Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 9 : Madame la professeur

4051 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 31/01/2024 00:18



2 mars 2001, 13h.

Jim et moi nous promenons main dans la main dans le parc de la ville. Chemin faisant, je vois un homme assis sur un banc du parc. Il nous salue d'un air familier. « Bonjour, Jim et Melinda ! » Nous nous retournons : le professeur Richard Payne. Nous l'avons reconnu par sa voix. Tellement bizarre de le voir en tenue de jogging sous son manteau classique déboutonné, alors que nous ne le voyons qu'en complet... Nous répliquons à l'unisson : « Bonjour, Monsieur le professeur Richard Payne ! »

Nous nous approchons du banc où il se trouve; je remarque qu'un esprit errant est assis à sa droite : une femme vers la trentaine, aux yeux et aux cheveux noirs, vêtue d'un complet noir et chemise blanche qui accentue sa silhouette féminine. Ses cheveux sont libres sur ses épaules et son dos.

Je dis : – En tout cas, Monsieur le professeur, vous n'êtes pas seul...

Étonné, l'interpellé réplique : – Un esprit ?

Je commente : – Celui d'une femme vers la trentaine, aux yeux et aux cheveux noirs, vêtue d'un complet noir et d'une chemise blanche.

Richard Payne baisse ses yeux de mon regard, comme s'il cherche à se ressaisir. Il se racle la gorge puis dit : – La description de l'esprit est... celui de ma femme, ma Kate chérie...

Sa voix se brise. Il semble visiblement troublé. Il regarde à gauche puis à droite et dit : – Ma douce Kate est défunte depuis dix ans... Et je ne peux pas me décider à me remarier...

Kate Payne dit : – Je suis seulement attristée de ne pas avoir un enfant de lui...

Je dis : – Kate dit être seulement attristée de ne pas avoir un enfant de vous...

Richard Payne : – Et moi aussi, j'en suis triste ! De ne pas avoir un garçon ou une fille qui m'appelle « Papa »...

Il soupire puis ajoute : – Super ! Au moins, je sais que ma femme est encore à mes côtés... Mais, si vous le voulez, venez chez moi... Nous serions alors plus tranquilles pour discuter...

Jim et moi répondons d'un signe de tête affirmatif. Le professeur se lève du banc, sa femme, Jim et moi le suivons. Nous nous rendons jusqu'à une charmante maison de pierres bien entretenue, avec deux petits jardins à l'avant. Le professeur déverrouille la porte d'entrée et nous laisse entrés, pour refermer la porte derrière moi. Nous nous rendons au salon, où se trouve deux canapés, une vieille table basse en bois et une bibliothèque imposante jusqu'au plafond, dont les rayons sont remplis de livres. Dans un coin du salon, un piano traîne.

Richard Payne dit : – Mes chers invités, vous pouvez vous asseoir sur le canapé en face de moi...

Jim et moi nous assoyons sur le canapé en question.

Notre amphitryon ajoute : – Voulez-vous un verre d'eau ?

Nous répondons à l'unisson : – Oui !

Il se lève pour revenir avec trois verres d'eau, qu'il dépose maladroitement sur la table basse. Il commente : « Désolé mes amis, mais je suis un universitaire, et non un serveur! »

Jim et moi nous ne pouvons nous empêcher de sourire à sa blague. Mon époux réplique : « Chacun son métier ! »

Le professeur sourit à sa blague et s'assoit sur un canapé en face de nous. Il boit une gorgée d'eau avant de reprendre la parole. Je remarque que Kate Payne est debout, à sa droite. Son regard se promène de lui à moi, comme si elle attendait que quelqu'un débute la conversation.

Richard Payne dit d'un ton neutre : – Et bien, vous voulez savoir comment Kate est morte ?

Kate commente : – Dans un stupide accident, d'une chute dans les escaliers, en raison de la glace sur une marche du centre de fertilité de Grandview... Et je suis morte d'une erreur médicale...

Richard Payne : – Kate est tombée devant le centre de fertilité de Grandview, en raison de la glace qui couvrait l'une des marche... Heureusement, j'ai vite réagi...

Il soupire et poursuit : – Sauf qu'elle décéda à l'Hôpital Mercy, en raison d'une erreur médicale... Comme la vie peut être cruelle !

Kate approuve les propos d'un mouvement positif de sa tête.

Je commente : – Votre épouse a dit quelques secondes avant vous sa triste fin... De sorte que j'ai entendu le récit deux fois...

Richard Payne marmonne : – Désolé...

Je réplique : – Vous n'avez à être désolé, alors que votre femme a parlé... Et que je suis la seule à l'entendre...

– J'en suis d'autant triste que c'était notre dernière chance d'être parents... Nous nous connaissons depuis les études, puis nous nous sommes mariés jeunes... Seulement, nous voulons une carrière universitaire... Ce qui fait en sorte que nous ne nous sommes point pressés pour avoir des enfants. Et voilà que c'était la dernière chance pour Kate de rester enceinte... Sauf qu'elle meure...

Kate commente : – Tant pis pour moi ! Je sais très bien que je ne peux pas avoir d'enfant alors que je suis un esprit... La seule chose qui m'importe, c'est qu'il n'ait pas fait de bâtard à des étudiantes ou à l'une de ses ex-copines... J'en serais jalouse !

Et l'esprit errant disparaît de ma vue. Je bois un peu d'eau puis commente : – Votre épouse sais très bien qu'elle ne peut pas avoir d'enfant alors qu'elle est un esprit. La seule chose qui l'importe, c'est que vous n'ayez pas fait de bâtard à des étudiantes ou à l'une de vos ex-copines. Elle en serait jalouse.

Richard Payne : – Je comprends très bien sa réaction... Moi-même, je serais jaloux de savoir qu'un autre homme a connu ma femme... Mais pour être honnête, et pour te rassurer, Kate...

Je commente : – Elle a disparu de ma vue depuis quelques secondes...

Richard Payne continue : – Ce n'est pas grave... Je me confesse quand même...

Je remarque aussitôt que Kate réapparaît aux côtés de son époux. Je commente : — Votre épouse est là... À croire qu'elle veut écouter vos aveux...

Le professeur sourit puis dit : – Très bien ! Alors je continue mes confessions... Lors de mes études, avant de rencontrer Kate, j'ai connu une femme, qui est devenue professeur aussi... Une certaine Nina Haley. J'ai rompu avec Nina lorsque j'ai rencontré Kate. Et je te suis demeuré fidèle, ma chérie. Ne t'inquiète pas.

L'esprit errant commente ironiquement : – Es-tu sûr de ne pas lui avoir fait un enfant ?

Je dis : – Votre épouse dit avec une certaine pointe d'ironie si vous êtes certain de ne pas lui avoir fait un enfant à votre ex-copine.

Richard Payne répond d'un ton hésitant : – À ma connaissance, non... Car Nina ne m'a pas dit être enceinte... Et j'ignore si elle une mère monoparentale... Par contre, dès que j'ai des nouvelles, Kate le saura aussi... À moins qu'elle le sait déjà... Dans tous les cas, merci beaucoup. Monsieur Jim Clancy et Madame Melinda Gordon d'être venus.

Jim et moi répliquons à l'unisson : – Merci à vous, Monsieur Richard Payne ! Et passez une bonne journée !

– Pareillement pour vous !

Nous nous levons des canapés sur lesquels nous étions assis. Je remarque que l'épouse du professeur disparaît de ma vue. Notre ami universitaire, le sourire aux lèvres, raccompagne mon époux et moi à la porte. Nous marchons jusqu'à notre maison. Jim m'ouvre la porte. Le reste de notre journée est tranquille.



6 mars, 13h.

Occupée à réviser mes notes de cours de conduite au salon, je remarque l'Esprit Observateur Français qui apparaît sur le canapé face à moi. Il tient dans sa main droite un stylo bleu, dans sa main gauche une feuille de papier. Il griffonne un message sur la feuille puis le dépose sur la table du salon.

Voici le message :

« Le second est non faire sa propre voulenté en quelque chose que ce soit affin que on ne soit deceu.

Le tiers est soy soubzmettre a obediance en toutes choses licitez et honnestez.

Le quart est avoir vraye pacience en soustenant les fors choses et dures soubz aultrui et en obediance.

Le quint est reueler toutes ses pensees a son pere en Dieu par vraye et entiere confession.

Le 6e est estre content de toute humilite et virilité, et soy reputer indigne de faire quelconque bonne œuure.

Le 7e est soy reputer le plus vil et le plus petit de tous les autres, tant de bouche comme de cuer, sans faintise.

Le 8e est riens faire de singularité, fors ce que la vie commune, bonne approuvee et saintte conseille et demonstre en congregacion, a l'exemple des sains peres qui ainsy l'ont fait.

Le 9e est soy taire discretement en tenant sa silence tant que on soit interrogiez, excepté en necessité.

Le I0e est non estre prompt et abandonné et ryre legierement tant en parlant comme en autres choses faisant.

Le IIe est non parler legierement et parler sans rire, humblement et moriginement, et a pou de parollez et raisonnablement.

Le I2e degre d'umilité est monstrer humilité non seulement en cuer mais aussy en habit, en aller, en venir, en regars, en parlers, aus champs, en la ville, en l'eglise, en l'ostel, entre les gens, et grans et petis, et briefuement en tous lieux et en toutes places. »1




8 mars 2001, The Antique Shop of Grandview, 13h30.


Je suis occupée à ranger des objets sur les étagères. Tout à coup, un esprit se manifeste devant moi. Je sursaute. Un homme vers la soixantaine, vêtu d'un complet bleu clair et d'une chemise blanche, dont une tache de sang séché se voit à la hauteur de sa poitrine. Je lui demande : – Monsieur, quel est votre nom ?

– Alston de Jong.

– Pourquoi restez-vous encore parmi les vivants ?

– Pour me venger de mon meurtrier qui m'a tué hier. Mon meurtrier est l'homme en gris !

Je pense : « Là, sérieusement, je soumets à nos amis policiers une enquête sur ce mystérieux homicide... Ce n'est quand même pas normal que Grandview soit ainsi menacé! »

J'appelle mon associée pour me remplacer le temps que je porte une plainte à la station de police.

Chemin faisant, je récite mentalement l'oikos 5 de l'Hymne acathiste au doux seigneur Jésus Christ :

When the Hebrew children saw in human form Him Who with His hand formed man, they understood Him to be the Master, and with branches they made haste to please Him, crying, Hosanna. But we offer Thee a song, saying :

Jesus, True God.

Jesus, Son of David.

Jesus, pre-eminent King.

Jesus, spotless Lamb.

Jesus, Shepherd most wonderful.

Jesus, my Guardian in infancy.

Jesus, my Guide in youth.

Jesus, my Praise in old age.

Jesus, my Hope in life.

Jesus, my Life after death.

Jesus, my Comfort at Thy judgement.

Jesus, my Desire, put me not to shame in that day.

Jesus, Son of God, have mercy on me.


Devant la station de police, je me signe discrètement. Je remarque du coin de l'œil Homer, qui grogne furieusement. Je l'ignore, en pensant qu'il réagit ainsi envers les nombres esprits qui déambulent devant la station de police de Grandview. En effet, j'en remarque plusieurs. Ils s'écartent pour me laisser passer. Je demande à l'opérateur si Carl Neely ou Paul Eastman sont disponibles. Il me dit que seul Carl Neely est à son bureau. Je le remercie et je me rends au bureau.

Un peu avant d'arriver devant le bureau du policier, ma sœur apparaît devant moi, me faisant sursauter. Elle dit d'un ton sévère : « Retourne immédiatement sur tes pas ! »

Je lui réplique mentalement : « Pourquoi ? Je comprends que tu es confuse, mais quand même... »

Ma sœur réplique d'un ton sec : « Tu ne comprends pas !? Dégage ! Entrer dans son bureau, c'est se jeter dans la gueule du lion ! »

Ignorant ses propos, je soupire discrètement. Après quelques secondes, je frappe à la porte puis je m'identifie. Je remarque que Mary disparaît de ma vue. « Probablemet pour réapparaître dans le bureau du pauvre policier » pensé-je, exaspérée de sa confusion.

Carl Neely répond d'une voix sévère : « Entrez, Madame Gordon ! »

Le policier m'accueille avec un sourire. Encore une fois, à contre-jour, de sorte que je ne vois pas très bien son visage, dont la moitié demeure dans l'ombre. Bien sûr, les trente esprits l'encerclent. Au moins, ils se tiennent silencieux et observent d'un air méfiant notre rencontre.

Après avoir signalé la présence des esprits errants au jeune policier, je lui explique l'enquête que je veux lui soumettre. Il griffonne quelque chose sur une feuille de papier et me remercie de ma visite. Je lui demande comment avance son enquête sur mon grand-père maternel. Il me répond avoir débuté l'enquête, seulement, il attend la traduction officielle des documents. Je le remercie de son dévouement et je sors de son bureau. D'un pas léger, je reviens chez moi. Jim ne reviendra que tard le soir, car il doit travailler un quart de nuit.



Deux jours plus tard, je me rends au marché de Grandview, où je rencontre le professeur Richard Payne. Ce dernier fait ses commissions. Sa mine semble sérieuse. Je remarque à sa droite son épouse, visiblement fâchée. Je les salue. Tous les deux tournent leur regard vers moi. Je demande au professeur s'il va bien. Il répond : – Plus ou moins... Disons que j'ai eu, il y a quelques jours, le droit à de drôles de surprises... Si vous le voulez, je vous les dirai en privé... Je ne voudrai pas que des oreilles indiscrètes m'entendent...

Je dis : – Je vous comprends... Permettez-moi seulement de terminer mes commissions... Puis-je venir chez vous cet après-midi ?

Un sourire aux lèvres, il répond : – Bien sûr que oui, Madame Gordon ! Vous êtes toujours pour moi une invitée d'honneur... Mon adresse est le 490, rue Frenfort.

Je le remercie d'un mouvement de ma tête puis je me dirige vers une caisse. Une fois les commissions faites, je m'affaire dans la cuisine. Jim m'aide. Évidemment, je l'informe de ma visite en après-midi au professeur. Je pense et le dis à mon époux : « En espérant parvenir à convaincre Kate de partir dans la Lumière et pour, chemin faisant, demander au professeur de me traduire le dernier message de l'Esprit Observateur Français. Franchement, ces messages me laissent vraiment perplexe... Qui est ce mystérieux Tchèque vêtu de gris qui tue froidement les simples habitants de notre petite ville ? »

Pour me rassurer, Jim m'enlace et m'embrasse sur le front, les joues puis les lèvres.


Après la vaisselle, je me rends jusqu'à la maison du professeur d'Anthropologie des sciences occultes. Mon amphitryon me fait un bon accueil malgré son air sérieux. Nous sommes au salon, assis face à face. Richard Payne dit : – Madame Gordon, figurez-vous que j'ai rencontré, il y a cinq jours, ma ex-copine, Nina Haley. Elle est toujours aussi mignonne mais ma Kate est plus adorable qu'elle... Et elle traîne par la main un garçon de dix ans. Elle me le présente : Elliot. Nina m'assure que je suis le père de son fils. Comme je doute, j'ai envoyé les échantillons pour un test de paternité... Et le test révèle que je suis bel et bien le père d'Elliot. De sorte que je m'obligerai de financer ses études... D'ailleurs, lorsque j'ai rencontré Nina, je l'ai invité au restaurant. Seule notre maladresse mutuelle a gâché notre rencontre... Évidemment, je soupçonne que c'est Kate qui est jalouse...

L'esprit errant, le sourire aux lèvres, hoche de la tête.

Je commente : – Votre épouse confirme que c'était elle.

Richard Payne continue : – Je m'en doutais bien... Sans la voir.... Et ça explique ma mauvaise humeur... J'espère seulement que ma Kate partira bientôt dans la Lumière... Peut-elle comprendre que j'ai eu Elliot avec Nina avant de la connaître et qu'elle n'a pas lieu d'être jalouse ?

Kate répond : – Je comprends... Je ne partirai dans la Lumière que si tu me pardonnes ma faute...

Je dis : – Votre épouse comprend... Par contre, elle ne partira dans la Lumière que si vous lui pardonnez sa faute...

Richard Payne, intrigué : – Laquelle ?

Kate répond : – Lis la page vingt de mon journal intime !

Je répète : – Elle vous dit de lire la page vingt de son journal intime.

Le professeur se lève de sa chaise et regarde les livres sur les rayons de la bibliothèque. Kate se concentre pour faire tomber son journal intime aux pieds de son époux. Ce dernier ramasse le livre et lit la page en question. Son expression faciale passe de l'étonnement à la colère et à la tristesse. Il referme le journal intime de sa femme. Je remarque que Kate est suspendue à ses lèvres, comme si elle s'attendait à une réponse affirmative. Le professeur se ressaisit et dit d'un ton ferme : « Désolé, Kate chérie, mais je ne peux pas te pardonner ton adultère avec mon collègue ! »

Kate le foudroie du regard et dit, courroucée : – Dans ce cas, tu souffriras comme j'ai souffert !

J'interviens : – Madame Payne, S'il vous plaît ! Ne soyez pas si méchante... Pour vos fautes, seul Dieu peut vous pardonner, pas votre mari. Laissez-le tranquille ! Pouvez-vous comprendre que votre temps sur Terre est fini ?

Kate : – Je comprends... Mais il...

Je dis : – Madame ! N'essayez pas d'argumenter avec moi ! Partez dans la Lumière... Car plus vous restez sur terre, plus lourd est le châtiment dans l'Au-delà ?

Je remarque que Richard Payne me regarde d'un air étonné, comme si son expression faciale dit : « Je dois avoir raté quelque chose... Qu'est-ce que ma femme a bien pu dire à Melinda Gordon ? »

Je lui fais un signe ; il comprend que je lui rapportera plus tard les propos échangés.

Kate Payne fait mine de réfléchir puis dit : – C'est vrai, Madame Gordon, vous avez raison... Je me rends à votre avis : étant un esprit errant, je ne peux pas empêcher mon mari de se remarier un jour...

Après quelques minutes de silence, l'esprit errant regarde vers sa droite. Sa mine renfrognée se transforme en un sourire. Elle murmure comme à elle-même : « Je vois une lumière... Je me sens tellement aimée... Dois-je y aller ? »

Émue, sur le bord des larmes, je dis : – Oui, c'es pour vous... Partez, l'âme en paix ! Bon voyage !

Kate Payne embrasse son époux sur la joue droite puis dit : – Merci à vous, Madame Gordon ! Dites à Richard qu'il peut se remarier... Moi, je pars dans la Lumière !

Et l'esprit errant, après ces paroles, disparaît de ma vue. Il a définitivement quitté le monde des vivants. Je sèche rapidement mes larmes silencieuses en murmurant : – Je m'excuse de mon émotivité...

Richard Payne, sourire amical aux lèvres, réplique : – Vous n'avez pas à être désolée... Et qu'est-ce que Kate a dit ?

Je me ressaisis puis dis : – Votre épouse a voulu que vous souffrez comme elle a souffert, mais comme vous l'aviez entendu, je l'ai convaincu de partir dans la Lumière. C'est une chose qu'elle vous a été infidèle. C'est une autre que d'être si revanchard même par-delà la mort... Heureusement, elle s'est montrée raisonnable et est partie dans la Lumière. Et elle a dit avant de partir, elle vous dit que vous pouvez vous remarier.

– Merci, Madame Gordon !

Un peu gênée, je réplique : – Je ne fais que mon devoir, celui de relayer les messages des défunts aux vivants...

– Je comprends...

– Monsieur le professeur, si vous permettez...

– Oui, allez-y ! Je vous écoute !

– Pouvez-vous me traduire le message suivant ?

Je lui tend la feuille contenant le message de l'Esprit Observateur Français. Le professeur Richard Payne me délivre la traduction du message après quelques minutes à fouiller dans ses deux dictionnaires.


Voici la traduction du message de l'Esprit Observateur : « Le second [degré d'humilité] est de ne pas faire quelque chose de sa propre volonté de manière à en être déçu. Le troisième est de se soumettre et d'obéir à tout ce qui est licite et honnête. Le quatrième est d'avoir une vraie patience pour soutenir ne serait-ce que les choses dures subies par autrui et dans l'obéissance. Le cinquième est de révéler toutes ses pensées à Notre Père Dieu en une vraie et entière confession. Le sixième est d'être content de toute humilité et virilité, et de s'imposer à soi de faire quelconque bonne œuvre. Le septième est de tenir loin de son cœur et de sa bouche les œuvres viles, sans aucune ruse. Le huitième est de faire quelque chose de bien en tant que singularité, comme dans la vie commune des congrégations religieuses d'agir saintement et bien, comme les Saints Pères. Le neuvième est de se taire en toute circonstance, à l'exception des interrogatoires et en cas de nécessité. Le dixième est de ne pas être prompt et enclin à rire à la légère des autres et de leurs actions. Le onzième est de ne pas parler légèrement et en riant, mais humblement et conformément aux bonnes mœurs, en peu de paroles et de façon raisonnable. Le douzième degré d'humilité est de montrer de l'humilité non seulement de cœur, mais aussi de vêtement, en actes, en paroles, en toute circonstance, que ce soit en allant au marché, à l'église, en bref, en tout lieu. »

Le professeur commente : « Encore une fois, un extrait des Douze degrés d'humilité de Jean Gerson... À mon avis, l'homme concerné par cet avertissement est clairement immoral... Pour pécher continuellement sans se confesser à Dieu ! Que Dieu nous protège d'un tel monstre ! »

Je murmure timidement : – Je partage votre avis... Seulement, je ne sais pas qui est concerné par cet avertissement... Je trouve ça inquiétant de savoir Jim ou moi être la victime d'un inconnu si immoral...

– Je comprends très bien votre réaction, Madame Gordon... Seulement, rassurez-vous par la présence de votre mari et tout ira bien ! Et n'oubliez pas de vous protéger...

Étonnée, les yeux écarquillés de peur, je dis d'une voix étranglée : – Comment ?

Le sourire aux lèvres, il dit d'une voix calme : – En ayant des branches d'aubépine, de saule pleureur et de charme autour des portes de votre maison ou de votre appartement...

Je pense : « Il me semble que cette protection n'est efficace que contre les sorcières et non les meurtriers... Mais j'en prends note et j'en discuterai avec Jim. »

Je dis : – Merci de votre conseil, Monsieur Richard Payne !

– Merci à vous, Madame Gordon !

Puis je reviens chez moi. Jim, visiblement impatient, ouvre la porte avant que j'insère la clé dans la serrure. Je rentre et il referme la porte derrière moi. Je lui rapporte ma rencontre avec notre ami le professeur. Il me dit de suivre le conseil de Richard Payne, « au moins », commente Jim, « nous aurons pris toutes les précautions... »

Je murmure : – Exactement !


Nous nous occupons alors de découper des branches des arbres en question dans le parc le plus proche. Nous nous montrons discrets. Ensuite, nous installons les branches en arc sur les portes de notre maison. Le soir, je m'endors, après notre prière, enlacée dans les bras de Jim. Je souris lorsque je remarque que Homer veille devant la porte de notre chambre. Je suis vraiment rassurée.




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1 Jean Gerson, Douze degrés d'humilité, dans Œuvres complètes, volume VII, L'œuvre française (292-339), introduction, texte et notes par Mgr Glorieux, Paris, Desclée & Cie, 1966, p. 100.


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