Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 20 : Enquêtes sur la famille Gordon

6623 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/09/2024 14:10


3 août 2003, 10 h 00.


Comme il fait chaud, je suis simplement vêtue d'une longue robe blanche jusqu'aux chevilles. Assise sur le canapé en face de la télévision analogique – éteinte dans son petit meuble en bois de chêne laqué – , je regarde Christopher, presqu'un an, jouer sur son tapis bleu marine, à une centaine de centimètres de mes pieds. Il est simplement vêtu d'un t-shirt bleu marine et de pantalons courts de la même couleur. « Il se camoufle très bien avec son tapis », pensé-je avec humour. Il s'amuse avec des jouets, surtout des camions et des voitures, comme s'il faisait une course entre ses différents jouets sur le tapis. J'ai déplacé le berceau de Jack, un adorable bébé de deux jours, un peu plus près du canapé afin de pouvoir rapidement réagir. Pour l'instant, il est calmement allongé sur le dos, bien emmailloté dans ses langes dans son berceau et tourne sa tête de gauche à droite, comme s'il regardait autour de lui.

« Mes fils sont vraiment mignons ! » pensé-je, rêveuse. Je suis interrompue dans mes pensées par l'apparition d'un esprit errant devant moi. Un vieil homme que j'aurai reconnu entre mille : mon grand-père Auguste Mikhaïlovitch Gordon. Il est vêtu de son sticharion blanc, sur lequel est son orarion beige orangé sur son épaule gauche. Les mêmes yeux bleus caractéristiques de la famille paternelle, des cheveux sel et poivre et une longue barbe blanche bien entretenue. À sa vue, je suis rassurée, car rien ne démontre une mort violente. Étant donné son visage ridé, je déduis qu'il est mort très vieux.

Je le salue respectueusement d'un geste de ma tête, en pensant en russe : « Qu'attends-tu de moi ? »

Il me sourit puis dit d'une voix affable, malgré qu'elle soit enrouée par l'âge, dans la même langue : – Ma petite-fille bien-aimée, je veux simplement que tu récupères l'icône de la Sainte Face, qui se trouve dans mon salon, auprès de mon Angela... Et que tu saches certaines choses au sujet de la famille...

Les yeux écarquillés d'étonnement, je balbutie : – Lesquelles ? Et concernant qui ?

D'un air sérieux, il répond, la mine durcie, ses yeux bleus semblent alors encore plus glacials : – Concernant ton oncle et mon propre père... Je ne peux pas t'en dire plus, car tu ne me croiras pas. De sorte que je te laisse mener ton enquête... Je sais que tu as un bon ami policier qui peut me voir. Je lui fournirai les indices si nécessaire...

Encore plus étonnée, je gémis : – Mais pourquoi faire un détour ? Ne me fais-tu pas confiance ?

Je soupire. Il me sourit gentiment, comme il sait si bien le faire pour me rassurer lorsque j'étais petite puis disparaît de ma vue. Je remarque que Christopher et Jack me regardent d'un air étonné, avec leurs grands yeux bruns écarquillés.

Je me retourne vers eux, leur souris puis les rassure d'une voix douce en ces termes : « Ce n'est rien... Christopher, ne préfères-tu pas revenir à ton jeu ? Jack, ne veux-tu pas plutôt t'amuser avec ton jouet en peluche favori ? »

Mon fils aîné hoche lentement de sa petite tête, ce qui me fait sourire malgré moi, puis il se retourne à moitié pour saisir dans chacune de ses petites mains deux jouets-voitures, l'une de couleur bleue, l'autre de couleur verte, pour les faire rouler sur son tapis. Je rapporte mon attention sur Jack; je remarque alors qu'il regarde droit devant lui, ses grands yeux bruns écarquillés. Je lui tends son jouet en peluche, un renard, mais étant donné l'absence de réaction, je dépose la peluche dans le berceau, près de l'oreiller, je prends le bébé dans mes bras. En berçant mon benjamin, je pense, perplexe : « On dirait une enquête sur la famille paternelle... Par où commencer ? » Une fois Jack endormi, je le dépose doucement dans son berceau, puis file rapidement dans ma chambre. Je retrouve mon petit calepin – bien sûr, j'en ai acheté entre-temps un autre, pour ne pas manquer de place pour mes différents cas d'esprits – et mon stylo bleu sur le chevet (une petite table en bois sombre laqué) puis je reviens à ma place initiale. Mes deux fils me fixent de leurs grands yeux, dans lesquels se lisent un étonnement tout à fait innocent. L'aîné est même debout. Je leur souris en pensant malgré moi : « Qu'est-ce qu'ils sont adorables ! Ils sont vraiment mignons ! Je trouve qu'ils me ressemblent trop... Moi au masculin... Bon ! En espérant qu'avec le temps, Christopher et Jack auront quelques traits de leur père, pour que Jim ne me taquine pas qu'ils sont mes portraits crachés... »

Je m'éclaircis la voix puis murmure d'une voix douce à Christopher : « Chris, veux-tu reprendre ton jeu ? Maman a autre chose à faire... »

Il me regarde avec ses grands yeux pendant quelques secondes puis se rassoit sur le tapis bleu marine. Il baisse la tête vers ses petites voitures, qui sont stationnées sur le tapis bleu marine, en saisit une dans chaque main, puis reprend son jeu. Moi, je reviens à mon enquête. Je tourne rapidement les pages du calepin pour trouver une page vierge, sur laquelle j'écris en russe « Auguste Mikhaïlovitch Gordon » puis sur la ligne en dessous « chercher dans les archives ». Je remarque que mon père vient d'apparaître à ma droite, près de l'accoudoir du canapé, me cachant le berceau de Jack. Je sursaute et tourne ma tête vers lui en pensant « Papa, sérieux, tu fais peur aux enfants... » En effet, Christopher, la tête tournée vers l'esprit errant, commence à pleurer; Jack aussi pleure. Je foudroie mon père du regard, qui me sourit d'un air coupable. Il commente d'un ton neutre : « Désolé, ma petite Melinda... » Je range rapidement mon stylo et mon calepin dans mon sac à main à côté de moi sur le canapé et je soupire en pensant « Je suis une grande fille, peut-être que je n'ai pas beaucoup grandi depuis, mais je suis quand même mère... »

Mon père continue : « Mais cette enquête m'intrigue... Et je peux t'aider à avoir rapidement accès aux archives... »

Je pense, en levant mes yeux au plafond : « Bon ! Au moins, tu m'aideras, pour te faire pardonner d'avoir effrayer tes petits-enfants ! » Et mon père disparaît de ma vue. Je reprends alors Jack dans mes bras pour le calmer, car les pleurs de mes enfants me font presque moi-même pleurer. Une fois que mon fils benjamin s'est calmé, je le dépose à nouveau doucement dans son berceau, puis l'embrasse maternellement sur le front. Je m'agenouille devant Christopher, qui agrippe de ses petites mains le bas de ma robe, sans doute pour attirer mon attention vers lui. Je me penche vers lui pour écarter ses mains du bas de ma robe puis m'agenouille devant lui, en faisant attention aux plis de ma robe pour ne pas la froisser ou relever un pan. Je croise ses yeux rougis de larmes, ce que je n'aime pas. Je lui adresse mon plus doux sourire pour le rassurer. Il vient se blottir contre moi. Je le berce doucement en lui murmurant à l'oreille en russe : « C'est seulement grand-père qui est venu dire un bonjour. »

Christopher, d'une voix chevrotante, s'exclame dans la même langue : « Papi fait peur... »

Je le rassure en l'enlaçant maternellement. Une fois calmé, il se libère de mon étreinte, m'adresse un sourire, que j'interprète comme étant joyeux. En tout cas, il cesse de pleurer. « Sans doute pense-t-il à sa prochaine course entre ses petites voitures... » pensé-je, rassurée. Je me relève prestement en réajustant ma robe pour revenir sur mon canapé. Je sors le calepin et le stylo de mon sac à main. Je pense, quelque peu perplexe : « Comment faire cette enquête de famille ? Par où commencer ? » Je joue avec mon stylo de nervosité. « À moins que je commence par chercher sur mon arrière-grand-père paternel, puis sur mon oncle ?... Il serait plus simple de dresser la généalogie et de chercher dans les archives en ligne... Sinon, je peux toujours essayer de faire parvenir une copie des documents... C'est une bonne idée ! J'attendrai que Jim revienne du travail en après-midi pour aller dans ma boutique afin de commencer ma recherche sur Internet... » Je suis interrompue dans mes pensées par les pleurs de Jack. Je saisis aussitôt qu'il a faim. Je prends le bébé dans mes bras et je me rends dans la pièce voisine pour lui donner le sein. Au passage, je remarque sur le lecteur de VHS l'heure : 11 h 10. Je pense : « Après Jack, c'est Christopher et moi qui prendrons notre repas du midi... J'ai faim ! Qu'est-ce qui est au menu aujourd'hui ?... Ah, oui ! De l'orge et de la viande... » Dans la pièce voisine, dos au salon, je tiens le bébé pendant la tétée. Une fois que mon fils benjamin arrête de téter, je remets mon soutien-gorge puis le haut de ma robe (en passant à nouveau mes bras dans les manches) et je reviens au salon. Mon fils aîné me regarde de ses grands yeux bruns. Je souris puis je dépose son jeune frère dans son berceau. Je me retourne vers Christopher, qui est encore immobile comme une statue sur son tapis bleu marine, je m'agenouille pour être à la hauteur que lui et je murmure en russe d'une voix douce : « As-tu faim ? » Il hoche de sa petite tête, je me relève et je me rends à la cuisine pour réchauffer trois portions, une pour Christopher, une pour Jim (qui reviendra bientôt du travail) et une pour moi. J'entends les pas de Christopher qui arrive dans la cuisine. Je me retourne vers lui; il me regarde brièvement et baisse son regard, comme s'il n'ose pas affronter le mien.

Moi, sourire aux lèvres, je m'exclame d'un ton joyeux : – Le repas est servi ! Bon appétit !

Mon aîné accourt aussitôt dans la cuisine et s'assied sur sa chaise, du côté latéral de la table. Ma chaise et celle de Jim sont face à face. Je sors trois assiettes et trois fourchettes et je fais la mise en place de la table. Ensuite, je sers le repas, en faisant attention de ne pas renverser le plat en déposant l'assiette destinée à mon fils aîné. Je me sers une portion pour moi-même et je verse dans nos verres du jus de pomme. Je m'installe à ma place puis nous récitons une courte prière avant de manger. Lorsque nous commençons à manger, j'entends un bruit sourd en direction de la porte d'entrée. Je pense aussitôt, le cœur en chamade : « C'est Jim ! »

En effet, la belle voix masculine de mon époux se fait entendre : – Mel, c'est moi !

Je termine ma bouchée et je m'exclame d'un ton joyeux : – Jim, j'arrive pour t'ouvrir la porte !

Christopher commente d'un air enjoué : « Papa ! »

Mais mon époux a déjà ouvert la porte.

Je me précipite vers lui pour l'enlacer et je lui lance d'un ton neutre en russe : « Le repas est servi... On n'attendait que toi ».

Il murmure dans la même langue : « Désolé, Mel, de mon retard... » Il jette un coup d'œil rapide à sa montre, s'éclaircit la voix puis ajoute : « À moins que ce soit Chris et toi qui ont déjà une faim de loup et qui êtes impatients de manger... » Il m'embrasse sur le front, je hoche lentement de la tête puis nous nous rendons dans la salle à manger. Je m'empresse de lui servir le repas. Puis je reviens à ma place, Jim récite rapidement en murmurant la prière avant le repas et nous mangeons tous les trois dans un silence d'église. Nous n’entendons que le bruit étouffé de nos mâchoires et le crissement des fourchettes sur les assiettes. Après le repas, je me hâte de faire le café pour Jim et moi. Après, j'envoie Christopher jouer au salon, pendant que Jim et moi faisons la vaisselle; comme je l'essuie, je jette de temps en temps un coup d'œil au salon pour m'assurer que les enfants ne font pas de bêtises. L'aîné joue avec ses jouets, le benjamin est sagement allongé dans son berceau. Je souris à cette scène et je reviens discrètement dans la cuisine.

Une fois la vaisselle terminée, je murmure à Jim en anglais : « Ce matin, mon grand-père paternel Auguste Mikhaïlovitch est venu... »

Mon mari m'invite d'un geste de sa main droite à m'asseoir à table; nous nous assoyons face à face, à nos places habituelles. Je poursuis d'une voix un peu tremblante : « Et il veut que je sache quelque chose au sujet de la famille paternelle... Plus précisément sur son propre père, Mikhaïl Ivanovitch, et sur mon oncle Marc... Je pense alors commencer par une enquête sur mon arrière-grand-père puis sur mon oncle... » Jim hoche lentement de la tête, sans doute pour me faire comprendre qu'il a compris ce que je viens de lui dire. L'air pensif, il murmure dans la même langue : « Tu penses commencer aujourd'hui ? »

Je réponds affirmativement puis j'ajoute aussitôt : « C'est pourquoi je compte sur ton aide pour avoir à l'œil Chris et Jack, le temps que j'aille rapidement faire ma recherche sur l'ordinateur de ma boutique... »

Il réplique : « Exactement ! » Il me tend sa main droite vers moi ; je tends la mienne vers la sienne, qu'il me saisit doucement et qu'il câline avec son pouce.

Je souris et murmure d'un ton enjoué : « Jim, lâches-moi ! Je ne pourrai pas commencer mon enquête... » Mon époux me sourit d'un air coquin, ses yeux brillent d'une lueur gaie, me fait un baisemain puis lâche ma main. Je me lève de ma chaise ; Jim se lève aussi de sa chaise et arrive au-devant moi ; je l'embrasse passionnément et nous nous dirigeons vers le salon, mon époux pour surveiller nos fils; moi, pour se rendre dans notre chambre afin de récupérer mon sac à main beige dans lequel se trouve mon trousseau de clés, mes calepins et un stylo bleu. En me regardant dans la psyché, je me trouve convenablement habillée avec ma longue robe blanche jusqu'aux chevilles.


Je me chausse rapidement de sandales blanches à talons hauts, sors de notre maison et me rends rapidement à ma boutique d'antiquités. Andrea Moreno a congé et la porte est barrée à double tours. Une fois à l'intérieur, j'appuie sur l'interrupteur et je me rends d'un pas rapide dans l'arrière-boutique. Là, je m'installe sur la chaise derrière l'ordinateur qui trône sur la grande table. Le souvenir de mon enquête sur l'esprit tchèque me revient à l'esprit. Je chasse mes pensées en me disant : « À la seule différence que je n'ai pas besoin de traducteur, puisque la plupart des documents seront en russe... » Contente de moi, j'allume l'ordinateur. Le temps que ce dernier démarre, je sors mon calepin et mon stylo bleu de mon sac à main, que je dépose sur la table, à ma gauche, afin qu'il ne me dérange pas pour prendre la souris de l'ordinateur qui se trouve à droite. Je clique sur le moteur de recherche pour débuter. Je pense : « Je vais essayer en tapant Auguste Mikhaïlovitch Gordon, avec la transcription de la cyrillique, puis avec l'écriture cyrillique... Je n'aurai qu'à installer le clavier russe sur mon ordinateur... Mais... C'est vrai ! » Je me tape la paume de ma main droite sur mon front. « Grand-père Auguste Mikhaïlovitch n'a jamais quitté la Russie... Je chercherai alors directement en cyrilique... J'installe immédiatement le clavier... » Je soupire et je tape sur le moteur de recherche « Installer un clavier russe » et je lance la recherche. Je regarde d'un air distrait les résultats qui s'affichent sous mon regard, car la pensée suivante vient de traverser mon esprit : « Par contre, comme mon oncle s'est marié à une Française, il faudrait que je cherche avec la transcription et non directement en cyrillique... ». Je clique sur un lien pour télécharger le clavier. En attendant, je me fais mentalement un plan d'action de ma recherche, dont j'écris les points dans mon calepin. « Premièrement », pensé-je, front légèrement plissé, « j'établirai la généalogie du côté paternel, pour ensuite trouver le maximum d'informations sur mon grand-père et mon arrière-grand-père... » Une fois le téléchargement terminé, ce qui a duré plusieurs minutes qui m'ont semblé une éternité, je pense, joyeuse : « Et c'est parti ! Seigneur, aide-moi à savoir la vérité au sujet de ma famille ! » Je me signe et je reviens sur le moteur de recherche, en m'assurant d'avoir activé le clavier russe. Dans le moteur de recherche j'inscris « А́вгуст Михайлович Гордон ». Une fois les résultats chargés, je parcours du regard rapidement les titres des résultats. Je clique sur le premier résultat, qui est un avis de décès en ligne dans le journal local de Rostov-sur-le-Don. Je lis le texte : « Auguste Mikhaïlovitch Gordon est un diacre de la Cathédrale de la Nativité-de-la-Vierge de Rostov-sur-le-Don. Il nous a quitté le 2 juillet 2003 (selon le nouveau calendrier) (le 19 juin selon l'ancien calendrier), à l'âge de soixante-huit ans. Il laisse dans le deuil sa femme, Angelina Petrovna Gordona (née Bogdanova), ses enfants, ses petits-enfants, son frère Aleksandr Mikhaïlovitch Gordon, sa belle-sœur Maria Gutowska-Gordona, sa sœur Irina Mikhaïlovna Gordona-Dronova, son beau-frère. Pavlov Aleksandrovitch Dronov, ses neveux, nièces, parents et amis. » Je suis très émue à la lecture de l'avis de décès. Mes yeux se perlent de larmes, que j'essuie du dos de ma main droite – de sorte que je lâche la souris de l'ordinateur. Je pense : « Repose en paix ! »

À ce moment, un esprit errant se manifeste à ma droite : je tourne mon regard vers lui. Aucun doute, c'est mon grand-père Auguste Mikhaïlovitch. Ce dernier me sourit gentiment puis commente d'un ton chaleureux : « Ma chère petite-fille, ne veux-tu pas continuer ton enquête ? »

Je hoche la tête.

Il poursuit : « Je pense que je suis assez clair : je ne partirai pas tant que tu ne sauras pas tout sur la famille. »

Je murmure d'un ton neutre : « J'ai compris ! »

L'esprit errant fait un signe de bénédiction vers ma direction. J'en suis très émue. Je pense : « Mel, concentre-toi ! » J'inspire et j'expire profondément puis je ramène mon attention vers l'écran de l'ordinateur. Je tourne la page de mon calepin et je note en russe sur la première ligne : « Auguste Mikhaïlovitch Gordon (3 août 1935-2 juillet 2003).

fratrie : Aleksandr Mikhaïlovitch Gordon et Irina Mikhaïlovna Gordona-Dronova. »

Je rapporte mon attention vers l'écran d'ordinateur, je dépose doucement mon stylo à côté de la souris, que je saisis. Je reviens sur la page des résultats et je clique sur le deuxième lien. C'est un site de recherche généalogique. En lisant attentivement la page et en consultant quelques liens fournis en ligne, je parviens à dresser l'arbre généalogique suivant, que je dessine sur trois pages de mon calepin :

Михаил Иванович Гордон (Mikhaïl Ivanovitch Gordon) (1er septembre 1900- 3 décembre 1969) + Надежда Осиповна Маслова (Nadejda Ossipovna Maslova) (18 avril 1916- 5 mai 1989), mariés du 2 juillet 1934 au 3 décembre 1969 = А́вгуст Михайлович Гордон (Auguste Mikhaïlovitch Gordon) (3 août 1935-2 juillet 2003), Александр Михайлович Гордон (Aleksandr Mikhaïlovitch Gordon) (9 octobre 1936-) et Ирина Михайловиа Гордона (Irina Mikhaïlovna Gordona) (10 décembre 1937)

А́вгуст Михайлович Гордон (Auguste Mikhaïlovitch Gordon) (3 août 1935-2 juillet 2003) et Ангелина Петровна Богданова-Гордона (Angelina Petrovna Bogdanova-Gordona) (1941), mariés de 1959 à 2003 = Марк А́вгустович Гордон (Marc Augustovitch Gordon) (1960) et Томас А́вгустович Гордон (Tomas Augustovitch Gordon) (1960)


Je continue ainsi à chercher sur ma famille paternelle. Toujours les mêmes gestes : cliquer sur un résultat, lire la page, noter quelques informations dans mon calepin puis revenir sur la page des résultats pour récolter le maximum d'informations. Ainsi, je trouve que mon arrière-grand-père paternel, Михаил Иванович Гордон (Mikhaïl Ivanovitch Gordon) est né le 1er septembre 1900 à Rostov, alors dans l’Empire russe (Россійская имперія, ou selon l'orthographe moderne Российская империя) et est décédé le 3 décembre 1969 dans la même ville, alors en Union des républiques socialistes soviétiques. Il avait été un diacre de la cathédrale de la Nativité-de-la-Vierge à Rostov-sur-le-Don. Cette information me surprend, car j'ignore tout de mon arrière-grand-père. Il est mort de vieillesse, probablement, puisqu'aucune archive ne laisse sous-entendre une mort violente, ce qui me rassure en quelque sorte. Il a été ordonné le 9 janvier 1938. Il a béni les troupes soviétiques au cours de la bataille de Rostov, du 21 au 27 novembre 1941, car son nom a été cité dans le journal local en date du 23 novembre 1941. À la lecture de cette information, qui m'émeut beaucoup, à un tel point que les larmes me viennent aux yeux, je pense : « Que le Seigneur bénisse la Sainte Russie ! À part cela, Mikhaïl Ivanovitch n'avait eu aucun intérêt face aux événements politiques des années 1950 et 1960. Selon toute vraisemblance, il ne s'était contenté d'entretenir la cathédrale et de s'assurer des célébrations rituelles. Cette piété quasi intemporelle est vraiment touchante... »


Lorsque je termine de noter la dernière phrase concernant mon arrière-grand-père paternel, je vois mon grand-père et mon père apparaître à ma droite. Je me retourne vers eux et je les fixe en silence en pensant : « Voilà, je sais qui est Mikhaïl Ivanovitch Gordon... Plusieurs heures de recherche pour seulement ces informations ? En tout cas, rien de mauvais ! » Les deux esprits errants me sourient d'un air que j'interprète comme coupable, surtout de la part de mon père. Mon grand-père s'exclame de sa voix enrouée par l'âge : – Oui, c'étaient les informations que je voulais que tu saches ! Seulement, je voulais te laisser le plaisir de faire l'enquête et de faire tes propres conclusions...

D'un ton bourru, je réplique : – Merci quand même de ce tact ! Tu m'as fait peur de la manière dont tu m'as annoncé... ordonné devrais-je dire, de faire l'enquête sur la famille... Et toi, père, pourquoi tu m'as caché ces informations, qui ne sont aucunement honteuses ?

Mon père et mon grand-père s'entr'observent en silence pendant je ne sais combien de temps. Mon père s'éclaircit la voix et murmure d'un ton neutre : – Ma petite Melinda...

Je ne peux pas m'empêcher de soupirer en pensant, malgré moi : « Sérieux, papa ! Qu'est-ce qu'il m'énerve quand il m'infantilise ! »

Mon père poursuit sur le même ton neutre : – ... je sais que mon père est diacre fils de diacre... Je regrette seulement de ne pas avoir suivi leurs pas...

Je pense ironiquement : « Des aveux intéressants ! »

Mon père me sourit furtivement puis hausse la voix : – ... Parce qu'au moins, je serais encore vivant ! Ce salaud de policier en gris ne m'aurait pas tué !

Je me signe en pensant : « C'est correct, papa, j'ai compris ! »

Mon père hoche la tête pour sans doute me faire savoir qu'il a saisi où ma pensée veut en venir.

Je remarque que mon grand-père, dont le regard se promène de mon père à moi, est silencieux.

Mon père, un sourire coupable sur le visage, dit d'une petite voix : – Je pensais bien à ce que tu ne perdes pas l'habitude de faire des recherches... On n'allait quand même pas tout te donner sur l'assiette...

Je pense en lui jetant un regard noir : « Très drôle ! »

Mon grand-père intervient d'une voix posée : – Avez-vous enfin terminé avec vos enfantillages ?

Étonnée de sa remarque, je baisse les yeux en fixant mes pieds, n'osant affronter le regard de mon grand-père.

Mon père réplique : – Oui ! Mais je me permets de taquiner ma fille...

Je relève mes yeux vers les deux esprits errants, pour remarquer que mon père a le regard tourné vers mon grand-père. Je fixe alors ce dernier, attendant qu'il dise quelque chose. Le diacre ajoute d'un air sérieux, front plissé : – Et n'oublies surtout pas de récupérer l'icône de la Sainte Face, qui se trouve dans le salon dans la maison qui m'avait appartenu de mon vivant...

Je pense : « Le plus simple pour moi, c'est de demander à mère de faire la demande pour que grand-mère Angelina Petrovna m'envoie par la poste l'icône, car je n'ai pas le loisir de me payer un voyage en Russie... »

Je m'éclaircis la voix puis commente d'une voix douce : – Je n'ai pas oublié l'icône... Seulement, je n'ai pas le loisir de la chercher moi-même.... Avec deux enfants, un mari, une boutique et les esprits errants, j'ai un horaire trop chargé...

Mon père me coupe brusquement la parole : – Pas de problème, ma petite !...

Je soupire dans mon for intérieur.

Mon père : – Nous expliquerons la situation à ta mère et tout est sous contrôle !

J'explose de joie : – Merci d'avance de votre aide !

Je fais un geste pour enlacer mon père, mais je suspends aussitôt mon geste par ma propre pensée : « Dommage que tu ne sois plus... parmi les... vivants... »

Mon père, comme s'il a lu ma pensée, me sourit d'un air triste puis disparaît de ma vue. Mon grand-père fait un signe de bénédiction vers ma direction puis disparaît à son tour.

Je me retourne vers l'écran de l'ordinateur. Je regarde l'heure, indiquée dans le coin inférieur droit : 13 h 00.

Je pense : « Dernière partie de mon enquête improvisée : les informations sur mon oncle... »

Je reviens sur le moteur de recherche. J'inscris « Марк А́вгустович Гордон ». Un seul résultat. Déçue, je clique néanmoins sur le lien. En lisant la page, je n'y trouve aucune nouvelle information, car il s'agit d'une mention de sa généalogie, dont seuls sont nommés ses parents et son frère.

Je reviens sur le moteur de recherche et je configure le clavier anglais. Ensuite, je tape dans le moteur de recherche « Marc Augustovitch Gordon », et, à ma plus grande joie, dix résultats, dont certains sont en français. Fébrile, je clique aussitôt sur le premier résultat, un site de généalogie en français. Je cherche sur la page s'il n'y aurait pas une option de langues. Je trouve enfin, dans le coin supérieur gauche, un menu déroulant pour changer la langue du site. Le site n'est que bilingue français et anglais. Je pense quelque peu ironiquement : « Enfin, je vais pouvoir comprendre le texte... Car le français semble être une belle langue, mais je ne comprends rien... Et je n'ai pas envie de l'apprendre... Je connais assez de langues pour résoudre les différents cas d'esprits qui me viennent.... » Contente de ma pensée, je lis attentivement le contenu de la page, dont je résume au fur et à mesure les informations les plus intéressantes.

Je trace un petit trait au stylo pour délimiter les informations concernant mon grand-père et mon arrière-grand-père. Ensuite, je tourne la page du calepin et au verso j'écris ceci : « Marc Augustovitch Gordon (1960) + Béatrice Massicotte (1965), mariés depuis le 5 mai 1987 = Jean (né le 7 mai 1989, Bordeaux, France) et Pierre (né le 18 décembre 1990, Bordeaux, France) »

Je reviens à la page des résultats de ma recherche et je passe en revue les autres résultats, évidemment, en traduisant les pages des sites français avec l'aide de Google Traduction, à défaut d'une traduction plus fiable. Ainsi, j'apprends que mon oncle s'est marié à sa femme dans la mairie de Bordeaux, ville dans laquelle il vit depuis 1979, année à laquelle il obtient un contrat de travail pour la compagnie Air France – car il est pilote d'avion. J'ignore le métier qu'exerce mon oncle; mon père n'en a jamais soufflé un seul mot à ce sujet. Un détail curieux a attiré mon attention : le 8 août 1988, il a eu un grave accident, car l'avion qu'il a conduit s'est simplement écroulé peu après son décollage. La plupart des passagers à bord et des membres du personnel sont grièvement blessés. Dieu merci, il n'y en a eu que neuf qui sont morts. De sorte que le vol a été retardé de deux heures. Je pense soit que mon oncle a passé plusieurs mois à l'hôpital et qu'il a survécu miraculeusement, soit il est décédé – Que Dieu le protège. Pourtant, je ne trouve aucun avis de décès, de sorte que je conclus que, Dieu merci, il a survécu. Une fois que j'ai vérifié mes notes, j'efface l'historique et j'éteins l'ordinateur.



À ce moment, un esprit errant apparaît à ma droite : nul autre que mon père.

Je me retourne vers lui puis je m'exclame d'un air enjoué : – J'ai terminé toutes les enquêtes que grand-père voulait que je fasse !

Les sourcils levés, mon père dit d'un ton hésitant, les bras croisés au-dessus de sa poitrine, le front plissé et les yeux écarquillés : – Comment ça, des enquêtes ?

Je réponds en fronçant les sourcils : – Deux, plus précisément... Une sur Mikhaïl Ivanovitch, une sur mon oncle.

D'un ton surpris, il ajoute, en décroissant rapidement ses bras pour passer sa main droite dans ses cheveux bruns : – Et qu'as-tu appris au sujet de mon frère ? J'en suis intrigué, car depuis qu'il est parti travailler en France, je n'ai pas vraiment gardé contact avec lui... Je sais seulement qu'il s'est marié à une Française (dont je ne peux pas te répéter son nom sans l'écorcher)... Et avec elle, il a deux fils... Et c'est tout ce que je sais...

Je souris malgré moi devant son air surpris. Je réponds d'un ton calme : – Je viens d'apprendre que ton frère travaille comme pilote d'avion pour une compagnie française, Air France...

Mon père me coupe la parole : – Excellent ! Il n'a pas perdu son emploi !... Car c'est la seule chose que je sais de mon frère...

Je poursuis, tout en jetant un coup d'œil rapide à mes notes dans mon calepin : – Il a été victime d'un accident le 8 août 1988, accident en cours de vol... L'avion s'est écrasé peu après avoir décollé...

Mon père, la bouche entrouverte, fronce des sourcils puis s'exclame : – Ah, mon Dieu ! J'ignore cet incident ! Mais, est-il vivant ?

Je réponds d'un signe affirmatif de tête puis j'ajoute d'une voix neutre : – Je pense bien que oui, puisque je ne trouve pas d'avis de décès...

À ce moment, un esprit apparaît à la droite de mon père : nous tournons nos regards vers lui. Je le reconnais immédiatement : l'Observateur français. Je remarque du coin de l'œil que mon père, les yeux encore plus écarquillés si cela est possible, le fixe d'un air quelque peu sévère.

L'Observateur nous sourit d'un air affable puis dit d'un ton assuré : – Je suis un esprit Observateur, le Comte Jean Bude de Guébriant...

Je note l'expression détendue de mon père.

Notre interlocuteur, d'un ton calme : – C'est pourquoi, Madame et Monsieur, je me permets de dire un petit commentaire au sujet de Marc Augustovitch Gordon. Je vous confirme qu'il a miraculeusement survécu à l'accident du 8 septembre 1988.

Je pense : « Comment l'accident a eu lieu ? En espérant que ce n'est pas un acte de sabotage... »

L'Observateur, comme s'il a lu ma pensée : – Cet accident a en effet été causé par une erreur technique, mais qui était en quelque sorte intentionnelle, selon une logique qui n'est pas logique, mais je ne l'expliquerai pas plus, pour l’instant...

Les sourcils levés d'étonnement et les yeux écarquillés de surprise, mon père et moi fixons notre interlocuteur. Je pense : « Comment ça, selon une logique non-logique ? À moins qu'il existe d'autres facteurs explicatifs qui m'échappent... »

L'Observateur poursuit d'un ton toujours aussi calme : –... Heureusement, Notre Seigneur a été clément et l'avion s'est écroulé peu après le décollage, de sorte que le nombre de morts est minimal...

En se tournant légèrement vers mon père, il continue : – ... Ceci explique comment vous avez ressenti, Monsieur Gordon, les douleurs de votre frère au cours de son hospitalisation de septembre 1988 à janvier 1989.

Mon père, d'un ton pensif, s'exclame : – Ah ! Je comprends mieux pourquoi je me suis plaint de douleurs que je ne pouvais pas m'expliquer... Moi qui avais mis cela sur le compte d'un faux mouvement ou quelque chose de la sorte... C'est ce qui arrive quand mon frère et moi sommes jumeaux... Obligé de ressentir pour l'autre ! Dieu ce que je n'aime pas ça !

Je ne peux pas réprimer un petit sourire : « Il est vraiment adorable quand il se plaint comme ça de quelque chose qui est naturel... Qu'est-ce que mère et moi devons-nous alors dire ? »

L'Observateur, aussi sérieux, hoche simplement de la tête puis continue d'une voix calme : – Mais pour revenir à ce que je veux dire... Cet incident a été causé par la négligence d'un technicien en aéronautique qui a oublié de signaler un problème avec le moteur à la tour de contrôle et voilà comment le moteur a lâché, ce qui a causé l'accident en question.

Je pense, rassurée : « Ouf ! Je pensais que l'histoire était plus bizarre... »

L'Observateur, dont le regard se promène de mon père à moi, ajoute : – Et bien ! Ainsi, vous saviez tout ce que votre grand-père, le Père-Diacre Auguste Mikhaïlovitch Gordon voulait que vous sachiez... Il ne manque plus que l'icône de la Sainte Face...

Mon père intervient d'un ton sérieux : – J'ai averti il y a quelques minutes Elizabeth, qui a aussitôt appelé ma mère afin qu'elle lui envoie par la poste l'icône de la Sainte Face. Et je m'occuperai personnellement pour qu'elle arrive à bon port !

L'Observateur commente : – Je le sais ! Mais merci quand même, Monsieur Gordon. Sur ce, passez tous les deux une bonne journée !

Puis il disparaît de ma vue. Moi, étonnée d'une telle aide, fixe mon père d'un air surpris, sourcils levés, yeux écarquillés et bouche entr'ouverte. Je pense : « Merci papa d'accélérer l'arrivée de l'icône, mais je ne suis pas si sûre que tu puisses vraiment m'aider de ce côté-là, car je n'imagine quand même pas que tu posséderas le douanier russe puis celui aux États-Unis... »

Mon père me sourit gentiment puis dit d'un ton enjoué : – Pourquoi pas ? Ce sera pour moi l'occasion d'expérimenter la possession temporaire !

Je ne peux pas m'empêcher de penser : « Tu te comportes comme un grand enfant... Que dira mère si elle t'a entendu ? Je te croyais plus sérieux ! »

Mon père, sans ajouter un seul mot, s’évapore tout simplement.

Je soupire, me lève de la chaise de bureau, range mon calepin et mon stylo dans mon sac à main, que je jette nonchalamment sur mon épaule droite, puis sors de ma boutique d'antiquités, sans oublier bien sûr, de verrouiller la porte d'entrée. Et je reviens d'un pas léger chez moi, où Jim me salue lorsque je franchis le seuil. Il se trouve au salon, pour surveiller nos fils. Je me dépêche d'ôter mes chaussures, de me chausser de mes pantoufles, de me rendre dans notre chambre pour laisser mon sac à main dans mon armoire puis de revenir au salon pour surveiller nos enfants. Jim, alors assis sur le canapé, se lève immédiatement pour me céder la place. Je l'embrasse chastement sur la joue droite avant de m'y asseoir. Il quitte le salon, sans doute pour aller aux toilettes. Je regarde Christopher qui joue avec beaucoup d'insouciance avec ses jouets-voitures. « Il est vraiment adorable !  », pensé-je spontanément dans mon amour maternel, « Tout comme Jack qui est paisiblement allongé dans son berceau... Ça me donne envie d'avoir encore un enfant ! »

Jim revient au salon et s'assied à mes côtés. Nous demeurons ainsi silencieux pendant plusieurs heures à regarder notre fils aîné jouer, et moi, en jetant un coup d'œil de temps en temps vers le berceau, dans lequel se trouve Jack. Lorsqu'il commence à pleurer, j'accours aussitôt auprès de lui. Instinctivement, je comprends ce qu'il veut : soit un câlin maternel, soit du lait, soit des couches propres... À croire que seule la mère a un sens aiguisé pour saisir immédiatement ce que son nourrisson veut... La beauté de l'instinct maternel... De sorte que je me rends aux toilettes pour changer ses couches, tantôt dans la salle voisine en prenant soin de fermer la porte pour lui donner le sein. Mes petites joies de la maternité... Je serai encore plus contente quand il grandira !



Vers 18 h 45, lorsque la faim se fait sentir, je m'empresse de réchauffer les potions de soupe aux légumes pour Christopher, Jim et moi. Une fois le repas servi, nous nous attablons. Après le souper, mon époux et moi faisons la vaisselle.

Ce n'est que lorsque Jim et moi sommes parvenus à envoyer Christopher et Jack dormir que je me permets de lui résumer les résultats de mon enquête au sujet de ma famille paternelle. « Ainsi », dis-je en guise de conclusion, « je sais que mon arrière-grand-père est un simple diacre sans histoire, comme mon grand-père, et que mon oncle a eu un terrible accident – que Dieu nous protège ! – dont il a miraculeusement survécu – que le Seigneur en soit loué ! – De sorte que je n'attends que l'icône portative de la Sainte Face... »

Jim m'écoute en silence, sans mot dire. Il sourit brièvement puis commente : « Soit patiente, Mel ! »

Je fais une moue faussement renfrognée.

Il tend sa main droite vers moi; je serre sa main de ma main gauche, sourire aux lèvres. Nous demeurons silencieux pendant plusieurs minutes. Jim brise le silence en lâchant ma main, qui retombe sur la table, ce qui me fait sursauter, car j'ai presque fait un faux mouvement de mon poignet. Je ramène alors ma main gauche vers moi. Il se lève; je le suis du regard, de sorte que je remarque qu'il jette un coup d'œil rapide à sa montre puis murmure : « Ma chérie, il est 21 h 50... Il est l'heure d'aller dormir... À moins que tu n’avais pas d’autres plans pour ce soir, avant d’aller dormir ? » Il me fait un clin d'œil coquin : Je comprends immédiatement l'allusion... Je me lève à mon tour de ma chaise pour l'embrasser rapidement sur les lèvres. Je hoche la tête en pensant: « Merci de me rappeler l'heure qu'il est ! Ça explique pourquoi je suis fatiguée... » Je saisis la main gauche de Jim, et, main dans la main, nous nous rendons dans notre chambre pour s'allonger l'un à côté de l'autre, enlacés, dans notre lit. La nuit est tranquille : aucun esprit errant ne vient troubler mon sommeil, qui est simplement sans rêve.




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