Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer
Chapitre 21 : L'icône d'Auguste Mikhaïlovitch Gordon
3783 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 16/09/2024 14:17
Le 15 août, à 10 h 30, le téléphone sonne.
Je me trouve alors dans le salon, où Jim et moi, assis l'un à côté de l'autre sur le canapé, surveillons nos fils. J'accours vers l'appareil : c'est le numéro de mes parents. Je pense : « Sans doute mère... Et donc, l'icône est arrivée ! »
Je tape mes mains de joie, je soulève le combiné puis m'exclame en russe d'une voix vibrante : – Mère ! C'est Melinda !
Ma mère répond dans la même langue d'une voix joyeuse : – Contente de t'entendre ! Je t'appelle pour t'annoncer que l'icône de la Sainte Face est arrivée depuis quelques minutes.
Je réplique d'un ton enjoué : – Merci !
À ce moment, l'esprit errant qu'est devenu mon père apparaît à ma droite. Je tourne mon regard vers lui. Toujours le même avec ses ecchymoses et sa toge de juge. Il sourit d'un air paternel.
Je pense : « Et merci, père, pour avoir tenu ta parole ! »
Mon père fait la moue et commente d'un ton faussement fâché : – Merci de douter ! C'est ainsi que tu penses du mal de ton père ! »
Je pense, renfrognée : « Pas du tout ! »
Ma mère, à l'autre bout du téléphone, d'un ton enjoué : – Merci à toi ! J'attends seulement que tu viennes la récupérer !
Je réplique : – J'arrive dans quelques minutes ! À bientôt !
Puis je raccroche le combiné. Je reviens au salon, sur le canapé aux côtés de Jim, qui me fixe d'un air étonné, les yeux brillants. Je dis simplement, le souffle court tellement mon cœur bat de joie dans ma poitrine : – C'est ma mère ! Pour l'icône !
Mon époux hoche lentement la tête pour me faire savoir qu'il a compris ce que je veux lui dire. Après une courte pause pour me calmer de ma joie soudaine, j'ajoute d'un ton calme : – De sorte que je vais maintenant la récupérer... Je te laisse avec Chris et Jack... Ne t'inquiètes pas... S'il y a de quoi, je serai bientôt de retour...
Je me lève alors du canapé, enlace Jim; ce dernier murmure à mon oreille en m'enlaçant tendrement : « À tout à l'heure ! »
Je me dégage de son étreinte, je chausse des sandales blanches à talons hauts puis je sors de ma maison – car je n'avais aucune nécessité de changer ma robe verte feuille longue jusqu'aux chevilles – pour attendre l'autobus qui m'amènera en dix à quinze minutes à Longview. Heureusement, le service d'autobus interurbains est très rapide, ce qui m'évite une demie-heure de marche. Je sais qu'un train fait le chemin entre les gares des deux villes, mais ceci signifie de traverser presque toute la ville de Longview à pied... Et l'arrêt de l'autobus (le numéro 57) est sur une rue parallèle à la nôtre. D'ailleurs, c'est mon mari qui m'a convaincu d'acheter une carte mensuelle, au cas où sa voiture serait en réparation. Voilà comment en quinze minutes, je suis sur le trottoir devant la maison paternelle (car l'arrêt est un peu avant la maison de mes parents, dans laquelle ma mère y vit encore). Des souvenirs d'enfance me reviennent. Toujours la même maison bien entretenue avec sa façade en pierres, deux rosiers dans des petits jardins à l'avant et un pavé en pierres très charmants. La façade et le pavé tels que je les connais ont été l'objet de rénovation il y a une dizaine d'années. Je me souviens qu'à cette époque-là, quand ma sœur et moi revenions de l'école, les hommes qui faisaient les travaux nous disaient de ne pas marcher pendant une semaine sur le pavé, car il devait sécher. Rêveuse, je parcours le pavé qui mène jusqu'à la porte d'entrée. Devant celle-ci, je sors de mes pensées en frappant doucement; je remarque que la fenêtre du salon est ouverte – sans doute intentionnellement – , puisqu'elle est la fenêtre la plus près de la porte d'entrée. Depuis l'intérieur, j'entends les bruits étouffés des pas de ma mère qui accoure ouvrir la porte. Nous nous enlaçons pendant quelques secondes, contentes de se revoir. Puis ma mère me tend des pantoufles que je chausse aussitôt pour entrer à l'intérieur. Et elle me dit d'un ton chaleureux : – Que je suis contente de te voir ! Comment vas-tu ?
Je réponds d’un ton joyeux : – Très bien !
– Et ton mari et tes enfants ?
– Aussi bien que moi… Christopher et Jack sont vraiment adorables…
– Très bien !
Après quelques secondes de pause, ma mère ajoute : – L'icône est arrivée ! Entre !
Joignant les gestes à la parole, elle me fait signe de sa main droite d'entrer puis elle s'éloigne un peu de la porte. Je note qu'elle est simplement vêtue d'une longue jupe vert olive qui lui arrive aux chevilles ainsi que d'un chandail vert moyen qu'elle a sans doute elle-même tricoté. Comme toujours, ses cheveux bruns sont ramassés en chignon, sans aucune mèche rebelle – je me demande bien comme elle y parvient, car moi, malgré que je ramasse les miens en une queue de cheval, j'ai toujours une mèche rebelle – , mais je ne commencerai pas à discuter de coiffure, alors que nous avons plus sérieux. J'entre dans la maison et je suis ma mère jusqu'au salon. Je remarque que le corridor et le salon n'ont pas changé depuis ma dernière visite. Le premier est un simple passage étroit, dont les murs sont ornés à un intervalle régulier des icônes que mes parents avaient reçu en cadeau de mariage de la part de mon grand-père paternel. L'une représente Saint-Georges combattant le dragon, une autre la Vierge à l'Enfant et une troisième est une copie de celle de la Trinité de Roublev. Le salon, lui, est une grande pièce aux murs bleu clair contenant deux grands canapés beige foncé, un meuble en bois foncé laqué sur lequel se trouve un petit téléviseur analogique et une grande fenêtre qui donne sur la rue. Il y a aussi des plantes en pot près de celle-ci; les rideaux bleu moyen sont retenus par des cordelettes de même couleur. Entre les deux canapés, une table basse en bois de cerise laqué, sur laquelle se trouvent trois bougies blanches. Aux murs, plusieurs icônes sont accrochées – l'une de l'Annonciation de la Mère de Dieu, une autre de la Transfiguration, l'une de la Vierge du Signe, l'une du Christ en majesté et l'une de Saint Nicolas. Je m'incline devant chacune d'elles puis je viens m'asseoir à l'invitation de ma mère – qui fait aussi preuve de piété que moi – , sur l'un des canapés. Ma mère s'assoit sur l'autre canapé.
Après quelques secondes de silence, ma mère s'éclaircit la voix, puis dit d'un air joyeux, ses yeux bruns pétillants d'une joie quasi enfantine : – Mel, ma belle-mère a accepté de m'envoyer l'icône de mon défunt beau-père... D'ailleurs, c'est lui-même et ton père qui m'ont tout expliqué...
Je pense, petit sourire aux lèvres : « De sorte que je n'ai rien à dire de plus... Merci beaucoup ! »
Ma mère continue d'un ton aussi enjoué : – ... De sorte que je connais toute l'histoire. D'ailleurs, voici le paquet !
Elle se lève du canapé sur lequel elle est assise puis sort rapidement du salon ; je la regarde. Elle se rend dans la cuisine (la pièce voisine), pour revenir au salon avec un grand paquet qu'elle tient entre ses bras. Elle le dépose à ma droite, sur le canapé sur lequel je suis assise puis revient à sa place, sur l'autre canapé. Je remarque à sa droite un esprit errant : nul autre que mon père, reconnaissable à sa toge de juge et à ses yeux bleus. Ma mère tourne légèrement sa tête vers lui. Ses yeux se mouillent de larmes. Il dit d'un ton enjoué : « Juste pour vous dire bonjour, mes chères ! »
Ma mère et moi, à l'unisson, répliquons d'un ton sérieux; ma mère presque avec une voix brisée : – Très drôle !
Mon père, dont la mine devient sérieuse : – Je...
Il est interrompu par les sanglots de ma mère, dont le visage est mouillé de larmes et dont les yeux sont rouges. Elle sort son mouchoir de la poche droite de sa jupe pour faire sécher ses larmes.
Je pense : « Sans doute qu'elle ne parvient pas encore à surmonter la mort de père... »
Mon père, comme s'il avait lu ma pensée, hoche la tête.
Ma mère, d'une voix tremblante, s'écrie, presque dans un hurlement : – Tom, pourquoi viens-tu me raviver ta perte ? Pourquoi ne pars-tu pas dans la Lumière ?
Mon regard se promène de ma mère à mon père; je suis perplexe. L'esprit errant qu'est devenu mon père baisse son regard, comme s'il ne voulait pas affronter celui de ma mère. Un silence s'éternise. Seuls les reniflements de ma mère se font entendre. Moi-même je fais de grands efforts pour ne pas pleurer.
Mon père brise le silence lourd en murmurant d'un ton sérieux : – Beth et Mel, je suis désolé de vous causer autant de douleur...
Il soupire puis continue : – Mais vous saviez très bien que tel n'est point mon intention...
Je soupire. Ma mère aussi. Mon père nous sourit, s'éclaircit la voix puis s'exclame sur un ton assuré : – Pourtant vous saviez que je n'irai pas comparaître devant Notre Seigneur le Juge miséricordieux tant que je ne réglerai pas tous mes comptes avec certains vivants...
Il fait une courte pause, ses mains à la hauteur de ses yeux, hausse des épaules puis s'exclame, ou plutôt crie d'une voix forte : – Arhh ! Qu'est-ce que je suis présentable avec ma satanée toge noire ! On ne dit pas pour rien que c'est la couleur du deuil ! Je conclus donc que c'est ma toge qui a dû me porter malheur ! Au Diable le noir ! J'espère bien que je ne serai pas pour autant considéré comme un agent de Satan et donc condamné en Enfer ! Pourtant, je n'ai pas chercher à innocenter des criminels de la pire espèce... J'espère bien que je n'ai pas trop péché et mal juger les gens ! Sinon, pauvre moi ! Pauvre pécheur !
Je le regarde d'un air étonné ; je remarque que le changement de la conversation a fait cesser les pleurs de ma mère qui a remis entre-temps son mouchoir dans sa poche. Ma mère le fixe, les yeux écarquillés et les sourcils froncés.
Mon père sourit chaleureusement, comme s'il est content de l'effet de son monologue sur nous. Il fait une courte pause, regarde à nouveau sa main droite (sur laquelle il a l'alliance sur l'annulaire) pour reprendre d'une voix calme : – Au moins, Beth, mon état présent me confirme une chose...
Ma mère, les yeux encore plus écarquillés, si cela est possible, balbutie : – Laquelle ?
Mon père poursuit d'un ton aussi calme : – ... que mon alliance peut être à deux endroits à la fois...
Il agite sa main droite à la hauteur de sa poitrine en nous tournant le dos de sa main vers nous. Il continue : – ... à la fois sur moi, puisque je l'avais avant de quitter mon corps... et dans une boîte à bijoux que tu gardes dans le tiroir de ton chevet...
Ma mère recommence à pleurer. L'esprit errant, lueur de tristesse dans les yeux, s'avance vers elle puis murmure d'une voix douce : – S'il te plaît, ne pleure pas... Peux-tu te souvenir de notre première rencontre à Roslavl, chez le fleuriste Magazin Tzvetok ?
Ma mère renifle puis hoche la tête. Elle répond d'une voix songeuse, un sourire nostalgique aux lèvres : – Bien sûr que oui, Tom ! Je n'oublierais même pas la date : le 5 mai 1977. Je travaillais alors comme employée...
Un peu gênée de savoir les détails (surtout lorsque je n'ai pas besoin de les répéter), je tousse pour attirer leur attention. Ceci a pour effet d'interrompre ma mère, qui tourne légèrement la tête vers ma direction.
Je murmure : – Intéressant d'entendre votre première rencontre, mais, si vous voulez poursuivre, je prend l'icône de la Sainte Face, puis je sors pour vous laisser...
Mon père me coupe la parole : – Ne pars pas comme ça ! Ce n'est pas toi, Mel, qui veux faire partir mon vieux père dans la Lumière ?
Je hoche simplement la tête pour confirmer ses propos.
Ma mère, d'un air joyeux, dit : – Merci Tom, de moins m'attrister de ta perte. Tu es vraiment adorable !
Ensuite, elle tourne son regard vers moi et poursuit d'un ton aussi enjoué : – Mel, qu'est-ce que je disais ?...
Mon père, d'un air coquin, ajoute : – Ma chérie ! N'essaie pas comme ça de changer de sujet...
Ma mère soupire. Mon père poursuit : – Puisque vous me voyez, nous pouvons prendre une photo de famille ?
Ma mère et moi nous nous entr'observons, étonnées d'une telle remarque. Décidément, mon père ne perd pas son sens de l'humeur même défunt...
Ma mère réplique d'un ton coquin : – Voyons, merci, Tom, mais c'est toi qui change le sujet de la conversation... Mais maintenant, ne me déconcentre pas !
Elle se retourne vers ma direction, en murmurant: – Mel, que voulais-je dire ?
Elle déplace le paquet en styromousse vers moi puis elle s'exclame : – L'icône de mon beau-père ! Eh bien, la voici !
Je saisis le paquet, l'ouvre prestement et ôte tous les papiers et la couche de styromousse qui protège l'icône. Cette dernière est en effet présente. Elle est jaunie, pâlie et usée, sans doute car elle a été exposée près d'une source de lumière et d'avoir été trop souvent touchée dans des nombreux actes de piété répétés.
À ce moment, l'esprit errant de mon grand-père paternel apparaît à ma droite, sourire aux lèvres. Mes parents et moi tournons nos têtes vers sa direction et le saluons à l'unisson. Il nous salue en retour et fait un geste de bénédiction vers nous. Il ajoute d'un ton sérieux malgré sa voix enrouée par l'âge « Merci, ma chère petite-fille, d'accomplir ma dernière volonté. Je me sens très léger et je suis prêt à comparaître devant Notre Seigneur le Juge suprême, auquel aucune de nos actions Lui échappe. »
Il se signe puis, apercevant mon père, il ajoute: « Fils, tu ne veux pas quitter le monde d'ici-bas ? »
Mon père d'un ton sérieux, la mine durcie et les yeux qui lancent des éclairs, réplique : – Pas encore, père ! Tant que je ne règle pas quelques comptes avec certains vivants ! Car personne n'a le droit de toucher à mes filles ! Déjà, j'ai perdu ma benjamine, et je ne voudrais pas en plus que mon aînée nous rejoigne !
Mon grand-père hausse les épaules puis commente : – Moi, dans tous les cas, je suis enfin prêt à vous quitter !
Son visage s’illumine d’une joie indescriptible. Il semble très détendu et souriant. Il murmure : « Comme c’est beau ! » Et il disparaît de notre vue, dans la Lumière. Ma mère et moi en sommes émues jusqu'aux larmes. Je note que l'esprit errant qu'est devenu mon père vient de disparaître de ma vue.
Je dis d'un ton joyeux : – Merci, mère, pour m'avoir aidé à régler le cas de mon grand-père... Ainsi, un esprit errant est en moins dans notre ville !
Ma mère, pour toute réponse, me sourit gentiment puis commente d'une voix douce : – Il n'y a de quoi... Nous ne faisons que ce que nous devons faire...
Elle soupire, demeure silencieuse pendant quelques secondes, puis murmure : « Si seulement je pouvais aussi convaincre ton père de partir... dans la Lumière... Sa présence me ravive les tristes souvenirs de sa perte... À la seule pensée de ne plus... » Sa voix se brise.
Je suis vraiment émue devant la peine de ma mère, à un tel point que j'ai moi-même envie de pleurer. Je fais des efforts pour ne pas lâcher des larmes. Je me ressaisis en inspirant et expirant profondément, car je voudrais bien la rassurer. Je m'éclaircis la voix puis affirme d'un ton neutre, malgré quelques petits tremblements dans ma voix : – Mère, tous mes respects, mais je comprends très bien ta situation... Mais il faut s'encourager en pensant que la vie continue et qu'il ne manque qu'à père, comme à mon beau-père – car je sais que ce dernier est encore un esprit errant – de quitter ce monde, l'âme en paix, et tout sera bien...
Ma mère me sourit et hoche la tête. Elle ajoute d'un ton ému : – Merci, Mel, de ta visite...
Je me lève du canapé, en agrippant fermement entre mes bras l'icône, sur laquelle je replace une feuille de papier qui l'avait protégé dans le transport, afin d'éviter d'attirer les regards des curieux dans l'autobus lorsque je reviendrai chez moi. Ma mère m'accompagne jusqu'à la porte d'entrée ; nous repassons alors dans le corridor. Devant la porte d'entrée, ma mère m'ouvre la porte, j'ôte les pantoufles pour remettre sur mes pieds mes sandales, je sors à l'extérieur puis elle referme la porte derrière moi. Je me rends jusqu'à l'arrêt d'autobus pour attendre le prochain. Heureusement, un se profile au loin, j'embarque et je tiens l'icône appuyée sur un siège, pour ne pas l'avoir entre les bras tout au long du trajet, car elle a un certain poids qui n’est pas à négliger. Une fois rendue à l'arrêt, je reprends l'icône entre mes bras et avant de sortir par la porte arrière, je lance au chauffeur : « Merci, Monsieur ! Passez une bonne fin de journée ! » Puis je sors de l'autobus. Depuis l'arrêt, avec l'icône entre mes bras, je me rends d'un pas rapide jusqu'à notre maison.
Avant même que je frappe à la porte, Jim me l'ouvre. J'y entre, ôte mes sandales pour me chausser de mes pantoufles pour arriver avec l'icône au salon. Mon époux prend l'icône et l'apporte au salon. Il ôte le papier qui la recouvre puis affirme d'un ton pensif : – Mel, où pourrions-nous accrocher cette icône ?
Je réponds machinalement : – Je ne le sais pas...
Nous observons attentivement le salon pour trouver la place idéale pour l'icône de la Saint Face. De sorte que je regarde attentivement les murs beige clair et les différents meubles de la pièce. Évidemment, une fenêtre donne sur la rue et les jolis rideaux vert moyen sont retenus par des cordelettes d'un vert un peu plus foncé. Après plusieurs minutes de silence – qui n'est pas tout à fait un vrai silence d'église, puisque les bruits étouffés des jeux de notre fils aîné sur son tapis bleu marine se font discrètement entendre – je m'exclame tout à coup, en pointant de mon index droit la direction du meuble où se trouve la télévision analogique : « Là ! Sur le meuble ! »
Jim s'approche de moi et murmure en russe : « Ça va, ma chérie, pas la peine de crier... »
Honteuse, je baisse les yeux. Je murmure dans la même langue : « Désolé ! » Après une courte pause silencieuse, je relève mes yeux vers mon mari et j'ajoute : « Je me dis que c'est pour faire changement du programme de télévision, non ? »
Il réplique d'un ton taquin : « C'est ce que je pense aussi... »
Je l'embrasse sur les lèvres en pensant : « Tu es génial ! »
Mon mari s'avance jusqu'au meuble de télévision, en faisant attention de bien contourner le tapis bleu marine sur lequel joue notre fils aîné, afin de ne pas l'accrocher avec le bois de l'icône. Christopher cesse alors son jeu et se déplace vers le canapé. Il suit les gestes de Jim, mais comme il est petit, il n'a sans doute pas vu grand-chose. Notre fils aîné se retourne vers moi et demande en russe de sa voix fluette : – Quoi ?
Pour toute réponse, je lui fais un geste de ma main droite pour qu'il me rejoigne. Il accourt vers moi, je le prends dans mes bras puis murmure d'une voix chaleureuse : – Papa place une nouvelle icône.
Je lis de la surprise dans ses grands yeux bruns, ce qui me fait sourire. Je le soulève de manière à ce qu'il soit à ma hauteur. Il tourne sa petite tête vers son père, qui entre-temps a déposé l'image sacrée de manière sécuritaire sur le meuble appuyée contre le mur, comme en témoigne le petit bruit que j'entends. Une fois que Jim a vérifié la position de l'icône, il se retourne vers ma direction, remarquant que je tiens Christopher dans mes bras. Il nous sourit puis s'exclame : – Chris est ainsi très curieux ! Allez, mon garçon, sur les épaules de papa, tu verras mieux !
Mon époux s'avance vers nous, prends doucement notre fils aîné entre ses bras et le fait asseoir à cheval sur ses omoplates, en le tenant par la taille. Ainsi, il s'avance vers le meuble, de sorte que Christopher voit l'icône de près. Moi, je regarde la scène, complètement attendrie, en pensant : « Comme Jim et Chris sont adorables ! On dirait sérieusement que c'est la place idéale pour l'icône ! »
Puis Jim revient vers le canapé, sur lequel il dépose de manière sécuritaire Christopher. Je pense, en m'approchant de Jim pour serrer sa main droite : « Notre garçon est content ! » Je regarde Jim dans les yeux : ils brillaient d'une joie indescriptible. Ceci me fait sourire malgré moi. Je pense : « Parfois, je me demande bien si Jim ne serait pas mon plus grand enfant avec des blagues qui ne sont pas pour les petits enfants... » Mon époux serre ma main droite et m'embrasse sur les joues.