer comment Monsieur Peter Harrison peut se présenter à moi sous l’apparence d’un jeune homme alors qu’il était d’un âge avancé lorsque son âme a quitté son corps ?
L’Observateur répond d’un ton certain, sans hésiter : – Il peut ainsi paraître plus jeune parce que c’est ainsi qu’il se sent en son âme.
Étonnée, je pense : « Comment ? C’est une métamorphose par sa volonté seule ? »
Comme s’il a lu mes pensées, mon interlocuteur répond : – En quelque sorte, oui. Une âme, en règle générale, conserve l’apparence physique de son dernier moment. Mais celles qui ne sont pas satisfaites de leur dernière apparence peuvent alors la changer selon comment elles se sentent. C’est comme si elles pouvaient modeler pour ainsi dire leur apparence selon leurs sentiments. Parfois, ce sont leurs émotions qui peuvent faire changer leur apparence.
Je pense : « Merci pour les explications. »
L’Observateur réplique d’un ton chaleureux : – Il n’y a de quoi.
Et il s’évapore jusqu’à disparaître complètement de ma vue. Je fixe pendant quelques secondes l’endroit où il se trouvait, je soupire et je ramène mon regard vers Jim, qui me fixe avec impatience. Je lui rapporte les propos que l’Observateur m’a dit. Mon époux confirme sa compréhension d’un geste positif de tête.
Je poursuis d’une voix un peu tremblante : – Le plus bizarre,... c’est le fait que… Peter Harrison… n’a pas été sa première victime…
Jim fait un geste de sa main droite pour m’inviter à développer.
D’une voix tremblante, je dis : – Selon ce que l’Observateur m’a dit,… la docteur Sutherland fournit à Gabriel Lawrence…
Jim m'interrompt : – Il est le serveur qui voit les esprits ?
– C’est le seul que je connaisse… Elle lui fournit des médicaments pour tuer des gens indésirables… Quel réseau complexe !
Mon époux intervient : – Dans ce cas, Monsieur Lawrence est aussi un complice de Carl Neely ! Il me semblait que son jeu cachait quelque chose !
Je murmure : – Ouais, tu as peut-être raison…
– Je me doutais bien que son intérêt pour toi cachait quelque chose ! Il ne nous manquera que des informations supplémentaires pour confirmer mon avis….
Je pense : « Jim, ne sois pas si cynique ! »
Je murmure : – Jim, on laisse de côté Gabriel Lawrence… Tant que nous n’avons pas d’autres informations…
Je reprends d’une voix tremblante : – Que je revienne à ce que l’Observateur m’a dit…
Jim murmure : – Désolé, Mel…
– Euh… Qu’est-ce que je disais ?... Ah, oui ! Que le docteur Nora Sutherland a tué ainsi plusieurs innocents sur l’ordre de l’agent du FBI… C’est, par ailleurs, la raison de son départ de Grandview puis de Longview. Ça peut aussi expliquer pourquoi ensuite elle revient sous une fausse identité…
Mon époux approuve d’un signe de tête positif.
Je poursuis d’une voix tremblante : – Par contre,... je me demande ce que nous pouvons faire… Il est impossible… de dire aux docteurs… de l’hôpital… que l’infirmière Jenifer Quinlan… est le pseudonyme… de la docteur Nora Sutherland… Personne ne nous croira et…
Jim commente : – nous attirons sur nous l’attention des complices du salopard… En effet, tu as raison… Par contre, tu peux quand même convaincre Peter Harrison de partir dans la lumière…
Je murmure : – Exactement… En ce qui concerne Peter Harrison, un détail m’a frappé…
Les sourcils levés, mon époux murmure : – Lequel ?
Je réponds d’un ton assuré : – Son apparence de jeune homme… Je veux dire par là que je le vois à chaque fois qu'il apparaît devant moi comme s’il était un jeune homme, alors qu’il était vieux lorsqu'il est mort… Or, je t’ai déjà expliqué que je vois les esprits qui conservent la même apparence qu’à leur dernier moment…
Jim confirme sa compréhension d’un mouvement imperceptible de tête.
Je poursuis sans hésiter : – De sorte qu’un tel changement d’apparence m’a fait penser au début à une blague entre esprits… Mais l’Observateur français m’a expliqué la raison… Parce qu’il est possible à certaines âmes errantes de prendre l’aspect qu’elles veulent…
Jim murmure : – L’explication est en effet curieuse…
– Ouais… Mais au moins, il m’a expliqué pourquoi une âme peut apparaître différente que selon son dernier moment sur terre…
Je pense : « Je devrais peut-être suggérer à père de changer ainsi son apparence la prochaine fois qu’il se présentera, afin de ne pas faire peur aux enfants avec sa toge noire… »
Je chasse mes pensées en me raclant la gorge.
Jim jette un coup d’œil rapide sur sa montre et murmure : – Ma chérie, je pense qu’il est l’heure d’aller dormir… Il est tard…
Je pense, les paupières alourdies de sommeil : « Ça explique pourquoi je commence à être fatiguée… »
Je murmure : – Quelle heure est-il ?
– Onze heures.
Nous nous levons rapidement de nos chaises, rangeons rapidement nos feuilles et calepin puis nous nous endormons dans notre lit, enlacés, après avoir récité mentalement la prière du soir.
Le lendemain matin, alors que je suis sur le canapé au salon, en train de tricoter une écharpe. Jim surveille nos fils, qui jouent sur leur tapis bleu marine. Tout à coup, un esprit se manifeste devant moi. Je le reconnais immédiatement : Peter Harrison, toujours sous son aspect de jeune homme. Je murmure : – Monsieur Peter Harrison, je peux vous aider à quitter le monde d’ici-bas… En espérant que vous n’avez plus de raison pour continuer à errer… Pour être plus à l’aise, je vous propose de discuter dans la cuisine, car il est inapproprié de parler de votre cas devant des enfants en bas âge…
L’esprit regarde à gauche et à droite puis maugrée : – Ouais, vous avez raison…
Je me lève du canapé, sur lequel je dépose lentement mon tricot, puis je cherche rapidement mon calepin dans ma chambre avant de me rendre dans la cuisine. L’esprit errant apparaît alors devant moi, derrière la chaise en face de laquelle je suis assise.
Je murmure d’un ton sérieux après avoir jeté un coup d’œil rapide à mes notes : – Maintenant que je sais que vos filles… sont mortes tuées et violées par l’agent du FBI…
D’un ton courroucé, Peter me coupe la parole : – Par un salaud !
Je cligne des yeux plusieurs fois pour me ressaisir et je poursuis : – … par l’agent John Mallinson, qui a rédigé le rapport sur les circonstances de leur mort…
Je pense : « Que le Seigneur nous vienne en aide ! »
Je poursuis à mi-voix : – Vous savez alors ce qui vous intéresse… Pouvez-vous alors partir enfin dans la lumière, puisque vous n'avez plus aucune raison de rester encore parmi les vivants ?
D'un ton courroucé, ses yeux lancent des éclairs, l’esprit errant explose : – Et la salope de docteur-infirmière ? Vous n’allez quand même pas penser qu’elle peut être sauvée après avoir tué autant de gens ?
Je réplique d’une voix qui se veut douce : – S’il vous plaît, ne vous laissez pas emporter par la colère. Il ne sert à rien de s’emporter… D’ailleurs, pourquoi m’avez-vous caché que vous pouvez de votre vivant entendre les esprits errants ?
– Il n’était pas question de ça !
Je soupire pour reprendre courage puis je dis : – D’ailleurs, Monsieur Harrison, vous n’avez pas à être le juge de la docteur Sutherland ou de l’infirmière Quinlan, peu importe son nom…
Peter me coupe la parole : – Pourquoi pas ? Elle m’a fait tellement de mal…
Exaspérée, je l'interrompt : – Mais votre colère ne vous permet pas de lui rendre justice…Je comprends votre colère… Seulement, il ne faut pas qu’elle vous aveugle… Je vous précise, que vous êtes croyant ou non, seul Dieu la jugera… Nous ne sommes que des êtres humains, avec nos qualités, nos défauts et notre point de vue étroit…
Je remarque que mon interlocuteur baisse sa tête, comme s’il n’ose pas affronter mon regard. Je poursuis d’un ton plus assuré, car j’ai l’impression d’avoir touché une corde sensible : – De sorte que laisser Dieu juger de cette femme et vous, pourquoi vous ne partez pas dans la lumière, maintenant que tout est clair ?
Après ces paroles, un silence pesant règne dans la cuisine. J’entends les bruits étouffés de Christopher et de Jack qui jouent au salon, sauf que je n’y prête pas attention. Le silence semble durer une éternité. Je fixe Peter, qui maintient son regard baissé. Au bout d’un certain temps, il lève son regard vers le mien et murmure d’une voix rauque : – C’est vrai, vous avez raison… Je me suis suffisamment vengé d’elle, en l’influençant de manière à paraître maladroite… Seul Dieu jugera le docteur Sutherland, comme Il nous jugera aussi un jour…
Émue, des larmes se pointent dans mes yeux, brouillant ma vue. Je remarque que l’esprit a aussi les larmes aux yeux, ce qui me fait sourire malgré moi. À ce moment, je remarque que Peter a l’apparence d’un vieil homme aux cheveux blancs et au visage ridé. Il est vêtu d’une sorte de peignoir gris sous lequel se voit un chandail blanc. Il tourne sa tête vers sa droite. Il semble voir quelque chose que lui seul aperçoit. Je souris en pensant : « Sans doute la lumière… »
Peter murmure, le visage détendu, comme illuminé d’une joie irréelle : – Madame, je vois… une lumière blanche… Quelle pureté ! Quelle joie !
Émue aux larmes, je réplique : – C’est la lumière… Elle est pour vous…
– Je vois ma Judith, qui me fait des grands signes de ses deux mains, comme si elle m’invite à la rejoindre…
Je murmure, le cœur cognant fort dans ma poitrine sous l’effet de la joie : – Allez-y, Monsieur… Et bon voyage !
Peter se retourne vers moi. Il semble enveloppé dans une lumière blanche. Il murmure : – Merci à vous, Madame Gordon ! Grâce à vous, je pars enfin dans l'au-delà… Merci infiniment !
Je réplique d’un ton affable, les larmes aux yeux : – Il n’y a de quoi… Je ne fais que mon travail…
L’esprit errant qu’a été Peter Harrison disparaît de ma vue. Je pense, en séchant rapidement mes larmes qui coulent silencieusement sur mes joues : « Que le Seigneur soit loué ! Un esprit errant de moins ! »
Une fois remise de la joie qui s’est emparée de moi, je range mon calepin sur le chevet de ma chambre et je reviens au salon pour m'asseoir à la droite de Jim, qui regarde d’un air amusé les jeux de nos fils. Je murmure : – Peter Harrison est parti dans la lumière…
Il m’embrasse chastement sur les lèvres pour toute réponse, comme s’il me disait : « Mel, tu es vraiment géniale ! »
Je lui rends son bisous sur sa joue gauche et je regarde nos fils s’amuser sur le tapis bleu marine.