Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 8 : Histoires de famille et d'autres âmes

5226 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/02/2024 13:23





9 avril 2001, 9 h 00.


Je suis dans mon salon, révisant pour mon examen de conduite. Depuis un certain temps, j'ai laissé de côté mes notes de cours. Allez ! Je veux réussir mon cours de conduite ! Il est vrai que ce n'était pas à l'hôpital que j'avais l'envie de réviser... Au moins, je comprends les avertissements des Esprits Observateurs et de mon père... J'essaie de rattraper le temps perdu, malgré que je sais que ce soit impossible... Je ne suis pas Marcel Proust pour écrire un roman... Décidément, certains écrivains salissent du papier plus que rien d’autres ! Je n'aurai qu'à être plus vigilante en la présence de Carl Neely.

Jim a congé et est assis en face de moi. Il me regarde de ses jolis yeux bleus, tout en cherchant des idées pour son histoire L'Égypte vue par un ambulancier. Il écrit lorsque l'inspiration lui vient, parfois entre deux interventions dans le salon du personnel (pour faire changement des jeux de cartes avec ses collègues ou du visionnement d'un stupide film de réanimation cardiaque vu plusieurs fois). C'est pourquoi il a un cahier et un crayon à la main. C'est son moyen d'être mon soutien psychologique. Je fais des efforts pour me concentrer sur mes notes. Merci, Jim, d'être mon soutien, pourvu que tu ne me déconcentres pas dans mes révisions !

Tout à coup, un esprit errant se manifeste devant moi. Je le reconnais immédiatement : grand-père Jarosław.

Étonnée, je ferme mon cahier de notes, que je dépose sur mes genoux.

Je lui dis en polonais : – Grand-père, qu'attends-tu de moi ?

Jarosław me sourit et répond dans la même langue : – Je veux que tu récupères le collier de ma chère Elena, pour te protéger... Surtout depuis le dernier attentat dont tu étais victime... Et j'ai un autre souhait : remarquant la compétence de ton mari, je l'encourage à devenir docteur. Je le considère comme mon égal. Il serait dommage qu'il reste ambulancier jusqu'à sa retraite ! Je voudrais bien que votre ville profite de son talent !

Je dis : – Je lui dirai !

Puis l'esprit errant de mon grand-père maternel disparaît de ma vue.

Jim me regarde d'un air étonné, n'ayant rien compris de mes propos. La seule chose qu'il a compris, c'est que j'ai été en conversation avec un esprit errant en polonais. Je lui souris et je rapporte les propos de Jarosław en russe.

Jim commente sur un ton joyeux : – Ça sent une réorientation de carrière ! Je me renseignerai sur les critères d'admission, les frais de scolarité et la durée des études avant de me décider sérieusement à entreprendre des études en médecine...

Je souris devant son aspect pratique et lui dis : – Va à ma boutique, voici la clé !

Je lui remets mon trousseau de clés, parmi lesquelles figure celle de la boutique. Il s'empare du trousseau, m'embrasse sur les lèvres et sort de la maison. Il revient trente minutes plus tard. Il m'embrasse sur le seuil de la porte d'entrée. Je lui rends son bisou. Nous nous rendons main dans la main au salon. Retour à nos places initiales.

Je lui demande timidement : – Et alors ?

Jim jette un coup d'œil sur une feuille de papier sur laquelle il a pris des notes éparses et dit d'un ton sûr : – Et bien, les critères d'admission sont les suivants, à savoir de posséder une formation de niveau collégial (ce que j'ai avec ma formation d'ambulancier) ; d'avoir une formation de science de base (ce que j'ai en ayant suivi au cours de mes études un cours de microbiologie en milieu hospitalier ; au besoin, je relirai mes notes de cours) ; et une bonne moyenne académique, ce qui n'est pas un problème. De sorte qu'il faudrait seulement que je passe l'examen médical d'admission et que j'écrive une courte notice autobiographique sur mes compétences et une lettre de recommandation... Ensuite, il y a une entrevue obligatoire avant d'être admis au programme... Les frais d'admission sont de cent vingt-cinq dollars. Quant à la durée des études, elle est d'environ sept ans (pour être docteur de famille), voire entre huit et onze ans dans le cas d'une spécialisation... Les frais d'études s’élèvent à approximativement 15 000 dollars... Tu comprends, Mel, que j'hésite à me lancer dans des études, surtout que je me demande comment il est possible de conjuguer études et travail...

Je murmure : – Je comprends, Jim, ton hésitation... Mais n'oublie pas que j'ai un revenu de ma boutique d'antiquités...

– Oui, mais cette source de revenu est secondaire... D'ailleurs, je trouve que c'est assez mal vu qu'une femme entretienne son mari...

– Je comprends...

– Je sais que dans tous les cas, tu me soutiendras dans mon choix ! Mais pour l'instant, laisse-moi écrire mon histoire ! Elle n'avancera pas si tu me déconcentres ! D'ailleurs, révise bien tes notes, car je ne veux pas que tu échoues à ton cours de conduite !

– D'accord ! Je vais te montrer que je suis sérieuse dans mes études ! D'ailleurs, j'étais une bonne élève !

Et je prends mon cahier de notes, fausse mine renfrognée au visage, je me lève du canapé sur lequel j'étais auparavant assise, puis je m'installe dans la cuisine pour réviser. Cependant, je me déconcentre au bout de quelques minutes, car je retourne dans ma tête tous les moyens possibles pour obtenir le collier de grand-mère Elena. « J'ai trouvé ! », pensé-je, tout à coup illuminée, « je demanderai à mère si elle peut me le ramener... Je m'éviterai ainsi un voyage en Pologne... » Contente de mon idée, je révise sérieusement mes notes de cours. J'entends Jim griffonner dans son cahier. Ce petit bruit discret est comme une douce musique...

Après une heure de révision, je reviens au salon et je dis : – Jim, j'ai trouvé ! Pour avoir le collier de grand-mère Elena, je demanderai à ma mère de me le ramener... Grand-mère est encore vivante, à ma connaissance... Elle peut alors très bien l'envoyer par la poste, non ?

– Je pense bien que oui...

– Et bien ! J'appelle maintenant ma mère !

Je me précipite sur le téléphone et je compose fébrilement le numéro de mes parents. Je tombe sur le répondeur. Déçue, je pense : « Peut-être que mère est au travail... De même pour père... » Je laisse alors le message suivant en polonais : « Maman, c'est Melinda. Simplement pour te dire que je voudrais discuter avec toi à propos de Jarosław. Rappelle-moi dès que tu as le temps ! Merci et bonne journée à toi ! »

Je raccroche le téléphone. Remarquant l'heure qu'il est, je commente : « Maintenant que c'est fait, je reviens un peu à mes révisions puis nous mangerons nos pierogis à la viande. » Jim approuve mes propos en opinant du chef.

Après le repas, nous faisons la vaisselle. Comme le temps est merveilleusement ensoleillé, Jim me propose une promenade romantique au parc. J'accepte sa proposition. Nous nous promenons main dans la main, avec nos lunettes de soleil sur le nez. Je remarque Homer à ma droite. Il nous suit, comme s'il veillait sur nous. Je pense : « Drôle de manière d'avoir un animal de compagnie sans avoir à s'occuper de lui ! »

Je murmure à Jim : « Homer est là... Il se comporte comme s'il était vivant... »

Mon époux sourit à mon commentaire, comme s'il essayait d'imaginer ce que je voyais.

Tout à coup, le chien-esprit jappe furieusement devant une silhouette noire avec un chapeau à large bord. « Sans doute un esprit maléfique », pensé-je en me signant. Et l'esprit disparaît aussitôt de ma vue. Jim et moi continuons notre promenade. Je remarque, dans l'ombre, près d'une bâtisse, la même silhouette sombre apparaître. Homer montre les crocs vers ce sombre esprit, de sorte que je pousse légèrement Jim afin que nous dévions notre trajectoire. Je lui dis en russe que Homer semble montrer une méfiance envers un esprit. Nous décidons alors de revenir rapidement chez nous. Une fois au salon, je lui décris l'esprit rencontré.

Je commente : – Il semblerait que l'esprit brièvement aperçu est maléfique... Un démon ! Que Dieu nous protège de lui !

Je termine mes propos en pleurant. Jim m'enlace pour me rassurer et me berce doucement.

Après quelques minutes, je me calme enfin. Je le remercie pour son soutien indéfectible puis j'ajoute aussitôt : « Peut-être que ma mère a répondu à mon appel... Je vais voir de ce pas ! »

Je m'approche du téléphone et je remarque que ma mère a appelé entre-temps, de sorte que Jim et moi écoutons le message qu'elle a laissé : « C'est Elizabeth. Mel, j'ai reçu ton message. Je peux te rencontrer cet après-midi ou demain matin. Merci et bonne journée à toi! » Je rappelle aussitôt et nous convenons de nous rencontrer à l'instant. Je le dis à mon époux. Nous filons alors jusqu'à la maison de mes parents, où ma mère nous accueille chaleureusement. Je lui rapporte la dernière volonté de mon grand-père. Par ailleurs, ce dernier confirme mes propos d'un mouvement de tête positif. Ceci nous fait sourire, ma mère et moi. Elle m'assure qu'elle contactera Elena pour savoir s'il est possible de lui envoyer le collier, puis qu'elle m'informera dès qu'elle en aura des nouvelles. Jim et moi la remercions de sa précieuse collaboration et nous retournons dans notre maison.




10 avril 2001, 8 h 00.

Je suis au marché de Grandview. Un esprit errant apparaît en face de moi et m'observe. Un homme vers la soixantaine, vêtu d'un complet beige avec chemise blanche. Des lunettes rondes en or trônent sur son nez. Il me regarde d'un air bienveillant, ses yeux bleus brillent d'une gentillesse qui inspire confiance. Je pense : « Monsieur doit être un ancêtre de Jim... Je trouve qu'il a un air de famille... »

L'esprit errant, comme s'il a lu ma pensée, dit : – En effet, je suis Samuel Clancy, le grand-père paternel de Jim.

– Que voulez-vous ?

– Que Jim récupère ma bague prophylactique et qu'il sache certaines choses au sujet de la famille. Voulez-vous le lui dire ?

– Oui, bien sûr !

L'esprit hoche la tête puis disparaît de ma vue. Moi, je fais mes commissions puis je reviens chez moi.

Comme Jim est au travail, j'attends qu'il revienne en après-midi pour l'informer de la volonté de son grand-père. Il m'écoute attentivement et dit : – J'ai en effet entendu de mon père l'histoire de la bague de Samuel...

Je remarque qu'Aiden apparaît à la droite de mon époux, la mine sérieuse.

Je commente : – Jim, ton père est à ta droite.

Un sourire s'affiche pendant une fraction de seconde sur les lèvres de Jim. Il dit : – Merci, père, mais je n'ai pas oublié cette histoire... Il s'agit de la bague en or avec un chaton sur lequel est gravé un cercle.

Je vois Aiden approuver les propos de son fils d'un mouvement de sa tête. Je hoche à mon tour la tête pour faire savoir à mon mari la confirmation de son père.

Jim continue son explication : – Et il semblerait qu'elle protège son porteur... Il semblerait aussi que mon oncle, David, en tant qu'aîné, l'a obtenu en héritage... Quant à l'histoire de la famille, je ne comprends pas l'allusion...

Mon beau-père, Aiden Clancy, intervient, ses yeux lancent des éclairs : – La malédiction ! Qu'elle se retourne contre le sorcier !

Je pense, les yeux agrandis par la peur : « Que Dieu nous protège ! »

Puis l'esprit errant disparaît de ma vue. Je rapporte ses propos à mon époux. Nous sommes tous les deux perplexes. Quelle est cette histoire de la malédiction des Clancy ? Dans tous les cas, je suis très inquiète pour Jim et mon cœur bat la chamade.



Le lendemain, Jim a congé. Nous en profitons alors pour nous renseigner au sujet de la bague de Samuel Clancy. Mon époux téléphone à son frère pour obtenir le numéro de téléphone et l'adresse de son oncle. Et Jim téléphone ensuite directement à son oncle, David, qui, selon ce qu'il me rapporte, vit à Longview depuis quelques années.

Comme je me tiens à côté de Jim, assise sur une chaise près du téléphone, je remarque qu'Aiden est à la droite de mon époux. L'esprit errant dit : « C'est mon frère qui a la bague de notre père... »

Je murmure à Jim : – Ton père confirme que c'est son propre frère qui a la bague de ton grand-père paternel...

Jim, au téléphone : – Bonjour, David ! C'est Jim ! Simplement pour savoir si tu sais qui a la bague de Samuel ? C'est une demande expresse de Samuel lui-même, car ma femme voit les esprits errants, comme tu le sais sans doute ... Oui... Merci de l'information ! Je passerai dans dix ou quinze minutes pour la récupérer !

Jim raccroche le téléphone puis me dit : – Mel, mon grand-père Samuel ne s'est pas trompé ! C'est bel et bien mon oncle qui a la bague dans le tiroir de son chevet. Et il accepte de me la donner... Je me rends alors directement chez lui ! ... Mel, viendras-tu avec moi ?

Je hoche la tête pour toute réponse. Nous nous installons dans sa voiture, lui en tant que conducteur, moi en tant que co-conductrice. Nous nous rendons devant une petite maison en bois, sans aucun jardin à l'avant. Seules quelques marches conduisent à la porte d'entrée.

David Clancy nous ouvre la porte. Il est un homme âgé vers la soixantaine, aux cheveux bruns clairs parsemés de quelques mèches grises et aux yeux bleus si caractéristiques de sa famille. Il est vêtu d'un complet bleu et d'une chemise blanche. Jim me présente à lui. Son oncle nous accueille dans son salon, une vaste pièce bien éclairée par la lumière du jour qui provient d'une grande fenêtre. Une petite table rectangulaire en bois trône au centre, entourée de deux canapés. David nous invite d'un geste de la main, à s'asseoir sur l'un des canapés. Je remarque qu'il est encadré de deux esprits errants, qui présentent un lien de parenté, étant donné leur air de famille. Le premier, à sa droite, est un jeune homme vers la vingtaine, vêtu d'un complet brun et d'une chemise bleu clair. L'autre esprit errant est celui d'une jeune femme aussi vers la vingtaine vêtue d'une robe blanche avec des motifs floraux. « Au moins, » pensé-je, « aucune trace de mort violente pour ces deux esprits... Ce qui est bien... »

David Clancy dit à mon époux : – Ainsi, Jim, tu es marié à une femme qui voit les esprits errants. Et tu recherches la bague de Samuel ?

Jim, d'un ton sûr, répond : – Exactement.

Je confirme les propos de mon mari d’un geste de la tête. J'ajoute aussitôt : – Monsieur David Clancy, c'est un don particulier que j'ai depuis mon enfance... Mais, concernant le cas qui nous intéresse, j'ai reçu la visite de votre frère Samuel hier alors que j'étais au marché de Grandview. Il m'a dit qu'il veut que Jim récupère sa bague et qu'il sache certaines choses au sujet de la famille... J'ignore ce dont il s'agit, mais Aiden dit qu'il est question d'une malédiction... Que savez-vous à ce sujet ?

David Clancy est silencieux pendant quelques minutes, mine sérieuse, comme s'il réfléchit. Les minutes semblent longues pour Jim, les deux esprits et moi. Après quelques minutes de silence, il dit d'une voix calme : – Cette histoire de malédiction de famille est une histoire que j'ai vaguement entendue de mon propre père, Andy... Il semblerait que c'est un Tchèque qui l'aurait maudit... Désolé, ma mémoire me fait défaut, car c'était un sujet très délicat...

Jim réplique d'un ton posé : – Ce n'est pas grave... Je tenterai de résoudre cette histoire avant qu'il soit trop tard...

L'esprit errant masculin dit d'un ton grave : – Il le sait... Seulement, il ne veut pas appeler le malheur sur Jim...

Je commente : – Excusez-moi, Monsieur David Clancy mais un esprit errant, celui d'un jeune homme vêtu d'un complet brun et d'une chemise bleu clair affirme que vous le saviez, seulement, vous ne voulez pas appeler le malheur sur Jim.

Les yeux exprimant l'étonnement, l'oncle de mon mari dit : – Comme quoi les esprits lisent les pensées... Simplement, cette malédiction est terrible...

À ce moment, je remarque que Samuel Clancy vient d'apparaître aux côtés de David. Les deux autres esprits errants le saluent et ils s'enlacent fraternellement.

David Clancy se racle la gorge et dit d'un ton sévère : – Dans tous les cas, Melinda, la description de l'esprit errant correspond à celle de mon oncle Andrew, mort en 1942 à l'âge de vingt-cinq ans...

Je pense : « Comme le destin peut être cruel ! »

Samuel Clancy commente : – En vérité, Madame, vous devez savoir que je suis le seul de la fratrie à avoir une longévité exceptionnelle... Ceci s'explique, à mon avis, par cette malédiction que le sorcier tchèque a lancé sur mon père... Voilà pourquoi mon frère Andrew et ma sœur Mary sont morts...

Je me signe en pensant : « Que Dieu nous protège ! »

Andrew et Mary Clancy, les deux esprits qui encadrent l'oncle de Jim, disent à l'unisson : – Désolé, Madame...

Je réplique : – Madame Melinda Gordon.

Andrew et Mary Clancy : – ... de ne pas s'être présentés...

– Ce n'est pas grave, puisque Samuel a fait les présentations...

Je dis à Jim et à David, qui me regardent d'un air curieux et insistant, comme s'ils voulaient savoir ce qui a été dit :

– C'est simplement Samuel qui me présente son frère et sa sœur, tous les deux victimes d'une malédiction d'un sorcier tchèque... Et il précise qu'il est le seul à avoir une longévité exceptionnelle...

Mon mari et son oncle détournent leur regard du mien. Je saisis pendant une fraction de seconde qu'ils sont touchés par ces paroles. Voyant leur malaise silencieux, je m'excuse timidement et j'enlace le bras gauche de Jim.

Son oncle réplique : – Ne soyez pas désolée, Madame... Vous ne faites que nous transmettre les propos des esprits qui m'entourent... Je peux seulement m'encourager du fait que je ne les vois pas... Mais, ça va, j'ai compris que je ne dois pas taire la question de la malédiction de notre famille... Il semble qu'un redoutable sorcier tchèque aux yeux gris avait, selon la légende familiale, jeté un sort sur mon grand-père, Andy, en 1920. Il le maudit en disant, et que Dieu nous protège de sa terrible réalisation, de n'avoir aucune descendance... Depuis, il y avait eu des accidents bizarres : mon oncle et ma tante, Andrew et Mary, sont morts à l'âge de vingt-cinq ans... Andrew est mort lors d'une explosion de gaz à Grandview; Mary, elle, meurt d'une crise cardiaque... Et nous remarquons...

Samuel Clancy complète la phrase : – ... que la malédiction frappe les benjamins de la famille... C'est pourquoi je pense qu'il est important que Jim ait ma bague.

Je commente : – Désolé de vous interrompre, Monsieur, mais Samuel dit que la malédiction semble frapper les benjamins de la famille, d'où l'importance que Jim ait la bague...

David : – D'accord, je me rends à votre avis ! Jim, je te donne immédiatement la bague de Samuel !

Il se lève du canapé sur lequel il est assis puis sort du salon. Il revient quelques minutes plus tard avec une boîte à bijoux, qu'il dépose sur la table. Jim la prend et l'ouvre : une vieille bague en or avec un chaton sur lequel est gravé un cercle. Mon époux sourit et la met sur son annulaire droit.

Je dis : – Monsieur David Clancy, puis-je vous poser une question ?

L'interpellé, d'un regard de dessus, dit d'un ton neutre : – Bien sûr que oui...

D'un ton sûr, je demande : – Et bien... Connaissez-vous l'identité du mystérieux sorcier tchèque ?

– Je l'ignore.

Samuel, Andrew et Mary répondent à l'unisson: – Nous l'ignorons aussi ! C'est pourquoi nous sommes encore ici, pour se venger sur les descendants... Sauf que nous avons perdu la trace du salaud...

Je commente : – Et Samuel, Andrew et Mary l'ignorent aussi... C'est pourquoi ils errent encore parmi les vivants, afin de se venger, en poursuivant les descendants de cet homme... Sauf qu'ils ont perdu la trace de, pour les citer, « ce salaud »...

David : – Dans ce cas, la seule chose que je peux vous souhaiter, c'est de trouver d'une manière ou d'une autre l'identité du Tchèque... Mais pour ne pas terminer notre rencontre avec une si triste histoire, puis-je demander des nouvelles de mon neveu ?

Jim répond d'une voix calme : – À part mon mariage le 27 mai dernier, ce qui fait presque un an, aucune autre nouvelle... Pour les enfants, il faudra encore un peu de patience...

– Merci beaucoup, Jim, de cette visite ! Et passe une bonne journée avec ta femme !

Jim et moi répliquons à l'unisson : – Bonne journée à vous aussi !

Je remarque que les trois esprits errants ont disparu de ma vue. Jim et moi sortons, contents de la tournure de la rencontre. Nous revenons dans notre maison. Le soir est tranquille.




13 avril 2001, 8 h 15.

Je suis au marché de Grandview, où je regarde les produits sur les étalages. Tout à coup, une apparition à ma gauche attire mon attention. Étonnée, je la détaille : aucun doute, c'est l'âme de Carl Neely, vêtue d'un complet gris, d'une chemise blanche et de souliers noirs. J'ai la chair de poule à sa vue. Elle me rappelle sa tentative d'assassinat du mois dernier. Je pense : « Comment son âme peut-elle être loin de son corps ? Pourtant, il est encore vivant... Car ce n'est clairement pas une bilocalisation ou que sais-je encore... Je dois demander des explications... »

Homer apparaît entre moi et l'âme du policier. Celle-ci me sourit puis disparaît de ma vue. « Carl Neely le meurtrier ne semble pas apprécier Homer... » pensé-je. Je fais mes commissions, perplexe. Lorsque je me dirige avec mes sacs bien remplis jusqu'à chez moi, je remarque du coin de l'œil l'âme du jeune policier se promener dans le parc de la ville. L'ignorant, je continue ma route. Jim m'aide à ranger les commissions. Ensuite, je lui explique la rencontre que j'ai eu... Je trouve qu'elle n'augure rien de bon... Mon époux me berce doucement pour me rassurer. Une fois calmée, car je commence presqu'à pleurer, je me lève des genoux de Jim, sur lesquels j'étais assise, pour m'affairer dans la cuisine. En après-midi, il travaille, de sorte que j'ai fait la vaisselle seule. Puis je passe dans la boutique d'antiquités pour m'assurer que tout va bien. Je salue Andrea Moreno au passage. Je remarque l'esprit en noir à l'extérieur de la boutique alors que je suis derrière la caisse. Homer, devant la porte, montre furieusement les dents sur lui... Le mystérieux esprit disparaît alors de ma vue. Rassurée, je remercie mentalement le chien-esprit de son aide. Il jappe de joie et disparaît de ma vue.




15 avril 2001, 9 h 00.

Je suis au salon, face à Jim en recherche d'idées pour son récit. Moi, je tricote, pour me changer les idées de ces histoires bizarres d'esprits, qui me laissent très perplexe et inquiète. Je vois l'Esprit Observateur Jean Bude de Guébriant déposer une feuille de papier sur la table basse, de manière à ce que je puisse lire le message. Intriguée, j’approche la feuille vers moi. Voici le message :

« Foy racine est de tous nos biens.

Sans racine arbre ne vault rien

et foy racine est de tous biens.

Foy est de tous biens fondement, »1


Je soupire puis je dis à mon mari : « Jim, voilà que notre ami Observateur vient de laisser un autre message, probablement au sujet de Carl Neely... »

Jim hoche discrètement la tête pour me faire comprendre qu'il a compris ce que je viens de dire. Je me lève et je téléphone au professeur Richard Payne, afin de savoir s'il est disponible maintenant pour discuter à propos d'un message. Heureusement qu'il accepte de me recevoir. Une fois les téléphones raccrochés, j'en informe Jim, prends ma veste et mes clés et me dirige tranquillement vers l'Université Rockland, où je repère le Département d'Anthropologie puis le bureau de mon ami le professeur.

Richard Payne, après avoir lu la feuille que je lui ai montrée, me fournit la traduction du message de l'Esprit Observateur. La voici :

« La foi est la racine de tous nos biens.

Sans les racines, l'arbre ne vaut rien

et la foi est la racine de tous les biens.

La foi est le fondement de tous bien. »

Le professeur, en ôtant ses lunettes de son nez, dit pour seul commentaire : – Il s'agit d'un extrait des Livret-proverbes pour écoliers de Jean Gerson. Visiblement, il s'agit d'un individu sans foi ni loi... Et que votre esprit prend l'individu pour un mauvais gamin...

Je m'exclame avec amertume : – C'est Carl Neely !

Les sourcils levés : – Le policier aux yeux gris ?

– Oui ! D'ailleurs, j'ai failli mourir il y a un mois...

– Mais, Dieu soit loué, vous êtes vivante !

– Oui, vous avez raison ! Que je reviens à ce que je voulais dire...

– Je vous écoute...

– Et bien, j'ai remarqué, il y a quelques jours, l'âme de Carl Neely, mais elle n'est pas encore errante... De sorte que je me demande bien qui est dans son corps pendant ce temps-là... Auriez-vous une piste de réflexion à me suggérer ?

Le professeur, une lueur d'inquiétude dans les yeux, remet ses lunettes sur son nez. Il se gratte la tête avec nervosité. Il passe ses doigts fins dans ses cheveux pendant quelques minutes. Il dit d'une voix calme : – Madame Gordon, pour être honnête, je pense que Carl Neely est possédé... Car selon les primitifs, la possession implique que l'âme quitte temporairement le corps pour laisser la place à une autre âme, généralement d'un défunt, volontairement ou non... D'ailleurs, ce policier est comme Wilhelm Richard Wagner...

Devant ma moue sceptique, le professeur sourit puis continue son explication : – ... le chef d'orchestre, écrivain et directeur de théâtre allemand, né le 22 mai 1813 et mort le 13 février 1883... Wagner avait, semble-t-il les yeux gris, comme le policier Carl Neely...

Je pense : « Où veut-il en venir avec ce rapprochement ? »

Devant mon expression d'étonnement, mon ami le professeur poursuit son explication : – Et il a connu deux mariages, le premier avec Christine Wilhelmine Planner, le second avec Francesca Gaetana Cosima Liszt...

Je dis d'une petite voix : – Carl Neely aussi a connu deux mariages, l'un avec une Arabe, l'autre avec une Française...

– Vous voyez, Madame Melinda Gordon, que mon parallèle fait du sens ! De plus, le père de Wilhelm Richard Wagner, prénommé Carl Friedrich, était un greffier de la police municipale de Leipzig, tandis que pour nous, c'est Carl Neely qui est policier... Pourtant, ils ont un prénom en commun et sont rattachés à la police... Mais revenons à Richard Wagner... Il semblerait, selon les commentateurs, que ses opéras étaient des rituels pour ensorceler le public... Autrement dit, un sorcier sous le couvert de l'art...

Je pense : « Est-ce là un rapport avec le sorcier Tchèque qui a maudit la famille de mon mari ? Pourtant, Carl Neely ne peut pas être vivant au temps de l'arrière-grand-père de Jim... Mais je ne comprends toujours pas son rapport avec la Tchéquie... »

Richard Payne poursuit son explication : – ... Il a écrit plusieurs opéras, dont Der Ring des Nibelungen... Euh, désolé... L'Anneau du Nibelung, entre 1849 et 1876... Je ne vais pas vous énumérer toute la liste de ses œuvres musicales... Vous comprenez où je veux en venir ?

Moue dubitative au visage, je réplique : – Pas tout à fait...

Richard Payne, sourire triomphant aux lèvres, inspire profondément, boit un peu d'eau qui se trouve dans un verre qui traîne sur son bureau, puis dit : – C'est très simple, Madame Gordon ! Ces deux hommes, je veux dire Richard Wagner et Carl Neely, ont plusieurs points communs, à savoir les yeux gris, la police, et peut-être l'occultisme...

– Je comprends, dis-je en notant sur une feuille de mon calepin sa conclusion. Merci, Monsieur le professeur de votre réflexion !

– Merci à vous, Madame Gordon ! Avec vous, j'ai l'impression que mon savoir n'est pas inutile ! Sur ces belles paroles, passez une bonne journée !

– Pareillement pour vous !

Je sors de son bureau encore plus perplexe que lorsque j'y suis entrée. Sur le chemin du retour, je récite mentalement une prière à la Vierge. Une fois le seuil de ma maison franchi, je résume à Jim les propos échangés avec Richard Payne. Il me conseille de prendre au sérieux ses conclusions.




17 avril 2001, 11 h 30.

Jim et moi sommes attablés. Au menu, des pelmani. Tout à coup, le téléphone sonne. Je dépose doucement ma fourchette dans mon assiette, me lève puis jette un coup d'œil au numéro entrant : celui de mes parents. Je saisis l'appareil puis dis : – Bonjour !

Ma mère répond : – Mel, c'est pour te dire que je viens de recevoir le collier d'Elena...

– J'arrive dans une heure, le temps de terminer mon repas et de faire la vaisselle !

– Désolé ! Prends ton temps.... Je t'attends !

Après la vaisselle, je me rends chez ma mère. Cette dernière m'accueille au salon. Elle dépose sur la table basse un collier en or. Ce dernier est un simple collier sans pendentif. Je la remercie de sa collaboration. À ce moment, je vois que mon grand-père maternel apparaît à ma droite. Ma mère et moi le regardons, suspendues à ses lèvres. Il dit, le sourire aux lèvres : « Très bien, Melinda... Il ne manque plus qu'à convaincre ton mari de devenir docteur ! » Puis il disparaît de notre vue. Je remercie ma mère de son aide et elle m'aide à mettre le collier autour de mon cou. Puis je reviens chez moi.

Lorsque Jim revient du travail, je lui résume ma rencontre avec ma mère et lui rappelle gentiment de songer à s'inscrire à la faculté de médecine de l'Université Rockland. Il me répond simplement : « Mel, tu sais que je ne vais pas te résister... Mais pour l'instant, laisse-moi avec cette histoire... Disons... que j'ai meilleur à te proposer... » Il me fait un clin d'œil complice et me saisit la main droite et nous nous rendons dans notre chambre, à l'étage.








1 Jean Gerson, Livret-proverbes pour écoliers, dans Œuvres complètes, volume VII, L'œuvre française (292-339), introduction, texte et notes par Mgr Glorieux, Paris, Desclée & Cie, 1966, p. 368.



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