Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 19 : Bonnes nouvelles !

9014 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/07/2024 18:31




28 janvier 2002, 9 h 00.


Je suis au salon, en train de tricoter. Tout à coup, une sensation de nausée me force à lâcher mon tricot. Depuis une semaine, j'ai remarqué que je suis plus fatiguée que d'habitude. « Sans doute ces différentes histoires d'esprits », pensé-je tout simplement. Seulement, j'ai remarqué, par ailleurs, des crampes au niveau du bassin et des nausées. Au début, je pensais que c'était à cause d’ une indigestion. Mais avec mes seins gonflés, il semblerait que quelque chose d'autre soit en question... Je pense, sourire aux lèvres et lueur de joie dans le regard : « Serais-je enfin enceinte ? » Lorsque j'ai partagé ma pensée avec mon époux, les yeux de Jim s'illuminent d'une joie presqu'enfantine qui me fait sourire malgré moi. Il m'a embrassé sur les lèvres et m'a dit : « Au moins, nos efforts n'ont pas été vains... » Puis il m'a fait un clin d'œil complice. Nous serons enfin parents ! Quelle joie ! Mon cœur de mère se réjouit.


Mon époux suit ses cours à l'Université Rockland. Il ne reviendra que vers 17 h 15. Je continue néanmoins à aider les esprits errants qui cherchent mon aide. Jim me recommande seulement de faire attention aux derniers mois de ma grossesse et de ne pas trop me fatiguer avec les esprits errants. Je lui promets d'être prudente. Je récite mes prières chaque jour, comme d'habitude. De plus, je n'ôte jamais le collier de grand-mère Elena ; de même pour Jim avec la bague de son grand-père Samuel. Nous prenons simplement toutes nos précautions afin qu'il ne nous arrive pas un malheur, car nous n'avons pas oublié l'histoire de la malédiction des deux sorciers tchèques. Que Dieu nous protège !




Au début du mois de février 2002, Jim m'annonce d'un air théâtral qu'il a terminé son histoire fictive intitulée L'Égypte ancienne vue par un ambulancier. Évidemment, il insiste pour que je lise son manuscrit en pré-publication. Je respecte sa volonté. C'est une histoire comique qui intègre différents symboles et indices dans la quête d'un ambulancier perdu en Égypte, pour élucider le cas de l'esprit d'un pharaon, un certain Akhénaton, ce qui me fait sourire malgré moi. Je lui propose quelques corrections, qu'il accepte de bon cœur. Je prends une semaine pour le lire, car je dois aussi me rendre à ma boutique et j'ai les travaux ménagers et les commissions à faire. Ensuite, Jim envoie le manuscrit à l'impression avec l'aide du professeur Richard Payne. Il m'explique les démarches à faire, sauf que je n'ai pas vraiment suivi son explication, car ceci ne m'intéresse point. Mais l'important est qu'il soit parvenu à imprimer trois copies: une pour lui, une pour moi et une pour notre ami Richard Payne.

« Trois exemplaires, c'est mieux qu'aucun ! » pensé-je avec humour. Et le professeur Payne, les yeux brillant d'une joie indescriptible, félicite mon mari, qui me rapporte le commentaire qu'il lui a fait : « Peut-être que ces trois exemplaires sauveront le monde, comme Nietzsche avec son Ainsi parlait Zarathoustra... Le destin est bizarre ! »

Bien que nous n'ayons pas complètement saisi la blague, nous la trouvons néanmoins comique. Jim m'a expliqué que Nietzsche était un philosophe allemand du XIXe siècle, dont il se rappelle vaguement avoir entendu parler dans l'un de ses cours de philosophie au collégial.




À la fin du mois de février, je me rends à l'hôpital Mercy pour un examen prénatal par une sage-femme, une certaine Marie Sauvé, une quadragénaire pleine de vie, aux yeux marron inspirant confiance et aux cheveux brun foncé. Elle me confirme que ma grossesse est correcte et que je ne suis enceinte que d'un enfant. Une fois revenue chez moi, je rapporte la nouvelle à mon époux au salon, penché sérieusement au-dessus de son cahier de notes, sans doute en train de réviser pour l'un de ses examens qu'il aura à passer la semaine prochaine. Son visage s'illumine d'un sourire lorsque je lui confirme que je suis enceinte. Nous sommes tous les deux contents. En mon for intérieur, je remercie le Seigneur d'être si comblée.




À la fin du mois de mars, lors de l'échographie, la sage-femme me révèle le sexe de notre premier enfant : un garçon. Je reviens chez moi, et j'annonce la nouvelle à Jim, qui se réjouit tout comme moi. Il a commenté à la blague, sourire coquin aux lèvres : « Au moins, nous voilà assurés d'un légitime héritier ! À moi d'aménager la chambre ! »

D'ailleurs, mon époux est très sérieux et commence déjà à calculer les dépenses et à faire des plans pour aménager un berceau dans le coin de notre chambre puis une petite chambre pour notre fils quand il sera plus grand... Son attitude me fait sourire malgré moi. « Avec un si bon mari, je ne doute pas de sa fidélité ! » Pensé-je, rassurée. Quoiqu'à vrai dire, je n'ai jamais eu une raison de soupçonner une adultère de sa part...

D'ailleurs, je tricote une couverture pour le berceau de notre fils. Jim et moi discutions longuement sur le prénom : Daniel, David, Thomas, Pierre, John, Christopher, Ivan, Peter, entre autres. Finalement, nous nous entendons pour Christopher.





Le 10 mai 2002, mairie de Grandview, 13 h 00.


Jim et moi sommes les témoins au mariage notre voisin d'en face. Je suis contente que Todd Darger et Stacy Chase/Darlene Wilson se marient. Jim et moi sommes les témoins. Et il n'y a personne d'autre, même pas les parents de Todd. Ah, oui ! Il y a aussi un fonctionnaire pour reconnaître officiellement leur union. Moi, je suis très contente, à mon quatrième mois de grossesse sans difficulté importante ; les cas des esprits errants attachés aux différents objets de ma boutique ont été des cas faciles à régler. Évidemment, je profite de l'occasion pour informer Todd et Stacy/Darlene de ma grossesse – au sujet de laquelle j'ai aussi, depuis un mois, informé ma mère et ma belle-mère. Tous nous félicitent et nous souhaitent tout le bien. Je suis vraiment touchée de leurs vœux sincères. Mais revenons au mariage de notre nouvel ami et voisin. Nous sommes dans une grande pièce, le fonctionnaire et le couple assis face à face de chaque côté latéral d'une petite table rectangulaire en bois de chêne laquée, sur laquelle se trouve le contrat de mariage – je le sais, même si je ne suis pas si près, car c'était la même chose lorsque je me suis mariée à Jim. Les murs sont sobres, de couleur beige, monotonie qui est brisée par des grandes fenêtres qui laissent entrer la lumière du jour. Derrière nous, des bancs en bois répartis en deux rangées. Au plafond, des lustres en fleurs retournées sont éteints. Mon époux et moi sommes vêtus convenablement pour l'occasion ; lui, d'un complet bleu marine avec une chemise blanche, moi d'une ample robe blanche de longueur mi-mollet pour cacher ma grossesse. Nous sommes un peu en retrait, derrière le couple. Le seul accessoire que j'ai apporté avec moi est mon petit sac à main beige dans lequel se trouve un calepin (le même que j'utilise pour noter mes différents cas d'esprits errants) et un stylo bleu. Je me dis au cas où un esprit errant se pointera dans le décor. On ne le sait jamais... C'est ainsi que je remarque un esprit errant à la droite de Todd, à savoir celui d'une vieille femme ridée, aux yeux bruns et aux cheveux blanchis par l'âge. Elle est simplement vêtue d'une robe large blanche longue jusqu'aux chevilles. Je note aussitôt l'expression d'étonnement qui déride son visage lorsque mon regard rencontre le sien. Je souris puis murmure d'une voix chaleureuse : – C'est un don que j'ai de vous voir... Puis-je savoir quel est votre nom ?

Todd, son épouse et Jim me lancent un regard interrogateur, comme s'ils disent : « Qui est l'invité invisible ? »

Je tourne légèrement ma tête vers les nouveaux mariés, m'éclaircis la voix puis affirme : 

– Monsieur Todd Darger, il semble qu'un esprit vous suit... À savoir une vielle femme vêtue d'une large robe blanche jusqu'aux chevilles...

Todd m'interrompt et s'exclame d'un ton joyeux : – C'est ma grand-mère paternelle, Diana... Paul Eastman m'a déjà mentionné sa présence à mes côtés... Alors, qu'est-ce qu'elle veut ?

Je réplique d'un ton calme : – Elle vous entend...

Je tourne légèrement ma tête vers l'esprit errant, puis continue : – ... Seulement, j'attends sa réponse pour vous la transmettre...

Je pense avec humour : « C'est un peu comme un traducteur... Je me rappelle les traductions que j'ai faites à Jim avant qu'il apprenne le russe... »

L'esprit errant sourit puis, mine pensive, déclare : – Je veux que Todd donne à son épouse la bague qui a appartenu à ma famille.

Je rapporte d'un ton ton neutre les propos de Diana Darger, en tournant légèrement ma tête vers les mariés : – Todd, votre grand-mère veut que vous donniez à votre épouse la bague qui a appartenu à votre famille...

Le nouveau marié, front plissé, l'air pensif et les yeux dans le vague, demeure silencieux pendant plusieurs minutes. Son épouse, sa grand-mère, Jim et moi le fixons avec impatience. Il dit : – Si ma mémoire ne me fait pas défaut, il s'agit de la bague de ma grand-mère Diana... Qui l'a elle-même reçu de sa belle-mère, Sarah Darger... Et cette bague n'était portée que par les femmes, car elle les protégeait, semble-t-il, d'un accouchement prématuré...

Je remarque que Diana Darger hoche discrètement la tête. Je me tourne vers Todd, j'imite machinalement le geste de l'esprit puis je commente : – Votre grand-mère approuve vos propos.

Todd sourit furtivement puis continue : – Bon ! Au moins, je sais quelle bague je dois en faire cadeau à ma chérie...


Son épouse le regarde, intriguée.

Diana Darger commente : – La bague se trouve dans ma maison à Grandview, 2, rue Goldroad... Plus précisément, dans le premier tiroir du chevet de nuit dans ma chambre...

Je répète simplement : – Diana vous dit que la bague se trouve dans sa maison, au 2, rue Goldroad, Grandview. Plus précisément, dans le premier tiroir du chevet de nuit de sa chambre.

Todd murmure : – Merci de l'information !

Son visage s'illumine d'une joie radieuse, pour s'assombrir après quelques secondes. Il s'éclaircit la voix puis dit d'un ton sérieux : – Seulement, je me demande comment il serait possible de trouver la bague, alors qu'il est certain que la demeure appartient forcément à un autre propriétaire ?

Je tourne ma tête vers l'esprit, qui me sourit et répond d'une voix qui se veut rassurante : – Ne t'inquiète pas mon enfant... J'agirai sur la propriétaire qui vous la remettra...

Je tourne alors mon regard vers Todd puis répète les propos de sa grand-mère : – Diana affirme qu'elle agira sur la propriétaire afin qu'elle vous remette la bague recherchée...

Je remarque que l'esprit errant disparaît de ma vue.

Je tourne ma tête vers Todd et son épouse, qui me regardent avec curiosité. Je souris puis dis simplement d'un ton neutre : – Diana vient de disparaître... Elle se fait invisible...

Todd, dont un sourire apparaît furtivement sur son visage pendant quelques secondes, me fixe, la bouche entr'ouverte, mais aucun son n'en sort.

Je souris amicalement à notre voisin puis murmure d'un ton enjoué : – Vous saviez ce qu'il vous reste à faire !

Mon interlocuteur hoche la tête. Il ajoute aussitôt d'un air joyeux : – Mais pour l'instant, profitons bien du mariage !

Jim et moi, attendris par la scène, nous nous tenons par la main. Je pense à notre propre journée de mariage... Que de bons souvenirs me reviennent à l'esprit ! Je sors de mes pensées par la voix de Todd. Ce dernier m'annonce d'un ton sérieux : – Cependant, je n'oublierai point la volonté de ma grand-mère et aussitôt la cérémonie terminée, Darlene et moi courrons retrouver la bague. Promis !

L'esprit errant observe discrètement et silencieusement son petit-fils. Je commente simplement d'un air sérieux après m'être raclée la gorge : – Dans tous les cas, votre grand-mère est à vos côtés et vous observe...

Todd, d'un ton neutre, mais presqu'en riant : – Ça m'est égal !

Jim et moi sourions à sa remarque, puis nous nous entr'observons d'un air complice. Diana Darger disparaît de ma vue après quelques secondes. « C'est le signe qu'on doit revenir à la célébration parmi les vivants... Merci de ne pas trop nous déranger ! » pensé-je avec humour. Je serre la main gauche de mon époux pour sortir de mes pensées au sujet de l'esprit errant. Il serre ma main droite.

Après la cérémonie du mariage, une petite fête. Évidemment, je ne bois pas une seule goutte d'alcool. Et Jim me tient compagnie. Seul le nouveau couple se permet un fond de verre de vin blanc. Nous leur tenons compagnie avec nos verres de jus de pomme. « La couleur est presque la même », pensé-je avec humour, le sourire aux lèvres, en serrant la main droite de mon époux, « seulement, attention de ne pas confondre les verres... Je ne voudrai pas prendre une seule goutte d'alcool, car je n'ai quand même pas oublié mon état... »

Une fois la fête terminée, je remarque que Diana Darger est à la droite de Todd et le fixe d'un air impatient, ce qui me fait sourire malgré moi.

Je commente d'une voix chevrotante, car je ris presque de l'impatience de l'âme errante: – Dans tous les cas, votre grand-mère est très impatiente que vous récupérez au plus vite la bague...

Todd maugréé : – J'y vais immédiatement. Melinda, voulez-vous venir avec mon épouse et moi ?

Jim et moi répondons à l'unisson d'un ton enjoué : – Nous venons !

Todd et Stacy/Darlene sourient et s'exclament d'un air enjoué à l'unisson : – Merci beaucoup !

Mon plus beau sourire aux lèvres, je réplique d'une voix neutre: – Je me sens obligée d'être là lorsqu'il est question d'un esprit errant... Puisque je suis la seule qui les voit...

Jim me serre la main droite en signe d'encouragement. Je serre la sienne en retour.

Nous suivons Todd et Stacy/Darlene qui sortent de la mairie et qui marchent tranquillement main dans la main, dans les rues de Grandview. Jim m'enlace par les épaules. Nous marchons d'un pas rapide derrière le nouveau couple. Je remarque que l'esprit errant est à la droite de Todd, ce qui me fait sourire. Je commente simplement : – Dans tous les cas, votre grand-mère vous suit...

Diana opine du chef puis ajoute d'un ton doux malgré sa voix enrouée par l'âge : – Je veux simplement m'assurer de son bonheur...

Je répète d'un ton joyeux : – Diana affirme simplement vouloir s'assurer de votre bonheur...

Todd et Stacy/Darlene se retournent vers moi. Leurs yeux expriment un étonnement qui est pour moi touchant. Puis Todd se rend jusqu'à la maison de sa grand-mère. C'est une maison unifamiliale en pierres, avec un petit jardin à l'avant. Visiblement, c'est une vieille maison bien entretenue. Le marié frappe à la porte et quelques minutes plus tard, une vieille dame l'ouvre. Je la détaille : une femme élégante, vêtue d'une ample robe bleu pâle avec des motifs floraux bleu foncé, d'un fichu bleu clair qui cache ses cheveux. Des lunettes dorées ornent avec élégance ses yeux marron. Elle s'éclaircit la gorge, son regard se promène de Todd à Stacy/Darlene, puis de Jim et à moi. 

Après quelques secondes de silence, elle dit d'un ton calme : – Mesdames et Messieurs, qui cherchez-vous et que voulez-vous ?

Je note immédiatement la présence de Diana Darger derrière notre interlocutrice. Je m'éclaircis à mon tour ma voix puis s'exclame d'un air mi-enjoué mi-sérieux : – Madame, désolée de vous déranger, mais mes amis, mon mari et moi voulons récupérer une bague qui avait appartenu à l'ancienne propriétaire de votre maison, Madame Diana Darger, qui est défunte depuis plusieurs années... Désolée de ne pas m'être présentée... Je m'appelle Melinda Gordon, mon époux est Jim Clancy et mes amis sont Todd Darger et.... Darlene Wilson. Et vous ?

D'un ton sérieux, mon interlocutrice vivante affirme : – Je suis Madame Sandra Prévost. Enchantée de faire votre connaissance !

– De même pour moi !

Les sourcils levés d'étonnement, la femme me regarde par-dessus ses lunettes, mais m'invite à continuer mon explication. Je lui adresse mon plus beau sourire.

Encouragée par la manière dont Jim, Todd et Stacy/Darlene affichent un air sérieux devant notre interlocutrice, je rapporte mon attention vers la dame puis j'ajoute aussitôt d'un ton rassurant et calme : – Madame, soyez-en assurée... Je vous dis la vérité...

Je note la présence de l'esprit errant derrière la vieille femme. Cette dernière, qui affiche pendant quelques secondes une moue dubitative, réplique d'un ton sérieux : – Comment pouvez-vous en être si certaine ?

Toujours le sourire aux lèvres, je réponds simplement : – L'esprit errant qu'est Madame Diana Darger m'a expliqué sa dernière volonté... Vous devez savoir que depuis mon enfance, je vois les esprits errants, et je dois les aider à accomplir leur dernière volonté et à résoudre leur énigme afin qu'ils ne hantent plus le monde des vivants... C'est ainsi qu'au mariage de mon ami, Monsieur Todd Darger, j'ai vu cet esprit errant, qui est sa grand-mère...

Todd s'éclaircit la voix et intervient d'un ton sûr : – Diana est ma grand-mère paternelle...

Je poursuis : – … Et elle qui veut que son petit-fils remet à son épouse sa bague, bague qui se trouve dans le premier tiroir du chevet de nuit dans sa maison, qui est maintenant la vôtre.

Je note la présence de Diana Darger, qui a une mine plissée par la concentration. Je me contrôle pour ne pas sourire, car Sandra pourrait prendre mon attitude comme de la moquerie... Les réactions sont toujours imprévisibles.

Je pense : « Sans doute qu'elle essaie d'agir sur Madame... »

Sandra Prévost me regarde toujours par-dessus ses lunettes, s'exclame : – Et quoi, alors ? Vous pensez que je vous laisserai entrer et fouiller ma chambre ! Que nenni !

Les yeux écarquillés d'étonnement, je balbutie : – Madame, soyez assurée de mes bonnes intentions... Si vous êtes si incrédule, venez nous accompagner... Et une fois que Todd trouvera la bague de sa grand-mère, nous sortirons de votre maison sans plus d'histoires... Ceci vous convient ?

Sandra Prévost promène son regard de moi à Jim, puis à Todd Darger et à son épouse pendant quelques secondes. Au moins, je note la mine un peu fâchée de l'esprit errant, qui se signe puis qui dit : « Mais bon sang ! Madame Prévost ! Je veux simplement m'assurer que Todd ait une descendance ! D'ailleurs, dites-moi qui ne voudrait pas que sa lignée se perpétue ? »

Je détourne mon regard de Diana, fixe mon interlocutrice vivante – qui me regarde avec curiosité et avec surprise par-dessus ses lunettes – m'éclaircis la voix pour ramasser mon courage à deux mains puis répète : – Diana Darger vient de dire qu'elle veut simplement s'assurer que Todd ait une descendance... D'ailleurs, qui ne voudrait pas que sa lignée se perpétue ?

Sandra Prévost baisse ses yeux, fixant le sol. Elle balbutie d'une petite voix : – D'accord, Madame Gordon... Je vous laisse chercher la bague dans ma chambre... Allez-y... Et je vous suis...

Je murmure : – Merci, Madame.

Elle m'ouvre la porte et m'invite, d'un geste de sa main droite, à entrer. Je lâche la main de Jim et je suis Sandra. Je comprends que je dois y aller seule. Je m'encourage en pensant que Jim et nos amis m'attendront à l'extérieur. Je passe le seuil de la porte après Madame Sandra Prévost. Une fois entrée, elle me guide jusqu'à sa chambre. Nous longeons un corridor au mur bleu ciel, à notre droite, l'entrée de la cuisine, une charmante petite pièce avec une grande table en bois de noyer laqué, autour de laquelle se trouvent plusieurs chaises. Je ne me suis pas arrêtée pour compter le nombre de chaises, de sorte que je ne saurai dire leur nombre. À la droite de Sandre se trouve Diana Darger qui affiche un large sourire.

Je commente : – Dans tous les cas, merci, Madame, car Diana Darger est toute aussi contente que moi.

Sandra réplique d'un ton sérieux : – Pour être honnête, c'est la dernière phrase que vous avez rapporté qui m'a décidé à accéder à votre demande, toute bizarre soit-elle. D'ailleurs, je serais assez curieuse de savoir si c'est la vérité, car depuis que j'ai acheté la maison, je n'ai remarqué aucune bague qui traîne dans l'un des tiroirs du chevet de nuit...

En continuant de longer le corridor, je remarque que le parquet est bien laqué et que la maison est bien entretenue. Pas un seul grain de poussière visible. Tout est impeccable. Une odeur agréable flotte dans l'air; je pense : « Hmm... Sans doute de la cuisine... Bien, au moins Madame sait cuisiner... Ça sent bon ! On dirait un gâteau, mais je ne peux pas déterminer lequel... Mais je n'oserai quand même pas lui poser la question... Ce ne sont pas mes affaires ! »

Une fois rendues dans la chambre, une petite pièce contenant un grand lit pour un couple en bois sombre laqué, deux chevets de nuit du même bois sur chacun sur lesquels trône une lampe de bureau vintage et un armoire discret contre le mur, la grand-mère de Todd se manifeste rapidement devant le chevet vers la droite. Je détaille la pièce : le lit est recouvert d'une couverture bleu pâle et les taies d'oreiller sont de couleur blanche. Les murs sont peints en beige clair et le plafond en blanc, ce qui invite au sommeil, pensé-je avec sérieux. Au plafond, un lustre brun moyen y est accroché. Je sors de mes observations par la voix de la propriétaire. En réalité, je sursaute.

Sandra, depuis le cadre de porte, dit d'un ton quelque peu sévère : – Allez-y, Madame ! Je vous observe...

J'opine du chef et je me dirige immédiatement devant le chevet vers la droite, entre le lit et la fenêtre. Cette dernière laisse entrer la lumière du jour, car les rideaux verts moyens sont retenus par une cordelette de même couleur.

Je porte mon attention vers l'esprit errant, qui est à ma droite. Il dit d'une voix claire : – Voulez-vous ouvrir le premier tiroir du chevet ?

J'opine du chef et je tourne rapidement mon regard vers Sandra Prévost, qui me regarde par-dessus ses lunettes, front plissé, peut-être de scepticisme, car j'ai l'impression que je dois me justifier.

Je murmure à l'adresse de la vieille dame : « Madame Diana Darger me dit d'ouvrir le premier tiroir du chevet... »

Sandra hoche lentement de la tête, sans ajouter un seul mot. Je me retourne vers le chevet. Ce dernier est visiblement un vieux meuble qui a longtemps servi. Je pense involontairement : « Un objet d'antiquité intéressant... » Je me raisonne moi-même aussitôt : « Sérieux ! Je suis venue pour régler le cas de Diana Darger, et non pour chercher des objets pour ma boutique d'antiquités ! »

J'ouvre le tiroir d'un geste rapide et je regarde attentivement ce qui s'y trouve : des fils à couture et des morceaux de tissus.

Je pense, gênée : « Mais je ne vais quand même pas commencer à fouiller pour trouver la bague... »

Diana Darger, à ma droite, dit d'un ton calme : « Pourtant, c'est ce qu'il faut faire. »

J'ôte lentement les différents objets qui se trouvent dans le tiroir, en les déposant doucement sur le lit. J'entends Sandra soupirer d'un air exaspéré. En sortant les différents fils, bobines à fils et tissus, je passe ma main droite dans le tiroir pour tâter les recoins. Dans le coin supérieur droit, mes doigts rencontrent un petit objet rectangulaire. Je pense aussitôt, étonnée, les yeux écarquillés de surprise, la bouche légèrement entr'ouverte par la surprise : « Est-ce une boîte à bijoux dans laquelle se trouve la bague tant recherchée ? »

Diana Darger, comme si elle a lu ma pensée, répond d'une voix calme : « Oui, Madame, c'est cette bague que je veux que Todd remet à son épouse. »

Les sourcils levés d'étonnement, je pense : « Comment Madame Prévost ne l'a pas remarqué ? Comment est-ce qu'une boîte à bijoux peut ainsi être cachée pendant des années sans que personne ne la découvre ? »

La grand-mère de Todd me sourit puis disparaît de ma vue. Je soupire et je saisis la boîte à bijoux, que j'ouvre aussitôt, pour m'assurer que l'esprit errant ne s'est pas joué de moi. En effet, une bague en or s'y trouve. Aucun chaton et aucune décoration ne l'orne. Je referme la boîte à bijoux et me retourne vers Sandra, qui est visiblement très étonnée, les sourcils levés, les yeux écarquillés. Un sourire triomphant aux lèvres, je m'exclame : « Voilà ! J'ai trouvé la bague que Madame Diana Darger veut que son petit-fils remet à sa femme ! »

Sandra s'approche de moi pour voir de plus près la boîte à bijoux.

Je continue d'une voix enjouée : « Par ailleurs, vous pouvez me confirmer que cette bague n'est aucunement la vôtre... »

Sandra, les sourcils levés, saisit fermement la boîte à bijoux et l'ouvre avec précaution, comme si elle contenait Dieu-sait-quoi. Elle sort la bague de sa boîte et, en la tenant entre le pouce et l'index de sa main droite, l'observe attentivement. Après l'avoir retournée de tous les côtés, Sandra la remet dans sa boîte, qu'elle referme doucement. Elle me fixe droit dans les yeux, s'éclaircit la gorge puis murmure : – En effet, Madame Gordon, cette bague ne m'appartient point... Pouvez-vous alors m'expliquer comment elle a pu être dans le tiroir de mon chevet sans que je la remarque ?

Je la fixe, aussi étonnée qu'elle. Elle me tend la boîte, que je prends dans ma main droite et que je range rapidement dans mon sac à main (ou plutôt, que je laisse glissée à l'intérieur). Je réponds simplement : – Moi aussi, je me demande bien comment cela est possible... Les esprits sont bien mystérieux... Dans tous les cas, l'essentiel n'est-t-il pas d'avoir trouvé la bague de l'ancienne propriétaire ?

Mon interlocutrice confirme d'un geste positif de tête. Je poursuis, sourire aux lèvres : – Merci, Madame, de m'avoir prise au sérieux et merci de votre collaboration. Et toutes mes excuses pour cette visite imprévue !

Sandra me fixe, tout sourire, et réplique : – Il n'y a pas de quoi, Madame Gordon ! Au moins, je sais qu'il existe des personnes qui peuvent voir des entités que la plupart des gens ne voient pas... Même si je trouve cela difficile à imaginer... Ça doit être troublant, non ?

– Un peu, mais je suis habituée et je sais les distinguer des vivants... C'est une différence, disons, très subtile... Sans doute du fait que ces âmes ne sont pas rattachées à un corps...

– Je ne comprends pas très bien, mais ce n'est pas grave... Merci de l'explication... Pour moi, toute votre explication sonne très... bizarre et fantastique... Mais bon ! Sur ce, maintenant que vous avez trouvé ce que vous cherchez, je ne peux que vous souhaiter de passer une bonne journée à vous, à votre époux et à vos amis.

Émue, je murmure : – Pareillement pour vous, Madame !

Sandra me fait signe de me suivre. Tout à coup, la sonnerie du minuteur interrompt notre conversation. Elle s'exclame d'un ton gêné : – Excusez-moi, Madame Gordon... C'est le temps de cuisson de ma tarte aux pommes qui est fini. Je vous laisse alors sortir sans vous raccompagner...

Tout sourire, je réplique : – Aucun problème !

Et Sandra court rapidement vers sa cuisine. Moi, je me dirige tranquillement vers la sortie. Au passage, je m'arrête devant la cuisine, où la dame place sur un grillage sa tarte. L'odeur alléchante qui sort de cette pièce me fait saliver. Je pense spontanément, les yeux brillants de curiosité : « Ça sent très bon ! Que je voudrai prendre une petite tranche! Je dois sérieusement demander la recette à Madame ! Ça enrichira mon répertoire de desserts... »

Je tousse pour me faire remarquer; Sandra se retourne, les yeux écarquillés. 

Elle s'exclame : – Madame Gordon, on dirait que ma tarte aux pommes vous intéresse... Que voulez-vous ? Une tranche ou une recette ?

D'un ton sûr, je réponds : – La recette...

Je relève ma tête pour soutenir le regard de mon interlocutrice, qui affiche un sourire, les yeux brillants d'une lueur, lueur qu'il m'est difficile à identifier. Est-ce de moquerie ou de joie ? Je ne saurai le dire. Elle réplique d'un ton affable: – Pour la recette, aucun problème... Enfin une jeune dame qui est intéressée par la cuisine ! Pardonnez-moi de ce commentaire...

Je l'interromps en murmurant : – Ce n'est pas grave...

Je pense : « Sans doute parce que Madame n'a pas encore rencontré de jeune femme intéressée par la cuisine... »

Sandra ajoute d'un ton affable : – Pour la recette, je vous la passe... Vous n'aurez qu'à retranscrire de mon livre de recettes...

Elle se dirige vers une petite armoire qu'elle ouvre et referme aussitôt. J'entre dans la cuisine. Elle m'invite, d'un geste de sa main droite, à m'asseoir sur l'une des chaises qui est autour d'une petite table. Je m'y assieds aussitôt. Elle se tient debout, à côté de la chaise sur laquelle je suis assise. Elle commente, tout en tournant les pages de son livre de recettes : – Cette recette de tarte aux pommes, je la tiens de ma mère... Voilà ! C'est celle-là !

Le livre semble être en mauvais état, sans doute très usé par le temps, comme en témoignent ses pages jaunies et cornées. Sa couverture est d'un cuir brun moyen et certaines pages sont détachées.

Sandra me pointe de son index droit l'intertitre « Tartre aux pommes ». Je n'ai pas prêté attention au numéro de la page, car je sors mon petit calepin et mon stylo bleu de mon sac à main en pensant : « Ainsi, je peux dire que ce calepin ne sert pas seulement pour noter les noms des esprits errants qui cherchent mon aide pour passer dans la Lumière... Il sert aussi pour noter des recettes intéressantes ! Avec le temps, il devient polyvalent ! » 


Je tourne les pages recouvertes de mon écriture, pour trouver une page vierge. Je note tous les éléments : les ingrédients, la procédure et le temps de cuisson. Une fois que je finis de griffonner les dernières lettres de la recette, je ferme doucement mon calepin; Sandra fait de même avec son livre de recettes. Je la regarde du coin de l'œil ; dos à moi, elle ouvre l'armoire pour ranger son livre de recettes, puis se retourne vers moi, sourire aux lèvres. Je m'éclaircis la voix, me lève de la chaise sur laquelle je suis assise et la replace plus près de la table.

Je murmure : – Merci, Madame, de votre patience et de votre aide, autant pour régler le cas de l'esprit errant qu'est devenue la grand-mère de mon ami que pour cette jolie recette...

D'un ton chaleureux, Sandra réplique, les yeux brillants de ce que j'interprète comme de la joie : – Il n'y a pas de quoi, Madame Gordon ! Sur ce, passez une bonne journée, vous et les vôtres !

Je réplique d'un ton enjoué, le cœur battant la chamade de joie : – De même pour vous !

Je me dirige vers la porte d'entrée; la vieille femme me suit et me dépasse pour m'ouvrir et pour refermer derrière moi la porte.



À l'entrée, Jim, Todd et Stacy/Darlene m'attendent. Ils me regardent d'un air impatient, comme s'ils disaient : « Et alors ? »

Je souris devant leur air mi-étonné mi-inquiet. Je dis d'un ton joyeux, en sortant rapidement la boîte à bijoux de mon sac à main beige et en la tendant à Todd : – Tout s'est passé sans aucun problème. Voici la bague que votre grand-mère veut que vous remettez à votre épouse.

Todd, la bouche entr'ouverte et les yeux écarquillés, lâche la main de son épouse qu'il tenait, puis prend de sa main droite – dont je remarque qu'elle tremble un peu – la boîte à bijoux. De son autre main, il l'ouvre. Son regard se promène de la bague à moi. Il balbutie : – Comment est-ce possible...

Je l'interromps avec mon plus beau sourire aux lèvres : – Je n'ai pas réponse à tout...

Todd referme la boîte à bijoux, hoche lentement de la tête et la met dans la poche droite de ses pantalons.

Il s'éclaircit la voix puis s'exclame d'un air joyeux : – Merci beaucoup ! Et maintenant, si nous revenons chez nous ?

Stacy/Darlene serre la main droite de son époux; Jim serre ma main droite de sa main gauche, et nous répondons par un signe de tête affirmatif. Et le jeune couple et nous-mêmes revenons chacun chez soi.



Sur le chemin du retour, je remarque, bien évidemment, Diana Darger à la droite de son petit-fils. Je commente : – Dans tous les cas, Todd, ta grand-mère est à ta droite...

L'esprit errant se retourne: il a un sourire aux lèvres. Il dit simplement d'une voix douce : – Merci à vous, Madame Gordon! Que Dieu vous bénisse, vous et vos proches ! Maintenant, il ne manque à Todd qu'à remettre à sa femme la bague...

Je détourne mon regard de l'entité invisible et je répète ses propos : – Ta grand-mère me remercie... Je commenterai à cela que je ne fais que mon travail... Et elle...

Des larmes silencieuses de joie coulent sur mes joues. Jim serre ma main. Je m'empresse de sécher mes larmes du revers de mon autre main. Je continue d'une voix tremblante sous l'effet de l'émotion : – Et elle m'a béni, les miens et moi... Quelle piété ! C'est touchant !

Todd et Stacy/Darlene sourient furtivement. Ils me fixent, comme s'ils attendaient le prochain mot que je prononcerai.

Je m'éclaircis la voix puis ajoute aussitôt : – Et elle a ajouté qu’il ne te manque plus qu'à remettre à ton épouse la bague...

Diana Darger confirme mes propos d'un hochement de la tête et commente : – Plus tôt il la lui donne, plus vite elle sera protégée.

Je répète d'un ton sérieux : – De plus, Diana confirme ce que je viens de dire et elle ajoute que plus vite tu donnes la bague à ta femme, plus vite elle sera protégée.

Todd s'éclaircit la gorge et dit d'une voix grave : – Merci ! Alors, une fois que j'amène mon épouse chez moi, je la lui donne, et ainsi, ma grand-mère pourra partir dans la Lumière, si je comprends bien ce que tu me dis ?

Diana hoche la tête. Je l'imite.

Todd et Stacy/Darlene se retournent. Et le reste du chemin du retour se fait dans le silence. 

Une fois rendus devant notre maison, Jim ouvre la porte et je m'engouffre; il referme la porte derrière lui et la verrouille. Puis nous nous dirigeons tranquillement, main dans la main, jusqu'au salon. Nous nous assoyons l'un à côté de l'autre sur le canapé beige moyen en face de la télévision. Je pense : « Ah ! J'ai oublié de mentionner la recette ! » Je fouille rapidement mon sac à main. Je remarque du coin de l'œil que Jim regarde avec curiosité, les yeux brillants, mes mains délicates fouillées mon sac à main. Je retrouve rapidement mon carnet, je referme le sac que je dépose à ma gauche, je m'éclaircis la voix, tourne les pages. En les tournant, je pense : « Je devrai peut-être en acheter un autre... Celui-là commence à être plein... » Je souris furtivement à cette pensée. Je retrouve la recette de tarte aux pommes que j'ai recopiée. Je tourne mon regard vers mon époux, dont le front est plissé, comme s'il se demandait : « Et quoi alors ? » Je murmure d'une voix enjouée : – En voulant récupérer la bague de Diana Darger, j'ai récolté une recette intéressante... Car Madame... Prévost a mis au four une tarte aux pommes... Comme l'odeur était alléchante, je lui ai demandé la recette, ce qu'elle a accepté de partager avec moi... Dans tous les cas, je vais me coucher moins bête ce soir ! Et j'enrichis mon répertoire culinaire, ce qui est nécessaire à toute bonne épouse et mère... N'est-ce pas ?

Jim m'embrasse sur les lèvres pour toute réponse, ce que j'interprète comme un avis positif. Je lui rends son bisou. Nous demeurons silencieux pendant quelques minutes puis Jim rompt le silence de sa belle voix masculine, qui sonne si joliment à mes oreilles : « Mel, tu es vraiment géniale ! »

Tout à coup, je vois devant la télévision analogique, en face du canapé sur lequel Jim et moi sommes assis, un esprit se manifeste : nul autre que Diana Darger. Cette dernière semble heureuse, étant donné le sourire sur son visage. 

Je la questionne du regard en pensant : « Votre dernière volonté a été accomplie ? »

Je remarque que Jim me jette un regard interrogateur, après avoir observé en vain vers la même direction que moi. Je lève mon index droit pour lui faire comprendre de patienter.

L'esprit errant sourit devant notre attitude puis commente : – Si votre mari est si impatient de savoir la raison de ma visite, dites-le lui... Je reprendrai ensuite la parole...

Je détourne mon regard de l'esprit errant et je tourne légèrement ma tête vers Jim et dis : – Jim, c'est Diana Darger qui vient d'apparaître, sans doute parce que sa dernière volonté a été accomplie...

Mon époux hoche la tête pour confirmer sa compréhension de mes propos.

Je regarde l'esprit errant, tout sourire. D'un air joyeux, la vieille dame ajoute : – Mon petit-fils Todd a officiellement donné, depuis peu, la bague à son épouse. Maintenant, je sais qu'elle est protégée, je pars au Ciel, où le Seigneur jugera de mes actions... Je suis tranquille et une telle sérénité envahit ma poitrine... D'ailleurs... Je vois une lumière... Et mon cher Edward qui me fait des grands signes de ses bras, comme en signe de bienvenue… Mon amour, j’arrive !

Émue jusqu'aux larmes, je l'interromps d'une voix tremblante par l'émotion : – Vous avez compris... Madame, cette lumière... Elle est pour vous... Bon voyage !

Et l'esprit errant disparaît de ma vue. Je soupire de joie en fixant le lieu où il vient de disparaître. Après quelques secondes à fixer le vide, je me retourne vers Jim, m'assied sur ses genoux. Il m'enlace tendrement autour de ma taille. Je me blottis contre lui, mon visage contre son épaule gauche. Je murmure, en séchant contre son complet mes larmes de joie qui coulent silencieusement sur mes joues : – Diana Darger a été le témoin de la remise de la bague de Todd à sa femme... Et elle vient de partir dans la Lumière...

Je renifle pour sécher définitivement mes larmes, puis je m'exclame d'un ton joyeux : – Au moins, Jim, je suis très fière de moi ! Un esprit errant de moins à Grandview !

Jim réplique d'un ton enjoué : – Hmm... Exactement... Tu es simplement géniale ! Comme toujours ! Parce que tu es MA Melinda !

Je commente : – Tout comme tu es mien !

Puis nous éclatons d'un fou rire. Nous nous calmons au bout de quelques minutes. Jim regarde sa montre et murmure à mon oreille droite d'un ton sérieux : – Ma chérie, l'heure est venue de prendre du café et du thé...

Étonnée, je lui demande l'heure : 15 h 00.

D'un bond, je me lève et je file dans la cuisine pour mettre de l'eau dans la bouilloire pour mon thé et l'eau dans la cafetière pour l'expresso de Jim. Je décide de prendre du thé vert. Je place le sachet de thé dans ma tasse. Une fois le café et le thé terminés, je les sucre et je me rends au salon avec les deux tasses. Je dépose la tasse de café devant mon époux, qui me sourit gentiment. Je dépose ma tasse de thé à côté de celle de Jim et je m'assieds à sa droite. Nous buvons en silence.



Évidemment, malgré mon état, je continue à passer dans la boutique d'antiquités, seulement depuis la mi-septembre, lorsque la fatigue en fin de grossesse s'accentue, je laisse la boutique à la charge d'Andrea Moreno. Cette dernière m'envoie ensuite un rapport mensuel par courrier électronique. Cependant, je parviens néanmoins à faire passer dans la Lumière quelques esprits : un certain homme âgé attaché à l'un des meubles (une table basse), car il voulait la remettre à son petit-fils, qui vit dans la ville voisine ; ou encore une jeune dame qui voulait que des papiers que son époux avaient donné à vendre soient simplement brûlés. C'est Jim qui m'aide en faisant un barbecue en juillet. À chaque fois, je suis toujours aussi émue lorsque les âmes errantes partent dans la Lumière. Et c'est mon mari qui doit me réconforter.






23 septembre 2002, 8 h 00.


La date prévue de mon accouchement ! Jim n'a pas de cours et me regarde, aux aguets, prêt à m'amener à l'hôpital.

Je ressens des contractions. Depuis quelques jours, je remarque que je suis très fatiguée et j'ai remarqué que mon ventre est plus bas. Je pense, le cœur battant la chamade de joie : « Enfin, Christopher, tu vas voir le jour ! »

L'accouchement est facile. La sage-femme m'encourage : « Allez, poussez, Madame Gordon ! Vous êtes capable ! »

Je vois du coin de l'œil un esprit se manifester à ma droite : Laurie Gibeau.

Je tourne mon regard vers elle en pensant : « Il y a longtemps que je ne vous ai pas vu ! Merci de venir à moi ! Je suis honorée de votre visite... Que voulez-vous me dire ? » Elle me sourit puis répond : « Madame Gordon, vous devez savoir que vos enfants auront plus de pouvoirs que vous, ils verront des entités que vous ne voyez pas. Et il ne faut pas s'inquiéter de ce don, mais simplement les soutenir. »

Je pense, émue et secouée par une contraction : « Je ne peux pas m'y opposer, si Dieu en décide ainsi... Que Sa Volonté soit faite ! »

La sage-femme commente : – Tout va bien, Madame Gordon ! Ne regardez pas l'horloge...

Je fixe le plafond et je chasse mes pensées de mon esprit pour me concentrer sur le moment présent.

Je ne sais pas exactement le temps exact de la délivrance, mais j'ai le front et le dos mouillés de sueur par l'effort. La sage-femme coupe le cordon ombilical et dépose le bébé sur mon ventre. Je pense : « Il est mignon... Me voilà rassurée... Notre postérité est assurée ! Que Dieu en soit loué ! »

La sage-femme se penche au-dessus de moi et demande d'une voix douce : – Madame Gordon, quel est le prénom de votre fils ?

Je murmure simplement : – Christopher Clancy...

Elle griffonne l'information sur une feuille de papier, sans doute un avis de naissance. Elle s'exclame : – Félicitations, Madame Gordon ! Je vous confirme que Christopher est en bonne santé. Je vous recommande un peu de repos avant de revenir chez vous... C'est votre mari qui sera fier de vous !

Je murmure : – Exactement...


Quelques heures après s'être reposée et le temps que la sage-femme prend les mesures et le poids de Christopher, ce que j'écoute à mi-oreille, car je pense aux propos que m'a dit l'Observatrice, je reviens avec mon bébé entre les bras. Jim m'ouvre galammant la porte et je m'y engouffre. En déposant Christopher dans son berceau dans notre chambre, j'attire mon époux au salon puis murmure : « Jim, je dois te dire quelque chose... »

Les sourcils levés d'étonnement, il me regarde de ses jolis yeux bleus et me fait signe de la main droite à poursuivre.

Je souris et murmure : « L'Observatrice française – dont je me rappelle pas du nom – est venue me dire, alors que j'étais à l'hôpital pour accoucher, que nos enfants verraient des entités que je ne vois pas... Et que nous, en tant que parents, devons les encourager dans le développement de leur don... »

Jim se penche au-dessus de mon oreille gauche et murmure de sa belle voix masculine : 

« Bien sûr, ma chérie... Tu sais que dans tous les cas, nos enfants sont nos enfants, avec ou sans don... Il ne faut pas oublier que chaque don a une utilité... »

Je l'embrasse sur les lèvres, émue jusqu'aux larmes de son soutien indéfectible, en pensant : « Jim, tu es simplement génial ! Comme toujours ! » Il ajoute, en me berçant : « S'il te plaît, Mel, ne pleure pas... »

Je m'empresse de sécher du revers de mes mains mes larmes qui coulent silencieuses sur mes joues. Jim me berce, ce qui me calme au bout de quelques minutes – je ne saurai dire combien, car je n'ai pas regardé sur la montre de mon époux, une montre au bracelet bleu marine qu'il porte toujours à son poignet gauche.





9 décembre 2002, dans notre cuisine, vers 10 h 50.


Je m'occupe de préparer le repas du midi, à savoir des pierogis à la viande. Tout à coup, sans aucun avertissement, des crampes et des nausées m'assaillent. Elles me font penser au début de ma grossesse d'avec Christopher. Je me dis à moi-même : « Suis-je à nouveau enceinte ? Que Dieu soit loué ! Christopher ne sera pas seul ! » Comme Jim a un cours le matin, j'attends avec impatience qu'il revienne à midi pour lui annoncer la bonne nouvelle. Lorsque je l'informe que je suis peut-être encore enceinte, il se lève de sa chaise, s'approche lentement de moi et m'embrasse sur les lèvres d'un baiser passionné. Je lui rends son bisou puis je commente d'un ton enjoué : – Au moins, Christopher aura un petit frère ou une petite sœur !

Jim confirme mes propos d'un signe positif de tête. Tout à coup, Christopher pleure dans son berceau. J'accourt aussitôt auprès de lui. Il est vraiment mignon, dans ses langes. Ses yeux bruns pleurent et sa tête se secoue. Je le prends dans mes bras pour le bercer. Je comprends immédiatement ce qu'il veut. Je m'affaire à ôter ses langes pour changer sa couche. Je pense, faible sourire aux lèvres : « Pour ton premier anniversaire, tu dois apprendre la propreté, Christopher... Car maman n'aime pas les odeurs qui sortent de tes couches... »





23 décembre 2002.

Jim revient de son dernier cours de la session d'automne. Il semble joyeux, ses yeux brillent d'une joie inexplicable. Il m'annonce que nous ne sommes pas les seuls à être parents : la femme de Paul Eastman a accouché, il y a quelques jours, de leur troisième enfant, un garçon prénommé Samuel. Je suis contente pour notre ami policier. Mon époux m'explique que les rumeurs courent vite dans l'hôpital Mercy et dans l'hôpital universitaire de l'Université Rockland (et donc indirectement à l'Université), malgré qu’il ne travaille pas, de sorte que presque toute la ville sait la bonne nouvelle. Que le monde est petit, pensé-je en berçant Christopher dans mes bras.





9 janvier 2003, je me rends auprès de la sage-femme, qui est encore Madame Marie Sauvé. Elle m'accueille avec un grand sourire et des yeux brillants de joie. Je suis aussi contente qu'elle de ma seconde grossesse.




Vers la fin février, Marie Sauvé me confirme au cours de l'examen prénatal le sexe de notre second enfant : un garçon. J'en informe Jim et nous nous entendons rapidement sur le prénom : Jack. Je me suis rendue à l'argument de mon mari : il vaut mieux donner à nos enfants des prénoms anglophones, car nous resterons à Grandview et pour leur éviter les moqueries des autres enfants à l'école. D'ailleurs, moi-même j'ai un prénom à consonance anglophone.



Au cours de ma seconde grossesse, je m'occupe néanmoins minimalement de ma boutique d'antiquités, principalement pour faire passer certains esprits dans la Lumière. Par exemple, le cas d'une certaine Sarah Kohn, morte en vieillesse avancée, qui voulait remettre à sa petite-fille, Myriam Rayden, son talisman de la main de Fatima qui se trouvait alors dans ma boutique d'antiquités. J'ai fait une recherche pour mieux comprendre son histoire. Il a fallu que je sache de quelle petite-fille il était question. Myriam Rayden était la fille aînée de la fille benjamine de l’esprit errant, une certaine Fradla. Myriam était mariée à Simon Rayden depuis plusieurs années. De plus, il a fallu que je retrouve l'adresse de la jeune femme. Je m'empresse de la lui donner en précisant au sujet de mon don. Mes propos sont, heureusement, bien accueillis par mon interlocutrice, une jeune Juive d'à-peu près mon âge aux yeux bruns brillants de curiosité, et la tête voilée cachant ses cheveux. Une fois le talisman remis, je remarque que l'esprit errant est à la droite de sa petite-fille. Il me remercie de mon aide et part dans la Lumière après avoir marmonné des phrases complètes que je ne comprends pas, sans doute en hébreux. Lorsque je rapporte à Jim que le cas de Sarah Kohn est résolu, il m'embrasse sur le front en signe de soutien.


Évidemment, lorsque Jim est au travail ou à l'Université, l'Observatrice veille sur Christopher. Cette garde bienveillante me permet de faire sans faillir les travaux ménagers et la cuisine, sans être sans cesse aux aguets des pleurs de mon fils aîné, car elle m'avertit aussitôt. De plus, Homer se joint à elle. Je pense un peu ironiquement : « Que Dieu me pardonne ! Mais on dira que c'est une superbe manière d'avoir une gardienne d'enfant gratuitement... L'avantage de voir les esprits... »





1er août 2003, 13 h 00.


Enfin la date prévue d'accouchement. Que Dieu soit loué, car tout s'est bien déroulé ! Au moins, j'ai l'impression que la délivrance est plus facile, sans doute du fait qu'il s'agit de ma seconde grossesse. La sage-femme me confirme que Jack est en bonne santé, et je reviens quelques heures plus tard avec le bébé dans ses langes entre mes bras. Jim m'ouvre la porte, car il veille sur Christopher, qui rampe partout au salon depuis un certain temps. Mon mari m'embrasse sur les lèvres et prend Jack dans ses bras, pour le porter dans son berceau, voisin à celui de son frère aîné. Je me rends rapidement au salon, où je trouve en effet mon fils aîné en train de jouer avec son petit camion sur un tapis que nous avons placé derrière le canapé. Je me penche au-dessus de lui et dit en russe : « Christopher, tu as un petit frère, qui s'appelle Jack. » Il interrompt son jeu, me fixe de ses grands yeux bruns, secoue sa petite tête couverte de cheveux bruns. Je pense : « J'ai l'impression de me voir en format masculin... J'espère seulement que Jim ne doute pas de ma fidélité, car je n'ai pas connu un autre homme... J'espère qu'avec le temps, en grandissant, Christopher ressemblera un peu plus à son père... » Je sors de mes pensées par le mot de mon fils aîné : « Quoi ça ? »

Je m'assieds par terre en indien sur le tapis bleu marine, je saisis doucement Christopher par la taille pour le déposer à cheval sur mon genou droit. Évidemment, je le soutiens par-derrière, en appuyant ma main droite sur son dos et en tenant sa main droite de ma main gauche. Je répète, en prononçant lentement chaque mot : « Tu as un petit frère. Il s'appelle Jack. Les cigognes l'ont apporté aujourd'hui. »

Il hoche la tête, puis ajoute : « Où ? »

Je souris à sa question, le soulève dans mes bras, me relève, puis me rends avec lui auprès du berceau de Jack. Christopher regarde, ses yeux bruns encore plus agrandis, mais lorsqu'il tend sa petite main droite vers son frère, je le retiens en m'éloignant du berceau pour revenir au salon, où je le dépose sur le tapis. Il me regarde de ses grands yeux bruns, comme s'il me suppliait de revenir voir son jeune frère. Je lui réponds d'un signe négatif de tête. Moue renfrognée au visage, il revient à ses jeux.

Je m'approche de Jim, qui se tient dans le cadre de la porte du salon et je lui serre la main gauche de ma main droite en soupirant. Je pense : « Nos enfants sont vraiment adorables ! » Jim se penche au-dessus de mon oreille et murmure : « Mel, je pense que je devrais me castrer... Avec deux enfants, c'est suffisant, non ? » Je lâche sa main pour le taper doucement sur l'épaule, en lui répliquant à mi-voix : « Ne raconte pas de bêtise ! »



Je suis vraiment contente et comblée. Enfin nos vœux d'être parents ont été exaucés ! Que le Seigneur en soit remercié !










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