Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 2 : Retour à Grandview

9382 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/01/2024 21:42




20 juin 2000, 8h.

Enfin, nous débarquons de l'avion ! « Grandview, tu m'as manqué ! Nous voilà de retour ! », pensé-je.

Nous nous dirigeons vers l'aéroport, où un esprit errant me salue : mon beau-père, Aiden Clancy.

Je réponds par un sourire, puis murmure à Jim : « Ton père est le premier à nous souhaiter la bienvenue... »

Jim sourit à mon commentaire, comme s'il essayait d'imaginer la scène...

Nous passons rapidement les contrôles, récupérons nos bagages, puis nous nous dirigeons vers l'espace des arrivées, où je remarque mes parents et ma belle-mère avec des banderoles de bienvenue... Jim et moi rions : je pense qu'ils seront visibles de l'avion... De plus, mon beau-père agite ses mains vers notre direction à la droite de Faith, ce qui me fait sourire, malgré que je voulais garder mon sérieux.

Ma mère puis mon père m'enlacent ; ma belle-mère enlace Jim. Nous sommes contents de se revoir. Mon père, d'un air coquin, demande à Jim : – J'espère que votre lune de miel s'est bien passée ?

Mon époux répond, sourire aux lèvres : – Oui, très bien...

– Aucune bonne nouvelle ?

– Euh... Nous ne le savons pas encore... Dans tous les cas, Mél vous le dira...

Je confirme les propos d'un mouvement de tête positif.

Mon père nous sourit puis propose son aide pour le transport de nos bagages, mais Jim le remercie.

Mon père ajoute : « Jim, tu n'as pas oublié de payer les frais de stationnement de ton véhicule, qui est resté là pendant votre lune de miel? »

Jim répond, comme un enfant grondé, mais en soutenant le regard de mon père : – En effet, j'ai complètement oublié...

Mon père, sourire aux lèvres, réplique : – Mais franchement, ne t'inquiètes pas ! J'ai réglé tous les détails, de manière à ce que le Monsieur n'a qu'à t'apporter la facture... Aucun frais de remorquage, je te le garantis !

Jim bredouille : – Merci Tomas...

Mon père lui fait un clin d'œil complice : – Surtout maintenant que tu fais partie de la famille... Passez une bonne journée !

Il donne une solide accolade à Jim puis rejoint ma mère, et tous les deux quittent l'aéroport. Ma belle-mère aussi quitte l'aéroport pour revenir chez elle. Jim s'empresse de se rendre auprès du monsieur qui gère les stationnements pour payer les frais. Moi, je l'attends de côté, assise sur une chaise, entourée de nos bagages. Dès que le paiement est fait, Jim place tous les bagages dans sa voiture, m'invite à s'asseoir à la place du co-conducteur, puis il s'assied à la place du conducteur et nous revenons dans notre appartement. Chemin faisant, Jim m'explique son prochain plan : acheter une maison dans la ville. Je réplique : « Es-tu sûr de ne pas attendre d'avoir des enfants ? Je ne suis même pas encore enceinte... N'est-ce pas un peu tôt... Je veux dire, pour la maison ? »

D'une voix chaleureuse, il réplique : – Ma chérie, il n'est jamais tôt pour acheter une maison et l'aménager à notre goût...

– Es-tu sûr d'avoir assez d'argent pour l'achat ?

– Ne t'inquiètes pas, Mél. Je suis de près mes dépenses... Et n'oublie pas que j'ai déjà des belles économies, de sorte que je regarderai les maisons à vendre à Grandview, avec un garage, bien sûr.

Je pense gênée : « Jim, ça va, pas besoin de jeter comme ça de l'argent par la fenêtre... Mais bon... Si Dieu le veut ! »

Nous ramenons nos bagages dans notre appartement.



Le lendemain matin, comme à tous les matins, nous récitons une prière matinale :

Lord Jesus Christ, Son of God, have mercy on me, a sinner.

God be merciful to me a sinner.

Thou hast created me; Lord, have mercy on me.

I have sinned immeasurably; Lord, have mercy and forgive me a sinner.

It is truly meet to bless the, O Theotokos, the ever-blessed and most immaculate, and the Mother of our God. More honourable than the cherubim and truly more glorious than the seraphim; thee who without defilment gavest birth to God the Word, the true Mother of God, thee do we magnify.

Glory to the Father, and to the Son, and to the Holy Spirit. Now and ever, and unto the ages of ages.

Amin.

Lord, have mercy. Lord, have mercy. Lord, bless.

Lord Jesus Christ, Son of God, through the prayers of Thy most pure Mother, by the power of the precious and life-giving Cross, through the prayers of my holy Guardian Angel, and of all the saints, have mercy on me and save me a sinner, for Thou art good and lovest mankind. *


Comme toujours, je termine ainsi mes prières matinales :

God be merciful to me a sinner.

Thou hast created me; Lord, have mercy on me.

I have sinned immeasurably; Lord, have mercy and forgive me, a sinner.

It is truly meet to bless the, O Theotokos, the ever-blessed and the most immaculate, and the Mother of our God. More honourable than the cherubim and more truly glorious than the seraphim; thee who without defilement gavest birth to the God of Word, the true Mother of God, thee do we magnify.

Glory...., now and ever... Lord, have mercy. Lord, bless, Lord bless.

Lord Jesus Christ, Son of God, throught the prayers of Thy most pure Mother, by the power of the precious and giving-life Cross, through the prayers of my holy Guardian Angel, and of all the saints, have mercy on me and save me a sinner, for Thou art good and lovest mankind.


All my hope,

I place in thee, O Mother of God;

Do preserve me under thy shelter.

God be merciful...




Au midi, des pelmani. Jim part en après-midi au travail, à l'Hôpital Mercy. Moi, je passe le temps avec un simple tricot. Je ne suis qu'une débutante, ayant appris les travaux manuels de mes grands-mères et de ma mère. Pour le souper, je prépare des pierogis. Je sais que Jim ne reviendra que tard le soir. De sorte que je passe la nuit seule. D'où l'importance de la prière de soir, qui va comme suit:

God be merciful to me a sinner.

Thou hast created me; Lord have mercy on me.

I have sinned immeasurably; Lord have mercy and forgive me a sinner.

It is truly meet to bless thee, O Theotokos, the ever-blessed and most immaculate, and the Mother of our God. More honourable than the cherubim and truly mre glorious than the seraphim; thee who without defilement gavest birth to God the Word, the true Mother of God, thee do we magnify.

Glory to the Father, and to the Son, and to the Holy Spirit.

Now and ever, and unto the ages and ages,

Amin.

Lord, have mercy. Lord, have mercy. Lord, bless.

Lord Jesus Christ, Son of God, through the prayers of Thy most pure Mother, by the power of the precious and life-giving Cross, through the prayers of my holy Guardian Angel, and of all the saints, have mercy on me and save me a sinner, for Thou art good and lovest mankind.


Après la prière, je dors d'un sommeil profond.



Le 30 juin, ma belle-mère vient en visite chez nous. Jim me l'a déjà dit depuis quelques jours. De ce fait, je fais des commissions en prévision d'un bon repas. Il faut quand même être des bons amphitryons ! C'est ainsi que je remarque, près d'une voie ferrée à quelques mètres avant le marché, un jeune gamin de six ou sept ans qui joue avec l'esprit errant d'un garçon du même âge. Je regarde leur jeu. Le gamin vivant est vêtu d'un short blanc et d'un teeshirt gris. Le gamin esprit est vêtu d'un teeshirt rayé jaune or et orange ainsi que d'un short brun. Tout à coup, un train se voit au loin.

Je pense spontanément : « Que Dieu le protège ! » Et je cours vers le gamin vivant, pour l'entraîner loin de la voie ferrée, en le serrant maternellement par les épaules. Je pense : « Je ne pouvais pas agir autrement, mais apparemment, l'autre gamin, qui est un esprit, est décédé ici... »

L'esprit du gamin apparaît face à moi. Étonné, la gamin vivant dit : – Kenny, comment tu as fait ça ?

Je lâche le gamin et je dis : – Tu sais que ce n'est pas drôle !

Le gamin commente : – C'est seulement une question, Madame...

Je commente : – Écoute-moi, petit garçon, tu dois savoir une chose: ton ami, il n'a pas de corps. C'est seulement parce qu'il est un esprit qu'il peut apparaître où il le veut...

L'esprit, vexé, intervient : – Pfff ! Madame va en plus dire que je ne suis pas vivant !

Un petit sourire aux lèvres, je dis d'un ton qui se veux rassurant : – Kenny, tu es vivant en tant que tu es un esprit, mais tu n'es plus attaché à ton corps... La preuve: regarde ici, à ta gauche, c'est ton tombeau, indiqué par une croix en bois...

Je m'approche du petit tombeau. Je remarque en effet que la photographie du gamin ressemble à l'esprit errant. Son nom: Kenny Dale.

Kenny, offusqué, dit : – C'est pourquoi maman et papa sont tristes... Mais pourtant, je me sens encore vivant, à la seule différence que je peux passer des heures à jouer ici...

Je lui coupe la parole : – Mais enfin... Rends-toi à l'évidence...

L'esprit disparaît de ma vue.

Je soupire puis je m'adresse au gamin vivant : – Quel est ton nom ?

Le gamin, d'une voix fluette en baissant son regard, comme s'il n'ose pas affronter le mien : – Dylan Tung.

D'un ton sévère, je dis : – Est-ce que tes parents savent que tu viens jouer ici ?

Il murmure : – Non...

– Et bien, il faudra les avertir...

Je prends la main gauche de Dylan et nous nous dirigeons jusqu'au marché de Grandview, où j'aperçois la mère du gamin, étant donné sa ressemblance avec lui. Je souris à la femme, puis dis : – Madame Tung, j'ai surpris votre fils en train de jouer près de la voie ferrée...

La femme, dont le visage exprime pendant une fraction de seconde de l'inquiétude, dit d'une voix tremblante : – Merci, Madame...

– Madame Melinda Gordon. Et vous ?

– Madame Sharon Tung. Pourtant, j'ai averti plusieurs fois Dylan de ne pas traîner près de la voie ferrée...

Dylan intervient : – Maman, mon ami est là.

Sharon, en roulant des yeux, visiblement exaspérée, soupire puis dit : – Madame Gordon, il me dit toujours ça... Dieu qu'il m'ennuie avec cet ami imaginaire !

Je remarque que Kenny Dale se manifeste à ma droite.

Je m'éclaircis la voix puis dis : – Madame Tung, l'ami de votre fils est l'esprit errant d'un gamin de son âge...

Sharon Tung, en levant les sourcils d'étonnement : – Pardon ?

Je continue d'un ton sûr : – Je vous explique... J'ai un don particulier, celui de voir les esprits errants, c'est-à-dire les âmes qui, pour une raison ou une autre, restent encore parmi les vivants. Et je vous confirme que l'ami de votre fils est un esprit, probablement celui d'un garçon qui hante la voie ferrée, puisqu'il est mort à cet endroit. Mais pour en être certaine, je dois faire une recherche sur son cas... D'ailleurs, les enfants peuvent encore voir les esprits, c'est pourquoi les adultes les considèrent comme des amis imaginaires.

Sharon Tung, en serrant la main droite de son fils, marmonne : – Votre explication est intéressante.

Je dis : – Et je dois aider les esprits errants à passer dans la Lumière, qui est l'Au-delà, afin qu'ils ne hantent plus le monde des vivants. C'est un don que j'ai depuis mon enfance.

– Je comprends... Encore une fois, merci !

– Passez une bonne journée !

– À vous aussi !

Je me dirige (enfin) vers le marché pour faire mes commissions. Une fois les commissions faites, je reviens dans chez moi, puis je réfléchis au menu. « J'ai trouvé ! », pensé-je, contente de moi-même, « Des pierogi au chou blanc ! » Je m'affaire aussitôt dans la cuisine.


Vers midi, Jim arrive avec sa mère. Après les formules de salutations, j'enlace le bras gauche de mon époux. Je remarque qu'à la droite de Faith se trouve Aiden, qui me salue poliment. Nous nous attablons. Et je n'oublie pas de faire mes prières avant et après le repas, bien sûr.

Après la vaisselle, je décide d'avouer à ma belle-mère mon don. Jim, sa mère, son père et moi sommes dans le salon, moi assise sur les genoux de mon mari; Aiden à la droite de sa femme.

Je dis : « Faith, vous devez savoir une chose à mon sujet... »

Ma belle-mère lève les sourcils d'étonnement, comme si elle pense « C'est-à-dire ? »

Je continue d'un ton sûr : – J'ai un don, disons, particulier, que peu de gens ont, à savoir de voir les esprits errants. Ceux-ci sont des âmes perdues et il est de mon devoir d'accomplir leur dernière volonté, de résoudre leurs énigmes et de les faire passer dans la Lumière (l'Au-delà, ou le Paradis, peu importe le terme). C'est un don que j'ai depuis mon enfance...

Un sourire illumine le visage d'Aiden. Lui et sa femme disent à l'unisson : « Merci de l'avoir dit ! »

Je souris, puis dis : – D'ailleurs, en parlant d'esprit errant, votre mari est là, à votre droite.

Les yeux bleus de Faith se perlent de larmes. La mort de son époux est encore fraîche dans sa mémoire. Elle ne peut pas s'empêcher de pleurer. Mais elle s'empresse d'essuyer rapidement ses larmes. Jim la regarde. En le regardant attentivement, je sais qu'il pense à son père, le pauvre qui est décédé avant son heure. Je le sais par son regard. C'est l'un des secrets de la vie en couple... Moi aussi, par ailleurs, je pense : « Dommage que mon beau-père n'a pu voir notre mariage de son vivant. Que Dieu ait son âme ! »

Aiden Clancy dit : – Ma bru, tu dois savoir une chose: tant que mon meurtrier ne sera pas hors d'état de nuire, je ne partira pas dans la Lumière... Nemo censetur ignorare legem ! Même le mens rea !

Je soupire et je dis : – Bien sûr, Aiden est clairement fâché contre son meurtrier... Et il m'assure de ne pas partir dans la Lumière tant qu'il ne se venge pas de son meurtrier... Peux-tu nous traduire les expressions latines ?

Aiden : – Oui, bien sûr ! Désolé de ma déformation professionnelle... Demandez la prochaine fois à Tom un lexique des expressions juridiques latines. Ça m'évitera de traduire mes propos... Je disais Nemo censetur ignorare legem, ce qui signifie « Nul n'est censé ignorer la loi », tandis que mens rea signifie « esprit criminel ». C'est plus clair ?

Je réplique : – Merci des éclaircissements !

En m'adressant à mon mari et à ma belle-mère : – Aiden a mentionné deux expressions latines, que je ne répèterai pas, pour ne pas écorcher vos oreilles...

Je pense: « Et je prends en note son conseil d'apprendre du latin... Je demanderai à père une leçon expresse, ou au moins une photocopie d'expressions latines... »

Je continue : – Heureusement, il a la gentillesse de traduire les deux expressions, à savoir que nul n'est censé ignorer la loi. Même l'esprit criminel.

Jim commente : – Probablement en faisant une allusion à son meurtrier...

Je pense : « Que Dieu nous protège de se retrouver dans une telle situation ! »

Aiden confirme les propos de mon mari par un hochement de la tête.

Je commente : – Ton père est d'accord avec ta conclusion provisoire... Mais pouvons-nous maintenant passer à une thématique plus joyeuse ?

Aiden commente : – Si vous voulez savoir pourquoi il m'a tué, le salaud de policier ? Parce que j'enquêtais sur la mort d'Ana Romanova, dont je soupçonnais être l'une de ses victimes. La pauvre jeune femme morte le 14 février 1999. Comme j'étais à deux doigts de trouver l'ultime preuve de son meurtrier, ce dernier m'a tué. D'ailleurs, j'ai aussi vu l'âme de cette jeune femme autour de lui... Je veux que justice soit faite !

Je tousse et je dis : – Ton père pense que Carl Neely (qu'il traite de «salaud de policier») l'a tué parce qu'il était à deux doigts de trouver l'ultime preuve du meurtrier, alors qu'il enquêtais sur le cas d'une certaine Ana Romanova, dont il soupçonnait être une victime de Carl Neely. Cette jeune femme est décédée le 14 février 1999. D'ailleurs, Aiden ajoute qu'il a vu l'âme de la jeune femme autour du policier. Et il termine son propos en espérant que justice soit faite...

Faith, en reniflant et en essuyant ses larmes, dit d'une voix brisée : – J'espère seulement... ma bru, que les âmes errantes... qui viennent te voir n'ont pas toutes... connues... une fin aussi tragique ?

Je réponds : – Non. Heureusement, certaines sont beaucoup plus simples. Par exemple, retrouver une broche, ou encore donner une décoration aux descendants... Par ailleurs, je les vois dans l'état dans lequel elles étaient dans leur dernier moment sur terre...

– Intéressant ! Merci beaucoup de cette belle surprise ! En espérant que vous n'oublierez pas d'avoir des enfants...

Ma belle-mère nous fait un clin d'œil complice.

Jim, d'un air coquin, réplique : – Ne t'inquiète pas, mère... Si ma femme s'oublie trop avec ses esprits, je la rappellerai à ses devoirs conjugaux !

Il me chatouille. Et tous les quatre (mes beaux-parents, mon mari et moi) rions de la blague. « Au moins, la blague détend l'atmosphère ! » pensé-je avec humour.

Une fois le rire calmé, Jim me lâche, je me lève.

Il dit : « Et si nous profitons de la journée pour se promener dans le parc ? »

Aiden disparaît de ma vue. Faith et moi approuvons d'un hochement de la tête.


Chacun d'entre nous met ses lunettes fumées sur le nez. Nous flânons dans le joli parc de Grandview. Chemin faisant, j'explique à Jim ma rencontre avec l'esprit de Kenny Dale. Il me propose de rencontrer sa mère. Je me rends à son avis. Il dit : « Puisqu'il est un résident de Grandview, il sera facile de rencontrer ses parents... »

Je remarque que Kenny Dale est assis sur un banc du parc. Je murmure à l'oreille de mon époux : « En parlant de Kenny, le voilà ! Je le rejoins ! » Il hoche de la tête.

Je m'approche du banc et je demande à l'esprit : – Dis-moi commnt s'appellent tes parents ?

Il me répond de sa voix fluette : – Mon papa s'appelle Hank, ma maman Candace.

– D'accord. Et tu veux que je leur dise quoi ?

– Que je suis désolé de les voir si tristes. Je veux qu'ils soient plus joyeux, comme avant le passage près de chemin de fer...

D'un air naïf, je demande : – Que s'est-il passé, cette journée-là ?

Ses yeux enfantins s'agrandissent de peur, puis il disparaît sans mot dire. Je soupire. Je fais signe à Jim de continuer notre promenade. Je lui rapporte ma conversation avec l'esprit errant. Nous laissons Faith continuer sa promenade seule... « Mais pas tout à fait seule: son époux la tient compagnie », pensé-je, le sourire aux lèvres, puisque je remarque la présence d'Aiden à sa droite. Jim me propose de retrouver l'adresse des parents de Kenny dans les Pages jaunes. Nous revenons rapidement dans notre appartement pour retrouver l'adresse de Hank et de Candace Dale: 178, rue Front. Jim propose de me conduire jusqu'à eux. Nous nous rendons en cinq minutes à ladite adresse. Nous sommes accueillis avec méfiance par le couple, qui nous invite dans leur salon. Nous nous présentons, puis nous nous assoyons sur les canapés que l'homme nous désigne.

Gênée, je dis : – Madame et Monsieur Dale, je suis vraiment attristée de l'accident qui a provoqué la mort de votre fils Kenny...

Candace, entre deux sanglots : – Notre pauvre Kenny est mort depuis quatre ans... Heureusement, nous avons Bill, qui aura cette année quatre ans...

Hank, d'un ton froid : – Madame Gordon, ça ne sert à rien de raviver des souvenirs pénibles...

Jim lui réplique d'un ton sec, alors que ses yeux bleus lancent des éclairs : – Monsieur Hank Dale, veuillez au moins laisser ma femme dire ce qu'elle a à dire ! Si ça ne vous intéresse pas, libre à vous de ne pas l'écouter. C'est un minimum de politesse ! Merci de votre compréhension !

Renfrogné, Hank Dale se lève du canapé sur lequel il est assis puis quitte le salon. Sa femme, visiblement gênée par l'attitude de son mari, murmure : – Désolé, pour le comportement de mon époux... Mais, Madame Gordon, qu'avez-vous à me dire au sujet de Kenny ?

Je remarque à ce moment que l'esprit errant du gamin est à la droite de sa mère.

Je commente simplement : – En parlant de Kenny, il est en ce moment à votre droite.

Candace jette un coup d'œil rapide vers sa droite, mais rapporte son attention sur moi.

Je continue en disant : – Et bien j'ai remarqué aujourd'hui que votre fils joue avec un gamin de son âge près d'une voie ferrée. Et un train est passé... Heureusement, Dieu soit loué, j'ai écarté à temps l'enfant, de sorte qu'il est encore vivant... Mais je peux vous dire que j'ai eu la peur de ma vie... J'ai compris alors que votre fils est un esprit errant. J'ai essayé de lui expliquer que son jeu n'est pas drôle, car il met en danger autrui...

Candace commente : – Je comprends.

– Et bien, je voudrais seulement que vous expliquez comment votre fils est mort, afin qu'il se rende à l'évidence de son état, qu'il quitte le monde ici-bas et qu'il parte enfin dans la Lumière.

Remarquant le regard dubitatif de la femme, Jim intervient : – Madame, soyez-en assurée, ma femme sait très bien de quoi elle parle...

Elle dit : – C'était en juin 1996. Plus précisément, le 4 juin. Je conduisais une voiture, qui s'était soudainement arrêtée sur la voie ferrée. Kenny et Bill étaient sur les sièges arrières. Je sors rapidement Bill, alors un bébé d'un mois. Puis j'invite Kenny à sortir rapidement, sauf qu'il ne m'écouta pas. Je vois au loin un train. Mais Kenny, au lieu de sortir du véhicule, se dirige vers... les sièges avant pour récupérer un jouet, une araignée, qui était sur le tableau de bord. Malheureusement, le train percuta le véhicule et...

La pauvre femme s'interrompt et éclate en sanglots. Kenny lui câline la joue droite. Entre deux sanglots, elle dit : – Et mon pauvre garçon est mort...

L'esprit errant dit : – Maman, console-toi avec Bill et fais attention à lui...

Je pense, sourire aux lèvres : « Que Dieu protège cette famille ! »

Je dis d'une voix douce : – Kenny vient de dire que vous pouvez vous consoler avec Bill et de faire attention à lui.

Candace : – Sérieux ?

Je hoche lentement de la tête, puis ajoute : – Mais pouvez-vous me dire qui vous a vendu le véhicule ?

– C'était un certain Eduard Van Puyvelde, qui a vendu le véhicule à mon mari un mois avant l'accident.

– N'êtes-vous sûre qu'il ne le savait pas, je veux dire, au sujet du défaut de la voiture ?

Hank revient dans le salon et dit : – Je me doute bien qu'il le savait, c'est pourquoi il se pressait un peu trop de le vendre... Le salaud de Néerlandais, il faut l'arrêter pour escroquerie ! Il est responsable de la mort de notre fils aîné !

Jim intervient et dit d'un ton calme : – Monsieur, ça ne sert à rien de s'emporter... Et ça ne ramènera pas votre fils parmi les vivants... Seul le Christ pouvait ressusciter les morts, pas ma femme.

Hank, d'un ton sec : – Merci, Monsieur, de votre commentaire !

Puis il sort en trombe du salon. Kenny disparaît de ma vue. « Probablement pour suivre son père », pensé-je.

Je dis : – Merci, Madame Dale, de votre collaboration.

Kenny apparaît devant moi. Il dit, en larmes : – Dites à papa de ne pas tuer le Monsieur... Ça ne m'aidera pas...

Le cœur en chamade, je dis : – Kenny ne veut pas que son père tue le monsieur, car ça ne le soulagera pas...

Puis, d'un bond, tous les trois suivons Kenny, qui m'amène devant son père, qui se trouve au sous-sol. Il tient une arme à feu dans sa main droite. Je pense : « Ah ! Vas-y Jim ! Tu es capable de le persuader de ne pas tuer un homme ! Pour une fois que j'espère bien que tes yeux bleus soient aussi dissuasifs que ceux de mon père ! Et que Dieu éclaire Monsieur Hank Dale ! »

Candace arrive au-devant de Hank et lui dit d'une voix larmoyante : – S'il te plaît, mon amour, ne tue pas un innocent...

D'un sec, il rétorque : – Tu appelles un innocent l'homme qui est indirectement responsable de la mort de notre fils aîné, de notre Kenny ?

Candace : – S'il te plaît ! Sois indulgent !

Jim intervient : – Monsieur, je vous recommande, par conscience, de ne pas tuer un homme...

J'ajoute : N'est-ce pas l'un des Dix Commandements qui dit qu'il ne faut pas tuer ?

Candace ajoute : – Et pense que ceci attristera d'autres parents... Et peut-être des enfants qui resteront sans leur père... Et peut-être qu'il ne le savait pas ?

Jim ajoute : – Sérieusement, vous n'ignorez pas qu'un homicide est passable d'une peine de prison ? Je ne vous le souhaite pas, mais il faut être réaliste. Une infraction de la sorte sera mal vu par la loi, peu importe ce que l'on peut penser...

Hank Dale, pensif, ne dit rien. Nous sommes suspendus à ses lèvres. Silence.

Après plusieurs minutes au cours desquelles une mouche pouvait s'entendre, il dit, d'un ton résigné : – Ça va, je me rends à votre avis... Je ne dois pas me venger pour la mort de notre Kenny...

Il pleure silencieusement, dépose l'arme sur une table, puis enlace sa femme; Kenny, le sourire aux lèvres, se tourne vers sa droite et regarde, émerveillé. Il me dit : – Madame, je vois une lumière... Mamie m'attend !

Émue jusqu'aux larmes, je dis : – Kenny voit la Lumière, dans laquelle il voit sa grand-mère... Vas-y, c'est pour toi !

L'esprit, un sourire aux lèvres : – Merci à vous !

Et il part dans la Lumière.

Je dis d'un ton joyeux : – Madame et Monsieur Dale, Kenny vient de partir dans la Lumière !

Hank et Candace, à l'unisson : – Merci à vous, Madame Gordon !

Je serre la main de Jim et nous sortons de chez nos amphitryons. Jim conduit jusqu'à notre appartement. Devant sa porte, mes beaux-parents nous attendent, le sourire aux lèvres. Jim déverrouille la porte et nous entrons à l'intérieur. Le reste de la journée est tranquille. Le lendemain, j'en informe Madame Sharon Tung du cas de Kenny Dale. Elle me remercie et je reviens chez moi, contente d'avoir fait mon devoir jusqu'à la fin. Durant l'après-midi, me rappelant du conseil de mon beau-père, je téléphone à mon père pour savoir s'il pourrait me fournir une copie des expressions juridiques latines. Il me l'apporte cinq minutes plus tard. « Ainsi », pensé-je, « plus de problèmes pour comprendre Aiden ! » Depuis, je conserve cette copie dans un tiroir dans le meuble où se trouve la télévision. Je me signe et pense, comme à chaque que je règle le cas d'un esprit errant : « Glory to thee, O Lord. »



Le 5 juillet 2000, un esprit errant apparaît devant moi : un homme vers la trentaine, vêtu d'un smoking noir. Visiblement, il a connu une mort violente, étant donné la tache de sang à la hauteur de la poitrine. Je lui demande : – Quel est votre nom ?

L'esprit me répond en anglais avec un fort accent allemand : – Albert Köhnken.

– Quelle est votre raison de rester encore parmi les vivants ?

D'un ton courroucé : – Me venger de mon meurtrier ! Il m'a tué le 16 mars dernier ! Il doit mourir !

– Voulez-vous...

L'esprit me coupe la parole : – Le salaud de policier !

Puis il disparaît.

Mon beau-père apparaît. Il dit tristement : – Ce pauvre homme est une nouvelle victime de Carl Neely...

Je lui réplique : – Êtes-vous sûr de ne pas confondre le vrai meurtrier et le policier enquêteur ?

– Je ne crois pas... Comme s'il pensait que le fait qu'il change sa tenue en civil par son uniforme que nous n'allons pas le reconnaître ? L'habit ne fait pas le moine, surtout dans son cas... Je crains seulement pour mes fils, surtout Jim, puisqu'il est ami avec lui...

– Désolé, Aiden, tous mes respects, mais il faudrait que j'éclaircis un peu le cas d'Albert Köhnken (désolé pour la mauvaise prononciation), avant de conclure quoique ce soit. On ne peut pas accuser à la légère un homme qui est peut-être innocent...

D'un ton sévère, mon beau-père réplique : – Lui, innocent ? Il a des sang sur les mains ! Il est le salaud numéro un de la police de Grandview ! Fais comme tu veux, mais je me vengerai de lui... Le perfide policier ! Ses yeux gris le trahissent !

Une expression de colère se voit dans ses yeux bleus, ce qui les glacent. Puis Aiden Clancy disparaît de ma vue. « Franchement, ces esprits qui accusent un pauvre policier ! Ils commencent à m'ennuyer ! » pensé-je, étonnée d'une telle réaction de la part de mon beau-père. « Je le croyais moins emporté... Je pensais bien qu'il prendrait le temps d'analyser la situation avant d'accuser le pauvre Carl Neely... Par ailleurs, s'il était si criminel comme Aiden l'affirme, je pense bien qu'il ne pourrait pas être policier... C'est tellement incompatible ! »

Je regarde rapidement dans les éditions antérieures du journal local : j'y trouve en effet une notice nécrologique indiquant qu'Albert Köhnken est mort le 16 mars cette année, officiellement d'un accident sur la route. « Alors, comment expliquer le trou d'une balle à la hauteur de sa poitrine ? » pensé-je, perplexe. « Peut-être qu'il y a eu une attaque armée avant, ou Dieu-sait quoi encore ? » Je me signe en pensant : « Que Dieu nous protège d'une telle situation ! »



Le 19 août 2000, alors que je tricote un pull pour mon mari, je suis plongée, sans aucun avertissement dans une vision. Je me retrouve dans une forêt. Il pleut. J'écarte les branches qui me dérangent pour passer. Des insectes dégoûtants grimpent sur mes pieds. C'est gluant. Je chemine ainsi jusqu'à une grande fleur jaune, en secouant mes pieds pour que les insectes s'en aillent. Mais je me pique par mégarde sur une rose.

Je reviens à moi, étonnée de la vision. Je pense : « Ça fait un certain temps que je n'ai pas vécu ça ! Mais qui est-ce ? J'espère qu'il aura au moins la gentillesse de se présenter ! »

Je vois devant moi un esprit errant, celui d'un homme vers la trentaine, vêtu de beige, avec un chapeau d'explorateur. Je le regarde avec méfiance. Il dit, d'un ton hautain : – C'était ma dernière expédition !

Je remarque que lorsqu'il parle, du sang sort de sa bouche. Je fais une moue de dégoût.

Je lui dis : – Monsieur, quel est votre nom et qu'attendez-vous de moi ?

L'esprit, toujours d'un air hautain, réplique : – Vous devez le savoir !

Mais il disparaît avant que je puisse ajouter quoique ce soit.

À sa place apparaît un autre esprit, Un homme vers la soixantaine, aux cheveux gris et aux yeux noisette, vêtu d'une tunique verte par-dessus laquelle est placée une étoffe d'un vert un peu plus clair. Il dit d'un ton sérieux : – Cette arrogance des universitaires ! Quand ils pensent que tout le monde les connaît ! Pour information, il est le Professeur Martin Schaer, de l'Université Rockland, à Grandview.

– Pourtant, je ne connais aucun universitaire...

– Ne vous en faites pas. Je vous aiderai !

– Qui êtes-vous ?

– Vous n'avez pas compris ? Bon, ce n'est pas grave... Je me présenterai plus tard...

Je pense : « On dirait un esprit Observateur, mais je n'en suis pas certaine... »

L'esprit vêtu de vert continue : – Revenons au Professeur Martin Schaer... Il était parti en été 1990 avec son associée, Penn Grogan, qui mérite bien son prénom** en un sens... Ils sont partis avec d'autres étudiants et d'autres chercheurs au sud-est du Pérou, dans des forêts au pied des Andes, pour y faire une recherche ethnologique sur les rites de guérison des Matsigenka, des peuples primitifs de cette région. Le professeur est tombé malade au cours de l'expédition en juin 1991. Son associée a fait du mieux qu'elle le peut pour le sauver, car elle était amoureuse de lui, malgré leur écart d'âge. Mais il partit lui-même à la recherche de la Plante qui guérie tous les maux, la Griffe du Chat. Penn Grogan voulut aller avec lui, mais il la rassure en disant qu'il se sent mieux. Chemin faisant, il s'est piqué par mégarde sur une rose, en voulant secouer les bestioles qui se promenaient sur ses pieds. C'est encore le moindre mal, puisqu'il a pris le Thevetia peruviana... Désolé, le laurier jaune, pour la Griffe du Chat. Il est alors mort dans de cruelles souffrances. Son associée retrouvera son corps quelques heures plus tard, inquiète qu'il ne soit encore revenu au campement. Grand a été son étonnement lorsqu'elle trouva son corps mort. De sorte que l'expédition revient à Grandview, mais avec un membre en moins. De sorte que les autres universitaires ont accusé la pauvre associée d'avoir tuer Martin Schaer... Et le pauvre est en colère contre elle car il est confus, n'ayant même pas compris qu'il est mort...

J'interviens : – Comment puis-je rétablir la situation ?

Le sourire aux lèvres, l'esprit vêtu de vert répond : – En discutant avec cette pauvre âme perdue, afin de la convaincre que son temps est passé et qu'elle ne soit pas jalouse du succès de son associée... Sinon, je viendrai lui expliquer sa situation !

Je murmure : – Merci beaucoup !

Et l'esprit disparaît de ma vue. Je suis perplexe. Évidemment, lorsque mon époux revient du travail, je lui rapporte mes rencontres des esprits de la journée. Il me rassure, comme toujours, en disant que leur cas s'éclairciront un jour ou l'autre. « Je ne doute pas, ma chérie, que tu règleras ce cas... » dit-il en guise de conclusion. « Seulement, cet esprit doit réaliser que la vie continue, malgré que pour lui, sa vie dans le monde des vivants est terminée... » Je l'embrasse pour toute réponse. Nous récitons notre prière du soir puis nous nous endormons, enlacés. Heureusement, l'esprit ne vient pas me visiter dans mes rêves, bien que ceci m'arrive assez souvent.


Le lendemain, Jim revient du travail. Il me dit qu'il a été appelé à intervenir dans la maison d'un professeur de l'Université Rockland, un certain Richard Payne, spécialiste de l'Anthropologie des Sciences Occultes, car il étouffait comme si quelqu'un le tenait par le cou. Mon mari ajoute : « Comme je soupçonne qu'un esprit est responsable, je voudrais simplement que tu viennes me confirmer mon hypothèse ».

J'acquiesce à sa demande. Le lendemain, Jim me conduit jusqu'à la chambre où se trouve le professeur Payne. Il est un homme âgé vers la quarantaine, aux cheveux châtains et aux yeux bleus. En effet, je remarque que l'esprit errant qu'est devenu le Professeur Martin Schaer serre ses mains autour de son cou, de sorte qu'il manque d'air et devient rouge comme tomate. Je me tiens à l'entrée de la porte, qui est vitrée, de sorte que je vois ce qui se passe de l'autre côté. Je me signe puis j'ordonne mentalement à l'esprit d'un ton sévère : « Laissez votre collègue tranquille ! Pourquoi cherchez-vous à l'étouffer ? »

Surpris du ton, l'esprit errant s'évapore pour réapparaître à mes côtés. Nos regards s'affrontent.

Il dit: – Vous ne connaissez pas toutes les règles du jeu...

Puis il disparaît de ma vue, me laissant très étonnée. « De quel jeu parle-t-il ? » pensé-je. J'en discute avec Jim lorsque je reviens chez nous. Il hausse des épaules, ne sachant pas quelle piste de réflexion me proposer. Par contre, il me propose quelque chose d'autre pour se changer les idées... Un vrai coquin irrésistible !



Une semaine plus tard, Jim me rapporte que le professeur Payne vient de sortir de l'hôpital. « Un drôle de professeur bien sympathique », ajoute mon mari, « puisqu'il me remercie de ma rapide intervention en disant sur un ton théâtral: «Merci, cher ambulancier de Grandview! Vous m'avez sauvé la vie!» Je lui réplique que je ne fais que mon travail, celui de sauver des blessés. Et le professeur ajoute qu'il sait pourquoi il est hospitalisé: en raison d'une statuette de guérison qui s'est renversée sur l'étagère de sa bibliothèque... Si je me souviens de ce qu'il m'a dit, un manikin, que l'associée de son défunt collègue Martin Schaer, une certaine Penn Grogan, lui a donné il y a quelques années. Cette statuette était utilisée lors des incantations de guérison. Et la légende dit que si la statuette tombe sur le côté, le malade peut mourir et si elle ne tombe pas, le malade guérira. Il semblerait, selon les propos du professeur Payne, que Penn Grogan est devenue une experte des croyances des Incas, des Mayas et Dieu-sait quels autres peuples primitifs du Pérou et de l'Amérique du Sud. Mais au moins, bonne nouvelle ! On peut avoir l'aide du professeur Payne si nécessaire, car depuis cette intervention, nous pouvons le considérer comme un ami... En tout cas, il me semble sincère... »

Je commente: « Dans tous les cas, son défunt collègue, le professeur Martin Schaer, est l'esprit errant qui m'a fait voir dans une vision il y a un peu plus d'une semaine, sa dernière marche dans la forêt... Ça fait du sens... »

Puis je saute au cou de Jim et je l'embrasse tendrement. Il est vraiment génial pour se faire un réseau d'amis ! Mon époux me soulève puis nous nous rendons dans notre chambre.


Le lendemain du rétablissement du Professeur Richard Payne, l'esprit errant qu'est devenu le Professeur Martin Schaer apparaît devant moi. Je lui résume les propos de l'esprit vêtu de vert. Dubitatif, il me demande des preuves supplémentaires. je lui dit qu'il aille alors discuter avec l'esprit vêtu de vert, que je soupçonne d'être un Observateur. Celui-ci, par ailleurs, apparaît en face de lui, entre lui et moi, puis lui fait signe de le suivre, et les deux esprits disparaissent de ma vue. Rassurée, je reviens à mon tricot. Deux heures plus tard, les deux esprits réapparaissent devant moi. Le Professeur Martin Schaer semble content. Il me remercie et s'excuse d'avoir été incrédule et d'avoir été méchant envers son collègue, car il pensait qu'il était avec les autres collègues contre son associée, alors que ce n'était pas le cas. Puis il ajoute : – Je vois une lumière... C'est tellement accueillant, doux et chaleureux... Je dois y aller ?

Émue jusqu'aux larmes, je réplique : – Oui ! Bon voyage !

Et l'esprit qu'est le professeur, le sourire aux lèvres, part enfin dans la Lumière. Je sèche rapidement mes larmes du revers de ma main droite. L'esprit vêtu de vert me sourit et disparaît de ma vue. Je rapporte à Jim que le cas est réglé. Il m'embrasse pour toute réponse; je l'embrasse en retour.



Le 23 septembre 2000, mon époux m'annonce théâtralement qu'il a un cadeau pour moi... Intriguée, je lui demande lequel. Le sourire aux lèvres, il me répond : – Ma chérie, j'ai acheté une maison... Demain, nous nous installerons !

Surprise, je dis : – Jim, es-tu sûr...

Il s'approche de moi pour me faire taire en m'embrassant. Il dit : – Je t'ai déjà montré la maison un peu avant notre mariage...

Je réplique, étonnée : – Je pensais que tu plaisantais !

Jim, en faisant un clin d'œil complice : – Et bien, tu vois bien que je suis sérieux ! Grâce à l'aide de ton père, il m'a réglé tous les détails officiels, de sorte que l'agente immobilière, une certaine Delia Banks, m'a confirmé que nous sommes les propriétaires de la maison sur la rue Henford.

Émue jusqu'aux larmes de joie, je lui saute au cou. Il me câline doucement. Je sèche les rapidement. « Tu ne cesseras jamais de m'étonner, Jim ! » pensé-je. « Surtout que je ne m'attends franchement pas à être co-propriétaire avec toi... Je pensais que tu allais dire que c'est ta maison, et non notre maison... Belle surprise ! Signe que tu me fais vraiment confiance... Là, tu es adorable ! »

Nous emballons toutes nos choses pour le déménagement; Jim a même loué un petit camion pour faciliter le transport. « Tu es simplement génial ! » pensé-je en m'assoyant sur le siège en tant que co-conductrice. Nous voilà en dix minutes devant notre nouvelle maison. Une petite maison charmante avec un petit jardin à l'avant, un petit chemin qui mène à l'entrée, et bien sûr, un garage pour la petite voiture de Jim. Nous transportons toutes nos affaires à l'intérieur. Bien sûr, mon époux me remet une copie double des clés. Le soir, nous passons notre première nuit dans notre nouvelle maison.



À la fin septembre, mon époux parvient à me convaincre d'ouvrir une boutique d'antiquités. Il me dit : « C'est simple Mél, j'ai eu cette idée à la suite d'un rêve répétitif depuis le début du mois... Je te l'ai déjà dit plusieurs fois. Mais le rêve de hier soir m'a fait comprendre pourquoi: afin d'aider des âmes errantes... »

Je souris et pense: « D'accord, j'ai compris ! »

Je dis : « Je me rends à ton avis... Trouve-moi un local, puis je viendrai l'inspecter avant de procéder à son achat... »

Jim, d'un ton enjoué : – Oui, ma chérie !

Il me serre dans ses bras, me soulève, m'embrasse, puis me dépose doucement sur mes pieds. Je me colle à lui de joie.


Le lendemain, il trouve un petit local à vendre de quarante mètres carré. Je le visite, et ne remarquant aucun esprit, j'autorise Jim à faire l'achat. Il appelle mon père, qui arrive aussitôt. Et il nous règle les détails de la paperasse administrative. Et voilà comment le lendemain, je deviens officiellement propriétaire d'une petite boutique d'antiquités, que j'ai nommé Antique Shop of Grandview. Je décide alors de publier une offre dans le journal local pour indiquer à la ville qu'une nouvelle boutique d'antiquités vient récemment d'ouvrir et que la propriétaire recherche des objets à vendre. Le lendemain, je vois déjà des habitants de la ville faire la file devant le petit local, avec des meubles et des caisses, d'autres avec des chariots remplis d'objets. Je souris à leur vue. J'ouvre la boutique et je fais entrer les hommes et les femmes qui attendaient avec impatience son ouverture. Derrière le comptoir, je regarde les objets que mes fournisseurs veulent que je vende. De sorte que j'ai vu plusieurs esprits errants encore attachés aux objets. Je sélectionne les objets en fonction de leur année de création, leur état et l'aspect de l'esprit errant qui le hante. Heureusement, peu d'objets sont refusés, de sorte que les étagères se remplissent rapidement. En après-midi, j'ai téléphoné à ma mère pour qu'elle vienne m'aider dans le tri des objets. À deux, le travail se fait plus rapidement.

Je suis contente que l'Antique Shop of Grandview commence aussi bien. Que Dieu en soit loué ! Je ferra attention pour ne pas me laisser tenter par l'appât du gain.



Deux jours plus tard, je vois dans ma boutique une jeune femme à la peau sombre qui me dépasse d'une tête sans talons hauts. Ses cheveux noirs et lisses tombent librement sur ses épaules. Elle dit : – Madame...

Je réponds : – Melinda Gordon.

– Êtes-vous la propriétaire de cette boutique ?

– Oui.

– Cherchez-vous une employée ? Car je suis en recherche d'emploi...

– Ça me ferait plaisir d'avoir une caissière qui s'occupera de la boutique, de sorte que je m'occuperai plus de l'arrière-boutique... Avez-vous apporter votre CV ?

– Oui.

Et la femme sort d'un porte-document une feuille. Je remarque que deux esprits errants viennent d'apparaître derrière elle : Aiden Clancy et un esprit errant masculin âgé vers la soixantaine, vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon d'un complet bleu marine.

Aiden dit : – Afin mon adjointe juridique aura enfin une stabilité en emploi !

Mon beau-père disparaît après. Ignorant les propos de l'esprit errant, je remercie la femme d'avoir apporté son CV. J'ajoute aussitôt : – Merci, Madame. Je lirai votre CV, puis je vous contacterai dans quelques jours, en espérant que la réponse sera positive.

– Je l'espère aussi... Merci à vous, Madame Gordon ! Passez une bonne journée !

– De même pour vous !

Et la femme sort de la boutique. L'esprit errant soixantenaire la suit en silence. Une fois qu'ils sont tous les deux partis, je lis attentivement le curriculum vitæ qu'elle m'a remis. Elle s'appelle Andrea Moreno. Elle vit à Grandview, 12 rue Jensen, l'appartement numéro 3. Elle détient un Diplôme d'études professionnelles en Secrétariat au Collège de Grandview, mais aussi une attestation de spécialisation professionnelle en Secrétariat juridique. Elle a travaillé comme adjointe juridique pour le juge Aiden Clancy de mai 1989 à septembre 1999. Depuis septembre, elle travaille comme surveillante d'élèves à l'école secondaire de Grandview. Je pense : « En tant qu'ancienne secrétaire de mon beau-père, elle pourrait m'aider à la caisse et à l'évidence du chiffre d'affaires, de sorte que je me contenterai de travailler à la caisse et de faire les inventaires à chaque mois... » Contente, j'en discute avec Jim lorsque je reviens chez nous. Il approuve mon idée, à savoir d'embaucher Andrea Moreno comme associée.


Le lendemain, je téléphone à la jeune femme et l'informe qu'elle est embauchée dès aujourd'hui. Cinq minutes après mon appel, elle arrive. Je procède à l'ouverture de son dossier d'employée et nous nous entendons pour le taux horaire et pour les journées de congé. Officiellement, mon associée de boutique est Andrea Moreno depuis le 29 septembre.



Fin octobre 2000. Voilà un mois que je travaille dans ma boutique d'antiquités. Je suis très contente de mon associée, qui se montre très sérieuse avec les clients. Sans parler des différents esprits attachés aux objets que je suis parvenue à convaincre facilement à passer dans la Lumière. J'ai appris à mieux la connaître. Elle a un frère aîné, prénommé Mitchell. Leurs parents, Amani Johnson (une Afro-américaine) et Robert Moreno (un Canadien), vivent dans une autre ville, Sunview. Je décide d'avouer à Andrea Moreno mon don, car je voudrais bien régler le cas de l'esprit errant qui la suit. Heureusement pour elle, elle accepte mon don et propose son aide. Je la remercie d'avance. Ainsi, j'apprends que l'esprit errant qui la suit est un homme qui hante son appartement depuis un demi-siècle, car il est mort à cet endroit. Il se prénomme Andy Byrne. Et il voudrait donner à son petit-fils, prénommé Nicolas, une photographie de famille qui a glissé sous le canapé du salon. Andrea retrouve la photographie en question et je recherche sur l'ordinateur de l'arrière-boutique l'adresse de son petit-fils. Heureusement, il vit à Grandview, sur une rue parallèle à ma maison. Je lui apporte la photographie de son grand-père. Le jeune homme me regarde d'un air incrédule, mais il accepte néanmoins la photographie. En route vers la boutique, l'esprit errant me remercie et me demande ce qu'il doit faire.

Je lui dit : « Monsieur, pouvez-vous comprendre que ça ne vous sert à rien de continuer à errer parmi les vivants ? Vous devez franchir la prochaine étape, c'est-à-dire passer dans la Lumière, pour pouvoir ensuite, si Dieu le veut, revenir se réincarner une autre fois... Il n'y a rien de compliquer... »

Andy Byrne, le sourire aux lèvres : – Votre approche est sympathique... Je vois une lumière blanche et pure... C'est là que je dois aller ?

En plissant des yeux, il ajoute : – D'ailleurs, je vois ma femme ! Ma Angie !

En se tournant vers moi, l'esprit dit : – Merci encore une fois, Madame, de votre aide !

Je réplique : – Je ne fais que mon travail. Bon voyage, Monsieur Byrne !

Et l'esprit errant part dans la Lumière. Le sourire aux lèvres, je reviens dans ma boutique et j'explique à Andrea que l'esprit est parti dans la Lumière. Je pense : « Que Dieu en soit loué ! Un esprit errant de moins dans la ville ! »





4 novembre 2000. Jim, d'un air joyeux, me dit que Paul Eastman, un ami policier de vingt-six ans, marié à une Sarah depuis un an, est devenu père. « De sorte qu'il travaille encore plus, car il dit que les enfants, ça coûte une fortune aux parents... En parlant d'enfants, qu'est-ce que tu en dis si nous essayons... » Il me fait des yeux doux. Je ne résiste pas à mon coquin d'ambulancier !

Par ailleurs, étant donné que la boutique d'antiquités est une petite entreprise qui roule bien, Jim parvient à me convaincre d'avoir un permis de conduire afin de pouvoir transporter les nouvelles acquisitions, surtout quand il s'agit de meubles. Gênée à ce que je dépense autant d'argent, je lui assure que je saurai m'arranger avec mon associée pour les transporter. Il me réplique que des dames ne doivent pas se tuer au travail. Je me rends alors à son avis. Je l'aime quand il est ainsi gentleman. Le 8 novembre, je débute mes cours de conduite. Ce ne sera qu'en décembre 2001 que j'obtiendrai mon permis, si Dieu le veut. Jim m'a averti qu'il y a des cours, un examen théorique puis un examen pratique.





2 décembre 2000. Jim, en revenant en après-midi du travail, m'annonce que son ami Carl Neely, un policier de Grandview, à l'âge de vingt-sept ans, s'est marié hier avec sa fiancée, une Française dont il ne peut pas me répéter le nom. Il y a eu un nombre limité d'invités, car il tient à être discret. Je félicite son ami et transmets néanmoins tous mes meilleurs vœux au nouveau couple.




2 décembre 2000, 14h.


Je vois l'âme de mon grand-père maternel, Jarosław Niewenglowski, un homme de 72 ans, aux cheveux devenus gris par l'âge. Des lunettes rondes en or rehaussent la vivacité de ses yeux bruns.

Je dit en polonais, entre des larmes : – Es-tu prêt à partir dans la Lumière ?

Il me répond : – Non, j'ai quelques détails à régler.

– Lesquels ?

Le téléphone sonne. L'esprit errant qu'est devenu mon grand père disparaît de ma vue. Je jette un coup d'œil au combiné : c'est ma mère.

Je soulève le combiné : – Maman ! Tu veux me dire que grand-père Jarosław est mort ?

Ma mère : – Oui ! Tu as vu son âme ?

– Exactement...

– Moi aussi, je l'ai vu...

– Il me dit qu'il a encore quelques détails à régler avant de quitter le monde des vivants.

– Tu sais très bien que tu peux en discuter avec moi.

– Ça me fera plaisir... À la prochaine !

– À la prochaine ! Et passe une bonne journée !

– Toi aussi !

Je raccroche le téléphone en pensant : « Voici du travail pour nos amis policiers Paul Eastman et Carl Neely... »


J'entends un bruit dans le salon. J'accours aussitôt et je vois un esprit devant la bibliothèque. Le même homme vers la soixantaine, vêtu de vert que j'ai déjà remarqué auparavant. Il me dit d'un ton autoritaire : « Ouvrez votre Bible ! » J'obéis aussitôt, n'osant pas le contrarier. Je saisis la Bible entre mes mains et l'esprit tourne les pages puis disparait de ma vue. Deux phrases retiennent mon attention, à savoir « Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. » (Mt 7,17) Et « C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. » (Mt 7, 20)

Perplexe, je pense : « Quel message cet esprit veut-il me faire passer ? Qui est concerné par ce message ? » Je soupire puis referme la Bible pour la remettre à sa place dans la bibliothèque. Je reviens à mon tricot. Quelques heures plus tard, je vois l'âme de mon père qui apparaît devant moi; ce n'est qu'une bilocalisation. Elle me dit : « Fais attention aux policiers ! » Puis l'apparition s'évanouie. Je lâche mon tricot, muette de peur, et je commence à pleurer en silence. Je me ressaisis en adressant une courte prière à la Vierge. Ainsi rassurée, je reviens à mon tricot, qui a failli m'échapper des mains.




8 décembre 2000, 10h.

Je feuillette le journal local de Grandview. En parcourant la section des nécrologies, je remarque un autre décès prématuré d'un homme vers la trentaine, un certain Nathan Nikolski. En regardant la photographie, je constate que l'âme errante de cet homme est venue à moi hier soir. Il a visiblement connu une mort violente au cours de la journée, comme le témoigne la tache de sang séché à la hauteur de sa poitrine. D'ailleurs, j'ai bien remarqué qu'en automne et en hiver, le taux de mortalité augmente à Grandview. Par exemple, depuis notre retour de notre lune de miel, je peux très certainement énumérer trois décès, un certain Pascal Cazelais (mort le 1er octobre 2000), un certain Jasper Wüst (mort le 2 novembre 2000) et un certain Nathan Nikolski (le 7 décembre 2000). Je pense : « Qui est le criminel qui sévit ainsi à Grandview ? Que Dieu aide les policiers à le démasquer ! » Je me signe puis range le journal, préférant revenir à mon tricot plutôt que de trop s'inquiéter des esprits errants.





* Tiré de l'Old Orthodox Prayer Book, translated and edited by Priest Pimen Simon, Priest Theodore Jurewicz and Hieromonk German Ciuba, Russian Orthodox Church of the Nativity of Christ (Old Rite), Erie, Pennsylvania, 1986. Texte bilingue Slavon-Anglais. Toutes les prières sont citées de ce recueil de prière.


** Penn est un prénom anglais féminin dérivé du moyen anglais Penn, qui signifie « endroit clair et précieux ». Ceci signifie donc que l'associée du Professeur Schaer était une femme chère à lui.


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