Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 3 : Un esprit errant universitaire et quelques bonnes nouvelles

4119 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/09/2024 20:52


Le 19 août 2000, alors que je tricote un pull pour mon mari, je suis plongée, sans aucun avertissement dans une vision. Je me retrouve dans une forêt. Il pleut. J'écarte les branches qui me dérangent pour passer. Des insectes dégoûtants grimpent sur mes pieds. C'est gluant. Je chemine ainsi jusqu'à une grande fleur jaune, en secouant mes pieds pour que les insectes s'en aillent. Mais je me pique par mégarde sur une rose.

Je reviens à moi, étonnée de la vision. Je pense : « Ça fait un certain temps que je n'ai pas vécu ça ! Mais qui est-ce ? J'espère qu'il aura au moins la gentillesse de se présenter ! »

Je vois devant moi un esprit errant, celui d'un homme vers la trentaine, vêtu de beige, avec un chapeau d'explorateur. Je le regarde avec méfiance. Il dit, d'un ton hautain : – C'était ma dernière expédition !

Je remarque que lorsqu'il parle, du sang sort de sa bouche. Je fais une moue de dégoût.

Je lui dis : – Monsieur, quel est votre nom et qu'attendez-vous de moi ?

L'esprit, toujours d'un air hautain, réplique : – Vous devez le savoir !

Mais il disparaît avant que je puisse ajouter quoique ce soit.

À sa place apparaît un autre esprit, Un homme vers la soixantaine, aux cheveux gris et aux yeux noisette, vêtu d'une tunique verte par-dessus laquelle est placée une étoffe d'un vert un peu plus clair. Il dit d'un ton sérieux : – Cette arrogance des universitaires ! Quand ils pensent que tout le monde les connaît ! Pour information, il est le Professeur Martin Schaer, de l'Université Rockland, à Grandview.

– Pourtant, je ne connais aucun universitaire...

– Ne vous en faites pas. Je vous aiderai !

– Qui êtes-vous ?

– Vous n'avez pas compris ? Bon, ce n'est pas grave... Je me présenterai plus tard...

Je pense : « On dirait un esprit Observateur, mais je n'en suis pas certaine... »

L'esprit vêtu de vert continue : – Revenons au Professeur Martin Schaer... Il était parti en été 1990 avec son associée, Penn Grogan, qui mérite bien son prénom** en un sens... Ils sont partis avec d'autres étudiants et d'autres chercheurs au sud-est du Pérou, dans des forêts au pied des Andes, pour y faire une recherche ethnologique sur les rites de guérison des Matsigenka, des peuples primitifs de cette région. Le professeur est tombé malade au cours de l'expédition en juin 1991. Son associée a fait du mieux qu'elle le peut pour le sauver, car elle était amoureuse de lui, malgré leur écart d'âge. Mais il partit lui-même à la recherche de la Plante qui guérie tous les maux, la Griffe du Chat. Penn Grogan voulut aller avec lui, mais il la rassure en disant qu'il se sent mieux. Chemin faisant, il s'est piqué par mégarde sur une rose, en voulant secouer les bestioles qui se promenaient sur ses pieds. C'est encore le moindre mal, puisqu'il a pris le Thevetia peruviana... Désolé, le laurier jaune, pour la Griffe du Chat. Il est alors mort dans de cruelles souffrances. Son associée retrouvera son corps quelques heures plus tard, inquiète qu'il ne soit encore revenu au campement. Grand a été son étonnement lorsqu'elle trouva son corps mort. De sorte que l'expédition revient à Grandview, mais avec un membre en moins. De sorte que les autres universitaires ont accusé la pauvre associée d'avoir tuer Martin Schaer... Et le pauvre est en colère contre elle car il est confus, n'ayant même pas compris qu'il est mort...

J'interviens : – Comment puis-je rétablir la situation ?

Le sourire aux lèvres, l'esprit vêtu de vert répond : – En discutant avec cette pauvre âme perdue, afin de la convaincre que son temps est passé et qu'elle ne soit pas jalouse du succès de son associée... Sinon, je viendrai lui expliquer sa situation !

Je murmure : – Merci beaucoup !

Et l'esprit disparaît de ma vue. Je suis perplexe. Évidemment, lorsque mon époux revient du travail, je lui rapporte mes rencontres des esprits de la journée. Il me rassure, comme toujours, en disant que leur cas s'éclairciront un jour ou l'autre. « Je ne doute pas, ma chérie, que tu règleras ce cas... » dit-il en guise de conclusion. « Seulement, cet esprit doit réaliser que la vie continue, malgré que pour lui, sa vie dans le monde des vivants est terminée... » Je l'embrasse pour toute réponse. Nous récitons notre prière du soir puis nous nous endormons, enlacés. Heureusement, l'esprit ne vient pas me visiter dans mes rêves, bien que ceci m'arrive assez souvent.

Le lendemain, Jim revient du travail. Il me dit qu'il a été appelé à intervenir dans la maison d'un professeur de l'Université Rockland, un certain Richard Payne, spécialiste de l'Anthropologie des Sciences Occultes, car il étouffait comme si quelqu'un le tenait par le cou. Mon mari ajoute : « Comme je soupçonne qu'un esprit est responsable, je voudrais simplement que tu viennes me confirmer mon hypothèse ».

J'acquiesce à sa demande. Le lendemain, Jim me conduit jusqu'à la chambre où se trouve le professeur Payne. Il est un homme âgé vers la quarantaine, aux cheveux châtains et aux yeux bleus. En effet, je remarque que l'esprit errant qu'est devenu le Professeur Martin Schaer serre ses mains autour de son cou, de sorte qu'il manque d'air et devient rouge comme tomate. Je me tiens à l'entrée de la porte, qui est vitrée, de sorte que je vois ce qui se passe de l'autre côté. Je me signe puis j'ordonne mentalement à l'esprit d'un ton sévère : « Laissez votre collègue tranquille ! Pourquoi cherchez-vous à l'étouffer ? »

Surpris du ton, l'esprit errant s'évapore pour réapparaître à mes côtés. Nos regards s'affrontent.

Il dit: – Vous ne connaissez pas toutes les règles du jeu...

Puis il disparaît de ma vue, me laissant très étonnée. « De quel jeu parle-t-il ? » pensé-je. J'en discute avec Jim lorsque je reviens chez nous. Il hausse des épaules, ne sachant pas quelle piste de réflexion me proposer. Par contre, il me propose quelque chose d'autre pour se changer les idées... Un vrai coquin irrésistible !

Une semaine plus tard, Jim me rapporte que le professeur Payne vient de sortir de l'hôpital. « Un drôle de professeur bien sympathique », ajoute mon mari, « puisqu'il me remercie de ma rapide intervention en disant sur un ton théâtral: «Merci, cher ambulancier de Grandview! Vous m'avez sauvé la vie!» Je lui réplique que je ne fais que mon travail, celui de sauver des blessés. Et le professeur ajoute qu'il sait pourquoi il est hospitalisé: en raison d'une statuette de guérison qui s'est renversée sur l'étagère de sa bibliothèque... Si je me souviens de ce qu'il m'a dit, un manikin, que l'associée de son défunt collègue Martin Schaer, une certaine Penn Grogan, lui a donné il y a quelques années. Cette statuette était utilisée lors des incantations de guérison. Et la légende dit que si la statuette tombe sur le côté, le malade peut mourir et si elle ne tombe pas, le malade guérira. Il semblerait, selon les propos du professeur Payne, que Penn Grogan est devenue une experte des croyances des Incas, des Mayas et Dieu-sait quels autres peuples primitifs du Pérou et de l'Amérique du Sud. Mais au moins, bonne nouvelle ! On peut avoir l'aide du professeur Payne si nécessaire, car depuis cette intervention, nous pouvons le considérer comme un ami... En tout cas, il me semble sincère... »

Je commente: « Dans tous les cas, son défunt collègue, le professeur Martin Schaer, est l'esprit errant qui m'a fait voir dans une vision il y a un peu plus d'une semaine, sa dernière marche dans la forêt... Ça fait du sens... »

Puis je saute au cou de Jim et je l'embrasse tendrement. Il est vraiment génial pour se faire un réseau d'amis ! Mon époux me soulève puis nous nous rendons dans notre chambre.

Le lendemain du rétablissement du Professeur Richard Payne, l'esprit errant qu'est devenu le Professeur Martin Schaer apparaît devant moi. Je lui résume les propos de l'esprit vêtu de vert. Dubitatif, il me demande des preuves supplémentaires. je lui dit qu'il aille alors discuter avec l'esprit vêtu de vert, que je soupçonne d'être un Observateur. Celui-ci, par ailleurs, apparaît en face de lui, entre lui et moi, puis lui fait signe de le suivre, et les deux esprits disparaissent de ma vue. Rassurée, je reviens à mon tricot. Deux heures plus tard, les deux esprits réapparaissent devant moi. Le Professeur Martin Schaer semble content. Il me remercie et s'excuse d'avoir été incrédule et d'avoir été méchant envers son collègue, car il pensait qu'il était avec les autres collègues contre son associée, alors que ce n'était pas le cas. Puis il ajoute : – Je vois une lumière... C'est tellement accueillant, doux et chaleureux... Je dois y aller ?

Émue jusqu'aux larmes, je réplique : – Oui ! Bon voyage !

Et l'esprit qu'est le professeur, le sourire aux lèvres, part enfin dans la Lumière. Je sèche rapidement mes larmes du revers de ma main droite. L'esprit vêtu de vert me sourit et disparaît de ma vue. Je rapporte à Jim que le cas est réglé. Il m'embrasse pour toute réponse; je l'embrasse en retour.

Le 23 septembre 2000, mon époux m'annonce théâtralement qu'il a un cadeau pour moi... Intriguée, je lui demande lequel. Le sourire aux lèvres, il me répond : – Ma chérie, j'ai acheté une maison... Demain, nous nous installerons !

Surprise, je dis : – Jim, es-tu sûr...

Il s'approche de moi pour me faire taire en m'embrassant. Il dit : – Je t'ai déjà montré la maison un peu avant notre mariage...

Je réplique, étonnée : – Je pensais que tu plaisantais !

Jim, en faisant un clin d'œil complice : – Et bien, tu vois bien que je suis sérieux ! Grâce à l'aide de ton père, il m'a réglé tous les détails officiels, de sorte que l'agente immobilière, une certaine Delia Banks, m'a confirmé que nous sommes les propriétaires de la maison sur la rue Henford.

Émue jusqu'aux larmes de joie, je lui saute au cou. Il me câline doucement. Je sèche les rapidement. « Tu ne cesseras jamais de m'étonner, Jim ! » pensé-je. « Surtout que je ne m'attends franchement pas à être co-propriétaire avec toi... Je pensais que tu allais dire que c'est ta maison, et non notre maison... Belle surprise ! Signe que tu me fais vraiment confiance... Là, tu es adorable ! »

Nous emballons toutes nos choses pour le déménagement; Jim a même loué un petit camion pour faciliter le transport. « Tu es simplement génial ! » pensé-je en m'assoyant sur le siège en tant que co-conductrice. Nous voilà en dix minutes devant notre nouvelle maison. Une petite maison charmante avec un petit jardin à l'avant, un petit chemin qui mène à l'entrée, et bien sûr, un garage pour la petite voiture de Jim. Nous transportons toutes nos affaires à l'intérieur. Bien sûr, mon époux me remet une copie double des clés. Le soir, nous passons notre première nuit dans notre nouvelle maison.

À la fin septembre, mon époux parvient à me convaincre d'ouvrir une boutique d'antiquités. Il me dit : « C'est simple Mél, j'ai eu cette idée à la suite d'un rêve répétitif depuis le début du mois... Je te l'ai déjà dit plusieurs fois. Mais le rêve de hier soir m'a fait comprendre pourquoi: afin d'aider des âmes errantes... »

Je souris et pense: « D'accord, j'ai compris ! »

Je dis : « Je me rends à ton avis... Trouve-moi un local, puis je viendrai l'inspecter avant de procéder à son achat... »

Jim, d'un ton enjoué : – Oui, ma chérie !

Il me serre dans ses bras, me soulève, m'embrasse, puis me dépose doucement sur mes pieds. Je me colle à lui de joie.

Le lendemain, il trouve un petit local à vendre de quarante mètres carré. Je le visite, et ne remarquant aucun esprit, j'autorise Jim à faire l'achat. Il appelle mon père, qui arrive aussitôt. Et il nous règle les détails de la paperasse administrative. Et voilà comment le lendemain, je deviens officiellement propriétaire d'une petite boutique d'antiquités, que j'ai nommé Antique Shop of Grandview. Je décide alors de publier une offre dans le journal local pour indiquer à la ville qu'une nouvelle boutique d'antiquités vient récemment d'ouvrir et que la propriétaire recherche des objets à vendre. Le lendemain, je vois déjà des habitants de la ville faire la file devant le petit local, avec des meubles et des caisses, d'autres avec des chariots remplis d'objets. Je souris à leur vue. J'ouvre la boutique et je fais entrer les hommes et les femmes qui attendaient avec impatience son ouverture. Derrière le comptoir, je regarde les objets que mes fournisseurs veulent que je vende. De sorte que j'ai vu plusieurs esprits errants encore attachés aux objets. Je sélectionne les objets en fonction de leur année de création, leur état et l'aspect de l'esprit errant qui le hante. Heureusement, peu d'objets sont refusés, de sorte que les étagères se remplissent rapidement. En après-midi, j'ai téléphoné à ma mère pour qu'elle vienne m'aider dans le tri des objets. À deux, le travail se fait plus rapidement.

Je suis contente que l'Antique Shop of Grandview commence aussi bien. Que Dieu en soit loué ! Je ferra attention pour ne pas me laisser tenter par l'appât du gain.

Deux jours plus tard, je vois dans ma boutique une jeune femme à la peau sombre qui me dépasse d'une tête sans talons hauts. Ses cheveux noirs et lisses tombent librement sur ses épaules. Elle dit : – Madame...

Je réponds : – Melinda Gordon.

– Êtes-vous la propriétaire de cette boutique ?

– Oui.

– Cherchez-vous une employée ? Car je suis en recherche d'emploi...

– Ça me ferait plaisir d'avoir une caissière qui s'occupera de la boutique, de sorte que je m'occuperai plus de l'arrière-boutique... Avez-vous apporter votre CV ?

– Oui.

Et la femme sort d'un porte-document une feuille. Je remarque que deux esprits errants viennent d'apparaître derrière elle : Aiden Clancy et un esprit errant masculin âgé vers la soixantaine, vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon d'un complet bleu marine.

Aiden dit : – Afin mon adjointe juridique aura enfin une stabilité en emploi !

Mon beau-père disparaît après. Ignorant les propos de l'esprit errant, je remercie la femme d'avoir apporté son CV. J'ajoute aussitôt : – Merci, Madame. Je lirai votre CV, puis je vous contacterai dans quelques jours, en espérant que la réponse sera positive.

– Je l'espère aussi... Merci à vous, Madame Gordon ! Passez une bonne journée !

– De même pour vous !

Et la femme sort de la boutique. L'esprit errant soixantenaire la suit en silence. Une fois qu'ils sont tous les deux partis, je lis attentivement le curriculum vitæ qu'elle m'a remis. Elle s'appelle Andrea Moreno. Elle vit à Grandview, 12 rue Jensen, l'appartement numéro 3. Elle détient un Diplôme d'études professionnelles en Secrétariat au Collège de Grandview, mais aussi une attestation de spécialisation professionnelle en Secrétariat juridique. Elle a travaillé comme adjointe juridique pour le juge Aiden Clancy de mai 1989 à septembre 1999. Depuis septembre, elle travaille comme surveillante d'élèves à l'école secondaire de Grandview. Je pense : « En tant qu'ancienne secrétaire de mon beau-père, elle pourrait m'aider à la caisse et à l'évidence du chiffre d'affaires, de sorte que je me contenterai de travailler à la caisse et de faire les inventaires à chaque mois... » Contente, j'en discute avec Jim lorsque je reviens chez nous. Il approuve mon idée, à savoir d'embaucher Andrea Moreno comme associée.

Le lendemain, je téléphone à la jeune femme et l'informe qu'elle est embauchée dès aujourd'hui. Cinq minutes après mon appel, elle arrive. Je procède à l'ouverture de son dossier d'employée et nous nous entendons pour le taux horaire et pour les journées de congé. Officiellement, mon associée de boutique est Andrea Moreno depuis le 29 septembre.




Fin octobre 2000. Voilà un mois que je travaille dans ma boutique d'antiquités. Je suis très contente de mon associée, qui se montre très sérieuse avec les clients. Sans parler des différents esprits attachés aux objets que je suis parvenue à convaincre facilement à passer dans la Lumière. J'ai appris à mieux la connaître. Elle a un frère aîné, prénommé Mitchell. Leurs parents, Amani Johnson (une Afro-américaine) et Robert Moreno (un Canadien), vivent dans une autre ville, Sunview. Je décide d'avouer à Andrea Moreno mon don, car je voudrais bien régler le cas de l'esprit errant qui la suit. Heureusement pour elle, elle accepte mon don et propose son aide. Je la remercie d'avance. Ainsi, j'apprends que l'esprit errant qui la suit est un homme qui hante son appartement depuis un demi-siècle, car il est mort à cet endroit. Il se prénomme Andy Byrne. Et il voudrait donner à son petit-fils, prénommé Nicolas, une photographie de famille qui a glissé sous le canapé du salon. Andrea retrouve la photographie en question et je recherche sur l'ordinateur de l'arrière-boutique l'adresse de son petit-fils. Heureusement, il vit à Grandview, sur une rue parallèle à ma maison. Je lui apporte la photographie de son grand-père. Le jeune homme me regarde d'un air incrédule, mais il accepte néanmoins la photographie. En route vers la boutique, l'esprit errant me remercie et me demande ce qu'il doit faire.

Je lui dit : « Monsieur, pouvez-vous comprendre que ça ne vous sert à rien de continuer à errer parmi les vivants ? Vous devez franchir la prochaine étape, c'est-à-dire passer dans la Lumière, pour pouvoir ensuite, si Dieu le veut, revenir se réincarner une autre fois... Il n'y a rien de compliquer... »

Andy Byrne, le sourire aux lèvres : – Votre approche est sympathique... Je vois une lumière blanche et pure... C'est là que je dois aller ?

En plissant des yeux, il ajoute : – D'ailleurs, je vois ma femme ! Ma Angie !

En se tournant vers moi, l'esprit dit : – Merci encore une fois, Madame, de votre aide !

Je réplique : – Je ne fais que mon travail. Bon voyage, Monsieur Byrne !

Et l'esprit errant part dans la Lumière. Le sourire aux lèvres, je reviens dans ma boutique et j'explique à Andrea que l'esprit est parti dans la Lumière. Je pense : « Que Dieu en soit loué ! Un esprit errant de moins dans la ville ! »




4 novembre 2000. Jim, d'un air joyeux, me dit que Paul Eastman, un ami policier de vingt-six ans, marié à une Sarah depuis un an, est devenu père. « De sorte qu'il travaille encore plus, car il dit que les enfants, ça coûte une fortune aux parents... En parlant d'enfants, qu'est-ce que tu en dis si nous essayons... » Il me fait des yeux doux. Je ne résiste pas à mon coquin d'ambulancier !

Par ailleurs, étant donné que la boutique d'antiquités est une petite entreprise qui roule bien, Jim parvient à me convaincre d'avoir un permis de conduire afin de pouvoir transporter les nouvelles acquisitions, surtout quand il s'agit de meubles. Gênée à ce que je dépense autant d'argent, je lui assure que je saurai m'arranger avec mon associée pour les transporter. Il me réplique que des dames ne doivent pas se tuer au travail. Je me rends alors à son avis. Je l'aime quand il est ainsi gentleman. Le 8 novembre, je débute mes cours de conduite. Ce ne sera qu'en décembre 2001 que j'obtiendrai mon permis, si Dieu le veut. Jim m'a averti qu'il y a des cours, un examen théorique puis un examen pratique.

2 décembre 2000. Jim, en revenant en après-midi du travail, m'annonce que son ami Carl Neely, un policier de Grandview, à l'âge de vingt-sept ans, s'est marié hier avec sa fiancée, une Française dont il ne peut pas me répéter le nom. Il y a eu un nombre limité d'invités, car il tient à être discret. Je félicite son ami et transmets néanmoins tous mes meilleurs vœux au nouveau couple.

2 décembre 2000, 14h.

Je vois l'âme de mon grand-père maternel, Jarosław Niewenglowski, un homme de 72 ans, aux cheveux devenus gris par l'âge. Des lunettes rondes en or rehaussent la vivacité de ses yeux bruns.

Je dit en polonais, entre des larmes : – Es-tu prêt à partir dans la Lumière ?

Il me répond : – Non, j'ai quelques détails à régler.

– Lesquels ?

Le téléphone sonne. L'esprit errant qu'est devenu mon grand père disparaît de ma vue. Je jette un coup d'œil au combiné : c'est ma mère.

Je soulève le combiné : – Maman ! Tu veux me dire que grand-père Jarosław est mort ?

Ma mère : – Oui ! Tu as vu son âme ?

– Exactement...

– Moi aussi, je l'ai vu...

– Il me dit qu'il a encore quelques détails à régler avant de quitter le monde des vivants.

– Tu sais très bien que tu peux en discuter avec moi.

– Ça me fera plaisir... À la prochaine !

– À la prochaine ! Et passe une bonne journée !

– Toi aussi !

Je raccroche le téléphone en pensant : « Voici du travail pour nos amis policiers Paul Eastman et Carl Neely... »

J'entends un bruit dans le salon. J'accours aussitôt et je vois un esprit devant la bibliothèque. Le même homme vers la soixantaine, vêtu de vert que j'ai déjà remarqué auparavant. Il me dit d'un ton autoritaire : « Ouvrez votre Bible ! » J'obéis aussitôt, n'osant pas le contrarier. Je saisis la Bible entre mes mains et l'esprit tourne les pages puis disparait de ma vue. Deux phrases retiennent mon attention, à savoir « Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. » (Mt 7,17) Et « C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. » (Mt 7, 20)

Perplexe, je pense : « Quel message cet esprit veut-il me faire passer ? Qui est concerné par ce message ? » Je soupire puis referme la Bible pour la remettre à sa place dans la bibliothèque. Je reviens à mon tricot. Quelques heures plus tard, je vois l'âme de mon père qui apparaît devant moi; ce n'est qu'une bilocalisation. Elle me dit : « Fais attention aux policiers ! » Puis l'apparition s'évanouie. Je lâche mon tricot, muette de peur, et je commence à pleurer en silence. Je me ressaisis en adressant une courte prière à la Vierge. Ainsi rassurée, je reviens à mon tricot, qui a failli m'échapper des mains.

8 décembre 2000, 10h.

Je feuillette le journal local de Grandview. En parcourant la section des nécrologies, je remarque un autre décès prématuré d'un homme vers la trentaine, un certain Nathan Nikolski. En regardant la photographie, je constate que l'âme errante de cet homme est venue à moi hier soir. Il a visiblement connu une mort violente au cours de la journée, comme le témoigne la tache de sang séché à la hauteur de sa poitrine. D'ailleurs, j'ai bien remarqué qu'en automne et en hiver, le taux de mortalité augmente à Grandview. Par exemple, depuis notre retour de notre lune de miel, je peux très certainement énumérer trois décès, un certain Pascal Cazelais (mort le 1er octobre 2000), un certain Jasper Wüst (mort le 2 novembre 2000) et un certain Nathan Nikolski (le 7 décembre 2000). Je pense : « Qui est le criminel qui sévit ainsi à Grandview ? Que Dieu aide les policiers à le démasquer ! » Je me signe puis range le journal, préférant revenir à mon tricot plutôt que de trop s'inquiéter des esprits errants.



* Tiré de l'Old Orthodox Prayer Book, translated and edited by Priest Pimen Simon, Priest Theodore Jurewicz and Hieromonk German Ciuba, Russian Orthodox Church of the Nativity of Christ (Old Rite), Erie, Pennsylvania, 1986. Texte bilingue Slavon-Anglais. Toutes les prières sont citées de ce recueil de prière.

** Penn est un prénom anglais féminin dérivé du moyen anglais Penn, qui signifie « endroit clair et précieux ». Ceci signifie donc que l'associée du Professeur Schaer était une femme chère à lui.


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