Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 2 : Retour à Grandview

5233 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/01/2024 21:42




20 juin 2000, 8h.

Enfin, nous débarquons de l'avion ! « Grandview, tu m'as manqué ! Nous voilà de retour ! », pensé-je.

Nous nous dirigeons vers l'aéroport, où un esprit errant me salue : mon beau-père, Aiden Clancy.

Je réponds par un sourire, puis murmure à Jim : « Ton père est le premier à nous souhaiter la bienvenue... »

Jim sourit à mon commentaire, comme s'il essayait d'imaginer la scène...

Nous passons rapidement les contrôles, récupérons nos bagages, puis nous nous dirigeons vers l'espace des arrivées, où je remarque mes parents et ma belle-mère avec des banderoles de bienvenue... Jim et moi rions : je pense qu'ils seront visibles de l'avion... De plus, mon beau-père agite ses mains vers notre direction à la droite de Faith, ce qui me fait sourire, malgré que je voulais garder mon sérieux.

Ma mère puis mon père m'enlacent ; ma belle-mère enlace Jim. Nous sommes contents de se revoir. Mon père, d'un air coquin, demande à Jim : – J'espère que votre lune de miel s'est bien passée ?

Mon époux répond, sourire aux lèvres : – Oui, très bien...

– Aucune bonne nouvelle ?

– Euh... Nous ne le savons pas encore... Dans tous les cas, Mél vous le dira...

Je confirme les propos d'un mouvement de tête positif.

Mon père nous sourit puis propose son aide pour le transport de nos bagages, mais Jim le remercie.

Mon père ajoute : « Jim, tu n'as pas oublié de payer les frais de stationnement de ton véhicule, qui est resté là pendant votre lune de miel? »

Jim répond, comme un enfant grondé, mais en soutenant le regard de mon père : – En effet, j'ai complètement oublié...

Mon père, sourire aux lèvres, réplique : – Mais franchement, ne t'inquiètes pas ! J'ai réglé tous les détails, de manière à ce que le Monsieur n'a qu'à t'apporter la facture... Aucun frais de remorquage, je te le garantis !

Jim bredouille : – Merci Tomas...

Mon père lui fait un clin d'œil complice : – Surtout maintenant que tu fais partie de la famille... Passez une bonne journée !

Il donne une solide accolade à Jim puis rejoint ma mère, et tous les deux quittent l'aéroport. Ma belle-mère aussi quitte l'aéroport pour revenir chez elle. Jim s'empresse de se rendre auprès du monsieur qui gère les stationnements pour payer les frais. Moi, je l'attends de côté, assise sur une chaise, entourée de nos bagages. Dès que le paiement est fait, Jim place tous les bagages dans sa voiture, m'invite à s'asseoir à la place du co-conducteur, puis il s'assied à la place du conducteur et nous revenons dans notre appartement. Chemin faisant, Jim m'explique son prochain plan : acheter une maison dans la ville. Je réplique : « Es-tu sûr de ne pas attendre d'avoir des enfants ? Je ne suis même pas encore enceinte... N'est-ce pas un peu tôt... Je veux dire, pour la maison ? »

D'une voix chaleureuse, il réplique : – Ma chérie, il n'est jamais tôt pour acheter une maison et l'aménager à notre goût...

– Es-tu sûr d'avoir assez d'argent pour l'achat ?

– Ne t'inquiètes pas, Mél. Je suis de près mes dépenses... Et n'oublie pas que j'ai déjà des belles économies, de sorte que je regarderai les maisons à vendre à Grandview, avec un garage, bien sûr.

Je pense gênée : « Jim, ça va, pas besoin de jeter comme ça de l'argent par la fenêtre... Mais bon... Si Dieu le veut ! »

Nous ramenons nos bagages dans notre appartement.



Le lendemain matin, comme à tous les matins, nous récitons une prière matinale :

Lord Jesus Christ, Son of God, have mercy on me, a sinner.

God be merciful to me a sinner.

Thou hast created me; Lord, have mercy on me.

I have sinned immeasurably; Lord, have mercy and forgive me a sinner.

It is truly meet to bless the, O Theotokos, the ever-blessed and most immaculate, and the Mother of our God. More honourable than the cherubim and truly more glorious than the seraphim; thee who without defilment gavest birth to God the Word, the true Mother of God, thee do we magnify.

Glory to the Father, and to the Son, and to the Holy Spirit. Now and ever, and unto the ages of ages.

Amin.

Lord, have mercy. Lord, have mercy. Lord, bless.

Lord Jesus Christ, Son of God, through the prayers of Thy most pure Mother, by the power of the precious and life-giving Cross, through the prayers of my holy Guardian Angel, and of all the saints, have mercy on me and save me a sinner, for Thou art good and lovest mankind. *


Comme toujours, je termine ainsi mes prières matinales :

God be merciful to me a sinner.

Thou hast created me; Lord, have mercy on me.

I have sinned immeasurably; Lord, have mercy and forgive me, a sinner.

It is truly meet to bless the, O Theotokos, the ever-blessed and the most immaculate, and the Mother of our God. More honourable than the cherubim and more truly glorious than the seraphim; thee who without defilement gavest birth to the God of Word, the true Mother of God, thee do we magnify.

Glory...., now and ever... Lord, have mercy. Lord, bless, Lord bless.

Lord Jesus Christ, Son of God, throught the prayers of Thy most pure Mother, by the power of the precious and giving-life Cross, through the prayers of my holy Guardian Angel, and of all the saints, have mercy on me and save me a sinner, for Thou art good and lovest mankind.


All my hope,

I place in thee, O Mother of God;

Do preserve me under thy shelter.

God be merciful...




Au midi, des pelmani. Jim part en après-midi au travail, à l'Hôpital Mercy. Moi, je passe le temps avec un simple tricot. Je ne suis qu'une débutante, ayant appris les travaux manuels de mes grands-mères et de ma mère. Pour le souper, je prépare des pierogis. Je sais que Jim ne reviendra que tard le soir. De sorte que je passe la nuit seule. D'où l'importance de la prière de soir, qui va comme suit:

God be merciful to me a sinner.

Thou hast created me; Lord have mercy on me.

I have sinned immeasurably; Lord have mercy and forgive me a sinner.

It is truly meet to bless thee, O Theotokos, the ever-blessed and most immaculate, and the Mother of our God. More honourable than the cherubim and truly mre glorious than the seraphim; thee who without defilement gavest birth to God the Word, the true Mother of God, thee do we magnify.

Glory to the Father, and to the Son, and to the Holy Spirit.

Now and ever, and unto the ages and ages,

Amin.

Lord, have mercy. Lord, have mercy. Lord, bless.

Lord Jesus Christ, Son of God, through the prayers of Thy most pure Mother, by the power of the precious and life-giving Cross, through the prayers of my holy Guardian Angel, and of all the saints, have mercy on me and save me a sinner, for Thou art good and lovest mankind.


Après la prière, je dors d'un sommeil profond.



Le 30 juin, ma belle-mère vient en visite chez nous. Jim me l'a déjà dit depuis quelques jours. De ce fait, je fais des commissions en prévision d'un bon repas. Il faut quand même être des bons amphitryons ! C'est ainsi que je remarque, près d'une voie ferrée à quelques mètres avant le marché, un jeune gamin de six ou sept ans qui joue avec l'esprit errant d'un garçon du même âge. Je regarde leur jeu. Le gamin vivant est vêtu d'un short blanc et d'un teeshirt gris. Le gamin esprit est vêtu d'un teeshirt rayé jaune or et orange ainsi que d'un short brun. Tout à coup, un train se voit au loin.

Je pense spontanément : « Que Dieu le protège ! » Et je cours vers le gamin vivant, pour l'entraîner loin de la voie ferrée, en le serrant maternellement par les épaules. Je pense : « Je ne pouvais pas agir autrement, mais apparemment, l'autre gamin, qui est un esprit, est décédé ici... »

L'esprit du gamin apparaît face à moi. Étonné, la gamin vivant dit : – Kenny, comment tu as fait ça ?

Je lâche le gamin et je dis : – Tu sais que ce n'est pas drôle !

Le gamin commente : – C'est seulement une question, Madame...

Je commente : – Écoute-moi, petit garçon, tu dois savoir une chose: ton ami, il n'a pas de corps. C'est seulement parce qu'il est un esprit qu'il peut apparaître où il le veut...

L'esprit, vexé, intervient : – Pfff ! Madame va en plus dire que je ne suis pas vivant !

Un petit sourire aux lèvres, je dis d'un ton qui se veux rassurant : – Kenny, tu es vivant en tant que tu es un esprit, mais tu n'es plus attaché à ton corps... La preuve: regarde ici, à ta gauche, c'est ton tombeau, indiqué par une croix en bois...

Je m'approche du petit tombeau. Je remarque en effet que la photographie du gamin ressemble à l'esprit errant. Son nom: Kenny Dale.

Kenny, offusqué, dit : – C'est pourquoi maman et papa sont tristes... Mais pourtant, je me sens encore vivant, à la seule différence que je peux passer des heures à jouer ici...

Je lui coupe la parole : – Mais enfin... Rends-toi à l'évidence...

L'esprit disparaît de ma vue.

Je soupire puis je m'adresse au gamin vivant : – Quel est ton nom ?

Le gamin, d'une voix fluette en baissant son regard, comme s'il n'ose pas affronter le mien : – Dylan Tung.

D'un ton sévère, je dis : – Est-ce que tes parents savent que tu viens jouer ici ?

Il murmure : – Non...

– Et bien, il faudra les avertir...

Je prends la main gauche de Dylan et nous nous dirigeons jusqu'au marché de Grandview, où j'aperçois la mère du gamin, étant donné sa ressemblance avec lui. Je souris à la femme, puis dis : – Madame Tung, j'ai surpris votre fils en train de jouer près de la voie ferrée...

La femme, dont le visage exprime pendant une fraction de seconde de l'inquiétude, dit d'une voix tremblante : – Merci, Madame...

– Madame Melinda Gordon. Et vous ?

– Madame Sharon Tung. Pourtant, j'ai averti plusieurs fois Dylan de ne pas traîner près de la voie ferrée...

Dylan intervient : – Maman, mon ami est là.

Sharon, en roulant des yeux, visiblement exaspérée, soupire puis dit : – Madame Gordon, il me dit toujours ça... Dieu qu'il m'ennuie avec cet ami imaginaire !

Je remarque que Kenny Dale se manifeste à ma droite.

Je m'éclaircis la voix puis dis : – Madame Tung, l'ami de votre fils est l'esprit errant d'un gamin de son âge...

Sharon Tung, en levant les sourcils d'étonnement : – Pardon ?

Je continue d'un ton sûr : – Je vous explique... J'ai un don particulier, celui de voir les esprits errants, c'est-à-dire les âmes qui, pour une raison ou une autre, restent encore parmi les vivants. Et je vous confirme que l'ami de votre fils est un esprit, probablement celui d'un garçon qui hante la voie ferrée, puisqu'il est mort à cet endroit. Mais pour en être certaine, je dois faire une recherche sur son cas... D'ailleurs, les enfants peuvent encore voir les esprits, c'est pourquoi les adultes les considèrent comme des amis imaginaires.

Sharon Tung, en serrant la main droite de son fils, marmonne : – Votre explication est intéressante.

Je dis : – Et je dois aider les esprits errants à passer dans la Lumière, qui est l'Au-delà, afin qu'ils ne hantent plus le monde des vivants. C'est un don que j'ai depuis mon enfance.

– Je comprends... Encore une fois, merci !

– Passez une bonne journée !

– À vous aussi !

Je me dirige (enfin) vers le marché pour faire mes commissions. Une fois les commissions faites, je reviens dans chez moi, puis je réfléchis au menu. « J'ai trouvé ! », pensé-je, contente de moi-même, « Des pierogi au chou blanc ! » Je m'affaire aussitôt dans la cuisine.


Vers midi, Jim arrive avec sa mère. Après les formules de salutations, j'enlace le bras gauche de mon époux. Je remarque qu'à la droite de Faith se trouve Aiden, qui me salue poliment. Nous nous attablons. Et je n'oublie pas de faire mes prières avant et après le repas, bien sûr.

Après la vaisselle, je décide d'avouer à ma belle-mère mon don. Jim, sa mère, son père et moi sommes dans le salon, moi assise sur les genoux de mon mari; Aiden à la droite de sa femme.

Je dis : « Faith, vous devez savoir une chose à mon sujet... »

Ma belle-mère lève les sourcils d'étonnement, comme si elle pense « C'est-à-dire ? »

Je continue d'un ton sûr : – J'ai un don, disons, particulier, que peu de gens ont, à savoir de voir les esprits errants. Ceux-ci sont des âmes perdues et il est de mon devoir d'accomplir leur dernière volonté, de résoudre leurs énigmes et de les faire passer dans la Lumière (l'Au-delà, ou le Paradis, peu importe le terme). C'est un don que j'ai depuis mon enfance...

Un sourire illumine le visage d'Aiden. Lui et sa femme disent à l'unisson : « Merci de l'avoir dit ! »

Je souris, puis dis : – D'ailleurs, en parlant d'esprit errant, votre mari est là, à votre droite.

Les yeux bleus de Faith se perlent de larmes. La mort de son époux est encore fraîche dans sa mémoire. Elle ne peut pas s'empêcher de pleurer. Mais elle s'empresse d'essuyer rapidement ses larmes. Jim la regarde. En le regardant attentivement, je sais qu'il pense à son père, le pauvre qui est décédé avant son heure. Je le sais par son regard. C'est l'un des secrets de la vie en couple... Moi aussi, par ailleurs, je pense : « Dommage que mon beau-père n'a pu voir notre mariage de son vivant. Que Dieu ait son âme ! »

Aiden Clancy dit : – Ma bru, tu dois savoir une chose: tant que mon meurtrier ne sera pas hors d'état de nuire, je ne partira pas dans la Lumière... Nemo censetur ignorare legem ! Même le mens rea !

Je soupire et je dis : – Bien sûr, Aiden est clairement fâché contre son meurtrier... Et il m'assure de ne pas partir dans la Lumière tant qu'il ne se venge pas de son meurtrier... Peux-tu nous traduire les expressions latines ?

Aiden : – Oui, bien sûr ! Désolé de ma déformation professionnelle... Demandez la prochaine fois à Tom un lexique des expressions juridiques latines. Ça m'évitera de traduire mes propos... Je disais Nemo censetur ignorare legem, ce qui signifie « Nul n'est censé ignorer la loi », tandis que mens rea signifie « esprit criminel ». C'est plus clair ?

Je réplique : – Merci des éclaircissements !

En m'adressant à mon mari et à ma belle-mère : – Aiden a mentionné deux expressions latines, que je ne répèterai pas, pour ne pas écorcher vos oreilles...

Je pense: « Et je prends en note son conseil d'apprendre du latin... Je demanderai à père une leçon expresse, ou au moins une photocopie d'expressions latines... »

Je continue : – Heureusement, il a la gentillesse de traduire les deux expressions, à savoir que nul n'est censé ignorer la loi. Même l'esprit criminel.

Jim commente : – Probablement en faisant une allusion à son meurtrier...

Je pense : « Que Dieu nous protège de se retrouver dans une telle situation ! »

Aiden confirme les propos de mon mari par un hochement de la tête.

Je commente : – Ton père est d'accord avec ta conclusion provisoire... Mais pouvons-nous maintenant passer à une thématique plus joyeuse ?

Aiden commente : – Si vous voulez savoir pourquoi il m'a tué, le salaud de policier ? Parce que j'enquêtais sur la mort d'Ana Romanova, dont je soupçonnais être l'une de ses victimes. La pauvre jeune femme morte le 14 février 1999. Comme j'étais à deux doigts de trouver l'ultime preuve de son meurtrier, ce dernier m'a tué. D'ailleurs, j'ai aussi vu l'âme de cette jeune femme autour de lui... Je veux que justice soit faite !

Je tousse et je dis : – Ton père pense que Carl Neely (qu'il traite de «salaud de policier») l'a tué parce qu'il était à deux doigts de trouver l'ultime preuve du meurtrier, alors qu'il enquêtais sur le cas d'une certaine Ana Romanova, dont il soupçonnait être une victime de Carl Neely. Cette jeune femme est décédée le 14 février 1999. D'ailleurs, Aiden ajoute qu'il a vu l'âme de la jeune femme autour du policier. Et il termine son propos en espérant que justice soit faite...

Faith, en reniflant et en essuyant ses larmes, dit d'une voix brisée : – J'espère seulement... ma bru, que les âmes errantes... qui viennent te voir n'ont pas toutes... connues... une fin aussi tragique ?

Je réponds : – Non. Heureusement, certaines sont beaucoup plus simples. Par exemple, retrouver une broche, ou encore donner une décoration aux descendants... Par ailleurs, je les vois dans l'état dans lequel elles étaient dans leur dernier moment sur terre...

– Intéressant ! Merci beaucoup de cette belle surprise ! En espérant que vous n'oublierez pas d'avoir des enfants...

Ma belle-mère nous fait un clin d'œil complice.

Jim, d'un air coquin, réplique : – Ne t'inquiète pas, mère... Si ma femme s'oublie trop avec ses esprits, je la rappellerai à ses devoirs conjugaux !

Il me chatouille. Et tous les quatre (mes beaux-parents, mon mari et moi) rions de la blague. « Au moins, la blague détend l'atmosphère ! » pensé-je avec humour.

Une fois le rire calmé, Jim me lâche, je me lève.

Il dit : « Et si nous profitons de la journée pour se promener dans le parc ? »

Aiden disparaît de ma vue. Faith et moi approuvons d'un hochement de la tête.


Chacun d'entre nous met ses lunettes fumées sur le nez. Nous flânons dans le joli parc de Grandview. Chemin faisant, j'explique à Jim ma rencontre avec l'esprit de Kenny Dale. Il me propose de rencontrer sa mère. Je me rends à son avis. Il dit : « Puisqu'il est un résident de Grandview, il sera facile de rencontrer ses parents... »

Je remarque que Kenny Dale est assis sur un banc du parc. Je murmure à l'oreille de mon époux : « En parlant de Kenny, le voilà ! Je le rejoins ! » Il hoche de la tête.

Je m'approche du banc et je demande à l'esprit : – Dis-moi commnt s'appellent tes parents ?

Il me répond de sa voix fluette : – Mon papa s'appelle Hank, ma maman Candace.

– D'accord. Et tu veux que je leur dise quoi ?

– Que je suis désolé de les voir si tristes. Je veux qu'ils soient plus joyeux, comme avant le passage près de chemin de fer...

D'un air naïf, je demande : – Que s'est-il passé, cette journée-là ?

Ses yeux enfantins s'agrandissent de peur, puis il disparaît sans mot dire. Je soupire. Je fais signe à Jim de continuer notre promenade. Je lui rapporte ma conversation avec l'esprit errant. Nous laissons Faith continuer sa promenade seule... « Mais pas tout à fait seule: son époux la tient compagnie », pensé-je, le sourire aux lèvres, puisque je remarque la présence d'Aiden à sa droite. Jim me propose de retrouver l'adresse des parents de Kenny dans les Pages jaunes. Nous revenons rapidement dans notre appartement pour retrouver l'adresse de Hank et de Candace Dale: 178, rue Front. Jim propose de me conduire jusqu'à eux. Nous nous rendons en cinq minutes à ladite adresse. Nous sommes accueillis avec méfiance par le couple, qui nous invite dans leur salon. Nous nous présentons, puis nous nous assoyons sur les canapés que l'homme nous désigne.

Gênée, je dis : – Madame et Monsieur Dale, je suis vraiment attristée de l'accident qui a provoqué la mort de votre fils Kenny...

Candace, entre deux sanglots : – Notre pauvre Kenny est mort depuis quatre ans... Heureusement, nous avons Bill, qui aura cette année quatre ans...

Hank, d'un ton froid : – Madame Gordon, ça ne sert à rien de raviver des souvenirs pénibles...

Jim lui réplique d'un ton sec, alors que ses yeux bleus lancent des éclairs : – Monsieur Hank Dale, veuillez au moins laisser ma femme dire ce qu'elle a à dire ! Si ça ne vous intéresse pas, libre à vous de ne pas l'écouter. C'est un minimum de politesse ! Merci de votre compréhension !

Renfrogné, Hank Dale se lève du canapé sur lequel il est assis puis quitte le salon. Sa femme, visiblement gênée par l'attitude de son mari, murmure : – Désolé, pour le comportement de mon époux... Mais, Madame Gordon, qu'avez-vous à me dire au sujet de Kenny ?

Je remarque à ce moment que l'esprit errant du gamin est à la droite de sa mère.

Je commente simplement : – En parlant de Kenny, il est en ce moment à votre droite.

Candace jette un coup d'œil rapide vers sa droite, mais rapporte son attention sur moi.

Je continue en disant : – Et bien j'ai remarqué aujourd'hui que votre fils joue avec un gamin de son âge près d'une voie ferrée. Et un train est passé... Heureusement, Dieu soit loué, j'ai écarté à temps l'enfant, de sorte qu'il est encore vivant... Mais je peux vous dire que j'ai eu la peur de ma vie... J'ai compris alors que votre fils est un esprit errant. J'ai essayé de lui expliquer que son jeu n'est pas drôle, car il met en danger autrui...

Candace commente : – Je comprends.

– Et bien, je voudrais seulement que vous expliquez comment votre fils est mort, afin qu'il se rende à l'évidence de son état, qu'il quitte le monde ici-bas et qu'il parte enfin dans la Lumière.

Remarquant le regard dubitatif de la femme, Jim intervient : – Madame, soyez-en assurée, ma femme sait très bien de quoi elle parle...

Elle dit : – C'était en juin 1996. Plus précisément, le 4 juin. Je conduisais une voiture, qui s'était soudainement arrêtée sur la voie ferrée. Kenny et Bill étaient sur les sièges arrières. Je sors rapidement Bill, alors un bébé d'un mois. Puis j'invite Kenny à sortir rapidement, sauf qu'il ne m'écouta pas. Je vois au loin un train. Mais Kenny, au lieu de sortir du véhicule, se dirige vers... les sièges avant pour récupérer un jouet, une araignée, qui était sur le tableau de bord. Malheureusement, le train percuta le véhicule et...

La pauvre femme s'interrompt et éclate en sanglots. Kenny lui câline la joue droite. Entre deux sanglots, elle dit : – Et mon pauvre garçon est mort...

L'esprit errant dit : – Maman, console-toi avec Bill et fais attention à lui...

Je pense, sourire aux lèvres : « Que Dieu protège cette famille ! »

Je dis d'une voix douce : – Kenny vient de dire que vous pouvez vous consoler avec Bill et de faire attention à lui.

Candace : – Sérieux ?

Je hoche lentement de la tête, puis ajoute : – Mais pouvez-vous me dire qui vous a vendu le véhicule ?

– C'était un certain Eduard Van Puyvelde, qui a vendu le véhicule à mon mari un mois avant l'accident.

– N'êtes-vous sûre qu'il ne le savait pas, je veux dire, au sujet du défaut de la voiture ?

Hank revient dans le salon et dit : – Je me doute bien qu'il le savait, c'est pourquoi il se pressait un peu trop de le vendre... Le salaud de Néerlandais, il faut l'arrêter pour escroquerie ! Il est responsable de la mort de notre fils aîné !

Jim intervient et dit d'un ton calme : – Monsieur, ça ne sert à rien de s'emporter... Et ça ne ramènera pas votre fils parmi les vivants... Seul le Christ pouvait ressusciter les morts, pas ma femme.

Hank, d'un ton sec : – Merci, Monsieur, de votre commentaire !

Puis il sort en trombe du salon. Kenny disparaît de ma vue. « Probablement pour suivre son père », pensé-je.

Je dis : – Merci, Madame Dale, de votre collaboration.

Kenny apparaît devant moi. Il dit, en larmes : – Dites à papa de ne pas tuer le Monsieur... Ça ne m'aidera pas...

Le cœur en chamade, je dis : – Kenny ne veut pas que son père tue le monsieur, car ça ne le soulagera pas...

Puis, d'un bond, tous les trois suivons Kenny, qui m'amène devant son père, qui se trouve au sous-sol. Il tient une arme à feu dans sa main droite. Je pense : « Ah ! Vas-y Jim ! Tu es capable de le persuader de ne pas tuer un homme ! Pour une fois que j'espère bien que tes yeux bleus soient aussi dissuasifs que ceux de mon père ! Et que Dieu éclaire Monsieur Hank Dale ! »

Candace arrive au-devant de Hank et lui dit d'une voix larmoyante : – S'il te plaît, mon amour, ne tue pas un innocent...

D'un sec, il rétorque : – Tu appelles un innocent l'homme qui est indirectement responsable de la mort de notre fils aîné, de notre Kenny ?

Candace : – S'il te plaît ! Sois indulgent !

Jim intervient : – Monsieur, je vous recommande, par conscience, de ne pas tuer un homme...

J'ajoute : N'est-ce pas l'un des Dix Commandements qui dit qu'il ne faut pas tuer ?

Candace ajoute : – Et pense que ceci attristera d'autres parents... Et peut-être des enfants qui resteront sans leur père... Et peut-être qu'il ne le savait pas ?

Jim ajoute : – Sérieusement, vous n'ignorez pas qu'un homicide est passable d'une peine de prison ? Je ne vous le souhaite pas, mais il faut être réaliste. Une infraction de la sorte sera mal vu par la loi, peu importe ce que l'on peut penser...

Hank Dale, pensif, ne dit rien. Nous sommes suspendus à ses lèvres. Silence.

Après plusieurs minutes au cours desquelles une mouche pouvait s'entendre, il dit, d'un ton résigné : – Ça va, je me rends à votre avis... Je ne dois pas me venger pour la mort de notre Kenny...

Il pleure silencieusement, dépose l'arme sur une table, puis enlace sa femme; Kenny, le sourire aux lèvres, se tourne vers sa droite et regarde, émerveillé. Il me dit : – Madame, je vois une lumière... Mamie m'attend !

Émue jusqu'aux larmes, je dis : – Kenny voit la Lumière, dans laquelle il voit sa grand-mère... Vas-y, c'est pour toi !

L'esprit, un sourire aux lèvres : – Merci à vous !

Et il part dans la Lumière.

Je dis d'un ton joyeux : – Madame et Monsieur Dale, Kenny vient de partir dans la Lumière !

Hank et Candace, à l'unisson : – Merci à vous, Madame Gordon !

Je serre la main de Jim et nous sortons de chez nos amphitryons. Jim conduit jusqu'à notre appartement. Devant sa porte, mes beaux-parents nous attendent, le sourire aux lèvres. Jim déverrouille la porte et nous entrons à l'intérieur. Le reste de la journée est tranquille. Le lendemain, j'en informe Madame Sharon Tung du cas de Kenny Dale. Elle me remercie et je reviens chez moi, contente d'avoir fait mon devoir jusqu'à la fin. Durant l'après-midi, me rappelant du conseil de mon beau-père, je téléphone à mon père pour savoir s'il pourrait me fournir une copie des expressions juridiques latines. Il me l'apporte cinq minutes plus tard. « Ainsi », pensé-je, « plus de problèmes pour comprendre Aiden ! » Depuis, je conserve cette copie dans un tiroir dans le meuble où se trouve la télévision. Je me signe et pense, comme à chaque que je règle le cas d'un esprit errant : « Glory to thee, O Lord. »



Le 5 juillet 2000, un esprit errant apparaît devant moi : un homme vers la trentaine, vêtu d'un smoking noir. Visiblement, il a connu une mort violente, étant donné la tache de sang à la hauteur de la poitrine. Je lui demande : – Quel est votre nom ?

L'esprit me répond en anglais avec un fort accent allemand : – Albert Köhnken.

– Quelle est votre raison de rester encore parmi les vivants ?

D'un ton courroucé : – Me venger de mon meurtrier ! Il m'a tué le 16 mars dernier ! Il doit mourir !

– Voulez-vous...

L'esprit me coupe la parole : – Le salaud de policier !

Puis il disparaît.

Mon beau-père apparaît. Il dit tristement : – Ce pauvre homme est une nouvelle victime de Carl Neely...

Je lui réplique : – Êtes-vous sûr de ne pas confondre le vrai meurtrier et le policier enquêteur ?

– Je ne crois pas... Comme s'il pensait que le fait qu'il change sa tenue en civil par son uniforme que nous n'allons pas le reconnaître ? L'habit ne fait pas le moine, surtout dans son cas... Je crains seulement pour mes fils, surtout Jim, puisqu'il est ami avec lui...

– Désolé, Aiden, tous mes respects, mais il faudrait que j'éclaircis un peu le cas d'Albert Köhnken (désolé pour la mauvaise prononciation), avant de conclure quoique ce soit. On ne peut pas accuser à la légère un homme qui est peut-être innocent...

D'un ton sévère, mon beau-père réplique : – Lui, innocent ? Il a des sang sur les mains ! Il est le salaud numéro un de la police de Grandview ! Fais comme tu veux, mais je me vengerai de lui... Le perfide policier ! Ses yeux gris le trahissent !

Une expression de colère se voit dans ses yeux bleus, ce qui les glacent. Puis Aiden Clancy disparaît de ma vue. « Franchement, ces esprits qui accusent un pauvre policier ! Ils commencent à m'ennuyer ! » pensé-je, étonnée d'une telle réaction de la part de mon beau-père. « Je le croyais moins emporté... Je pensais bien qu'il prendrait le temps d'analyser la situation avant d'accuser le pauvre Carl Neely... Par ailleurs, s'il était si criminel comme Aiden l'affirme, je pense bien qu'il ne pourrait pas être policier... C'est tellement incompatible ! »

Je regarde rapidement dans les éditions antérieures du journal local : j'y trouve en effet une notice nécrologique indiquant qu'Albert Köhnken est mort le 16 mars cette année, officiellement d'un accident sur la route. « Alors, comment expliquer le trou d'une balle à la hauteur de sa poitrine ? » pensé-je, perplexe. « Peut-être qu'il y a eu une attaque armée avant, ou Dieu-sait quoi encore ? » Je me signe en pensant : « Que Dieu nous protège d'une telle situation ! »











* Tiré de l'Old Orthodox Prayer Book, translated and edited by Priest Pimen Simon, Priest Theodore Jurewicz and Hieromonk German Ciuba, Russian Orthodox Church of the Nativity of Christ (Old Rite), Erie, Pennsylvania, 1986. Texte bilingue Slavon-Anglais. Toutes les prières sont citées de ce recueil de prière.



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