Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer
Chapitre 1 : Généalogie, souvenirs d'enfance, études, jeunesse, mariage et lune de miel
8846 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 05/01/2024 19:27
« Je m’appelle Melinda Gordon. Je viens de me marier, d’emménager dans une petite ville et d’ouvrir une boutique d’antiquité. Je pourrais être comme les autres, mais depuis mon enfance, j’ai découvert que je pouvais entrer en contact avec les morts, les esprits errants comme disaient ma grand-mère et ma mère. Ceux qui ne sont pas passés de l’autre côté parce qu’ils ont encore des affaires à régler avec les vivants et qui viennent me demander de l’aide. Pour vous raconter mon histoire, je dois raconter les leurs ! »
Je suis la fille d'Elizabeth Niewenglowska-Gordon (née le 24 août 1961 dans le petit village de Rudziszki, alors la République populaire de Pologne) et de Tomas Augustovitch Gordon (né le 19 août 1960 à Rostov-sur-le-Don, alors la République socialiste fédérative soviétique de Russie). Ma mère est fleuriste, mon père, juge. Ils se sont rencontrés à Roslavl, en Russie, en 1977, puis mariés l'année suivante. Deux mois après leur mariage, ils ont déménagé à Longview, en Amérique du Nord, où je suis née le 2 février 1979. J'ai une sœur, Mary, née le 5 octobre 1980 à Longview aussi. Malheureusement, elle est morte dans un accident de la route le 3 janvier 1997. La pauvre, morte si jeune, trois mois après son seizième anniversaire. Je pleure encore lorsque je pense à son absence. En tant qu'âme seule, c'est très différent... Elle aussi voyait les esprits errants. Le policier qui enquêtait sur son cas, un certain Carl Neely (alors vers la vingtaine), me confirma qu'elle était morte sur le choc : un véhicule l'a heurté alors qu'elle traversait la rue. Par contre, j'ignore si Mary est partie dans la Lumière; je n'ai pas vu son âme depuis, sauf brièvement après sa mort, mais je n'ai pas eu le temps de dire un mot qu'elle a déjà disparu de ma vue. Elle me manque tellement ! Nous étions complices dans nos jeux d'enfants, puis plus grandes, lorsque nous nous sommes initiées lentement à vivre avec notre don... Que de joyeux moments passés ensemble... Nos parents vivent encore à Longview. Depuis mon mariage avec Jim Clancy, un ambulancier que j'aime beaucoup et qui m'aime, je vis à Grandview, une ville voisine. Mon père est le fils d'А́вгуст Михайлович Гордон (Auguste Mikhaïlovitch Gordon) (né en 1935), un diacre orthodoxe de la Cathédrale de la Nativité-de-la-Vierge de Rostov-sur-le-Don, et d'Ангелина Петровна Богданова-Гордона (Angelina Petrovna Bogdanova-Gordona) (née en 1941), femme au foyer. De sorte que mon père connaît très bien les prières, les Matines, la Lithurgie divine, les Confessions de de la Foi Orthodoxe (du Premier Concile et du Second Concile), les Canons à Jésus, à la Vierge, à l'Ange gardien et les Acathistes. Par ailleurs, il me les a appris en slavon et en anglais. Bien sûr, je connais toutes les prières matinales, du soir, entres autres, et je tiens à les réciter pour me réconforter dans mon rôle de passeuse d'âmes. Par ailleurs, mon père m'a même fait cadeau, pour mon dix-huitième anniversaire, d'un recueil de prières bilingue en slavon et en anglais. Je le garde très précieusement et le consulte presqu'à chaque jour, car je tiens scrupuleusement à réciter au moins une prière le matin, une avant et après chaque repas et une le soir avant de me mettre au lit.
J'ai un oncle, le frère aîné de mon père, Marc Augustovitch Gordon. Ils sont, dans les faits, des jumeaux; c'est pourquoi mon père se prénomme Tomas, puisque ce prénom dérive du mot araméen signifiant « jumeau ». Ce sont les explications de mon père... Marc s'est marié en 1987 à Béatrice Massicotte, de cinq ans sa benjamine. Ils vivent en France depuis leur mariage. Mes cousins se prénomment Jean et Pierre, nés respectivement en 1989 et en 1990. Je ne les ai vu qu'une fois, alors que nous étions en visite chez grand-mère Angelina, en 1996, si ma mémoire ne me trompe pas... Par contre, un seul détail qui me laisse toujours perplexe : voir l'âme de mon père, alors que son corps est ailleurs. Lorsqu'il apparaît ainsi, c'est toujours pour m'avertir d'un danger. J'en suis terrifiée à chaque fois, car je me demande bien s'il ne se met pas lui-même en danger. Lorsque j'en discute avec lui peu après, il m'assure de ne pas savoir de ce dont je parle. Apparemment, il n'est jamais conscient de ces phénomènes, qui doivent être normaux pour lui. Un jour, un esprit Observateur m'expliqua ce phénomène : j'ai été témoin d'une bilocalisation de son âme. Malgré cette explication, mon impression est toujours la même : je suis effrayée et rassurée à sa vue. Je prie seulement que ce n'est pas que son âme seule. Au moins, j'ai appris à distinguer les subtilités entre l'âme encore rattachée au corps, celle qui n'est pas liée au corps, celle qui est « projetée », ou encore celle dans un état intermédiaire entre la vie et la mort. La distinction est très fine. Pour information, les esprits Observateurs sont une classe d'esprits distincts des autres, car ils ne sont pas errants, mais ils voient tout ce qui se passe parmi les vivants et les esprits. Rien ne leurs échappe, étant plus fiables que les caméras de surveillance (car ils n'ont pas d'angles morts), de sorte qu'ils sont des informateurs infaillibles.
Ma mère, Elizabeth, est la fille aînée de Jarosław Niewenglowski (né en 1928) et d'Елена Викторовна Громова (Elena Viktorovna Gromova)-Niewenglowska (née en 1938). Mon grand-père maternel est un médecin né dans le village de Rudziszki; ma grand-mère maternelle est une femme au foyer née à Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad). J'ai hérité ce don de ma mère et de ma grand-mère, qui m'ont, par ailleurs, appris à vivre avec. Que de bons souvenirs ! Ma mère qui m'encourageait en anglais, en russe et en polonais pour questionner les esprits errants à Longview, ma grand-mère maternelle qui m'encourageait en russe pour régler certains cas à Rudziszki lorsque mes parents m'amenaient passer mes vacances chez mes grands-parents. Ma mère a un frère, prénommé Adam, né le 18 octobre 1962. Il s'est marié en 1990 à une Polonaise, une certaine Maria Nikiprowetzka, de cinq ans sa benjamine. Ensemble, ils ont deux filles, Ewa et Weronika, toutes les deux nées à Węgorzewo, une ville au Nord-Est de la Pologne. L'aînée est née en avril 1992, la benjamine en décembre 1993. Voilà pour ce qui est de ma famille.
Le premier esprit errant que j'ai vu était celui de Sarah Applewhite, une camarade de classe du primaire. La pauvre, elle était morte à l'âge de neuf ans à l'Hôpital de Longview. Je l'ai vu dans la salle de classe, vêtue d'une robe d'hôpital. Lorsque j'ai dit à l'enseignante que Sarah était là, elle me convoqua après les heures de classe chez le directeur; mes parents sont venus. Mon père m'a rapporté plus tard qu'il a réussi à convaincre le directeur de ne pas appliquer de mesures sévères à mon égard, sinon, il aura affaire à lui. À croire que ses yeux bleus ont glacé le sang dans les veines du directeur de l'école... Depuis, nous étions tranquilles, ma sœur et moi, pour le reste de nos études. Comme j'avais mes devoirs à faire, ma mère s'est occupée à contacter les parents de Sarah puis de la faire passer dans la Lumière. Plus tard, elle m'expliqua son cas : la pauvre Sarah a été gravement malade, ayant héritée de sa mère une maladie génétique incurable. Elle voulait simplement que son père sache au sujet de la vérité de la maladie dont était atteinte sa mère et elle-même. Celle-ci l'avait caché à son époux. Et comme elle s'était sentie fautive de la mort de Sarah, elle a divorcé le lendemain de son décès. J'ai su quand Sarah Applewhite a quitté définitivement le monde d'ici-bas, car c'était à moi qu'elle adressa ses derniers adieux. Les souvenirs de cette scène m'émeut encore chaque fois que j'y pense.
En parlant d'études, j'ai terminée mes études secondaires en 1996. Depuis, je travaillais comme caissière dans une boutique d'antiquités, The Antiques for Ever, très près de la maison paternelle, où j'ai vécu jusqu'à mes fiançailles avec l'homme de ma vie, mon prince charmant, pourrais-je dire... Ce n'étaient pas les prétendants qui manquaient, seulement, aucun n'a conquis mon cœur. Seul Kevin McCall était un vrai pot de colle. Heureusement, mon père est parvenu à le dissuader de poursuivre ses tentatives de séduction. Depuis 1997, je ne l'ai plus jamais revu à Longview. Selon les rumeurs que j'ai alors entendu, il semblerait qu'il est parti à Toronto. À vrai dire, je m'en moque complètement de ce qui lui est arrivé. L'important, c'est de ne plus le voir, non ?
Jim Clancy, mon fiancé... Nous nous sommes rencontrés la première fois le 20 mai 1999 à Longview. Je n'oublierai jamais cette rencontre... Il pleuvait cette journée-là. Mon parapluie (de couleur rouge, que j'avais acheté il y a quelques années au marché aux puces de la ville) s'est détruit par l'action contraire du vent. Tout à coup, un homme, visiblement un ambulancier de Grandview, étant donné l'insigne de la ville sur son uniforme, s'est approché de moi et me dit d'une belle voix masculine et forte : « Mademoiselle, ne vous débattez inutilement avec un parapluie inutilisable ! » Étonnée, je lève mes yeux vers mon interlocuteur. Un jeune homme qui me dépasse d'une tête malgré mes talons hauts. Ses yeux bleus sont tellement doux et bienveillants, au contraire de ceux de mon père, qui sont d'un bleu glacial, me séduisent aussitôt. Ils font tellement contraste avec ses cheveux noirs... C'était le coup de foudre ! L'ambulancier ne semblait pas indifférent à moi (heureusement que j'ai hérité les yeux et les cheveux bruns foncés de ma mère)... Je reste muette de surprise sous l'effet de l'émotion. Il prend doucement le parapluie, qu'il replia aisément et me dit sur un ton aimable, le sourire aux lèvres, en étendant sa veste au-dessus de nos têtes : « Il serait bien de vous acheter un nouveau parapluie, non ? »
Je hocha de la tête. Je l'ai remercié timidement de son aide. Nous avons marché ainsi jusqu'au prochain auvent d'une boutique.
J'ai balbutié : « Merci, Monsieur... »
Le jeune homme m'a regardé et a répondu directement : – Jim Clancy ! Et vous ?
– Mademoiselle Melinda Gordon.
Un sourire chaleureux s'est dessiné sur ses lèvres. Il a dit : – Enchanté ! En espérant vous revoir bientôt !
Le cœur en chamade, j'ai répliqué, d'une voix songeuse malgré moi : – Moi, aussi ! À la prochaine !
Nous nous sommes revus une semaine plus tard, alors que les ambulanciers des deux villes travaillaient en étroite collaboration en raison d'un terrible accident survenu sur la route entre Grandview et Longview. Comme Jim Clancy passa souvent à Longview, mon cœur se réjouissait de le voir. Il est tellement charmant... Certainement pas en raison de son uniforme ! Mais toute sa personne inspire la confiance. Son professionnalisme est vraiment sincère. En tout cas, après cette intervention, il m'a fait la cour, m'a envoyé des déclarations d'amour qui me faisaient fondre comme neige au soleil. Nous nous échangeons ainsi quelques lettres avant de se lancer dans une aventure plus amoureuse en juin. S'ensuivit un déménagement dans l'appartement de Jim, à Grandview. Nous discutions alors de tout et de rien, simplement pour passer le plus de temps possible ensemble... Je souris déjà à ces souvenirs... Et j'en ai profité pour lui faire des leçons de russe (le coquin, qui pensait l'apprendre dans le lit). D'ailleurs, nous sommes d'accord pour avoir des enfants, au moins deux, si Dieu le veut, et pour qu'ils savent au moins le russe, ma langue maternelle. Ce n'est qu'en août, plus précisément le 2 août 1999, que je lui avoua mon don. Heureusement pour moi, Jim m'accepta telle que je suis et il m'a affirmé m'aider du mieux qu'il le peut. Et il est sincère. Notre écart d'âge m'importe peu (il est douze ans plus vieux que moi), l'important c'est qu'il m'aime avec mon don particulier. Nous décidons alors de nous fiancer. Ensuite, j'ai présenté mon fiancé à mes parents, et Jim m'a présenté aux siens. Son père, Aiden Clancy, est un juge, sans doute le collègue de mon père à Grandview... Comme le monde est petit ! Sa mère, Faith Clancy, née Peterson, est une femme au foyer bien sympathique. Mon fiancé a aussi un frère aîné, prénommé Daniel, qui est marié depuis dix ans à Olivia Veilleux, une Française de deux ans sa benjamine. Ensembles, ils ont deux filles, prénommées Marie (neuf ans) et Christine (huit ans). Pour le détail, mon beau-frère est avocat, son épouse est femme au foyer. Seulement, Jim et moi avons convenu de révéler mon don à ses parents et à son frère après notre mariage, pour être certains de ne pas rencontrer d'opposition de leur part. Malheureusement, mon beau-père meurt le 15 septembre 1999, d'une balle perdue selon les propos de Carl Neely. Le sérieux de ce jeune policier m'étonna beaucoup. Moi, attristée de la nouvelle, étais aussi triste que mon fiancé et ma belle-mère. D'ailleurs, je remarqua son âme, qui semblait très en colère contre son assassin. J'ai compris sa colère, mais je lui demanda de ne pas gâcher le mariage. Étonné que je puisse le voir, il se rendit à mon avis. C'est ainsi que mon beau-père sait que je vois les esprits errants. Il essaie de rassurer sa pauvre veuve, qui faisait pitié à voir et qui ne pouvait point cacher sa tristesse, de sorte que je commençais moi-même à pleurer. Et c'est Jim qui, d'un ton toujours aussi chaleureux, me rassura, comme il sait si bien le faire, malgré la tristesse que je lisais dans ses yeux bleus.
Samedi le 27 mai 2000, 11h.
C'est enfin notre mariage ! J'en suis très contente ! Enfin, le grand jour est arrivé ! Fébrile, je revêts ma robe de mariée, une robe blanche jusqu'aux chevilles. J'ajuste, avec l'aide de ma mère, le voile sur ma tête. Elle commente : « Tu fais vraiment bonne impression... Dommage... »
Je complète sa phrase : « Que Mary ne soit pas là ! »
Je mets mes talons hauts et je me rends à la mairie. Comme Jim ne tient pas vraiment à un mariage religieux, je me suis rendue à son avis de faire un mariage civil. L'important, c'est d'être mari et femme, non ? Mes parents m'accompagnent ; Faith Clancy accompagne mon fiancé. Je remarque qu'Aiden aussi les suit, ce qui me fait sourire. Ma mère aussi feint de ne pas voir l'esprit, question que Faith ne nous regarde pas bizarrement. Je la suis en ce point. Lorsque nous entrons dans la mairie, les radios grésillent, puis font entendre La Marche Nuptiale de Mendelssohn. C'est simplement merveilleux. Nous échangeons les anneaux puis signons le contrat de mariage en présence du maire et d'un notaire. Ensuite, la photographie, le repas puis la fête entre amis dans une salle louée par Jim deux mois auparavant. Dieu que j'aime son organisation ! Les musiciens, lorsqu'ils nous voient entrer, commencent à jouer sur leurs instruments. Au programme du bal : Le Canon de Pachelbel suivi de La Valse à milles temps de Jacques Brel. Bien que je ne comprends pas un seul mot de la chanson, elle donne du rythme. « Ça doit être un ami de Jim qui sait le français qui lui a suggéré la chanson... À moins que ce soit son frère, son oncle, sa tante, ou l'un de ses cousins », pensé-je. C'est féerique, mais bien réel. Je m'appuie contre Jim. Je me laisse bercer par le son de la musique, la tête appuyée sur son épaule droite. Je passe ma main droite sur son épaule gauche. C'est tellement agréable de sentir son odeur viril mélangée avec le parfum qu'il a mis pour l'occasion. La Déclaration de Cartier, si mon nez ne me trompe pas. Nous dansons ainsi pendant un certain temps. Il me murmure des mots doux en anglais à l'oreille ; je lui réplique en russe. Mes parents et ma belle-mère sont là, avec quelques amis ambulanciers et policiers. Sauf Carl Neely n'est pas venu. « Peut-être qu'il doit travailler ou peut-être qu'il passe du temps avec sa fiancée, dont j'ai oublié le nom. » M'explique Jim d'un ton joyeux.
Je l'embrasse pour toute réponse.
Tout à coup, je vois Mary un peu en retrait près de la fenêtre.
Je lâche mon époux, qui murmure: « Un esprit ? » Je hoche discrètement de la tête. Elle disparaît aussitôt. Je saisis la main droite de Jim, pour l'inviter à poursuivre notre danse. Lorsque nous nous approchons de l'une des fenêtres, je remarque l'esprit errant d'un homme vers la quarantaine, vêtu d'un costume militaire vert olive avec un col, la ceinture et des bottes noires. Il me rappelle les films soviétiques que je regardais lorsque j'étais adolescente. À la hauteur de sa poitrine, une tache de sang séchée. L'esprit me sourit gentiment, comme s'il est perdu dans ses pensées.
J'arrête de danser. Jim regarde rapidement vers la direction vers laquelle mon regard se porte. Ne voyant personne, il me jette un regard interrogateur, comme s'il dit : « Encore un esprit ? »
Je lui réponds : « Le même depuis un certain temps... »
L'esprit me fait un salut militaire puis disparaît de ma vue.
En effet, j'ai déjà remarqué l'esprit errant du militaire soviétique depuis la fin août 1999. Seulement, je lui ai promis de régler son cas après mon mariage. Je ne veux quand même pas gâcher le moment le plus heureux de ma vie avec une histoire d'esprit ! Mais bon... Je ne peux pas me sauver de moi-même ! De sorte que j'ai passé une partie de mes fiançailles à enquêter sur les sites de généalogie et dans les documents d'archives que je pouvais trouver... Ce qui me rappelle mes leçons de Russe quand j'étais petite... Au moins, je sais l'identité du militaire : Vassili Ivanovitch Koniev, né 21 décembre 1900, à Vologda, dans l'Empire Russe et mort 19 avril 1945 à Berlin lors de la Bataille de Berlin, pour libérer l'Europe du Nazisme. Son héroïsme est vraiment touchant... Je ne pouvais pas m'empêcher de lâcher une larme à la lecture de ses exploits militaires. Au moins, Vassili Ivanovitch a eu la gentillesse de ne pas me montrer dans une vision sa mort violente. J'étais déjà choquée à la lecture des détails de sa fin. Il était mort sous le coup d'un pistolet-mitrailleur d'un Allemand. Désolé pour mon manque de maîtrise des termes techniques militaires, mais la guerre ne m'intéresse pas. Je voudrais bien que tout le monde vive en paix... Mais bon, l'espèce humaine est compliquée... Que le Miséricordieux nous protège !
Que je reviens à Vassili Ivanovitch Koniev. Il m'a confié d'être inquiet pour sa femme, Svetlana Pavlovna Belinskaïa-Konieva, avec laquelle il est marié depuis 1924. En cherchant sur les sites de généalogie et les archives, je parviens à trouver que celle-ci est né le 25 avril 1905 et morte le 3 février 1985, à Vologda, en Russie. Lorsque l'esprit errant me demande comment cela se fait qu'il n'a pas rencontré son âme, je lui explique que peut-être elle est directement partie dans la Lumière. Dans tous les cas, je le rassure en disant que, selon les archives, elle ne s'était point remariée à un autre homme. Vassili Ivanovitch est rassuré, mais il voudrait voir ses enfants et petits-enfants. Il me dit que ses enfants s'appellent Vladimir Vassilievitch Koniev (né le 19 décembre 1925), Maria Vassilievna Konieva (née le 13 janvier 1927) et Stepan Vassilievitch Koniev (né le 30 décembre 1928). En cherchant, je parviens à établir la généalogie suivante :
Vladimir Vassilievitch Koniev (1925-1997) + Ekatarina Petrovna Derjavinaïa (1930-1994), mariés de 1950 à 1994 = Irina Vladimirovna (1952) et Igor Vladimirovitch (1953)
Irina Vladimirovna Konieva (1952) + Fedor Pavlovitch Rabinovitch (1950), mariés depuis 1977 = Sofiya Fedorovna (1978) et Mikhaïl Fedorovitch (1979)
Mikhaïl Fedorovitch Rabinovitch (1979) + Vera Popov (une Tchèque née en 1984), mariés depuis 1995 = Sofia et Ana (jumelles nées en 1997)
Igor Vladimirovitch Koniev (1953) + Nataliya Anatolievna Gribova (1945), mariés depuis 1967 = Maria Igorovna (1968) et Nadejda Igorovna (1969)
Maria Igorovna Konieva (1968) + Josef Rokossovski (un Polonais né dans la ville de Gołdap en 1963), mariés depuis 1989 = Jaroslav Rokossovski (1990) et Tatiana Rokossovska (née 1992)
Nadejda Igorovna Konieva (1969) + Yaroslav Yuryevich Ovchinnikov (1974), mariés depuis 1996 = Alexandra Yaroslavna (1998)
Maria Vassilievna Konieva (1927-1989) + Bogdan Olegovitch Barinov (1925-1977), mariés de 1945-1977 = Natalya Bogdanovna Barinova (1947) et Larissa Bogdanovna Barinova (1948)
Natalya Bogdanovna Barinova (1947) + Miroslav Mikhaïlovitch Joukov (1945), mariés depuis 1968 = Konstantin (1969) et Valentina (1970)
Konstantin Miroslavitch Joukov (1969) + Olga Anatolievna Raspopova (1974), mariés depuis 1995 = Nina (1996) et Ilia (1997)
Valentina Miroslavna Joukova (1970) + Gueorgui Maksimilianovitch Iejov (1960), mariés depuis 1990 = Maria (1994) et Hélène (1995)
Stepan Vassilievitch Koniev (1928-1995) + Nadia Vladimirovna Zdornova (1935-2000), mariés de 1954-1995 = Dimitri (1955) et Boris (1957)
Dimitri Stepanovitch Koniev (1955) + Agata Nikolaïevna Korovina (1954), mariés depuis 1978 = Evgueni (1980) et Alekseï (1982)
Evgueni Dimitrievitch Koniev (1980) + Mariam Akbarovna Sabirova (une Ouzbèke née en 1983), mariés depuis 1997 = Safiya Evguenivna (1998) et Lola Evguenivna (1999)
Boris Stepanovitch Koniev (1957) + Olga Mikhaïlovna Mirnova (1955), mariés depuis 1980 = Julia Borisovna (1981)
Julia Borisovna Konieva (1981) + Ivan Prokhorovitch Nivikov (1975), mariés depuis le 12 septembre 1999.
Comme je me confie à Jim, nous nous sommes entendus pour régler son cas au cours de notre lune de miel, en Russie, afin de me permettre d'établir un contact avec les descendants de l'esprit errant. Il n'en demeure pas moins que je suis nerveuse, car j'imagine déjà les réactions négatives de mes interlocuteurs. C'est Jim qui me rassure en disant que je dois me faire confiance. Il ajoute aussi qu'il me fait confiance. Sa présence m'est très rassurante. Je lui serre ses mains entre les miennes. Il libère ses mains de mon emprise pour m'enlacer et me bercer doucement. Je l'aime encore plus quand il me rassure ainsi. De sentir de si près son odeur particulière, odeur virile et rassurante pour moi seule. Heureusement que l'esprit errant qu'est Vassili Ivanovitch Koniev n'est pas impatient... Au contraire de certains...
Mais bon, que je revienne au moment présent ! Arh ! Ces pensées qui divaguent dans tous les sens ! Je serre fortement le bras droit de Jim, qui me sourit gentiment lorsqu'il remarque mon regard perdu dans le vague. Il m'embrasse pour me rassurer; je lui rends son baiser.
Je lui murmure : « Je reviens dans quelques secondes ! »
Il hoche de la tête, ayant compris le sous-entendu : « Une discussion avec un esprit errant ». En effet, dans le cadre de porte de la salle de bal, je vois Aiden Clancy, vêtu de son complet noir avec chemise blanche. Toujours la même tache de sang à la hauteur de sa poitrine.
L'esprit, âgé de cinquante-neuf ans au moment de sa mort, affiche un sourire radieux. Il dit : « Ma bru, gardez bien mon fils ! Il sait vous rassurer comme personne d'autre... Il n'est simplement pas tout à fait conscient de la chose, mais voulez-vous le lui dire ? »
Avec un petit sourire aux lèvres, je chuchote : « Bien sûr ! Vous saviez quelle est ma grande joie d'être mariée à votre fils ! »
L'esprit errant hoche de la tête et dit : « Comme vous êtes mignons ! Voilà, comme ça, j'ai été présent au mariage de mes deux fils... C'est mon cœur de père qui est content ! Passez une bonne journée ! »
J'interviens en chuchotant : « Excusez-moi, beau-père, mais vous ne vouliez pas alors partir dans la Lumière ? »
Le joli sourire s'évanouit, laissant place à une moue sévère, ses traits se plissent, visiblement sous l'effet de la colère. Il me dit d'un ton froid, qui me donnait l'impression de glacer ses yeux bleus : « Tant que mon meurtrier est hors d'état de nuire ! »
Je lui jette un regard étonné. Il ajoute d'un ton bourru : « C'est Carl Neely ! » Il inspire et expire profondément pendant un court laps de temps : le sourire réapparaît sur son visage. Il dit : « Désolé, je ne veux surtout pas gâcher une si belle journée ! Profitez bien de votre marige puis de votre lune de miel ! » Aiden Clancy me fait un clin d'œil puis disparaît de ma vue.
Je reviens vers Jim en pensant : « Peut-être qu'il se trompe... Je sais bien qu'il ne serait pas ni le premier ni le dernier à accuser la dernière personne qu'il a vu de sa mort... Carl Neely ne peut pas être son meurtrier, s'il est le policier qui a enquêté sur son cas... Mais pour l'instant, laissons les histoires des esprits de côté ! J'ai plus joyeux du côté des vivants ! Une célébration... Mon mariage ! » Et je rejoins Jim puis nous nous promenons main dans la main dans la salle. Je salue les invités qui nous transmettent leurs meilleurs vœux pour notre couple.
Quelques heures plus tard, mes parents, ma belle-mère, Jim et moi-même remettons la salle en ordre. Voilà, nous sommes officiellement mariés ! Youpi ! Seulement, malgré que j'ai pris le nom de famille de Jim, je sais très bien que dans les papiers officiels c'est seulement mon nom de jeune fille qui apparaîtra. De sorte que je me présente comme Melinda Gordon et non pas comme Melinda Gordon-Clancy. Et ce, malgré que mon père m'a rapidement régler ça, mais le notaire a refusé le changement. Au lieu de prouver l'évidence de la chose et de s'empêtrer dans des paperasses administratives, je continue à me présenter sous mon nom de jeune fille, pour éviter de me faire accuser de menteuse. C'est terrible quand les fonctionnaires s'entêtent comme des ânes ! Mais bon...
La soirée, dans notre appartement, nous improvisons un souper : une soupe aux légumes. Après tout le menu commandé au midi et les différents desserts, nous n'avons pas vraiment faim. Le soir, Jim m'explique que c'était son frère et son épouse qui avaient eu l'idée de la chanson de Brel. Son frère lui a traduit les paroles, c'est pourquoi il l'a accepté.
Le lendemain de notre mariage, dans l'appartement de Jim, nous nous préparons pour partir pour notre lune de miel en Russie. Nous avons choisi Saint-Pétersbourg, où se trouvent la plupart des descendants de Vassili Ivanovitch Koniev. Vers midi, Jim conduit sa voiture, d'une belle couleur verte (il y en a une puisqu'il détient un permis de conduire pour son ambulance) jusqu'à l'aéroport de Grandview. Nous embarquons dans l'avion deux heures plus tard, le temps de déposer les bagages et de passer les contrôles de sécurité. Au moment où l'avion décolle dans les airs, je pense, accrochée à mon siège, prise de nausée : « Au revoir Grandview ! On se revoit dans deux semaines ! » Jim serre ma main gauche de sa main droite. Même s'il a la nausée, il ne réagit pas, ce qui m'étonne. Je mets ça sur le compte de son métier d'amblancier, où il voit toutes sortes de blessés plus ou moins graves.
Le reste du voyage est terrible pour moi, car j'ai le mal des transports... De sorte que je suis contente lorsque nous débarquons à l'aéroport de Poulkovo, à Saint-Pétersbourg. Je demande à Jim si nous pouvons nous reposer un peu. Il me réplique: « Bien sûr que oui, Mél. Il ne faut surtout pas tomber malade au cours de la lune de miel... » Il se penche au-dessus de mon oreille droite et murmure : « Personnellement, j'espère que tu règleras rapidement le cas de l'esprit errant russe... Pour pouvoir bien profiter de notre lune de miel... » Il me fait un clin d'œil coquin. Je le trouve vraiment adorable... Comme un grand garçon ! Je souris et hoche lentement de la tête.
En après-midi, nous explorons, carte entre les mains, la ville de Saint-Pétersbourg. L'architecture est vraiment merveilleuse ! Jim et moi regardons, émerveillés, l'élégance des façades des bâtisses... C'est l'occasion pour lui de tester ses connaissance du russe. Bien évidemment, je l'aide en cas d'hésitation... Ainsi, nous avons repéré les adresses des petits-enfants et des arrière-petits-enfants de Vassili Ivanovitch Koniev, à savoir Sofiya Fedorovna Rabinovitchaïa-Royer, Mikhaïl Fedorovitch Rabinovitch, Igor Vladimirovitch Koniev, Maria Igorovna Konieva-Rokossovska, Nadejda Igorovna Konieva-Ovchinnikova, Natalya Bogdanovna Barinova-Joukova, Konstantin Miroslavitch Joukov, Dimitri Stepanovitch Koniev, Evgueni Dimitrievitch Koniev et Boris Stepanovitch Koniev. « Beaucoup de monde à rencontrer ! » pensé-je. « Deux personnes par jour, et le tour est joué ! »
Je remarque à ma droite l'esprit errant du militaire, qui me salue d'un mouvement de sa tête. Je lui rends discrètement son salut. Il dit d'une voix grave : « Je voudrais m'assurer que mes descendants aient mes décorations militaires qui sont au Musée des Héros de la Guerre... Par ailleurs, je voudrais les voir ! » Je hoche discrètement de la tête puis je rapporte à voix basse en anglais les propos de l'esprit à Jim. Nous nous rendons alors sans plus tarder au Musée des Héros de la Guerre, où j'explique au conservateur s'il est possible de laisser aux descendants les décorations militaires de Vassili Ivanovitch Koniev.
Le conservateur du Musée, un certain Vladimir Mikhaïlovitch Iablonski, un septuagénaire aux yeux bleus, qui me regarde de dessus, me dit : – Madame Gordon, qui êtes-vous pour faire une telle demande ?
Je réponds : – J'ai entendu les rumeurs qu'aucun de ses descendants ne sont venus réclamer les décorations militaires de feu Vassili Ivanovitch Koniev.
– Et alors ?
– Je suis la fille du juge Tomas Augustovitch Gordon ! Et je me permets de rétablir la volonté du pauvre Héros mort lors de la Bataille de Berlin...
Le visage de mon interlocuteur prend un air sérieux. Je remarque, un peu en retrait, sur une chaise, un esprit errant assis calmement qui regarde autour de lui, comme s'il attendait que quelqu'un le remarque. C'est l'esprit d'une vielle femme aux cheveux gris et aux yeux bleus, simplement vêtue d'un pull bleu ciel et d'une longue jupe bleu marine.
Le conservateur du musée marmonne : – Je vous les rends à l'instant... Et je regarderais si je n'ai pas d'autres objets de... Pouvez-vous me répéter le nom ?
– Vassili Ivanovitch Koniev.
En griffonant le nom sur une feuille de papier : – C'est noté ! Merci. Je reviens dans quelques minutes...
Et le septugénaire se retourne et se dirige avers un endroit inaccessible au public. Je le regarde jusqu'à le perdre de vue. Il tourne dans un couloir.
Mon regard se porte alors sur l'esprit errant. Ce dernier me dit d'un ton sec : – Vous pouvez me voir ?
Mon regard se promène dans la salle. Mais l'esprit errant de la femme âgée se lève et arrive devant moi. Nos regards se rencontrent. Je remarque une colère passagère dans les yeux bleus de mon interlocutrice. Je jette un coup d'œil rapide vers le couloir où est parti le conservateur du musée; heureusement, il n'est pas encore là... Je me tourne légèrement vers Jim, qui me fixe d'un air encourageant, puis je réplique à l'esprit errant : – Qu'est-ce qui vous voulez ? Mais faites vite, pour ne pas paraître trop bizarre...
L'esprit errant : – Dites à mon mari que la clé du coffre de notre chambre est dans la poche droite de son manteau bleu.
– Je lui dirai, ne vous inquiétez pas !
Le conservateur revient d'un pas rapide vers nous, en passant au travers l'esprit errant de son épouse. Et il dit d'un ton neutre : – Voilà ! Tout ce que j'ai pu trouver au sujet de feu Vassili Ivanovitch Koniev...
Il dépose une boîte sur une table. Je prends la boîte, qui contient des documents enterrés sous des décorations militaires puis je dis : – Merci beaucoup, Monsieur Vladimir Mikhaïlovitch Iablonski ! Vous saviez que parfois l'on peut oublier une clé dans la poche d'un manteau...
D'un air étonné, le conservateur et sa femme répliquent à l'unisson : – De quoi parlez-vous ?
Je pense : « Zut ! Qu'est-ce que je peux être parfois maladroite ! »
Gênée, j'ajoute aussitôt : – Pour faire court et tout bizarre que cela puisse paraître, Monsieur, la clé du coffre de votre chambre est dans la poche droite de votre manteau bleu. C'est tout !
Le conservateur, l'air ébahi, ouvre la bouche pour dire quelque chose, Jim et moi disons aussitôt à l'unisson : « Passez une bonne journée ! » Et Jim me dit à voix basse en anglais : « Je transporterai la boîte... Je dois quand même être gentleman avec toi... Ne te fatigue pas trop, ma chérie... » Il me fait un clin d'œil coquin. Je dépose doucement la boîte sur la table; il la prend et je lui tiens la porte pour sortir du Musée des Héros de la Guerre. Et nous nous rendons directement dans l'appartement que nous avons loué pour notre lune de miel/enquête. Là, nous lisons les documents et regardons avec respect les décorations militaires, parmi lesquelles se trouvent trois Орден Крaсного Знамени (Ordre du Drapeau Rouge), un Орден Отечественной войны первой степени (Ordre de la Guerre patriotique de 1re classe), un Орден Отечественной Войны второй степени (Ordre de la Guerre patriotique de 2e classe), un Орден « За службу Родине в Вооружённых Силах СССР » (« Ordre du Service pour la Patrie dans les Forces armées »), un Орден « Трудового Красного Знамени » (« Ordre du Drapeau rouge du Travail »), une Медаль « За отвагу » (Médaille « Pour le courage »), une Медаль « За боевые заслуги » (Médaille « Pour mérites au combat ») et une Медаль « Партизану Отечественной войны » (Médaille « Partisan de la Guerre patriotique »), que nous osons à peine toucher...
Je remarque alors que Vassili Ivanovitch Koniev vient d'apparaître à ma droite. Un sourire fin se dessine sur ses lèvres. Il semble tellement touché du respect que Jim et moi manifestons envers son courage militaire. Nous découvrons que le corps de l'esprit errant avait été enterré avec les autres dans la Могила Неизвестного Солдата (Tombe du Soldat inconnu), à Moscou. Je m'éclaircis la voix puis dis à l'esprit errant : « Monsieur Vassili Ivanovitch Koniev, maintenant que nous avons tout trouvé et qu'il est évident que... »
Je saisis les documents et les feuilles blanches sur lesquelles j'avais inscrit la généalogie de Vassili Ivanov et je continue: « ... que nous rencontrerons vos petits-enfants et vos arrière-petits-enfants. Maintenant, nous sommes en l'an 2000 d'après la naissance de Notre Seigneur Jésus, ou si vous préférez, en l'an 7508 depuis la création d'Adam... »
L'esprit hoche de la tête puis dit : – Mais vous n'oublierez pas de leur remettre mes médailles ?
D'un ton sûr, je lui réponds : – Ne vous inquiétez pas ! Je n'oublierai pas de leur remettre vos médailles...
Jim me regarde d'un air étonné. Je lui résume les propos de l'esprit errant, puis j'ajoute : « Dans ce cas, nous commencerons demain les visites ! »
Il m'embrasse pour toute réponse, me soulève dans ses bras. Je m'accroche à lui, et il m'amène ainsi dans la chambre de l'appartement.
Le lendemain, nous nous rendons devant la porte de la maison de Sofiya Fedorovna Rabinovitchaïa-Royer et de Jean Royer. Une petite maison charmante, comme sortie tout droit des contes de fée, avec deux petits jardins à l'avant, une jolie façade en pierres polies, avec des marches en pierre jusqu'à l'entrée, une simple porte en métal. Jim frappe doucement sur la porte. Une jeune femme vers la vingtaine nous ouvre la porte. Elle est simplement vêtue d'une longue jupe marron et d'un pull tricoté de couleur bleu. Elle demande d'une voix douce : – Madame, Monsieur, qui êtes-vous ?
Jim répond : – Je suis Jim Clancy, un touriste d'outre-Atlantique. Et voici ma femme, Melinda Gordon.
Je souris puis ajoute, en jetant un coup d'œil à la feuille sur laquelle j'ai noté les adresses : – Nous cherchons Madame Sofiya Federovna Rabinovitchaïa-Royer...
La jeune femme m'interrompt : – C'est moi-même...
Je poursuis : – Et bien, nous voulons discuter avec vous au sujet de votre arrière-grand-père maternel, feu Vassili Ivanovitch Koniev.
Étonnée, la jeune Russe dit : – Comment le saviez-vous ?
Je réponds humblement : – J'ai reçu depuis un certain temps la visite de son âme... Vous devez savoir que j'ai le don, tout bizarre qu'il puisse paraître, de communiquer avec les esprits errants...
Sofiya Federovna me jette un regard étonné et dit : – Vous m'intriguez... Entrez, donc !
Elle nous ouvre la porte; nous entrons, puis notre amphitryon nous dirige jusqu'au salon, une charmante pièce meublée de trois canapés, d'une table basse, d'une télévision et d'une grande bibliothèque. La jeune femme nous indique un canapé.
Une fois assis, en tenant la main droite de Jim, je dis : - Madame Sofiya Federovna Rabinovitchaïa-Royer, j'ai reçu la visite de votre illustre ancêtre en août 1999... Et je veux bien l'aider à accomplir sa dernière volonté, à savoir de remettre à ses descendants les différentes décorations et médailles qu'il a eu de son vivant...
Je remarque que Vassili Ivanovitch est à la droite de sa petite-fille.
Je dis: – D'ailleurs, en parlant de lui, il est présentement à votre droite.
Sofiya Federovna regarde rapidement vers sa droite, mais ne remarquant pas l'esprit, ramène son regard vers moi.
Elle dit, d'un ton dubitatif : – Puisque vous affirmez voir les esprits errants, saviez-vous les décorations dont étaient honorés mon grand-père ?
L'esprit errant dit : – Trois Орден Крaсного Знамени, un Орден Отечественной войны первой степени, un Орден Отечественной Войны второй степени, un Орден « За службу Родине в Вооружённых Силах СССР », un Орден « Трудового Красного Знамени », une Медаль « За отвагу », une Медаль « За боевые заслуги » et une Медаль « Партизану Отечественной войны ».
Je dis : – Votre grand-père les énumère: trois Орден Крaсного Знамени, un Орден Отечественной войны первой степени, un Орден Отечественной Войны второй степени, un Орден « За службу Родине в Вооружённых Силах СССР », un Орден « Трудового Красного Знамени », une Медаль « За отвагу », une Медаль « За боевые заслуги » et une Медаль « Партизану Отечественной войны »...
Je dépose l'un des Орден Крaсного Знамени (Ordre du Drapeau Rouge) de Vassili Ivanovitch Konier sur la table.
Sofiya Federovna, visiblement étonnée, bredouille : – Êtes-vous sûre de ne pas avoir appris par cœur la liste ?
Un sourire aux lèvres, je réponds : – Non... C'est bel et bien Vassili Ivanovitch qui m'a énuméré la liste... Bien sûr, j'ai fait une recherche, mais le domaine militaire ne m'intéresse pas... Et vous voyez que je ne triche pas en regardant dans mes notes...
Le visage de mon interlocutrice s'illumine de joie, comme celui de son ancêtre. Ils me remercient. Jim remercie Sofiya Federovna de sa patience. L'esprit errant disparaît de ma vue; elle nous raccompagne jusqu'à l'entrée et ferme la porte derrière moi. Nous revenons main dans la main, dans le petit appartement loué pour notre lune de miel/enquête.
Après le repas du midi dans le restaurant le plus près de l'appartement, Jim et moi décidons de visiter Mikhaïl Fedorovitch Rabinovitch, Il est un homme vingtenaire. Il ouvre brusquement la porte puis nous salue froidement; Jim lui rend ses salutations. Lorsque je lui explique la raison de ma visite, il hésite pendant quelques secondes. Vassili Ivanovitch Koniev apparaît à sa droite pour l'influencer, de sorte que son arrière-petit-fils nous invite dans sa petite maison. Il nous dirige vers le salon.
Jim s'éclaircit la voix et dit d'un ton sûr : – Monsieur Mikhaïl Fedorovitch, je vous assure que ma femme, Melinda Gordon, dit la vérité... Les esprits errants, elle est habituée à leur présence... Elle les voit comme elle nous voit...
Je confirme les propos de mon époux en pensant, émue : « Tu es vraiment génial pour trouver les mots justes ! »
Jim poursuit : – Et ce n'est pas parce que je ne les vois pas que je nie leur existence. Ils existent, un point c'est tout ! Et n'obligez pas ma femme à vous en faire une démonstration logique... Elle n'a pas suivi de cours de philosophie, et les miens sont un peu loin dans ma mémoire...
Notre interlocuteur d'un ton froid réplique : – D'accord... Et bien, que voulez-vous dire, Madame ?
Je remarque Vassili Ivanovitch Koniev à sa droite. L'esprit dit : – Donnez-lui l'Орден Крaсного Знамени !
Je dis : – Votre grand-père maternel veut que je vous remets l'Орден Крaсного Знамени...
Je sors d'un sac bleu marine dans lequel j'ai mis toutes les décorations militaires du soldat Russe un Орден Крaсного Знамени (Ordre du Drapeau Rouge), que je dépose sur la table du salon. Le regard sévère de notre interlocuteur se change en une expression d'étonnement.
Mikhaïl Fedorovitch dit sèchement : – Merci, Madame et Monsieur !
Vassili Ivanovitch Koniev commente ironiquement : – Il vous prend pour une menteuse, mais il a beaucoup de tact... Ne vous en faites pas !
Et l'esprit errant disparaît de ma vue. Je pense, quelque peu froissée : « Pourtant, il a tort ! Moi menteuse ? C'est pas comme s'il a à payer une grosse somme pour mon aide... Je fais ça gratuitement ! »
Nous le remercions en retour puis nous sortons de la maison. Chemin faisant jusqu'à l'appartement, je rapporte à Jim les propos de l'esprit errant. Il me rassure en disant qu'une telle réaction est attendue, même s'il ne la partage pas. Rassurée, je l'embrasse sur les joues; il m'enlace. Au moins, mes nuits sont tranquilles, comme toutes les nuits depuis nos fiançailles. À croire que mes prières ne sont pas vaines...
Le lendemain matin, Jim et moi décidons de rencontrer Igor Vladimirovitch Koniev. Le petit-fils de Vassili Ivanovitch, un homme âgé de 47 ans, nous accueille chaleureusement; l'esprit errant, apparaît à ma droite et me dit qu'il est sincère. Je lui explique du mieux que je le peux la situation. Igor Vladimirovitch m'écoute en silence, sans froncer des sourcils. Je tends le dernier Орден Крaсного Знамени (Ordre du Drapeau Rouge) vers notre interlocuteur, qui le prend, content et surpris du cadeau.
En après-midi, nous nous rendons devant la porte de la maison de Maria Igorovna Konieva-Rokossovska, une brune trentenaire au regard vif. Notre interlocutrice nous invite dans sa petite cuisine et nous écoute attentivement, visiblement intriguée et émue par mes propos. Je termine notre discussion (en disant plus ou moins la même chose qu'aux autres descendants de Vassili Ivanovitch Koniev, mais avec des variations, car je trouve ennuyant que de répéter plusieurs fois la même chose) en déposant l'Орден Отечественной войны первой степени (Ordre de la Guerre patriotique de 1re classe) sur la table. Elle prend la décoration militaire, un sourire aux lèvres.
L'esprit errant, à sa droite, dit : « Ma Maria a bien grandi ! Elle peut être fière de son père ! »
Étonnée, je sors mes feuilles de papier sur lesquelles j'ai noté la généalogie de Vassili Ivanovitch puis dis d'un ton ferme : – Désolé, Monsieur Vassili Ivanovitch de vous interrompre...
Maria Igorovna, étonnée : – Qu'est-ce que Vassili a dit ?
Je lui réponds : – Il semble vous confondre avec sa fille Maria...
L'esprit errant, offusqué : – C'est vous, Madame Gordon, qui confondez les Maria de la famille !
Je réplique : – S'il vous plaît, ne vous fâchez pas... Je vous explique... Notre hôte est Maria IGOROVNA KONIEVA-ROKOSSOVSKA, qui est la fille de Igor Vladimirovitch Koniev et de Nataliya Anatolievna Gribova-Konieva...
L'esprit commente : – Pfff ! Comme si que vous connaissez mieux mes enfants que moi, alors que vous n'avez pas les vôtres...
Ignorant les propos de l'esprit, je continue mon explication : – Et Igor Vladimirovitch est le fils de votre fils Vladimir. Autrement dit, la dame en face de moi est VOTRE arrière-petite-fille... Quant à votre fille Maria, elle, n'est plus parmi les vivants depuis onze ans. Pouvez-vous comprendre que la vie continue, même si vous n'avez plus la conscience du temps ?
L'esprit grommèle : – D'accord... Nous sommes en quelle année, déjà ?
Je lui réponds mentalement : « En l'an 2000 après la naissance du Christ. »
Je dis à l'arrière-petite-fille, avec mon plus beau sourire : – C'est un cas classique, car les esprits errants n'ont pas la notion du temps... Il faut simplement leur rappeler en quelle année nous sommes et faire une recherche sur leurs descendants, pour prouver l'évidence...
Maria Igorovna hoche discrètement de la tête puis nous remercie de notre visite. Jim et moi la remercions de sa patience et nous sortons de sa maison main dans la main.
Le lendemain, nous rendons visite à Nadejda Igorovna Konieva-Ovchinnikova, une brune trentenaire curieuse. La rencontre se déroule très bien, sans aucun incident. L'esprit errant est aussi ému que moi de la piété et du respect de sa descendante. Pour clore notre rencontre, je dépose sur la table de la cuisine l'Орден Отечественной Войны второй степени (Ordre de la Guerre patriotique de 2e classe). Elle nous remercie et nous la remercions en retour. En après-midi, Jim et moi rendons visite à Natalya Bogdanovna Barinova-Joukova, une sympathique cinquantenaire pieuse. À la fin de la discussion, pour respecter le souhait de l'esprit errant, je lui remets l'Орден « За службу Родине в Вооружённых Силах СССР » (« Ordre du Service pour la Patrie dans les Forces armées »). Elle nous remercie timidement.
Je lui dis: « Je ne fais humblement que mon travail, celui de transmettre aux vivants les messages des esprits et d'accomplir les dernières volontés de ces derniers afin qu'ils ne errent plus parmi les vivants. » Elle me remercie à nouveau, puis nous revenons dans l'appartement loué pour l'occasion.
Le lendemain, nous nous rendons devant la porte de l'appartement de Konstantin Miroslavitch Joukov, un homme âgé vers la trentaine. Il nous accueille très bien. Remarquant les icônes de la Vierge et du Christ dans le salon, nous nous inclinons avec respect devant elles. Elles provoquent toujours en mon âme un élan de piété que je ne peux pas m'expliquer... À moins que ce soit la piété que mon père m'a inculquée... L'icône, qui n'est aucunement dessinée par une main humaine, inspire en soi le respect. La femme de notre hôte, Olga Anatolievna Raspopova-Joukova, nous sert du thé vert. Et tous les deux m'écoutent en silence. Je termine notre discussion en remettant à Konstantin Miroslavitch l'Орден « Трудового Красного Знамени » (« Ordre du Drapeau rouge du Travail ») de son ancêtre. Heureux, il regarde émerveillé, la décoration militaire. Il me remercie ; Jim et moi les remercions de leur accueil.
Durant l'après-midi, nous nous rendons à l'adresse de la maison de Dimitri Stepanovitch Koniev, le petit-fils de Vassili Ivanovitch Koniev. L'homme vers la quarantaine nous accueille chaleureusement. Tout se passe très bien et l'esprit ne manque pas de manifester sa joie. Je remets à son descendant la Медаль « За отвагу » (Médaille « Pour le courage »).
Le lendemain, Jim et moi rendons visite à Evgueni Dimitrievitch Koniev, un jeune homme de vingt ans. Sa femme, Mariam Akbarovna Sabirova-Konieva, une jeune brunette, et lui nous font un très joli accueil, ce qui m'émeut beaucoup. Nous sommes tous réunis dans leur salon, sur des canapé face à nos hôtes. Sans oublier que Mariam me pose beaucoup de questions au sujet de mon don. Heureusement, Jim parvient à lui faire comprendre que nous ne sommes que des touristes de passage; elle s'excuse, un peu gênée. Le sourire aux lèvres, avant de quitter nos amphitryons, je dépose la Медаль « Партизану Отечественной войны » (Médaille « Partisan de la Guerre patriotique ») de son illustre ancêtre sur la table. Evgueni Dimitrievitch et sa femme nous remercient; nous les remercions de leur accueil chaleureux.
En après-midi, mon époux et moi se pointons devant la porte de l'appartement de Boris Stepanovitch Koniev, un homme en début quarantaine à l'esprit vif. Il nous accueille très bien. Sa femme, Olga Mikhaïlovna Mirnova-Konieva, nous fait aussi une bonne impression. Je trouve simplement leur accueil touchant. Je remarque à côté de Boris Stepanovitch que l'esprit errant semble aussi être touché de sa bienveillance à notre égard. Je lui remets, pour terminer ma discussion, la Медаль « За боевые заслуги » (Médaille « Pour mérites au combat ») de Vassili Ivanovitch Koniev.
« Ainsi, j'ai terminé la distribution des décorations... Monsieur Vassili Ivanov, vous êtes content ? », pensé-je en sortant de l'appartement de son descendant, main dans la main avec Jim.
L'esprit errant apparaît devant moi et hoche discrètement de la tête. Puis il ajoute : – Madame Gordon, saviez-vous alors où je dois aller ?
Je réponds d'un ton assuré : – Dans la Lumière, lieu de paix, de pardon et de bonheur.
– Merci !
Et il disparaît de ma vue. Je serre encore plus fort la main de mon époux en pensant : « Il ne manque plus que la dernière étape: que Monsieur Vassili Ivanovitch Koniev part dans la Lumière et un esprit errant de moins... Mission presqu'accomplie ! »
Le lendemain, à savoir le 5 juin d'après le calendrier grégorien, Jim et moi jouons les touristes. Nous déambulons, main dans la main, lunettes fumées sur le nez, dans le Parc de la Victoire Moskovsky. Tout à coup, Vassili Ivanovitch se manifeste devant moi. Je sursaute. Je n'aime pas ça quand les esprits font ainsi des apparitions surprises... Jim me serre la main pour me réconforter.
Je dis: – Que me voulez-vous encore ? J'ai donné toutes vos décorations à vos descendants et vous les aviez vu...
– Merci de votre aide ! Je vois une lumière... Elle brille tellement... Dois-je y aller ?
Les larmes aux yeux, émue, je murmure : – Oui, c'est pour vous...
– Je vois ma chère Svetlana qui m'attend... Au revoir !
Et l'esprit disparaît. Je sais aussitôt qu'il est parti dans la Lumière. Malgré que je ne la vois pas, mais je sais avec certitude si l'esprit disparaît temporairement ou définitivement. Ce sont des petites subtilités que je saisis au fond de mon âme. Je ne peux pas me l'expliquer autrement.
Je murmure à Jim d'une voix douce : « Tu vas être content... Nous aurions le temps de profiter de notre lune de miel... »
Et oui, nous profitons du 5 au 18 juin de notre voyage, avec des promenades et des soirées romantiques, tant qu'il n'y a pas un esprit errant qui apparaît devant moi pour rechercher mon aide. Le 12 juin est un jour férié, car c'est la День России (Jour de la Russie). Nous en profitons pour nous promener dans les rues de Saint-Pétersbourg, question de profiter du temps ensoleillé. Évidemment, j'aide aussi des esprits errants que je croise sur mon chemin. Heureusement, ils ne sont pas des cas difficiles: un septuagénaire qui veut que sa femme continue à faire leurs toasts les vendredis soirs à la pleine lune. « Rituel bizarre », pensé-je, « mais je ne dois pas juger personne... Franchement ! Fais la part de ton travail et tout sera correct ! » Je les aide du mieux que je le peux, comme toujours. Moi qui pensais enfin profiter de notre lune de miel ! Heureusement que Jim est compréhensif et me seconde efficacement en me fournissant des solutions possibles pour régler leurs cas...
Le 18 juin 2000, Jim et moi passons l'avant-midi à déambuler dans les rues de la ville et à acheter des souvenirs, dont une poupée russe. Après le repas du midi dans un restaurant, nous préparons nos bagages.
Le 19 juin, nous nous rendons avec tous nos bagages à l'aéroport de Poulkovo pour prendre le vol en direction de Grandview. La lune de miel est officiellement terminée ! Et j'ai réglé, Dieu soit-loué, le cas de plusieurs esprits ! En embarquant dans l'avion, je pense : « Que Dieu protège les Russes ! Au revoir Saint-Pétersbourg ! Et bonjour Grandview ! »